"Et toi, qu'est ce que tu veux faire plus tard ?'
Bon... je dois avouer que j'ai plus écrit ce texte pour moi qu'autre chose
Il est... j'sais pas, un peu bizarre, pas très joyeux.
Bah, peu importe
"Et toi, qu'est ce que tu veux faire plus tard ?
- Bibliothécaire..."
L'adulte parut agréablement surpris et enchaina avec des questions. En soi, ça n'aurait pas été désagréable de discuter avec lui si le sujet de la conversation ne portait pas sur une des choses qu'elle détestait le plus : l'avenir
Penser au futur la terrifie. Parce qu'elle sait que ça implique des changements, autrement dit, une autre des choses dont elle a horreur. Elle ne supporte pas de perdre le contrôle sur les évènements, ce qui est assez... handicapant. Elle ne sait pas exactement quelles études faire, ni où, ni comment... et refuse presque d'y penser. Elle trouve toujours l'année précédente meilleure que celle qu'elle est en train de vivre. Elle a l'impression de devoir se raccrocher au présent et de perdre une des choses auxquelles elle tient le plus, à savoir, le passé. Ses amies semblent avoir hâte d'entrer dans la vie active et ne se lassent pas de lui parler de leurs projets. Elle, n'a pas vraiment de projet. Juste des rêves. Flous, lointains, comme des espoirs d'enfant. Sa famille lui répète qu'elle vivra bientôt les plus belles années de sa vie mais ça ne la rassure pas du tout. A ses yeux, le monde tourne beaucoup trop vite, le temps passe beaucoup trop vite.
On lui avait répété que le changement faisait partie de la vie, ce qui l'irritait passablement. Elle a déménagé 5 fois, changé 4 fois d'école, a perdu et s'est fait de nouveaux amis... et, pour ce qu'elle en sait, la vie ne lui a pas gentiment demandé son avis pour la balloter dans tous les sens. Elle est au courant qu'elle n'a pas le choix d'accepter ça, merci bien. On a pas besoin de le lui dire.
Les gens ne semblent pas vraiment comprendre ce que ça implique. Une amie se coupe les cheveux ? Elle stresse. On déplace un meuble dans l'appartement ? Elle stresse. On change de gâteaux pour le petit-déjeuner ? Elle stresse. Elle rate le bus ? Etat de panique totale. Mais ça, elle arrive à peu près le surmonter. Elle aime que sa routine soit réglée comme du papier à musique. Le moindre imprévu dans le programme de sa journée la met dans tous ses états. Le pire, c'est le passage d'une année scolaire à l'autre. Ses parents s'étonnent de la voir pleurer le soir du dernier jour de cours, puis le matin de la rentrée. Ils lui assurent que tout va bien se passer, sans avoir conscience de cette boule d'angoisse qui grandit dans son ventre au fur et à mesure du temps. Elle se fiche que ça se passe bien. Elle est juste terriblement angoissée à l'idée que ça se passe mal. Ouaip, c'est une dichotomie, une contradiction, un défaut, une tare, peu importe, c'est là et de toute évidence, ça ne partira pas de sitôt.
Le truc, c'est qu'elle ne peut pas vraiment dire à ses amies "Aujourd'hui, on mange à 12h26 !". Mais des fois, elle est vraiment tentée. Elle ne peut pas attendre. C'est impossible. Ce n'est pas une question de patience, juste de temps. Quand elle a une échéance, dans le cas présent, la reprise des cours, elle ne supporte pas de voir les minutes s'écouler. Alors, oui, elle marche vite, elle mange toute seule, elle s'isole. Mais ça crée des fossés entre elle et ses proches. Elle aimerait bien faire des efforts. Mais elle en est incapable. Elle ne peut pas non plus exiger de diriger la journée des autres à la minute près, comme elle le fait avec la sienne. Lever à 6h10, prendre le petit déjeuner à 6h11, préparation à 6h30, départ de la maison à 6h55, arrivée à l'arrêt de bus à 7h03, arrivée au lycée à 7h23, début des cours à 8h, aller au CDI à midi, en repartir à 12h18, aller manger à 12h40, terminer son repas à 13h20, reprendre les cours à 13h45, les finir à 15h40, arriver à l'arrêt de bus à 15h52, arrivée à la maison à 16h46, faire ses devoirs à 17h30. Voilà un programme basique, celui qu'elle applique quand il n'y a aucun élément extérieur. Si par malheur elle doit ajouter quelque chose dans son emploi du temps, elle y pense toute la journée. Ca l'obsède.
Ses parents lui demandent pourquoi elle ne sort jamais de sa chambre, pourquoi elle ne la range que sous la croix et la bannière, pourquoi elle s'obstine à garder ses vieux cahiers de l'école primaire, pourquoi elle refuse de jeter ou donner ses vieux jouets ou ses vieux livres. Pourtant, ça lui paraît assez évident. Sa chambre, son endroit, là où elle peut garder le contrôle. Ses jouets, ses livres, tout ça lui rappelle des temps plus... heureux ? Certains ne remontent qu'à quelques mois. Dans sa tête, c'est toujours mieux que le présent. Quand elle pouvait passer des heures à imaginer des histoires avec de simples bonhommes et chevaux en plastique, ça c'était une période heureuse. Véritablement heureuse, sans stress, sans besoin de penser au futur. Et on lui demande de jeter ses Playmobils ? Impossible. Elle n'y arrive pas. Et ses vieux livres ? Heureusement qu'elle a trop de sens pratique, sinon elle se noierait littéralement sous le papier. C'est tout juste si elle a réussi à se débarrasser de quelques bandes dessinées et de livres pour enfant, non sans se plaindre et grommeler.
Ah, ça y est, l'adulte a épuisé ses sujets de conversation. Il la salue poliment et va parler à quelqu'un d'autre.
"Comme elle est mature pour son âge !" "Une culture impressionnante" "Vous devez être fier d'elle !" "Et elle de très bons résultats en cours d'après ce que j'ai compris !" "Elle est promise à un bel avenir !"
Ouais, c'est ça, un bel avenir...
Avenir...
Ce texte n'est pas inspiré de moi, c'est moi. Ce que je décrit s'appelle la métathésiphobie, à savoir la peur des changements. Je ferais peut-être une synthèse sur ça, si je suis motivée à faire des recherches
Dites moi si vous en avez déjà entendu parler ou même si vous êtes concernés !
Ah et le média est un aesthetic de... ben moi. Je m'ennuyais.
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