CHAPITRE 8
L'espoir nous fait vivre, l'espoir nous maintient en vie. Chaque personne de ce monde se raccroche à un espoir, pour survivre.
La vie de certain repose sur un but ou bien une croyance. Pour ma part, il s'agit de personnes chères à mes yeux. Je ne saurai dire lesquelles.
Il y a certainement ma mère. J'ai envie de me battre pour elle, je suis son espoir, elle est le mien. J'ai le devoir de vivre, pour elle, pour nous. Je me suis promis de la protégée, elle ne sombrera pas.
Mais elle n'est pas mon seul pilier.
J'aimerai mentir à mon âme, j'aimerai la trahir mais c'est impossible.
Je me suis accroché à lui sans aucune raison. Mon être tout entier s'est livré à lui. Il est mon unique source de réconfort, la pire des malédictions. J'ai besoin de lui, mon âme est en permanence connectée à la sienne. Il est mon espoir, il donne un sens à mon bout de vie. Pourtant, nos sentiments l'un envers l'autre sont les mêmes, nous nous détestons. Alors pourquoi ais- je tant besoin de cet inconnu ? Il me donne l'impression de revivre, mais en réalité me détruit.
Une âme perdue ne peut pas s'autoriser à rêver. Surtout lorsque son rêve n'est en réalité qu'un cauchemar, sadique mais bien réel. Il est ma torture quotidienne.
Le silence est pesant, il m'arrache la poitrine. La tête me tourne alors que je n'ai pas encore quitté la maison. Je devrai être partie depuis dix minutes, mais la peur me paralyse. Je n'ai aucune envie de retrouver cet enfer. Le lycée me pousse dans un processus de destruction, je n'ai aucune échappatoire.
Je suis seule, je fais semblant de vivre.
La seule preuve de vie en moi est uniquement mon cœur qui continu de battre malgré la douleur. Ma vie est en miette.
Il aurait pu m'aider, me sauver lui aussi, comme je voulais le faire pour lui. Mais j'aurai dû comprendre dès le début qu'il ne ferait que de m'achever. Il a détruit tous mes espoirs. Il a détruit ce fragment de vie si fragile que j'avais construit autour de lui. Il a détruit tout ce que je suis.
Dans le miroir me faisant face, j'aperçois une fille. Elle a de longs cheveux blonds, de grands yeux, d'un bleu profond. Elle a l'air sage, tel un ange. Mais cet ange a le regard vide, sans vie. Elle est maigre, elle ne se nourrit que très peu. Elle serait peut-être belle, si elle n'avait pas autant de noirceur en elle. Il semblerait que seuls les pires démons l'habitent. Si la vie avait été différente, serait-elle une autre personne ?
Mais la vie ne changera pas, le passé a été tracé, il ne sera jamais effacé. Il a détruit tout ce qui restait d'elle, jusqu'à la réduire à néant.
Ce résultat de la vie n'est autre que moi-même.
Je n'ai plus aucun espoir. Personne ne me fera aller de l'avant, je ne ferai que reculer. J'aurai aimé qu'il m'accompagne dans ma décadence. Mais il m'a lui-même abandonné.
Je n'ai jamais perdu espoir, c'est eux qui m'ont perdu.
Je détache enfin mon regard de mon reflet. Mon apparence m'effraie. Je devrai certainement pleurer à la vue d'un tel gâchis. Mais je ne peux pas, je ne peux plus. Mon cœur est vide. Mon âme est noircie par ma vie passée. Je n'ai plus la force, ni de pleurer, ni d'affronter le lycée.
J'ai passé ma nuit à pleurer, à me lamenter. Mes dernières forces m'ont abandonnée. Je ne veux plus jamais voir Julian. Je veux rester seule face à moi-même. C'est le seul moyen pour moi de survivre.
Je décide finalement de me recoucher. Je ne veux plus le revoir, du moins pas aujourd'hui, je me sens bien trop faible.
Il pourrait m'achever trop facilement.
Demain j'irai mieux. J'aurai la force de lui résister, la force de le combattre, la force de tenir le coup.
Sans prendre la peine de me déshabiller, je m'allonge dans mon lit. Je ne pense à rien, ni à ma mère ni à lui. Je ne veux plus penser, je ne veux plus vivre. Je vais laisser le sommeil m'emporter loin de ce monde, je vais laisser mes rêves me bercer. J'espère ne pas le voir au travers de ma conscience. J'espère ne jamais me réveiller.
La douceur, cet état d'apaisement me quitte peu à peu. La tête me tourne, je me sens déboussolée. J'ai l'impression que le sommeil m'a quitté aussi vite qu'il m'a gagné, emmenant avec lui, sérénité et calme. Je reprends peu à peu mes esprits. Si je n'éteins pas mon téléphone, ma tête va exploser. Sa sonnerie est venue perturbée mes rêves, comme elle est venue perturbée mon esprit encore endormi. Je me redresse lentement jusqu'à être assise, je m'enroule dans la chaleur de mes draps et attrape vivement mon téléphone.
Je décroche.
- Allô maman ?
- Nolwenn ! Enfin ! Je t'ai appelé trois fois ! Pourquoi tu ne réponds pas ?
- Excuse-moi, je dormais.
- Il est presque quatorze heures !
- Et donc... ?
- Le proviseur m'a appelé. Pourquoi es-tu restée à la maison ?!
Elle a l'air furieuse, elle a toutes les raisons de l'être. Je ne sais pas quoi répondre à cette question. Je suis restée ici, pour ne pas avoir à affronter la vie, le lycée, Julian.
- Excuse-moi... Je ne me sentais pas très bien...
- Nolwenn ! C'est la semaine de la rentrée, tu ne peux pas te permettre de rater les cours.
- Je te dis que je vais mal ! Je hurle désormais.
- Apparemment il te reste tout de même assez de forces pour me hurler dessus ! Nolwenn, je commence à en avoir marre de tout ça, je t'en prie va en cours, au moins cette après-midi.
Ma mère a raison, je devrai faire un effort. Elle en fait constamment, pourquoi pas moi ? Je me suis promis de ne plus la décevoir, de ne plus rendre sa vie compliquée. Mais j'ai échoué. Je me dois de faire cet effort d'aller au Lycée cette après-midi. Je le fais pour elle, pour ma promesse. Je veux la préserver, je lutterai face à mes pires démons pour y arriver.
- C'est d'accord.
Je cède, j'abandonne.
- Merci Nolwenn ! Merci !
- Tout le plaisir est pour moi. Dis-je avec sarcasme.
- Bon, je retourne travailler, je compte sur toi ! Ne me déçois pas !
Sans me laisser le temps de répondre elle raccroche.
Elle semble s'être radoucit. Si elle savait le combat intérieur que je mène pour me contrôler et la protéger, elle saurait qu'au fond, enfouis sous une tonne de regrets se cache mon amour pour elle. Je suis un monstre, mais je pense savoir aimer, elle en est la preuve.
J'entre dans le bâtiment. Je suis à bout de souffle, mes poumons cherchent l'air, mon cœur essai tant bien que mal de calmer ses pulsations. Je me sens si fébrile. J'ai l'impression que le moindre coup de vent me ferait m'écrouler.
J'arrive enfin devant ma salle. Je suis tout juste à l'heure. Une fois devant la porte, mon angoisse habituelle s'empare de moi. Je suis submergée par la peur et l'appréhension. Mon cœur a beau lutter, ses pulsations sont de plus en plus fortes.
Je dois le faire, pour elle.
J'entre.
Sans prendre la peine de regarder la classe, je me dirige vers Liliane et m'assois à ses côtés. Les élèves ne sont pas tous arrivés. L'air s'alourdi déjà, la tension est palpable. J'ai envie de fuir, de partir le plus loin possible de cet enfer. Mais la peur me tétanise.
Liliane ne semble pas vouloir me parler. Elle a certainement compris que nous ne serons jamais amies. Elle semble froide. Je ne peux m'empêcher de penser à elle, et à Anita. J'ai beau vouloir me persuader qu'elle n'est pas sa sœur, leurs ressemblances me troublent. Anita Lawson serait la sœur de Liliane ? Liliane... Je ne connais pas son nom d'ailleurs. Ce détail me déstabilise. Je dois en avoir le cœur net, je dois savoir.
- C'est quoi ton nom de famille en fait ? Lui dis- je d'un air détaché.
- Tu ne me demandes ça que maintenant ? Tu n'écoutes jamais quand les enseignants font l'appel ou quoi ?!
- Je t'ai posé une simple question, j'attends une réponse tout aussi simple, pas une leçon de morale.
- Lawson.
- Lawson ? C'est ton nom ?
- Oui et alors ?
- Oh...
Elle ne réagit pas devant mon air dépité.
Je ne peux pas y croire. Elle, Liliane, la sœur d'Anita. Je suis à la fois surprise et déçue. Cette Anita me cache certaines choses, elle partage un secret avec ma mère, elle est la sœur de Liliane. Elles sont semblables certes mais pourtant si différentes. Peut-être que Liliane est au courant de ce que veut à tout prix me cacher ma mère, j'ai besoin d'en savoir plus.
La porte claque, je trésaille. La magnifique silhouette de Julian traverse la salle à vive allure. Il ne me regarde pas, je suis inexistante à ses yeux.
Il s'assoit seul, au fond de la classe. Il saigne légèrement à la tempe. Je manque de défaillir, il a encore été battu.
Je ne peux détacher mon regard de cet inconnu. Un inconnu qui me détruit constamment, mais dont j'ai besoin pour vivre. Ma peur laisse place à l'inquiétude. J'ai envie de le protéger, de le soigner, de l'aider. La souffrance est devenue ma compagne de route, ça ne me dérange pas qu'il en soit la cause. L'air me manque, ses yeux plongent dans les miens. Nos âmes se connectent de nouveau, je perçois tant de tristesse dans son regard. Les larmes me montent aux yeux, il n'y a que lui pour me bouleverser à ce point. Je ressens sa douleur, je souffre aussi. Toute ma haine envers lui s'est effondrée en une fraction de seconde.
Un chuchotement parcourt la salle pourtant silencieuse.
Je me retourne. Deux filles sont assises une table devant Julian, elles chuchotent. Je n'entends pas leurs dires, elles sont bien trop loin. Mais le regard de Julian me fait comprendre, il en est la cible.
Elles ricanent, se retournent puis reprennent leurs moqueries. Quant à lui, je comprends en voyant son poing serré sur la table, qu'il contient sa rage et ses larmes. Je continue de l'observer en silence. Il range ses affaires, je ne comprends pas.
Il se lève, prêt à partir.
- Où allez- vous ? L'interpelle le professeur.
- C'est vrai ça où tu vas toi ? Renchérit l'une des deux filles en ricanant.
Son rire semble s'étouffer dans l'air. Je ne suis pas sûr de comprendre. Julian semble de plus en plus avoir du mal à contenir son mal être. L'air devient pesant, irrespirable.
- Ça ne te regarde pas ! Hurle-t-il
- Oh attention, monsieur Perett s'énerve ! Se moque t- elle.
Elle poursuit sa remarque par un rire malsain, la classe fait de même.
Il ne se contrôle plus. Mon sang ne fait qu'un tour.
Julian attrape sa table avant de la jeter violemment au sol. Il empoigne avec force sa chaise, et l'envoie à l'autre bout de la classe. Il est hors de lui. Il perd tout contrôle, il se perd.
Il fait ressortir toute sa rage et sa tristesse. Il lance une nouvelle fois sa table en hurlant.
Personne ne réagit, pas même le professeur. Je devrai l'en empêcher. Mais cette avalanche de rage cache surtout un profond désespoir. Le voir aussi mal me fend le cœur. Je suis pétrifiée. Mes yeux sont écarquillés de terreur et trempés de larmes.
Son regard croise le mien. Je perds tous mes moyens. Tout s'est passé si vite.
Julian est une tempête, qui détruit tout lorsqu'elle fait rage. Mais cette tempête est tout ce qui me reste.
Sa poitrine monte et descend à une allure folle. Il semble épuisé, à bout de force. L'euphorie le quitte peu à peu.
Envahit par la honte, il se rue vers la porte.
-Allez tous vous faire foutre ! Tonne t- il avant de quitter la pièce.
Je reprends enfin mes esprits. Je dois l'aider, ce n'est pas à moi de me morfondre. Il a besoin d'aide. Il a besoin de moi. Sans plus attendre je range mes affaires et me précipite dehors.
- Julian attend moi !
Il se retourne et s'arrête en me voyant.
- Ça va ? Dis- je inquiète.
- Non ! Non rien ne va Nolwenn !
Sa réaction me surprend. Il semble bouleversé. Il n'est plus aussi méfiant qu'il l'a été, il m'ouvre son âme. Mes larmes coulent toujours, il les ensuit de son pouce. Mon corps tout entier frisonne, une sensation nouvelle m'envahit. Je remarque une larme couler sur sa joue, une autre la rejoint aussitôt.
- C'est un calvaire. Ils ne s'arrêteront jamais. Je n'en peux plus Nolwenn, je n'en peux plus. Ma vie est devenue invivable. Ça va faire deux ans que ça dure. M'explique-t-il.
- Oh Julian...
- Tu es différente. Tu n'es pas comme eux, tu me bouleverses. Tu t'es imprégnée en moi.
Je ne sais pas quoi lui répondre. Une sensation de bonheur m'envahit, une sensation qui m'étais jusqu'à lors inconnue. Je découvre un Julian que je ne connaissais pas. Nous sommes seuls. Le couloir est vide, il n'y a que nous. Ses yeux viennent se plonger dans les miens. La noirceur de son regard me transperce une nouvelle fois. Il est mon reflet, nos âmes sont identiques.
Je suis pour lui ce qu'il est pour moi, un besoin, un besoin vital.
Une larme coule sur sa joue, je l'intercepte.
Ma main vient caresser sa joue, sa peau est si douce.
Il la retire délicatement.
- Je vais rentrer chez moi. M'annonce-t-il.
- Ça ne va pas ?
- Écoute Nolwenn, je dois y aller. On ne devrait pas se parler.
- Pourquoi dis-tu tout ça ??
- Je ne suis pas quelqu'un de bien. Tu es comme moi, je l'ai ressenti à la seconde où je t'ai vu. Mais les ténèbres ne pourront pas s'entraider. On ne fera que de sombrer encore plus. Aucun de nous ne connait la lumière, aucun de nous n'a d'espoir.
- Tu dis n'importe quoi !
- Si tu le dis, je suis observateur tu sais, on ne peut pas dire que tes cicatrices soient bien cachées.
- Je veux simplement t'aider.
- Tu ne peux pas.
Je ne sais plus quoi dire. Il n'est pas agressif mais sa voix est sèche. Il est sûr de lui. Mais je ne suis pas prête à l'abandonner, un lien invisible nous lie. Ma raison me hurle d'abandonner, que Julian causera ma perte. Mais je préfère me fier à mon instinct. Son absence causera autant ma perte que ça présence. Je prends le risque.
- Tu sais quoi, on ne sait jamais. Si tu as besoin de moi, je serai toujours là, d'accord ? Toujours.
Je prends un stylo dans ma trousse ainsi qu'un bout de papier et y écrit mon numéro de téléphone.
Il semble perdu.
Je dépose le papier au creux de sa main.
- Merci. Souffle t- il avant de partir.
Je regarde sa silhouette s'effacer au loin. Je ne veux plus penser. Je ne me comprends plus moi-même. J'ai agi en suivant mon instinct. J'ai agi pour lui et non pour moi. J'ai agi pour celui qui, dans quelques jours, sera surement responsable de ma souffrance.
Je me décide à retourner en cours. Je n'ai aucune envie de parler ou de répondre aux questions que le professeur me pose au sujet de Julian.
Je retourne m'assoir près de Liliane.
Je passerai mon après-midi seule. J'en ai besoin, j'ai besoin de me retrouver.
Je pousse doucement la porte de ma chambre et m'allonge dans mon lit. Cette après-midi a été insoutenable. Chaque seconde plus dure que la précédente. Je n'ai eu aucune nouvelle de Julian. Je m'inquiète beaucoup pour lui. J'aimerais comprendre. Il ne m'a pas tout dit, j'aimerais connaître son histoire, j'aimerais pouvoir le sauver.
"Tu t'es imprégnée en moi"
Ses mots tourbillonnent dans ma tête. Il a besoin de moi, pourtant il me fuit. Nous résistons tous les deux a un besoin mutuel. C'est inévitable. Sa présence me manque, mais la tendresse dont il a fait preuve tout à l'heure me bouleverse. Mon corps tout entier à frissonné lorsqu'il m'a touché, mon cœur s'est emballé. Le bonheur m'a envahi.
Mon téléphone vibre sur mon bureau, je m'y précipite. Un numéro inconnu vient de m'envoyer un texto.
« Rejoins-moi à 18h au même bar qu'hier. Il me semble que je n'avais pas été très poli. Ps : tu n'as rien à craindre je suis plutôt de bonne humeur."
Un sourire illumine instantanément mon visage. J'espère qu'il apportera des réponses à mes nombreuses questions. Il est incroyable. Il a le contrôle de mon être, lui seul peut m'anéantir et me faire sentir heureuse à la fois. J'ai débuté la journée en le détestant, je la termine, souriante, heureuse à l'idée de le revoir...
Je ne me comprends plus.
Je ne me contrôle plus.
Je suis perdue.
Que m'arrive t- il ?
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