Prologue
Il était une fois un amour de petit château de sable. Mon château. Quand j'y pense, j'ai les yeux qui papillote et le ventre qui chatouille. J'ai envie de lui faire un câlin pour le remercier d'être si gentil, si beau, si extraordinaire !
Oh, je vous vois venir : vous pensez qu'un château tel que le mien n'a rien d'exceptionnel, qu'il en existe aux quatre coins des rues et que vous feriez tout aussi bien de passer votre chemin... Mais n'oubliez pas toutes ces petites étincelles qui lui donnent ce bel éclat et nous plongent dans une innocente atmosphère de rêve éveillé. Elles jaillissent de partout, comme de jolies petites bulles qui se laissent tomber dans les rayons du soleil, et envahissent les rues, pour pépier, virevolter ou s'étendre doucement sur le sable chaud du château.
Maman prend ma main et me présente à elles. Mon château... Vous voyez comme il est beau mon château ? Comme il se grandit, se complexifie et s'embellit de toutes ces gentilles histoires qu'on me raconte et qui me fait aimer, aimer, encore aimer mon beau château, toutes ces étincelles uniques qui sont si gentilles avec moi, mes amis, mes parents et madame la fleuriste. J'aime ces personnes et comme ces personnes, c'est mon château, j'aime mon château. Logique.
C'est un château de sable.
Le roi coquillage, mon papa, dit qu'il a fallu beaucoup de patience et de doigté pour le construire. Chaque grain de sable a été fixé avec une infinie tendresse pour venir recréer ce petit bijou de sable au-dessus des immensités ensablées, protégé par ses gigantesques remparts. Notre ville a ressurgi, pleine d'une agitation festive et riante. Et dans l'un des coins du château, mon palais : un vrai palais de conte de fée avec des tourelles multicolores un peu partout, un grand dôme éclatant et des chambres qui donnent sur des balcons avec des vues imprenables.
De mon balcon, je peux voir passer les gens du château et je leur adresse gentiment un geste de la main. Parfois, dans la cour, c'est mon père qui passe. Il est souvent soucieux et courbe son grand dos de coquillage argenté. De cette hauteur, et malgré ses deux centimètres qui me donnent en général le vertige, il paraît tout petit. Mais qu'importe la taille ! Nous savons tous que c'est un grand et bon roi.
Il a de la chance : il est aidé par la plus belle des reines, ma maman. Et ces deux bonhommes au dos d'huître ont créé deux petites merveilles (c'est ce qu'ils nous répètent souvent) : May (insupportable petite soeur toujours dans mes pattes) et moi, Perle. Maman dit que je suis belle. Tout le monde dit que je suis belle. Alors je les crois. C'est vrai, ils disent que j'ai une peau de nacre comme celle des perles et des rondeurs parfaites. Ils n'oublient jamais de vanter mes cheveux blond clair et mes yeux scintillants. Ces compliments me touchent. Mais je n'en montre rien parce que maman m'a appris à être sage et humble. Je baisse les yeux, je souris.
J'ai conscience que j'ai beaucoup de responsabilités. C'est papa qui me le rappelle souvent. Il vient face à moi, plante son regard dans le mien et me dit :
- Ma petite princesse, un jour tu seras reine. N'oublie pas qu'il te faudra être une gentille reine.
Je n'oublie pas. J'ai très envie d'être une gentille reine et de rendre heureux le monde.
Mais j'ai trop d'amour à donner et trop de solitude. Jouer avec ma sœur ? Qu'est-ce que vous me racontez ! May ne peut pas faire des jeux de grands : elle est trop petite. Ce sont des choses que les grandes personnes ne comprennent pas. Je voudrais un ami de mon âge. Un ami, je crois que ça me plairait bien. J'aime bien aimer.
C'est tout bête comme mot, aimer. Il passe et on l'oublie. On ne fait pas attention. On ne se rend pas compte de la chance qu'on a de pouvoir aimer. En fait, je crois que les gens n'aiment pas ça, aimer. C'est peut-être trop difficile. C'est un mot qui ne se laisse pas attraper comme les autres, qui fuit lorsqu'on l'appelle, qui revient combattre nos intérêts égoïstes et qui refuse de nous laisser avachi dans le canapé. Il nous énerve et on l'adore en même temps...
Pourquoi est-ce que je vous en parle ? Je ne suis qu'une enfant et vous connaissez déjà tout, mais je voulais vous partagez cette petite étincelle de bonheur qui s'est allumé dans mon cœur quand maman m'a parlé d'amour, hier, et qu'elle m'a dit qu'aimer, c'était rendre heureux les autres. Vous vous rendez compte de ce pouvoir incroyable que nous avons tous à portée de main ? Créer des sourires, grâce à quelques attentions aimantes. Être quelqu'un de gentil.
Et si vous trouvez ces mots niais, c'est que vous êtes méchant, que vous n'avez pas pris le temps d'écouter résonner ce mot au fond de votre cœur.
Regardez autour de vous, regardez ce château en paix... Songez que si un jour, il lui arrivait malheur, votre amour pour lui n'en grandirait que plus. Alors pourquoi ne pas commencer maintenant ? Il y a quelques temps, sur les remparts, papa m'a montré la mer et ses étendues bleues à la fois fascinantes et terrifiantes. Il m'a dit qu'elle venait parfois carresser nos murs de sable et que le château tout entier retenait son souffle. "Jamais elle ne détruira le château", m'a promis mon père. "Tant que je serais là..." Bel, bel océan qui semble nous offrir ses sourires. Pourquoi se méfier de toi ? Le monde est beau, et moi je veux le rendre heureux. Aimer.
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