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Son regard se perd dans le mien alors qu’il tombe sur ses genoux. Je sursaute au bruit de l’objet métallique qui s’échappe de mes mains pour tomber au sol. La situation est alarmante et il faut que j’agisse vite pour sauver mon mari. J’accours prendre une serviette pour essayer de stopper l’hémorragie.
- Georges, regarde-moi. Ne ferme surtout pas les yeux…je vais appeler une ambulance…ou la police.
- Ne…ne fais pas ça, articule-t-il difficilement. Ils vont…t’enfermer.
Je le regarde un moment et puis voir combien fort est son amour pour moi. Toute paniquée, je lui fais tenir la serviette contre son ventre en lui faisant signe de m’attendre. Je le laisse dans la cuisine en prenant soin de fermer la porte et me dirige vers le salon prendre le téléphone. Mon cœur manqua un battement en apercevant un homme s’avancer vers moi furieusement.
- Emmanuel…murmuré-je.
- où est Georges ? Emma, dis-moi où il est. Je vais mettre fin à toutes ces folies. Je rentre àPort-au-Prince avec lui.
Sans attendre une réponse de ma part, il se dirige rapidement vers la cuisine. Je lui barre le passage :
- Non, Emmanuel. Tu ne vas pas me voler mon homme toi aussi.
J’éclate en sanglots. J’aimerais que quelqu’un m’explique cette galère. Je m’y perds totalement. J’ai l’impression de vivre dans la peau d’une autre. Ma vie n’était pas comme ça avant. Où est-elle passée la petite Emma innocente ? je suis dépassée par les évènements. Il y a mes parents qui ne sont plus, Annie qui m’a trahie, Edouard qui m’a abandonné et mon mari qui vient de me demander le divorce. C’en est trop.
- Emma, laisse-moi passer.
- La voix d’Emmanuel m’amène à la réalité.
- Attends, ce n’est pas du sang que je vois là sur tes mains ?... qu’est-ce…qu’est-ce que tu as fait de mon petit-frère ?
Je jette un coup d’œil rapide à mes mains et crie de toutes mes forces.
- Je veux comprendre ! hurlé-je. Je veux comprendre ce que je fais dans cette histoire. Dis-moi pourquoi Georges a ce foutu tatouage sur le corps. Dis-moi pourquoi il m’a épousé, ce que faisait Annie dans tout ça. J’en ai marre de tout ça, tu comprends ? dis-moi pourquoi on les surnomme les deux têtes de la ville, pourquoi je vis dans cette maison. Pourquoi Georges a cassé la banque ? où est passé l’argent qu’il a volé ? pourquoi il ne parle jamais de sa famille et pourquoi j’ai l’impression qu’il porte un lourd fardeau ? dis-moi pourquoi
j’ai enlevé la vie de ceux à qui je tenais énormément ? Emmanuel, je n’en peux plus… Je suis en train de devenir folle avec tout ça. Explique-moi, je t’en supplie.
Je me laisse glisser contre la porte de la cuisine, toute sanglotante, espérant trouver enfin des réponses à mes interrogations.
***
- Tout a commencé il y a neuf ans environ. Ma famille et moi venions de nous installer à Jacmel fuyant la cherté de la vie à Port-au-Prince. A l’époque, Georges n’avait que 17
ans. Il s’était opposé à mon père qui prit une telle décision ne voulant pas que sa dernière année scolaire ne soit ratée mais il dut se plier sous sa volonté. Il venait d’habiter une ville
dont il ignorait tout. Au début, il refusait carrément de sortir de la maison.
On a pris du temps avant de s’accommoder au milieu. Mon père finit par trouver du travail chez le maire de la ville comme chef cuisinier de la maison alors que ma mère, elle, vendait au marché. Quant à moi et mon petit-frère Yan, on aimait bien passer de temps à autre chez le maire voir notre père car là-bas, il y avait la vie. C’est là que je l’ai connue, cette Annie. Je maudis tellement ce jour où je l’ai abordée la première fois.
Les jours passaient. J’étais devenu très proche d’Annie pour ne pas dire qu’on était de très bons amis. Cela fit tellement plaisir à mon père qu’il me suggéra de l’inviter chez nous un jour. Je n’étais personne pour inviter la fille du maire nulle part, encore moins à la maison où ça puait la pauvreté. Un jour, mon père dut s’absenter pour des raisons médicales et j’ai dû, du coup, le remplacer à son travail.
- Emmanuel, ton père n’est pas venu ? me demanda Annie.
- Non, mademoiselle. Il ne va pas bien.
- Mademoiselle ? désolée mais je pensais que les amis s’appelaient par leurs noms.
- Vous savez…enfin, tu sais… je te dois du respect et je dois aussi agir de sorte que mon père ne perde son boulot ici. Déjà, les autres domestiques n’attendent que ça.
- Ah !arrête. en quoi me tutoyer ou m’appeler par mon nom va compromettre le travail de ton père ? mon père sait que nous sommes amis, je lui en ai parlé d’ailleurs. De plus, il apprécie. Il dit que tu es mature et que tu peux m’aider à voir la vie différemment, au-delà de mes 17 ans.
Je lui souris et continuai à faire mon travail.
- Je peux aller le voir ?
- Ton père ne sera pas d’accord. Dis-je sèchement.
- Il n’est pas comme ça. Il a un dur caractère, certes mais il sait compatir avec les gens. De plus, un agent de sécurité va m’accompagner.
Elle avait fini par me convaincre et je peux dire que ça a beaucoup réjoui mon père qui prit plaisir à tomber malade plus souvent.
- C’est bien d’attirer le regard des puissants sur soi. M’avait-il dit un jour. On finira par être invincible.
Annie avait fini par être très proche de la famille au point que ma mère la considérait même comme sa fille sauf que désormais, elle avait d’autres intérêts à la maison. Georges.Quant à ce dernier, il la regardait à peine. Il s’enfermait souvent dans la chambre et ne sortait que rarement. Quand Annie me déclara sa flamme pour Georges, je fus tellement déçu que je
cessai de lui adresser la parole pendant quelque temps. Je pensais qu’elle se serait rendue compte des sentiments que j’éprouvais pour elle mais il était clair qu’elle ne voyait en moi qu’un grand frère. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais espéré que moi, fils d’un cuisinier, pourrait avoir une histoire avec la fille d’un maire. On dit que l’amour est aveugle et je m’en suis rendu compte assez vite : j’aimais Annie et elle préférait mon petit-frère a moi qui étais déjà un jeune homme de 20 ans. J’aurais pu attendre ses 18 ans.
Quand mon père comprit la situation, il exigea à ce que Georges l’accompagne aussi travailler. Au fil du temps, lui et Annie ont fini par s’entendre. Si à ses yeux elle n’était qu’une fille comme les autres, pour Annie Georges était tout. Elle en était arrivée au point de lui faire des avances mais il refusait toujours lui laissant comprendre qu’il était trop jeune pour s’engager dans ces histoires-là encore moins avec une fille n’appartenant pas à son milieu. Il était le plus prudent de la famille, il s’était donné certaines limites pour éviter bien de situations délicates. Jamais, il ne chercherait à s’aventurer dans une amourette avec Annie même quand mon père le poussait à bout. Seulement la vie en avait décidé autrement.
Puis arriva l’anniversaire de Georges. Pour ses 18 ans, on avait prévu une grande fête en famille pour lui. Mon père avait fait en sorte de se libérer tôt du travail pour emmener Georges acheter quelques vêtements alors que nous autres étions occupés avec les préparatifs de la fête. Yan avait disparu de la journée et personne ne se doutait de ce qui se tramait pendant ce temps. Je reçus un appel d’Annie me disant de venir chez elle urgemment. Quand j’arrivai, j’avais trouvé mon petit-frère couché sur le tapis menotté :
- Qu’est-ce… qu’est-ce qu’il a Yan?Pourquoi il est menotté ?
- Ne t’approche pas, Emmanuel. M’ordonna Annie. Sinon je vais appeler la police.
- La police ? attends, Annie. Ce n’est qu’un enfant de 15 ans, pourquoi tu lui infliges ça ? de plus, nous sommes amis non ? détache-le et parlons-en.
- Un enfant de 15 ans devrait savoir où mettre son nez et où ne pas le mettre, Emmanuel. Je sais que je suis devenue très proche de ta famille mais il y a mon père aussi. Je ne vais pas mettre sa vie en danger à cause de vous. Je suis désolée.
Je m’agenouillai près de Yan qui n’avait cessé de pleurer depuis mon arrivée répétant sans arrêt que mon père allait le tuer.
- Qu’est-ce-qu’ il a fait ? demandai-je à Annie.
- Tu veux dire ce qu’ils ont fait, me corrigea-t-elle. Ils étaient environ cinq mais Yan était à ce qu’il parait le plus jeune. Je ne sais pas comment ils ont fait pour entrer ici sans se faire repérer. Deux agents de sécurité les ont surpris en train de nous voler des objets de valeur et ils se sont enfouis. Ton petit-frère, je l’ai trouvé en train de fouiller les tiroirs contenant les documents importants de mon père. Il semble avoir été payé par des hommes qui en veulent à mon père. Regarde ses poches, elles sont pleines d’argent.
Je baissai les yeux, honteux.
- C’est ce qu’on appelle mordre le doigt qui nous donne à manger,reprit-elle avec répugnance. Mon père ne sait pas encore ce qui s’est passé mais quand il le saura, je serai désolée pour ta famille et toi. Je n’ai pas voulu que ça se termine comme ça.
Je ne dis rien et continuai à regarder Yan pleurer. Je ne savais quoi faire ni comment j’allais annoncer ca a la maison. Je me rappelai que c’était l’anniversaire de Georges. Je ne voyais aucune porte de sortie avec ma famille sans un sou face à un politicien qui avait tout de son côté et surtout le pouvoir. Du coup, je me suis mis à pleurer moi aussi me cachant le visage de mes mains.
- Emmanuel, ils vont me tuer ! Cria Yan. Si je ne leur apporte pas ses papiers aujourd’hui, ils vont tous nous tuer. Ca fait des mois qu’ils me donnent de l’argent pour ça. Je n’ai pas de quoi les rembourser.
Il se mit à pleurer de plus bel.
- Et combien tu leur dois ? lui demanda Annie.
- Beau…beaucoup, répondît-il les lèvres tremblantes. Je ne voulais pas me mêler à ces choses-là mais ils m’ont menacé de mort. Ils habitent mon quartier, ils connaissent ma
famille. Ils m’ont dit que j’avais intérêt à leur apporter ces papiers et si je me faisais prendre, ils réclament 250 000 gourdes pour me laisser en paix. Sinon, ils vont s’en prendre à ma famille aujourd’hui même.
Je n’arrivai pas à en croire mes oreilles. Jamais, ma famille ne réussirait à réunir une telle somme, encore moins en une journée.
- Emmanuel, je vais te proposer quelque chose.
Je levai mes yeux pleins de larmes vers elle alors qu’elle continua :
- Tu fais venir Georges ici et l’affaire sera réglée.
Je la regardai confus mais elle s’expliqua :
- Tu sais, l’amour peut rendre stupide bien des fois. Ca fait tellement longtemps que j’attends qu’il me regarde différemment. Alors, je t’explique : si tu parviens à convaincre Georges de sortir avec moi, je vais m’assurer à ce que mon père ne vous poursuive en justice. Je suis fille unique et gâtée, il ne me refusera pas ça. Yan n’a qu’à me donner les informations qu’il faut et je donnerai a quelqu’un leur apporter l’argent.
- Georges ne voudra jamais. Répliquai-je. De plus c’est son anniversaire aujourd’hui.
- Tant mieux. Je serai son cadeau alors. Dit-elle vaguement.
Ainsi débuta le drame de notre famille. Mon père avait prévu de quitter la ville mais heureusement
ou… malheureusement Georges avait accepté de se sacrifier pour nous. Annie avait désormaisnotre sort en main et nous ne commencions à ne dépendre que d’elle. On était conscient que le pouvoir n’était pas de notre côté. Ma mère convainquit Georges qu’il n’avait rien à perdre dans tout ça et qu’au contraire, il aurait une belle vie et pourrait du coup améliorer la nôtre. Il devait
simplement apprendre à aimer Annie alors qu’en retour, elle donnerait l’argent pour Yan et convaincrait son père de laisser tomber l’affaire. Elle nous avait menacé qu’elle pourrait revenir sur sa décision n’importe quand si toutefois on ne respectait pas notre part du prétendu contrat.
C’est ainsi que prit naissance l’histoire d’Annie et de Georges. Avec le temps, il commençait ànous paraitre plus arrogant. Personne ne pouvait lui adresser la parole. Il se prenait désormaispour le chef de la maison. Cela commençait à agacer mon père qui l’interdît de remettre les pieds
chez nous avant de s’enfuir avec ma mère et Yan à Port-au-Prince. Par-là, il donnait plus de raisons à Georges de nous haïr et de détester cette ville. Georges s’était fait ce tatouage étrange sur le bras pour toujours se rappeler de cette histoire mais aussi parce qu’à travers, on pouvait lire toute sa souffrance. Deux ans plus tard, lui et Annie avaient emménagé dans cette maison qu’avait le père d’Annie à Lamandou. On peut dire qu’ils avaient fini par s’accepter ou tout
simplement que Georges faisait semblant.
- Je vais travailler dur à l’ avenir pour la rembourser. M’avait juré Georges.
Il croyait dur comme fer à cette promesse qu’il m’avait faite. C’est pourquoi il avait commencépar prendre des cours de mécanique et faisait des économies. Quant à moi, j’ai toujours été un bon à rien. Je ne pouvais rien faire pour lui, au contraire je m’étais voué à l’alcool et à la drogue.
Mon frère était perdu mais il essayait de vivre malgré tout et de la tolérer.
On dit vrai quand on dit que la lumière vient quand il fait le plus noir. Georges n’avait pas prévu
de tomber amoureux. Il ne devait être non plus à cette fête-là. Dans la journée, il avait pris soin de
prendre toutes ses affaires pour quitter la ville. Sa rage était si grande qu’il ne put s’en aller sans se rendre à l’endroit où Annie organisait son 23eme anniversaire pour lui dire qu’il n’allait plus se laisser mener en bateau par quiconque désormais. La vérité c’est qu’il avait découvert que cette histoire avec Yan n’était qu’une comédie montée de toutes pièces par Annie, de mèche avec mon père qui voulut l’avoir pour belle-fille. C’était même elle-même qui leur avait donné l’argent nécessaire pour aller vivre à Port-au-Prince et disparaitre de la vie de Georges.
Il n’avait pas prévu te voir à cette fête, Emma. Il était là pour se tirer d’affaire et voilà que ton regard le retenait prisonnier…
***
Emmanuel continue son récit, la voix remplie d’émotion alors que je ne cesse de pleurer silencieusement.
- En seulement une soirée, il tomba amoureux de toi, Emma. Et s’il n’était pas rentré à Port-au-Prince, c’était à cause de toi. Il avait parlé calmement à Annie ce soir-là et lui fit comprendre qu’il ne lui est plus lié. Quand Annie remarqua que tu lui plaisais, elle lui dit aussitôt que tu étais son amie et trouvait en cela une autre opportunité de le garder près
d’elle. C’est pourquoi, elle a tout fait pour vous aider dans votre relation. Regarde, vous vivez dans la maison dans laquelle elle passait son temps avec Georges… Le problèmedans tout ça c’est qu’à chaque fois qu’il voulait se libérer d’Annie, elle trouvait un moyen de le retenir. Georges chérissait l’idée de partir de Jacmel avec toi mais avec le meurtre de ta mère qui survint et les preuves qu’Annie avait en main pour te faire arrêter, il dut reporter sa décision le temps de les faire disparaitre. Il aurait pu tout supporter mais nonvoir son seul et premier amour derrière les barreaux, loin de lui. Alors, il commença àfréquenter un gang et prévoyait de casser la banque pensant que cet argent pourrait servir à ce qu’elle vous laisse en paix. Mais il était clair que si riche qu’elle était, l’argent de Georges ne lui intéressait guère. S’il n’avait pas un bon cœur, c’est sûr qu’il l’aurait déjà éliminée.
Comme si les problèmes n’étaient pas assez, tu tombas enceinte. C’est vrai que çaréjouissait Georges mais avec Annie de l’autre côté qui le menaçait de te balancer à la police si tu gardais ce bébé, il dut te demander d’avorter. Puis vient la mort de Marie qui fut la dernière goutte d’eau pour faire déborder la vase. Vraiment, tu avais dépassé les bornes et Georges eut assez de cette histoire au point qu’il fait venir Annie ici, dans votre chambre pour en finir avec tout ça, une fois pour toutes.
Il respire profondément et ajoute :
- Mon frère était bon avant tout ça, Emma. Je ne vais pas excuser le fait qu’il te frappait mais il savait que tu pouvais te défendre. La pression était trop pour lui. Ce n’est pas une vie
dont rêvent les gens. Tu sais tout, maintenant et j’espère qu’un jour vous pourrez vous pardonner. Maintenant, stp, dis-moi où il est. Je me suis repris en main et je compte rentrer dans la capitale avec lui pour prendre soin de lui. Je te conseillerais de reprendre ton traite…
Il se tait brusquement avant de crier :
- Emma, d’où vient ce sang sous la porte ?
Je me lève rapidement par terre et pénètre la cuisine en fermant la porte à clé derrière moi.Emmanuel ne cesse de crier.
- Emma, ouvre-moi cette porte.
Je reste indifférente à son égard et accours vers Georges.
- Chéri, tu es là ? dis-je en m’asseyant près de lui et en mettant sa tête sur mes jambes.
Il essaie de me regarder mais difficilement. Je pose mes lèvres sur les siennes qui dégoulinentde sang.
- Georges ! crié-je. Tu ne dois pas me faire ça. Je t’en supplie… écoute, je… je vais faire ce que tu me demandes. Tu sais, après la mort de Jean, j’avais commencé avec un traitement. J’avais arrêté mais… je te jure que je vais recommencer avec. Mais, tu dois rester avec moi. J’ai besoin de toi, mon amour. Il faut qu’on vive. Je te suivrai n’ importe où mais reste, stp.
Mon bien.
Mon mal.
Mon Georges.
Je flirte dans mes pensées à la recherche du pourquoi de mon amour pour lui. Je nous vois encore à l’anniversaire d’Annie, le jour où on a échangé nos premiers mots. Je nous vois aussi le jour de notre mariage ou encore nous deux rigolant à la maison. Je vois mon Georges dans
mes bras prêt à donner son dernier souffle et je suis incapable de réparer mon erreur. Où vais-je trouver la force de continuer sans lui ? Tout mon être bouillonne d’amour pour lui et le perdre serait la pire chose qui puisse m’arriver. Je me souviens n’avoir pas pu accepter la trahison de Jean. Je ne sais pas où je trouve le courage pour pardonner Georges mais rien que l’imaginer loin de moi me torture. On a eu nos coups durs et notre passé qui pesait lourd mais on a tenu le coup et ceci, peu importe nos fautes, les absences et les manques.
Je l’ai dans la peau comme si nous n’étions qu’une seule chair. Il n’est pas parfait mais j’ai su l’accepter au point de faire de ses défauts des qualités. S’il me frappe, c’est parce qu’il m’aime et j’ai raison de penser cela parce que je viens de découvrir qu’il a tout fait pour moi. Je regrette qu’on n’ait pas pu se comprendre un peu plus tôt. Mon corps témoigne de ses baffes, mes joues de ses gifles mais aussi il y a eu ses caresses pour compenser tout ça.J’entends ses jurons mais aussi ses « Je t’aime ». Et je l’aime pour tout ça : pour être la parfaite contradiction qui me convient. Les autres peuvent bien voir en lui l’homme qui me frappait ou qui me maltraitait mais moi, je ne vois que l’homme que j’aime derrière tout ça, aussi triste que ça puisse paraitre.
- Emma !
Je bondis de mes réflexions pour revenir à la réalité. Je la reconnais, cette voix : c’est celle d’Edouard. Je l’entends frapper la porte avec rage sans cesser de parler :
- Princesse, ouvre la porte. Emmanuel et moi pouvons arranger tout ça. Je suis désolé de n’être pas venu à ton secours dernièrement mais je suis là maintenant… Stp, ouvre la porte… OK, dans trente secondes je l’enfonce.
Je laisse apparaitre un petit sourire du coin des lèvres comme pour remercier Edouard d’avoir toujours été là. Je jette un dernier regard à mon mari.
- A tout à l’heure, chéri. Dis-je en lui fermant les yeux.
Georges s’éteint dans mes bras. Je pose les mains sur le couteau avec lequel je l’ai poignardé. J’ai tué mon mari et mon monde n’aura plus aucun sens sans lui. Alors, je vais la quitter, moi aussi, la vie.
FIN
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