Enfance

J'ai écrit ce texte à partir de la chanson Les Égaux de Landrais, interprétée par Luc Arbogast. Et, effectivement, elle me rappelle terriblement mon enfance dans un minuscule (300 habitants, genre vraiment, on se connaissait littéralement tous) village perdu dans la campagne lorraine

La jeune fille est dans sa chambre, elle écoute de la musique en lisant un de ses livres préférés. Tout à coup, une mélodie familière retenti dans son casque...

Où sont les enfants qui allaient à la rivière ?
Qui allaient à la rivière et sautaient dans l'étang...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Ce n'était pas un étang mais bel et bien une petite rivière, la Gander, joliment surnommée La Rivière qui pue, pour des raisons assez évidentes. Sous le pont qui coupait le village en deux, il n'avait pas plus de 2 mètres de largeur et encore moins de profondeur. C'était l'endroit rêvé pour jouer aux agents secrets ou aux bandits. Mais pas trop longtemps, parce qu'ils avaient tous l'obligation de rentrer avant que les lampadaires ne s'allument. Une fois, ils ne s'étaient pas rendu compte que la nuit était tombée. Leurs parents n'avaient évidemment pas pensé à les chercher sous le fameux pont et ils s'étaient pris une engueulade mémorable. Ce qui ne les avaient pas empêché de retourner dans ce coin dès le jour suivant.

Où sont les enfants qui battaient la campagne ?
Qui battaient la campagne, cherchant des vers luisants...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Ils battaient effectivement la campagne, mais pour ramener les moutons ou les vaches. Quoique c'était plus souvent les moutons. Ces fichues bestioles prenaient un malin plaisir à réduire le grillage de leur enclos et là, c'était bien des heures de recherche dans les champs pour retrouver ces crétins. Mais au final, ça faisait de la viande pour plusieurs semaines. Un mal pour un bien.

Où sont les enfants qui chassaient les grenouilles ?
Qui chassaient les grenouilles, et les grillons des champs...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Ils ne cherchaient pas non plus les grillons mais les escargots, pour faire des "élevages". En réalité ceux-ci ne duraient guère de temps : il fallait bien relâcher les petites bêtes avant de rentrer à la maison. On fabriquait des enclos en brindille et des pâturages avec de l'herbe...

Où sont les enfants perchés dedans les arbres ?
Perchés dedans les arbres, les pommes chapardant...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Pour leur part, ils ne volaient pas les pommes, mais les cerises qui dépassaient du grillage d'un jardin, les mûres dans les buissons, les noisettes d'un petit noisetier au milieu du village, les groseilles et les framboises. Ah et sa meilleure amie et elle raffolaient des fraises. Plus particulièrement celles du potager de leur école. Les institutrices s'étonnaient que les fruits ne poussaient pas. En réalité, ils se développaient à foison... elle était bien placée pour le savoir.

Où sont les enfants qui allaient à l'école ?
Qui allaient à l'école, et apprenaient gentiment...
Sans réclamer d'argent, jamais, sans réclamer d'argent...

Pas de notes sur 20. Pas de stress. Pas d'examens. Mais des jeux et des activités en prime. On l'avait laissé écrire un livre sur les araignées avec sa meilleure amie, pour que leurs camarades apprennent que ça n'était pas la peine de les appeler en hurlant chaque fois qu'ils voyaient un insecte à 8 pattes. Elles avaient aussi eu le droit de rédiger l'arbre généalogique des dieux grecs. Ça leur avait pris de jours mais c'était tellement gratifiant ! Évidemment que les enfants apprenaient gentiment...

Où sont les enfants à cloche-pied sur la marelle ?
De la Terre vers le Ciel et jusqu'au Firmament...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Elle était la plus douée à la marelle. Étant danseuse classique depuis ses six ans, elle pouvait se vanter d'avoir un sacré sens de l'équilibre. Maintenant, ça lui servait juste dans le bus... Mais il fallait l'avouer, ils préféraient les jeux de poursuite. Loup, police et voleurs, attrape-garçons... toutes les variantes étaient possibles. Même si l'été, ils préféraient ramener des couvertures et les poser dans l'herbe pour somnoler au soleil

Où sont les enfants qui s'échangeaient des billes ?
S'échangeaient des billes, et jouaient simplement...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Les billes, c'était avec les cousins. A l'école, la tradition était les cartes Pokémon. Quoiqu'ils ne les échangeaient pas vraiment. Ils préféraient largement se les voler, ça rendait le tout beaucoup plus drôle. Chacun avait ses techniques, évidemment. Les siennes consistaient, entre autre, à amorcer un échange puis à détaler avant de donner sa partie, ou carrément à piquer les paquets directement dans les mains de camarades pas assez attentifs et de planquer son butin quelque part avant de revenir le chercher plus tard. Étonnamment ça ne venait à l'esprit de personne de la dénoncer. Ou de dénoncer qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Le règlement tacite de la cour de récré, sans doute...

Où sont les enfants qui se roulaient dans la paille ?
Qui se roulaient dans la paille, à l'étable en riant...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Il est vrai qu'un de leurs grands jeux était d'escalader les bottes de paille rangées dans les étables, ce qui était tout un sport. C'était déjà pas évident de monter sur la première, mais quand il y en avait trois ou quatre qui s'entassaient, ça l'était encore moins. Et évidemment, il fallait à tout prix exclure la probabilité d'une chute et se concentrer sur l'escalade si on ne voulait pas atterrir dans le foin, sur les fesses et sous une cascade de rires moqueurs...

Où sont les enfants qui regardaient les filles ?
Qui regardaient les filles, les soirs de la Saint-Jean...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Sa meilleure amie, elle et leurs parents se rendaient tous les ans dans la citadelle fortifiée du village d'à côté, pour la célèbre fête de la Saint-Jean. Elles commençaient d'abord par réclamer un sandwich arrosé de bonnes rasades d'Ice Tea, puis, après quelques chansons à observer le cercle des danseuses et à hésiter, elles finissaient par ce joindre au cortège. Leur meilleur record s'élevait à huit danses de suite, ce qui est un putain d'exploit quand elle y repensait...

Où sont les enfants qui écoutaient Grand-Père ?
Qui écoutaient Grand-Père, et ses souvenirs d'antan...
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

Elle aimerait bien écouter Grand-Père... mais Grand-Père va mal. Il ne mange plus beaucoup, il respire mal et sa famille commence à envisager... l'après. Elle sait qu'elle regrettera son caractère têtu, ses petits cadeaux, son gâteau au chocolat... elle sait qu'elle ne pourra plus écouter ses récits de directeur d'usine ou d'ancien élève de son propre lycée. Elle sait qu'elle aura du mal à s'en remettre. Elle est parfaitement consciente des larmes qui lui montent aux yeux et qui, parfois, lui coulent sur les joues quand elle y pense.

Que sont devenus nos Amours de jeunesse ?
Nos Amours de jeunesse sont mortes à présent...

Son amour de jeunesse... peut-être que le mot est un peu fort. Ce qui est sûr, c'est que lui était raide dingue d'elle. Dommage que ça n'est pas été réciproque. Maintenant qu'elle sait ce que ça fait, elle se dit qu'elle aurait put être un peu plus délicate. De toute façon, c'est trop tard. Elle ne l'a plus jamais revu... mais elle est tout de même quasiment sûre qu'il est en parfaite santé.

Que font vos enfants, mon Dieu, que font vos enfants ?
Où sont les enfants, dis-moi, où sont les enfants ?

L'enfant était parti. Quelque part au fond de sa tête, pour laisser place à l'adolescente bougonne. Celle-ci n'en est pas particulièrement ravie

Maintenant, grand lycée d'une petite ville, trajets en bus et courses au centre-ville ou bien à l'hypermarché. Ca avait ses avantages... mais ça n'était pas pareil. Ça ne serait plus jamais pareil

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top