8
- Le directeur vous attend dans son bureau. Me dit la secrétaire.
Je la regarde étonnée mais je ne devrais pas l'être sachant déjà la raison de cette convocation.
- Emma, vas-y. Tu sais qu'il n'aime pas patienter. Me dit Marie, une caissière pour me faire revenir à moi-même.
Je la regarde et lui souris au coin des lèvres. C'est la seule amie que j'ai à la banque. Elle était la seule à m'accueillir car les autres me voient toujours comme une Luz, le genre de fille qui devrait profiter de la richesse familiale et laisser la chance à ceux auxquels la vie ne fait pas de cadeau.
Mais que savaient-ils de ma vie pour me juger à ma première venue? Derrière tout ça, je n'étais que la fille riche qui avait abandonné sa famille pour suivre son cœur et qui devait à tout prix travailler afin de s'entraider, Georges et moi, dans notre foyer. Et c'est à Marie que j'en parlais. Une jeune femme ordinaire, mère célibataire de deux enfants. Elle est noire avec des cheveux crépus, des yeux enfoncés d'un gris intense mais qui la rend tout de même très belle. Elle était si ouverte et si gentille à la fois. Elle ne m'avait pas jugée et je l'aime bien pour cela. On s'entend bien depuis.
Je frappe à la porte et une voix grave me dit d'entrer.
- Bonjour, Monsieur le directeur. Le salué-je.
- Bonjour, Mlle Luz.
- Mme Thomas, le corrigé-je.
- Asseyez-vous. Me répond-il sans se retourner.
Je fais ce qu'il dit et il se retourne, les bras croisés, pour me parler. C'est un mulâtre, un homme de taille moyenne et qui commence légèrement à vieillir.
- Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Ça fait 5 jours que vous n'êtes pas venue travailler sans la moindre excuse de votre part. Vous êtes comptable et vous savez très bien combien la banque a besoin de vous. Déjà que vous êtes la plus efficace dans ce domaine. Les clients se plaignent par manque de service.
Il a raison. Mais je n'avais pas la tête à travailler durant cette semaine. Je pensais à ma mère et il me fallait me reposer.
- Je...je suis désolée, balbutié-je, Je vais me rattraper.
- Vous avez intérêt. Dit-il sur un ton ferme en me fixant de ses yeux bruns. Sinon, vous serez révoquée.
Sans me laisser le temps de réagir, il continue en me donnant dos:
- Vous savez, j’ai été un ami intime de votre père. Il a même été l'un de nos meilleurs clients. Si je n'ai pas encore pris de décision à votre égard, c’est en raison de cette amitié.
Il se retourne vers moi et avant qu'il dise quoi que ce soit d'autre, je me lève pour prendre la parole:
- Je vous remercie vraiment d'avoir usé tant de patience envers moi. Mais, je ne veux surtout pas que vous ayez pitié de moi. Encore moins à cause de mon père car je suis mariée maintenant. Ma mère est morte, je pense que vous le saviez car on en a parlé aux infos et c'est pour cela que je me suis absentée toute la semaine. Ce n'est pas dans mon habitude, je
m'excuse de ne pas vous en avoir informé. J'aime ce que je fais, j'en ai besoin et je vais me remettre à fond pour vous satisfaire...Maintenant, si vous voulez bien m'excuser...
Il hoche la tête. Sur ce, je me retire de son bureau et reprends mon poste.
- Alors? Me demande Marie qui s'occupe d'un client.
Je ne lui réponds pas.
- Je suis désolée pour ta mère. Reprend-elle.
- Merci. Dis-je tout bas en me concentrant sur ce que je fais.
Elle ne me dit plus rien voyant que je ne veux pas lui en parler.
***
- Qu'est-ce qui ne va pas, chérie? Me demande Georges alors que je lui sers le dîner.
- Rien.
- Pourtant tu as l'air d'être ailleurs. Dit-il entre deux bouchées.
- Je t’explique après, chéri.
Le diner fini, je m’en vais prendre une douche puis le rejoins dans la chambre.
- Viens. Fait-il en me faisant de la place sur le lit.
- Le directeur m'a prévenu que si je continue comme ça, il va me révoquer. Dis-je en m'asseyant.
- Ah! C'est ce qui te perturbe à ce point? Mais ce n'est pas grave, mon amour. Répond-il en venant m'embrasser le cou, Je n'ai jamais voulu que tu travailles d'ailleurs.
- Et comment on aurait fait?
- Je peux très bien prendre soin de toi, tu sais. Dit-il d'une voix douce et tendre en se mettant face à moi. Avec mon travail.
Je laisse échapper un petit rire sans m'en rendre compte.
- Ton travail! Tu parles.
La phrase est sortie comme ça,comme une balle que je viens de lui donner à la poitrine. Je ne voulais pas l'ironiser. Mais trop tard. Ses yeux bruns deviennent tout noirs, ce qui n'arrive que quand il est extrêmement en colère.
- Qu'est-ce que tu insinues? Tu veux dire que je n'ai pas les moyens pour prendre soin de ma femme et moi? Fait-il en se levant pour me donner dos. Sais-tu au moins ce que je fais?
Je me sens mal de lui avoir parlé ainsi. Je me lève, je pose ma tête sur son dos et mes bras le long des siens bien que je doute qu'il accepte mes excuses.
- Je suis désolée, chéri. Je n'aurais pas dû. C'est juste qu'à deux, c'est mieux. On s'entraide ainsi.
- Ouais, tu as raison. Dit-il en se retournant. Puis, on ne va pas se disputer à cause d'un foutu directeur.
J'hoche la tête et de deux doigts, il soulève mon menton pour m'embrasser. Je recule de trois pas
environ pendant qu'il s'avance et nous nous retrouvons sur le lit.
- Comme ça, on pourra mieux prendre soin de notre famille.
- ah! Oui? Monsieur veut une famille maintenant? Dis-je étonnée en échangeant de position.
Je n'ai jamais envisagé cette idée-là: avoir des enfants avec Georges. Mariée, je devrais y penser pourtant. Et le simple fait qu'il y pense me comble de joie.
- Tu es sérieuse? Me demande-t-il, son regard plongé dans le mien. Tu penses que je ne rêve pas qu'on m'appelle un jour “papa"?
- Là, j'avoue que tu m'étonnes. Dis-je en me couchant près de lui.
- On ne s'est pas mariés pour qu'on finisse comme ça, non? Grimace-t-il en nous désignant.
Je pose ma tête contre sa poitrine alors que ses bras me serrent contre lui.
- Tu veux quoi? Demandé-je.
- Quoi quoi? Fait-il, étonné.
Je me mets à rire.
- Une fille ou un garçon, voyons.
- Je ne sais pas. Tu me donneras quoi?
- Un garçon. Et je l'appellerai “Georges" comme toi. Dis-je en levant mes yeux vers lui.
- J'aurais préféré une fille. Mais à une condition: elle doit être aussi belle que toi.
-Et tu l'appelleras comment ?
Il fait mine de réfléchir.
- Je n'en sais rien...hum....voyons...Georgémma?
- Georgemma? Tu ne pourrais pas trouver mieux? C'est débile comme prénom. Dis-je tout court en étouffant un rire.
Il me serre contre lui.
- Je sais. Mais c'est ma fille, on ne peut rien y faire.
- Alors, si c'est comme ça je vais prier le Bon Dieu pour qu'il ne me donne jamais de fille.
Je ris à gorge déployée et lui, il continue avec ses prénoms de fille encore plus ridicules que "Georgemma" tout en me précisant que ce dernier reste son préféré.
***
Le lendemain matin, je me réveille de très bonne humeur. Je souris par Le simple fait de me rappeler que mon mari et moi avions bien rigolé hier soir et surtout parce qu'on a parlé de fonder une famille. Quand je me suis réveillée, il était déjà parti à son travail. J’étais déçue car j'aurais
bien voulu qu'il me taquine encore avec ses prénoms débiles qui me font tout de même rire.
J'imagine comment ça va être beau de voir nos enfants-les fruits de notre amour- courir par-ci par-là dans la maison, jouer ensemble. Je nous vois nous engueuler juste pour changer une couche.
Vais-je vraiment goûter à ce bonheur-là? Vais-je un jour porter son enfant en mon sein? J’en doute pourtant.
Mais je ne veux pas vieillir de peur que Georges ne me regarde plus. Me dis-je en buvant mon jus d'orange.
Je secoue la tête pour me défaire d'une telle idée. Georges m'aime et il ne pourra jamais me quitter.
Il est à moi.
Avant d'aller au travail, j’appelle ma tante pour lui dire que je passerai demain pour connaître les résultats de l'analyse, du même coup pour prendre des nouvelles de mon père. Elle est froide au téléphone et semble ne pas vouloir me parler. Mais j'essaie quand même de la comprendre, sans doute ils ont déjà eu les résultats vu qu'on devait les donner dans 7 jours.
D'un coup, je prie pour que ce ne soit pas trop grave mais je me suis quand même faite à l'idée qu'ils ne seront pas bons sachant que c'est sur un meurtre, une femme battue jusqu'à mort qu'on a enquêté.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top