14

Je me lève du canapé malgré moi pour aller ouvrir la porte, traînant du pied. J'esquive quelques
vêtements et autres objets éparpillés par terre dans le salon sur mon passage et toute faible, je pose
ma main sur la serrure.
- Surprise!!!
A les voir ainsi me déshabiller du regard, ils sont aussi surpris que moi.
- Emma...murmure Édouard les yeux suppliant une explication de ma part.
- En quel honneur? Demandé-je sans trop lui prêter attention.
Annie et Marie, comme étonnées, s'échangent des regards alors que les quelques voisins restent
sans rien dire.
- Ton amie, Annie, m'a parlé de votre anniversaire. Répond Marie. Alors on s'est arrangé
pour te faire la surprise.
- De quoi parles-tu, Marie?
A peine ai-je fini ma phrase, j'aperçois une silhouette masculine qui s'avance vers moi avec un
bouquet de fleurs à la main.
- Nos 2 ans, Emma. Je ne saurais passer outre. Fait-il en me serrant contre lui.
Je me laisse faire ne sachant comment réagir. Il n'y a que Georges pour disparaître de ma vie un
moment et revenir plus tard, en bon gentleman, pour fêter notre anniversaire de mariage et que moi
pour oublier un jour pareil.
- Entrez! Fait Annie à ma place alors que je m'effondre en larmes sur les épaules de mon
mari.
Je ne veux pas savoir si ce moment va durer mais je compte le savourer.
- Tes cheveux...
- Une nouvelle coupe. Dis-je avec un sourire forcé. Qu'est-ce qui...?
Il met son index sur ma bouche devinant ce que j'allais lui demander.
- Ce n'est pas encore notre anniversaire de mariage. Me rappelé-je.
- Notre rencontre...
- Si on ne s'était pas rencontrés un jour, on ne se serait pas mariés. Répété-je avec lui.
On en rigole un moment puis il m'embrasse avant de me faire un baiser sur le front. Puis, On
rejoint les autres qui s'amusent déjà.
- Viens danser ! Dit Marie en m'attirant à elle.
- Non, je ne peux pas. J'ai la tête qui tourne. Refusé-je.
- Ah! Oui? Je sens que tu as quelque chose à me dire mais pour l'instant, je vais trouver ton
voisin qui me dévore des yeux.
Je souris, la regardant s'éloigner.
- Emma?
- Oui?
Je me tourne vers la voix qui m'interpelle.
- Je suis désolée pour la dernière fois.
- Ça fait plus d'un mois, quand même! Ne t'en inquiète pas, Annie. J'ai déjà tout oublié. Dis-
je en la prenant dans mes bras.
De l'autre côté de la pièce, je vois Édouard qui se penche pour ramasser un T-shirt qui trainait par
terre.
- Merci!
- Pourquoi? Demande-t-il en se levant.
Je lui en débarrasse en fuyant presque son regard.
- Ces deux-là ont fini par s'entendre, on dirait.
Je suis son regard pour remarquer qu'il fait allusion à Georges et Annie.
- Ouais. Soupiré-je. C'est mieux comme ça.
Un silence qu'il ne tarde pas à briser emplit notre espace.
- En passant, Bonne fête à vous deux. Je ne savais pas que vous fêtiez votre rencontre aussi.
Est-ce un prétexte pour revenir vers toi ?
- Pourquoi tu es venu? Lui demandé-je ignorant sa remarque. Je sais que tu ne le dis pas de
bon cœur.
Il prend une gorgée de sa bière, me fixe un moment avant de me répondre.
- Je suis là pour toi, Emma. Ne te l'avais-je pas promis? Les amis sont faits pour ça: pour
partager les joies et les peines.
Je lui fais un petit sourire-ou plutôt une grimace- en guise de réponse.
- Tu as mangé depuis quand?
- Pourquoi?
- Tu ne...Tu ne te regardes pas, Emma? Tu as maigri. Tu ne prends plus soin de toi. Tes
cheveux ont d'un coup disparu et ta joie avec. Franchement, tu n'es plus aussi belle
qu'avant.
Sans m'excuser, je me déplace vers la cuisine alors que je sens ses pas emboîter les miens.
- Madame ne me fuira pas, cette fois...
Il se met en face de moi et prend le verre à moitié plein de ma main.
- C'est quoi ce que tu prends?
- Ça ne te regarde pas. Répliqué-je. Rends-moi mon verre d'eau.
- Non! Refuse-t-il en haussant la voix. Tu me dis d'abord pourquoi et depuis quand est-ce tu
prends tous ces satanés de comprimés d'un seul coup!
Je commence à perdre patience. Il ne comprend pas que je fais ce qu'il y a de mieux pour moi et
personne ne pourra m'en empêcher. Personne ne me privera de Georges. Pas même cet enfant que
mon cœur a commis l'erreur d'aimer avant de me rendre compte qu'il essaie de me séparer de mon
mari.
- Écoute, Édouard. Fais-je en m'approchant dangereusement de lui. Tu n'es ni mon père, ni
ma mère et Georges encore moins. Alors, tu vas me passer ce verre d'eau tout de suite avant
que je ne perde patience.
Ses yeux deviennent tout sombres mais il soutient encore mon regard, me laissant comprendre qu'il
ne cédera pas.
J'hausse les épaules puis lui donnant dos, me remplis la bouche de mes comprimés espérant les
avaler sans eau. Je sens une main me prendre par la bouche.
- Ar...Arrête! Essayé-je d'articuler.
- Jette ça! Me crie-t-il.
Je continue à me débattre déployant le peu de force qu'il me reste. Puis je n'entends plus rien: pas
même la musique ni la voix d'Edouard qui me crie dessus.
Une grande lumière que mes yeux arrivent à peine à regarder envahit mon espace alors qu'un
silence gênant y prend place. J'avance faiblement, traînant du pied, vers cette lumière avant qu'une
femme, vêtue d'une robe blanche immaculée, n'apparaisse. Ses cheveux noirs toujours aussi
bouclés qu'avant sont joints en une queue de cheval.
- Maman! Soupiré-je.
Son sourire s'agrandit et elle me tend la main.
- Viens, ma chérie.
- Mais je ne peux m'en aller sans...
- Regarde autour de toi, ma chérie. Ils vont juste te pleurer...
- Me pleurer?
J'aperçois alors mon corps allongé sur un lit d'hôpital où Édouard me tient la main. Les autres ne
sont plus là. Georges n'est plus là.
- Tu leur as tous pourri la vie, reprend-t-elle. Personne ne t'aime vraiment. Dis-moi, as-tu vu
Georges? Ou encore Annie? Où sont-ils passés? Ils t'abandonneront un jour ou l'autre. Tu
t'es immiscée dans leur vie et tu ne veux plus les laisser vivre en paix. Tu les inquiètes, tu
leur as volé leur vie. Veux-tu qu'ils te soient encore assujettis? Hein?
Ma vue est maintenant brouillée par les larmes.
- Mais Ed...
- Edouard? Il est là parce qu'il est obligé d'être là, non parce qu'il le veut. Alors, viens. Viens.
Ta place est auprès de moi. Tu trouveras cette paix que tu as toujours voulue.
J'avance à petits pas, peu sûre de moi. Au moment où je vais mettre ma main dans la sienne,
j'entends quelqu'un murmurer:
- Ne t'en vas pas, princesse. Je t'aime tellement!
J'arrête mon mouvement, laissant le temps aux mots de transpercer mon être.
- Viens. M'interpelle-t-elle de nouveau.
- Ma mère n'aurait jamais voulu de mal pour moi. Elle voudrait que je vive. Déclaré-je.
- As-tu voulu que je vive, moi?
Ses yeux changent horriblement d'aspect, reflétant une colère cruelle. Son visage qui rayonnait
porte maintenant toutes les blessures qu'elle avait le jour de sa mort avec sur sa robe, des tâches de
sang.
Elle vient elle-même me prendre par le bras alors que j'essaie vainement de me débattre.
- Non ! Non ! Non !
- Calme-moi, je suis là.
J'essaie d'ouvrir les yeux et difficilement j'articule :
- Qu'est-ce... Qu'est-ce-qui s'est passé ?
- Docteur, elle s'est réveillée. Crie-t-il sans me répondre.
Le docteur entre dans la salle suivi de Georges et d'Annie.
- Mon amour ! fait Georges en se jetant sur moi.
- C'est bien que vous soyez réveillée. On a cru vous perdre
- Qu'est-ce...
- Ne parlez pas. Pour l'instant, vous devez d'abord récupérer vos forces. Une infirmière va
venir vous apporter des remontants. C'est même une chance que vous soyez encore en vie :
vous avez failli faire une overdose, explique le docteur.
- Alors ? demande Edouard.
- SVP, laissez-nous seuls. Dit-il à l' intention des autres.
Annie s'approche de moi et me dit :
- Prends soin de toi, ma belle. Je reviendrai te voir avec Marie qui, elle, a dû se déplacer.
J'hoche la tête comme seule réponse puis les deux sortent.
- Mon mari, murmuré-je.
- D'accord...
Le docteur se racle la gorge, me laissant comprendre que les nouvelles ne seront pas bonnes.
- On a le regret de vous annoncer que vous avez perdu votre bébé.
Une larme s'échappe de mes yeux pour aller perler sur ma joue.
- Nous sommes vraiment dés...
- Tu as entendu, mon amour ? fais-je en prenant son visage entre mes mains, le sourire aux
lèvres toujours en larmes. On l'a enfin perdu. Personne d'autre ne pourra nous séparer.
Personne.
Je l'embrasse chastement avant de poser sa tête contre ma poitrine. Il ne dit rien et ne semble
éprouver aucun sentiment face à la situation. C'est pourtant ce qu'il voulait...
Une infirmière entre avec une petite table alors que le docteur sort, confus, sans rien ajouter.
Georges se lève et prend l'assiette de ses mains.
- Pourquoi tu ne dis rien ? lui demandé-je hésitante.
- Il n'y a rien à dire. Répond-il sèchement. Allez, avale ça.
J'ouvre la bouche et grimace au gout de la nourriture.
- Ça doit contenir tes médicaments. C'est pour ça que c'est aussi mauvais. M'explique-t-il.
Nous restons silencieux quelques bonnes minutes avant qu'il ne me dise :
- Est-ce que tu sais que tu aurais pu mourir ?
- Je l'ai fait pour toi. Dis-je sur un ton froid.
Il me regarde un moment, dépose l'assiette puis se met debout :
- Pour moi ? t'ai-je demandé de prendre tous ces comprimés ? ou encore d'avorter ? t'ai-je
demandé de te donner la mort ? hein ?
- C'est ce que tu insinuais.
- Je n'ai rien insinué du tout. Bon sang ! tu ne comprends jamais ce que je dis.
- Tu m'as donné à faire un choix et je t'ai choisi... parce que je t'aime.
Il s'approche de moi et me prend la main :
- Je t'aime aussi, Emma. Et tu le sais, non ? jamais, je n'aurais voulu du mal pour toi Encore
moins te demander de faire un tel sacrifice. Il y avait d'autres moyens...
- Arrête de faire comme si nous ne parlions le même langage quand nous en avions discuté.
Il n'y avait pas d'autres moyens, tu le sais. Mais ce qui est fait est fait. Maintenant tu vois
jusqu'où je peux aller juste pour te garder à mes côtés : j'ai sacrifié le fruit de mes
entrailles pour toi. Imagine ce que je pourrais faire d'autre.
- Ne dis pas des choses comme ça. Je suis à toi et à toi seule. Je te promets de te donner cette
famille dont tu as toujours rêvé quand tout ça sera terminé. Rien ni personne ne pourra plus
nous empêcher de vivre notre histoire.
Je le regarde, un peu perdue. Pendant ce temps, mes pensées vagabondent à travers le temps
cherchant à me rappeler de quand j'ai pu tomber amoureuse de lui. Comment aurais-je su
qu'un homme aussi arrogant et flatteur à la fois tel que lui allait devenir ma moitié ?
Comment ? J'étais si douce et si fragile à la fois. Jamais je n'aurais pu me douter du fait que je
serai condamnée à aimer cet homme qui m'avait en quelques sortes offensé dès le premier jour
de notre rencontre. Mais pourquoi, diable, ai-je, malgré, voulu n'appartenir qu'a lui ? Georges
était loin d'être l'homme parfait, mon prince charmant dont toute petite je rêvais. Je le savais
bien. Pourtant, je n'ai point reculé devant ces sentiments qui me brulaient de l'intérieur. Je ne
connaissais presque rien de lui, ne savais d'où il venait et pourquoi ou comment il a croisé mon
chemin. Je ne voulais pas savoir.
En fin de compte, je me suis fourrée dans la gueule du loup. Ironie du sort, je ne veux pas être
libérée.
- Emma rentre avec moi. Je ne te laisserai plus lui faire du mal.
La voix retentit dans la salle ou le silence planait depuis un temps déjà comme un cri qui me
fait bondir de mes pensées. Il se tient debout, les poings serrés, les yeux dévoilant une grande
colère et prêt à se battre contre Georges comme si sa vie en dépendait.

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