1 (réécrit)
- Si tu ne veux pas consentir ce sacrifice pour nous deux, c’est clair que notre amour n’en vaut plus la peine. Alors, je suis désolé, je vais devoir te demander le divorce.
Un mot. Juste un mot pour que je vois mon monde s’écrouler en quelques secondes. Une migraine atroce s’ensuit et j’ai déjà mal au cœur. Les évènements, les paroles tournent en
boucle dans ma tête. Je ne comprends pas trop. Georges vient-il de me demander le divorce ?
Je joue à la sourde-oreille et me dirige vers la cuisine. Je m’approprie d’une orange posée sur l’évier et d' un couteau pour l’éplucher.
- Tu penses que ça peut calmer une migraine ? dis-je pour ignorer ce qu’il vient de dire.
- Ne me fais pas ça, Emma.
- Ben quoi !
Il secoue nerveusement la tête et semble chercher ses mots :
- Je ne peux pas vivre avec toi dans ces états-là.
Il s’approche de plus près. Nos respirations se mêlent et je peux voir l’effort qu’il fait pour se retenir de dévorer mes lèvres à ce moment.
- Emma, je veux le div…
Il hoquète de douleur. Ses yeux virent du brun au noir comme quand il se met en colère. Ses lèvres effectuent des mouvements mais pas un seul mot n’en sort. Il semble vulnérable, faible…sans vie.
Un filet de sang s’échappe de sa bouche en même temps qu’une larme de ses yeux. Je ne comprends rien à ce qui se passe. Je sens un frisson parcourir tout mon corps me procurant un drôle de sensation, une partie de moi se déchire. Mes mains tremblent et sont lourdes comme si… comme si elles tenaient un poids ?
Mon Dieu !
Je lève les mains en l’air comme pour prouver à moi-même mon innocence. Que s’est-il passé en l’espace d’une minute ?
***
Deux ans avant...
- Je t’aime, Emma, me chuchote-t-il. Ne le vois-tu pas? Et tu sais que mes intentions envers toi ne sont guère mauvaises. Je comprends qu'il soit difficile de me faire accepter par ta
famille mais au moins promets-moi que tu ne me quitteras pas. Je n'aurai pas la force de vivre avec un tel châtiment.
Je le regarde un peu perdue et confuse. C’est bien pour la première fois qu'il me parle ainsi, d’une
voix si douce et si calme. Je sais bien qu'être romantique ne fait pas partie de son caractère. Je me suis déjà faite à cette idée-là. J'étais toujours celle qui faisait le premier pas, il avait ce don de m'attirer à lui même quand je déployais mes caprices. Deux mois de cela, lorsque nous nous étions vus à la fête d’Annie, au lieu de m'approcher, il m'avait fait signe de venir à lui.
Mais quel culot! Pour qui me prenait-il? S'il osait espérer que je
me déplace jusqu'à lui, eh bien, il rêvait!...
Me voyant encore clouée sur la chaise, il me jeta un des regards que je n'oublierai jamais. Je pouvais distinguer la couleur de ses yeux d'où j'étais tellement ils étaient transperçants. Je les sentis me déshabiller malgré la distance qui nous séparait à travers cette foule qui dansait. Dans son regard, on pouvait lire la méfiance en grandes lettres. Je ne le lâchai pas du regard pour autant. J'ai toujours été comme ça: je ne me laisse pas faire facilement. Encore moins par ces genres d'homme qui n' étaient là que pour chasser. Heureusement, je ne suis pas une proie facile. Du moins, je ne l'étais pas…
Après maintes réflexions, Je me suis dirigée vers lui pour lui tenir tête. Il aurait mieux fallu rester à
ma place! Ce sera le pire affront de ma vie, de la part d'un homme. Il me sourit et lorsque je
m'apprêtais à m'asseoir près de lui, il quitta son siège et sortit. Sous le choc, Je restai abasourdie continuant à boire avec rage mon verre. J'étais énervée et avais drôlement honte. On ne fait pas ce genre d'affront à une Luz! Oh non, il n'allait pas s'en sortir comme ça. Je ne le laisserai pas s'en
tirer comme ça.
Après avoir bu une grande gorgée, je me levai brusquement et sortis à mon tour. Je ne savais pas encore ce que je voulais faire ou dire à cet inconnu, ce culotté qui s'en était pris à ma fierté de femme. Mais je devais quand même lui dire ses quatre vérités.
- Mademoiselle a du cran, on dirait.
La voix me fit sursauter mais je me retins de réagir sur le coup, me doutant déjà de qui il s'agissait. Je me retournai et sentis tout à coup que mes membres étaient immobiles. Comme si j'étais prise en sandwich entre deux murs. Je levai les yeux vers lui. Ce n'était que ses bras qui m'entouraient, paralysant les miens. Bien que je suis une karatéka incontestable, je n'ai rien pu faire pour me délivrer de l'emprise de ses bras. Peut-être n'étais-je pas vraiment la plus douée en karaté comme me le répétait mon professeur ou était-ce plutôt sa respiration sur ma nuque qui me retenait encore prisonnière de ses bras.
- Lâchez-moi! Sinon je crie à l'aide.
- Crie! Je ne t’ai pas arraché la langue... Du moins, pas encore.
Je laissai échapper un petit sourire auquel il répondit voyant qu'il ne m'effrayait pas. Il me lâcha et
me fusilla des yeux avant de me dire:
- C'est la première fois que je te vois et j'étais même prêt à jurer que tu allais me suivre. Ah! Les femmes de nos jours...
- ce fut une erreur, regrettai-je en m'éloignant de lui pour rentrer.
Il emboîte mes pas:
- Mais, attends!
- Quoi ? rageai-je… Puis, on ne se connait pas. Arrête de me tutoyer !
- Mais tu viens de le faire aussi, pointa-t-il.
Je secouai nerveusement la tête pour rentrer et profiter de l’ambiance qui régnait avant qu’il ne me la casse.
- Je ne voulais pas te faire peur. C'était juste ma façon à moi de te faire sortir pour qu'on fasse connaissance.
- Vous ne m'aviez pas fait peur, répondis-je en me retournant.
- tu n’as même pas eu peur de si robustes bras? riposta-t-il en faisant contracter ses muscles.
C'est vrai qu'il était robuste. Il avait le corps bien dessiné et surtout les bras musclés où je pouvais voir ses tatouages. Il avait ce genre de bras protecteur qu'aurait rêvé toute femme. Mais de là, à penser que je ne pouvais pas me mesurer à lui, il se trompait!
- Une flèche transperçant la lettre A et le G qui semble pleurer? C'est très original comme tattoo, commentai-je.
Son visage se décomposa à mon commentaire. Il m'offrit un sourire forcé en tirant sur son maillot
cherchant vainement à cacher le tatouage.
- Emma! Emma! m' interpelle une voix lointaine. Qu'as-tu décidé?
Tout d'un coup, j'enfouis mes souvenirs au dedans de moi, voulant me fier à la réalité. Je regarde l'homme en face de moi comme si je le voyais pour la première fois. Pourquoi lui? Comment ai-je pu l'aimer en si peu de temps? Je me le demande encore.
Sa réputation dans la ville est pourrie. Ses nombreux tatouages sur le corps que je n'arrive toujours pas à décrypter sont l'un des critères sur lequel on se base pour appuyer de tels jugements. Trop occupés à le juger, personne ne prend le temps d'admirer une telle beauté masculine si rare à Jacmel. Du moins, on préfère ne pas en parler. Il a les yeux bruns fendus en amande qui, exposés à la lumière ou lorsqu'il se met en colère, semblent devenir tout noirs, les sourcils rapprochés et les lèvres épaisses. Tout ça arrangé sur ce petit visage d'ange au regard dont tous se méfient mais qui a quand même fait chavirer mon cœur. Certains disent qu'il est en contact avec le plus grand dealer de drogue de la ville. D'autres vont jusqu'à penser qu'il a vendu son âme au diable. On dit tellement de choses sur Georges qu'on se demande si la vérité ne se serait pas déguisée.
Ce ne sont que des rumeurs, je n'en ai jamais tenu compte.
- Tu sembles comme évadée, reprend-t-il. Tu veux me quitter, c'est ça?
Je reste muette, incapable d'articuler un seul mot.
- Bon sang, parle! Tu m'inquiètes.
- je-je réfléchis, marmonné-je.
- Tu réfléchis à quoi? Si tes parents ne me veulent pas, c'est leur problème. Je peux prendre soin de toi, j'irai chercher un travail, bâtir une maison...
Le ton de sa voix change et ajoute tout bas en venant se mettre à mes pieds:
- ...pour nous deux.
Je caresse son visage du revers de la main et admire l’homme qui est en face de moi. Ce regard me transperce le cœur. Son sourire embellit mes journées, il les rend si spéciales! Pourtant, je m'en méfie. Je me sens naïve en tombant amoureuse en si peu de temps. Et lui, est-ce qu’il ressent vraiment ce qu’il dit ressentir ? Pourquoi moi? Pourquoi pas une autre? Qu'ai-je de si spécial, de si unique? Je n’ai plus aimé depuis mes 17 ans, depuis Jean… J'ai envie de le fuir, de tout fuir. Cependant, La volonté n'est rien quand le cœur continue à aimer, quand l'âme s'est déjà attachée. J'en suis bien consciente. Mes pensées sont floues, je n'en suis plus maître. J'ai perdu toute notion du temps.
Il n’est pas le genre de gars qui offre des fleurs ou des chocolats à sa petite amie ni celui-là qui déclare sa flamme en mille et une paroles. Il est direct, trop direct même. Il est juste différent et plutôt ce genre de prédateur qui préfère attendre que sa proie vienne sur son chemin sans être parti à sa chasse. Et je suis cette proie-là. Oui, étonnamment !
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