VIII - Sacré (2)

Dédié à krystal_56

- Perle, chuchote papa. Tu m'as suivi ? Tu ne dormais pas ?

- Je n'arrive pas à dormir papa, la guerre...

Je viens me blottir dans ses bras. C'est vrai que maintenant qu'il en parle, j'ai les yeux qui picottent de fatigue.

- Je t'ai vu passer, papa. Je ne savais pas qui c'était. Je suis curieuse, tu sais !

- Tu veux savoir où nous sommes, n'est-ce pas ?

Pour toute réponse, je lève mon regard vers lui. Il sourit :

- La clé derrière...

Je le vois maintenant, cet objet. C'est une clé. LA clé des portes de la ville, non ?

- Oui, c'est cette clé dont tu me parlais au repas, ma puce.

- Pourquoi es-tu descendu ?

- Nous avons répondu à la déclaration de guerre de la mer. Tu te souviens ? Je suis venu reprendre la clé. Tout-à-l'heure, j'irai fermer les portes  du château mais je la remettrai aussitôt ici dès que j'aurai terminé.

- Qu'est-ce que c'est ?

Papa prend un air songeur et ne me répond pas tout de suite. Il ouvre tout doucement la grille et la cloche, récupère délicatement la clé entre ses mains épaisses et me la montre. C'est une très grosse clé en fer solide et dorée à la feuille d'or. Elle a l'air précieuse. J'ouvre de grands yeux. Papa me la reprend des mains avant de me conduire dans la première salle. Il se place au centre et s'agenouille.

- Ma puce, tu te demandes ce que c'est qu'aimer mais il existe un amour universel et au-dessus de tout. Je vais t'apprendre un mot qui dépasse même ce verbe aimer tant il a une forte valeur : il s'agit d'adorer. Tu peux adorer le divin, celui qui voit tout, qui crée tout, qui est tout. Tu peux adorer l'irrationnel, c'est-à-dire ce qui dépasse la Raison.

Une nouvelle fois, papa emploie des mots très compliqués. Mais je crois que je comprends. Cette jolie tour est donc le refuge du Divin ?

- Tu peux rester ici si tu veux, ma puce. Je reviendrai bientôt pour reposer la clé de toute façon et j'en profiterai pour fermer.

Je suis toujours agenouillée dans une position de respect. J'aime ce qui n'a pas de vie, comme mon château. J'aime un peuple anonyme. J'aime un ami. J'aime ma famille. Et j'aime l'irrationnel, le divin.

Il semble que cette force au-dessus de nos têtes ait plusieurs noms. C'est qu'elle est floue. On la connaît moins bien. Moi, elle m'impressionne. Je découvre une nouvelle personne, c'est très étrange.

Je crois que même auparavant, je la devinais et l'appréciais. Je ne pouvais pas concevoir - vous avez vu le vocabulaire compliqué que j'emploie ?! - un monde matériel sans unité. D'où venait ce château ? Qui l'avait créé ? Et la mer et le soleil ? Comme nous construisons nos maisons, il faut quelqu'un de formidablement puissant et gentil pour créer le reste de monde et en faire son unité. C'est logique, non ?

Mais maintenant je m'interroge : ce Divin, a-t-il des amis ? Est-il solitaire dans sa puissance ou a-t-il un ami ? Je veux dire... Je me doute bien qu'il a une foule à ses pieds qui l'adore et le respecte. Mais est-ce qu'elle l'aime vraiment comme moi je le fais avec papa, maman, May, Azel, Isak, beaucoup de monde ?

- Ô grand Divin, moi je veux bien être ton amie. Avant je ne te connaissais pas. Mais maintenant je suis d'accord pour t'adorer et te tenir compagnie quand tu te sens seul. Tu veux bien ?

Dans n'importe quel autre endroit, j'aurais eu l'impression de parler dans le vide. Mais pas ici. C'est étrange... En revanche, je ne sais absolument pas comment il va me répondre.

Moment d'embarras... Puis je continue :

- Écoute, je comprends que tu sois intimidé par cette rencontre un peu trop brutale. Je vais me présenter, d'accord ? Ensuite tu seras sûrement moins timide. Je suis gentille, tu sais ? Je m'appelle Perle et je suis l'héritière du château de sable. Je suis actuellement en mission officielle d'espionnage avec deux amis : Azel et Isak. Ils sont très gentils. D'ailleurs, comme il paraît que tu es extrêmement fort, je t'autorise à nous donner un coup de main. Notre but est de punir un méchant qui veut du mal au château. Oh nous allons y arriver : nous avons plus d'un tour dans notre sac. Mais tu vois, si tu nous aidais, cela irait peut-être un tantinet plus vite. Et maintenant, je t'écoute.

Je me tais soudainement et tends l'oreille. Un grand silence plane dans la pièce mais ce silence m'envahit et me touche jusqu'au cœur. Je sens l'émotion me gagner sans que je ne comprenne réellement pourquoi. Mon petit cœur est bouleversé, sans dessus-dessous. Qu'est-ce que c'est ? C'est une étrange sensation... Pourquoi ce silence ?

Je me mordille nerveusement la langue. Mon regard est fixé au plafond vers une petite lucarne qui laisse échapper un filet de lumière. Ce n'est pas ce maigre rayon pourtant qui illumine la pièce mais plutôt les chandelles accrochées au mur.

Cette émotion, ces tressaillements dans le cœur alors qu'un silence épais se poursuit... Et si c'était mon nouvel ami qui tentait de me parler ?

Une porte claque. Un courant d'air. La peur revient me mordre le cœur. Ce silence, ce courant d'air, ce sentiment de joie remplacé à celui de peur... Je sais que je ne suis pas très intelligente mais je crois que je comprends ce que Divin - Divin, tu permets que je t'appelle ainsi ? - veut me dire.

Je dois garder la clé des portes de la ville. C'est à moi que revient l'honneur de protéger le château contre les méchants qui voudraient la ravir de ce lieu sacré. Gardons le secret et combattons. La Berlue n'a qu'à bien se tenir !

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