Mascarade

Commentaire de l'auteur:
Coucou tout le monde!! j'espère que tout va bien pour vous. Voilà une petite suite ^^

Un moment je demeurai perdue dans le gigantesque hall, sombre, froid et qui -en dépit de son raffinement, restait à mes yeux exécrable. J'avais l'impression qu'une foudroyante tornade était venue bousculer mon mode, qu'elle l'avait laissé en ruine, en chao. Si bien que je n'avais absolument aucune chance de retrouver mes repaires dans ce nouvel univers de fous dans lequel je m'étais retrouvée projetée malgré moi.

Il n'y avait plus de mains pour me retenir, plus de contact avec mes persécuteurs. Cependant, ils ne s'éloignaient pas et d'autres les avaient rejoints. Leurs visages d'une blancheur nacrée, déroutants de perfection, formaient un tourbillon indistinct autour de moi. Certains souriaient, de ces sourires à vous pétrifier d'effroi. D'autres se contentaient d'un rictus, d'un froncement de sourcils vaguement étonné, d'un regard furtif presque dénué de réelle curiosité. D'autres encore passaient sans me prêter d'attention ; comme si le spectacle n'offrait aucun intérêt, qu'il n'avait rien d'inédit.

Lorsque je discernai les deux silhouettes qui se détachèrent du groupe afin de s'approcher je les reconnus sans peine. Mes jambes furent soudain molles, creuses. Tétanisées par la terreur, elles menacèrent de m'abandonner, en théorie seulement, car mon corps ne se laissera jamais ébranler par des sentiments. Il sera toujours aussi fort, indestructible et même si je les en sentais incapables, je savais que mes jambes me porteraient. Et elles me portèrent en effet, car je réussis malgré tout à reculer, déclenchant encore les rires autour de moi.

Une main souple sur mon bras me reteint gentiment d'aller plus loin ; une main dont le détenteur me toisait comme on le ferait avec une bête curieuse, dont le comportement inattendu et insolite divertissait beaucoup. J'aurais voulu rencontrer dans ses yeux la même hostilité moqueuse que je trouvais chez les autres, j'aurais préféré tout y voir mis à part ce que j'y découvris ; de l'envie?

Que je puisse lui inspirer ce genre d'intérêt me mettait hors de moi, m'écœurait, me révoltait. Tout sauf ça! Je sentis une violente colère me posséder, latente, elle semblait attendre le moment opportun pour émerger enfin. Mais, dans l'instant immédiat, la peur accaparait chacune de mes pensées, m'accablait et la petite voix chantante qui retentit -si proche de moi- ne m'aida pas à retrouver un semblant de calme.

- Je vois que les présentations sont inutiles! nota Jane, visiblement ravie de l'effet que sa seule présence m'inspirait.

Son souriant jumeau à coté d'elle conversait tout bas dans un harmonieux Italien avec un Félix très expansif.

- Elle est très au courant en effet! l'approuva un Démétri distrait.

Il m'observait attentivement, comme à l'affût d'une réaction. Laquelle attendait-il? Que je laisse ma rage s'exprimer? Que je tente quelque chose d'aussi stupide que suicidaire qui marquera ma dernière action sur cette terre? J'aurais pu, car personne ne s'embarrassait plus à éviter mon regard. Ils semblaient tous certains -et certainement à juste titre- que la hardiesse n'était pas ma plus grande qualité.

- C'est aussi bien, se réjouit-elle, un pli moqueur au coin de la lèvre, les yeux pétillants d'une malice qui n'avait rien d'innocent. De cette manière on s'évitera bien de fâcheux incidents.

Tout en me demandant comment son innocente voix enfantine pouvait insuffler à ses mots autant de cruauté, je pris conscience du regard inquisiteur qu'elle posa sur Démétri et plus précisément sur la main qu'il gardait toujours autour de mon bras. Je m'en libérai aussitôt, tentant un air farouche. Seulement, mes tressaillements me trahissaient à vue d'œil.

- Ah! lâcha l'adolescente, clairement éberluée par mon audace et pour une raison qui m'échappait, soudainement enthousiasmée. Je vois que ton enseignement n'est pas encore optimal...je vais arranger ça! me promit-elle avec un sourire malsain.

Et avant même que je ne comprenne ce que ce sourire présageait, avant que je ne saisisse en quoi tenait sa promesse, avant même qu'elle ne s'exécute, il s'interposa.

- Ce n'est vraiment pas nécessaire! s'empressa-il de dire. Cette fois-ci, son amusement fut feint. Elle va se tenir tranquille.

En lui assurant ça, il me consultait du regard, comme s'il attendait une confirmation ? La constatation m'effara! Je fus prise d'une soudaine envie de rire, aussi subite qu'inappropriée. Est-ce possible que tout ceci soit réel? Que je sois là à Volterra, entourée de ces vampires que je connais sans connaître et que j'espérais ne jamais rencontrer? Est-ce possible que ma vie prenne fin ici et maintenant parce que ces gens-là en avaient décidé ainsi? Est-ce possibles franchement?!Si je n'en ressentais pas un si grand, incommensurable désespoir, j'aurais sûrement trouvé la force d'en rire. Mais quelque chose au plus profond de ses yeux me certifia que tout ceci avait beau me sembler totalement aberrant, il n'en restait pas moins sérieux, atrocement sérieux. Ce fut donc en étant la première surprise de mon geste que je me sentis hocher la tête, approuvant ses dires avec une docilité écœurante, rejoignant ainsi la mascarade.

C'était un test de mon endurance et je venais de lamentablement échouer. Et le fait que ma capitulation leur donne un air satisfait aussi bien à l'un qu'à l'autre, contribua fortement à alimenter le volcan qui bouillonnait en moi et qui ne tardera pas à cracher sa lave incandescente. Au prochain test je ne faiblirai pas, je lutterai afin de garder ne serait-ce qu'une petite estime de moi-même. Je me débattrai, leur signifierai mon refus - celui de prendre partie à ce vulgaire canular - et en subirai certainement les conséquences.

Mais cet engagement ne se réduisait qu'à une insignifiante révolte, à une rébellion qui sera réduite au silence quand je goûterai au traitement qu'on réserve à ceux qui persiste à résister, à dire non, et comme de centaines d'autres perdus l'ont fait avant moi, je finirai par déposer les armes et hocher la tête encore en signe de reddition.

Jane passa devant nous et comme si les portes lui obéissaient, elles s'ouvrirent devant elle. De l'autre coté, les deux gardes qui lui avaient ouvert s'effacèrent avant que je ne puisse distinguer leurs visages et rejoignirent les recoins sombres de la salle, définitivement anonymes.

- Tu vas nous en faire une belle au bois dormant ! me sourit Félix tout en s'adressant à Alec qui s'était rapproché, comme pour m'escorter.

Ce dernier me fixait, certainement en train de s'exécuter et bientôt il m'engourdira les sens et je m'en sentirai lâchement libérée. Cependant, lui aussi, tout comme sa sœur, fut interrompu dans son élan.

- Ça va aller ! le rassura Démétri, je l'ai à l'œil.

Alec haussa les sourcils, intrigué ; comme si le traqueur venait de se rendre coupable d'un quelconque manquement au protocole. Félix rit dans un souffle, toujours aussi provoquant.

- Vuole avere i favori della signora ! (1) dit-il en me désignant théâtralement, d'un geste qui se voulait certainement flatteur.

Un sourire vint sublimer le visage juvénile d'Alec, au même instant qu'un éclair de compréhension étincela dans ses yeux rouge sang. Le sublime visage de Jane m'apparut lui aussi lorsqu'elle se retourna, une curieuse expression peinte sur ses formidables traits ; semblant quant à elle et contrairement à son jumeau, irritée par le dialogue dont je n'avais rien saisi.

- Occupatevi dei vostri affari ! (2), grogna Démétri d'un ton sec pour leur répondre.

Sa main qui se posa au creux de mon dos, guida mes pas.

Nous franchîmes donc le seuil des portes doubles, l'unique rempart entre l'orchestrateur de cette comédie et moi. Comme de fidèles chiens de garde, ses disciples m'entourèrent aussitôt, à croire que c'était moi le danger. Et le comité d'accueil était là au complet. J'avais le droit aux trois frères. La voix familière d'Edward qui raisonna au plus profond de moi, vint me rappeler la raison de tout cela ; la dangereuse soif de puissance d'un fou furieux. «Ils y sont reçus, bien sur, m'avait-il appris il y'a un temps. Très bien reçus même. Parfois, par Aro en personne... » Quel privilège ! Ironisai-je, Devais-je en être honorée ?!

Quand la main de Démétri quitta mon dos, lorsque je me retrouvai isolée au milieu de la pièce circulaire, offerte à la curiosité de tous, je fus stupéfaite de constater à quel point on pouvait se sentir seule au monde. Et ces regards autour de moi, sur moi, me donnèrent le tournis, la nausée.

- Sois la bienvenue! m'accueillit Aro, affable, en se levant pour s'approcher d'une démarche flottante, diaboliquement gracieuse.

Ses bras étaient tendus devant lui, comme s'il aurait voulu m'étreindre. Il aurait rajouté « En Enfer » que je ne m'en serais même pas étonnée. Renata, son garde du corps, son bouclier humain, vint se poster à une égale distance entre lui et moi. Marcus demeura sur son trône, la tête nonchalamment penchée sur le coté, les yeux dans le vague ; comme absorbé par une profonde rêverie. Il ne semblait même pas conscient de ce qui l'entourait, même pas alerte de ma présence, ou de celle des siens autour de moi. J'aurais pu avoir pitié pour lui, car très bientôt je serais un pantin aussi dompté et obéissant qu'il l'était, mais je ne pouvais éprouver quoi que ce soit de ce genre pour lui. Caius quant à lui, se redressa dans son siège, bien éveillé. Il me toisa d'un œil mauvais, comme prêt à cracher son venin.

Il ne subsistait plus la moindre once de calme en moi ; je savais que je ne pouvais plus succomber à un malaise, mais ça y ressemblait fort. Aro avança encore, somptueux, et son sourire aimable me terrifiait davantage que celui malveillant de son frère. Il ne se déplaçait pas seul et malgré mon trouble je pouvais facilement sentir la tension désormais palpable chez ses suivants. L'étrange, amère envie de rire m'anima de nouveau. S'ils me connaissaient, ils sauraient que leur inquiétude est tout à fait inutile. Je me sentais bien incapable de leur causer le moindre souci. Dans l'état où je me trouvais, il était très possible que je ne me souvienne même plus de la méthode à suivre pour y parvenir.

Quand il se fut suffisamment rapproché, il tendit vers moi une main et je savais qu'elle faisait partie de celle que l'on ne peut refuser. Seulement quelque chose se rebella en moi. Je n'allais tout de même pas me contenter de sourire et de tendre la main en retour. Tout ceci était totalement absurde! Je n'allais tout de même pas tout lui livrer de moi, des miens, juste parce qu'il en éprouvait l'envie, non!

- Vous vous croyez tout puissant? m'entendis-je dire dans un murmure à peine audible, ébahie par mon propre culot. Vous pensez me faire peur?...Vous avez raison!... Je suis terrorisée.

Je devais faire des efforts draconiens pour que mes halètements, les tressaillements dans ma voix, laissent places à des mots. Je venais de réussir à tirer Marcus de son rêve éveillé et j'avais désormais toute son attention, ainsi que celle de tous les autres ; leur silence outré qui ne cessait d'enfler dans la pièce, m'étouffait. J'aurais voulu me sentir courageuse, mais tout ce que je parvins à faire fut de me sentir parfaitement ridicule. Je fermai les yeux afin de ne plus voir leurs visages ahuris, tentant de m'apaiser.

- Félicitation, vous pouvez être fier de vous!... Vous vous apprêtez à détruire une vie, encore une. Je me demande seulement comment vous pouvez vous supporter, alors qu'un océan tout entier ne pourrait suffire à laver le sang qui macule vos mains!

Je rouvris les yeux, croisant les siens. Il semblait tout à fait calme, paraissait même diverti. Il leva une main dans son dos, comme pour retenir ses adeptes de réagir à mon discours. Sachant ce que je m'apprêtais à faire, j'essayai de me remémorer ma famille, de revoir leurs visages bienveillants. Peut-être serait-ce la dernière fois que je me rappellerai de mon ange, de ce qu'il est pour moi. De Benjamin, de ses lèvres, de ses mains. De tous les autres à qui je n'aurais jamais le loisir de dire tout l'amour que j'ai pour eux ; d'un amour dont je ne me souviendrai peut-être même plus.

La main qu'Aro tendait vers moi s'anima sans son consentement et se rapprocha traîtreusement de son cou adamantin. Mais, avant qu'elle n'y arrive, le contact visuel fut rompu. Ma tête cogna la dalle et la douleur me foudroya. Je me crispai, agonisante, m'efforçant de combattre la souffrance, la sachant imaginaire. Mais, rien au cours de ma vie ne me parut aussi incroyablement réel. La douleur fut si intense, si violente, que je crus un instant perdre l'esprit. Je tentai désespérément de ne pas hurler, mais ma voix qui résonna dans la pièce me prouva mon échec. Un long moment je fus engloutie dans la noirceur du supplice, oubliant mes peurs, mon désespoir, ne pensant qu'à elle. Puis, tout s'arrêta aussi soudainement que cela avait débuté.

- Voyons!...Jane chérie! Aro se pencha vers moi, avec un air faussement préoccupé. Est-ce ainsi qu'on a coutume d'accueillir nos invités? lui demanda-il, feignant de la réprimander.

Elle frémissait de rage, visiblement insatisfaite du traitement qu'elle m'avait infligé, comme si elle avait été interrompue? À ses cotés, un Démétri contrarié s'efforçait d'éviter le regard de reproche qu'elle faisait peser sur lui. Il aura suffit d'une seconde pour que je me désintéresse totalement de l'intrigue, le sujet de leur dispute m'était complètement égal. La torture s'était arrêtée, dans l'immédiat c'était tout ce qui m'importait.

- L'audace est la plus grande des vertus, me complimenta Aro souriant. J'espère seulement qu'avec le temps, en apprenant à mieux nous connaître, tu te fasses ton propre jugement, un qui soit moins hâtif.

Sa voix mielleuse, faussement sincère, son ton paternel, me firent frémir de dégoût.

- Tu m'as l'air d'être particulièrement vive d'esprit, me confia-il, je n'ai donc aucun doute quant à ta parfaite intégration parmi nous, ni à propos de notre excellente entente.

J'avais beau être complètement chamboulée, en plein désarroi, je n'eus cependant aucune difficulté à comprendre le double sens de ses mots. Si j'étais suffisamment vive d'esprit comme il le disait si bien, je ne me débattrai pas, me laisserai engourdir et finirai par l'apprécier comme il se plait à l'être et Volterra sera mon paradis. Dans le cas contraire, si je m'entête et m'acharne à lutter, si je fais preuve d'audace mal placé une fois de plus, je goûterai le supplice de nouveau et Volterra sera mon enfer.

Il tendit la main encore, comme pour m'aider à me relever, mais je savais que là n'était pas son intention. À présent c'était à lui de me connaître mieux, de me connaître par cœur. Ce fut donc en étouffant mon gémissement d'impuissance, que je tendis la main en retour, acceptant la sienne, tandis que je réclamais à mes yeux quelque chose qu'ils ne pouvaient me donner ; des larmes.

Satisfait, il s'en empara doucement, sans se presser, mais je pouvais aisément voir dans ses yeux étrangement voilés toute son avidité. Il m'aida à me relever et fut un long, interminable moment, profondément accaparé par ses découvertes, qui furent ponctuées par des « Ah! » d'émerveillement, ou des « Ha! Ha! » très démonstratifs et lorsqu'il se réveilla enfin, il semblait avoir admirablement bien rassasié sa soif de moi.

- Qu'allons-nous faire de toi? me questionna-il gentiment, une fois sa curiosité satisfaite.

Comme en réponse, quelqu'un dans son auditoire bougea. Avec un coup d'œil, je vis que c'était Démétri qui avait fait un pas en dehors du groupe. Sans me quitter des yeux, Aro l'appela et il ne se fit pas prié plus longtemps pour venir nous rejoindre. Il prit sa main, pour lui faire savoir en quoi sa proposition tenait. Je n'en revenais pas que mon avenir se joue dans cette poignée de main. Il baissa légèrement la tête devant son maître dans un geste d'estime qui semblait routinier. Le seigneur en question, s'esclaffa de son rire théâtral, en réponse à l'une des pensées de Démétri. Celui-ci m'accorda un furtif regard, du coin de l'œil, avant de vivement se détourner.

- Qu'elle excellente idée! l'approuva Aro, excellente! Puis en fixant son disciple d'un regard espiègle, il rajouta: Sois sur tes gardes, ce qu'elle allait me faire là! -Il fixa sa main et partit d'un rire tonitruant. Quelle étrange sensation!...Vraiment épatant !...Extraordinaire!

Ça l'aurait été, en effet -extraordinaire, si Jane n'y avait pas mis fin et qu'elle m'avait laissé aller au bout de mon idée : le décapiter proprement et simplement.

- Un peu de difficultés n'a jamais fait de mal à personne, se contenta de lui rétorquer le traqueur.

Un murmure de rire traversa brièvement l'assistance. Jane quant à elle, ne souriait pas du tout et ses yeux ardents de colère, fixés sur moi, me faisaient de sombres promesses

- Formidable! dit encore Aro. Toutes ces émotions me donnent soif...Heidi sera t'elle bientôt là?

- Très bientôt! Lui répondit-on.

- Parfait! Ses pupilles d'un noir intense luisaient de soif. Notre invité nous fera-elle l'honneur de se joindre à nous?

Face à ses provocations je me bornai au silence, tétanisée à l'idée de gouter au traitement de Jane une nouvelle fois.

- Sais-tu qu'elle n'a jamais, même pas une seule fois, failli à la diète que s'imposent ces admirables Cullen? s'enquit-il auprès de Démétri, dans une question de pure rhétorique.

Les rires furent plus nombreux cette fois, moins contraints. Le traqueur encaissa l'information avec un léger sourire, qui fit apparaître ses fossettes encore.

- Cela ne saurait tarder! s'extasia Caius, l'expression démente.

- Laissons-lui son libre arbitre mon frère! rit Aro pour lui répondre. Je salue son endurance, c'est réellement remarquable!...Peut-être saura-t-elle en faire preuve encore? Puis, en s'adressant à moi en particulier il rajouta : dans le cas contraire, sache que tu es la bienvenue à ma table.

- Non, merci! ne puis-je m'empêcher de cracher tout haut.

- Une autre fois peut-être...?

Et juste comme ça, il me délaissa, comme si mon cas était désormais réglé, mais ce n'étais pas ce qui me préoccupais le plus, tout ce à quoi j'aspirais à cet instant précis fut d'échapper de cet endroit qui embaumait le sang et dans lequel un autre (plus frais) sera bientôt versé. Je savais mes limites. J'étais consciente que si le massacre se déroulait alors que je suis encore présente dans cette salle, je ne pourrais faire autrement que d'y participer. Il fallait donc à tout pris que je quitte les lieux et au plus vite.

Comme il ne cessait de m'examiner, Démétri remarqua mes coups d'œil désespérés vers la sortie. Avec un geste ample de la main, il m'invita - ou me permit serait-il plus juste de dire?- de m'y diriger. Je me retrouvai donc de nouveau dans le hall, suivie de très près par le traqueur. Et comme il ne m'imposait aucun itinéraire ; j'errai, perdue dans les confins du château, faisant de mon mieux pour mettre le plus de distance possible entre le futur lieu de carnage et moi. Quand j'eus l'assurance de m'être suffisamment éloignée, je me laissai tomber à terre, m'asseyant à même le sol.

Toujours aussi intrigué par l'objet de curiosité que je constituais, Démétri m'imita en se posant à son tour par terre. Il s'excusa pour Jane, tenta d'engager la conversation mais se heurta à un mur de silence. Méprisant ses médiocres tentatives visant à m'amadouer, j'avais plongé mon visage dans mes mains, faisant de mon mieux pour m'isoler, pour l'ignorer, sans y parvenir pour autant ; sa contiguïté me rendait malade. Il en fut vite conscient et m'assurant que je pouvais avoir recours à ses services si j'avais un quelconque besoin, il s'en alla tout simplement.

Je ne fus pas assez sotte pour oser croire que cette absence laissait entrevoir une quelconque échappatoire, pas suffisamment naïve pour penser trouver un moyen de quitter une bâtisse aussi fortement gardée ; j'avais bien plus de chance de me faire pousser des ailes et de les semer en volant. Je demeurai donc ainsi prostrée, adossée à la pierre, laissant le désespoir me pénétrer. La douleur de cette intrusion atteignit bientôt en moi des recoins jusqu'à lors inexplorés, des replis encore méconnus.

Je fus surprise de constater que même ici, dans mon cauchemar éveillé, le temps réussisse à poursuivre son inexorable écoulement. Les heures passèrent donc et un nouveau jour s'était certainement levé sur Volterra. Comment en être sûre? Il faisait nuit éternelle au fin fond de ce pittoresque château. Aucune lueur de soleil ne pénétrait ses murs, aucune lueur d'espoir.

Ce jour invisible me semblait déjà bien entamé lorsque j'entendis les pas se rapprocher ; leur écho se faisant de plus en plus prononcé. Je me crispai d'appréhension, m'imaginant immédiatement le visage hostile de Jane apparaître à l'angle du long corridor, me remémorant la noirceur du supplice, mais je me ressaisis aussitôt en reconnaissant l'arrivant. Ma réaction me laissa pantoise par sa contradiction ; il est un Volturi lui aussi, aussi cruel et sanguinaire que ses semblables, peut-être bien pire, car c'est lui qui leur permet de déchirer tant de familles, c'est lui qui m'a amené à ma perte. Qu'ai-je donc à me détendre, à préférer sa présence a celle d'un des siens ?

Lui ne t'as pas fait voir ce qu'il y a de plus mauvais en lui... pas encore ! me répondis-je moi-même.

Il s'approcha, fléchit les genoux pour se retrouver à ma hauteur. Très près. Trop près. Il m'observa jusqu'à ce que l'intensité de son regard -devenue gênante- m'astreigne à lever la tête vers lui. Quand il fut certain d'avoir toute mon attention, il dit enfin :

- Il y'a de la visite pour toi.

Je fus durant un long instant proprement paralysée par l'information. Attentif, nullement pressé, il ne s'en plaignit pas. Quand je repris mon souffle, je fus incapable de demander plus de précision sur le visiteur. Pratiquement certaine de son identité, je me contentai de suivre le traqueur, qui s'attira mes foudres en voulant m'aider à me relever.

- Je peux me débrouiller toute seule, merci ! aboyai-je, et cela ne servit qu'à le divertir encore.

Il m'escorta de nouveau devant les portes doubles et juste avant que celles-ci ne s'ouvrent devant moi, avant que je m'y engouffre à la recherche d'un supplice autrement plus douloureux que la torture de Jane, Alec eut le temps de glisser à mon intention quelques mots comme une mise en garde.

- Il repart seul, ou aucun des deux ne repart jamais.

Pourquoi me parlait-il d'un potentiel départ? N'est-ce pas ce qu'ils veulent, que Benjamin vienne ici? Je n'eus pas le loisir d'approfondir mes interrogations, car mon visiteur se dévoila enfin à mes yeux et j'eus le droit à toutes les réponses.

***

(1) Il veut avoir les faveurs de la dame !

(2) Occupez-vous de vos affaires !

Commentaire de l'auteur:
Merci d'avoir lu ^^

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top