CHAPITRE 7
Une intense chaleur me brûle le visage. Son souffle m'étouffe. Quelques gouttes de sueurs perlent sur mon front. J'ai beau essayer de me débattre, rien n'y fait. Je suis comme paralysée, immobile contre lui.
Un son, des plus désagréable retentit.
La sensation que j'éprouve est elle aussi des plus désagréables. J'aimerais hurler, mais j'en suis incapable. Je ne sais pas exactement ce que je suis entrain de vivre, je suis comme spectatrice de mon malheur. Une chose terrible est entrain de se produire. Je le sais, je le sens.
Ce son est maintenant régulier, impossible à stopper.
J'ai l'impression de flotter, tout est si calme. Pourtant un détail vient me glacer le sang. Un détail qui je me souviens a détruit ma vie tout entière. Je perçois un point rouge. Il me transperce, transperce mon regard, transperce mon âme toute entière. Je connais ce point rouge, cette caméra. Je connais cette histoire, c'est la mienne. Je l'ai vécu.
Le son semble s'intensifier, il s'imprègne dans mon être tout entier.
Une main vient me toucher. Il me touche, me caresse. J'ai l'impression de défaillir, j'ai envie de partir. Je suis nue et lui aussi. Il a sa main plaquée sur ma bouche. Il semble s'en moquer de détruire ma vie. Je remarque son sourire narquois, il a changé. Deux jolies fossettes se dessinent au coin de sa bouche, je me fige, ce sourire, tellement malsain. Son regard n'est pas le sien, ce n'est pas celui de Preston. Ses yeux reflètent désormais les ténèbres, toute la noirceur du monde y est contenue. Mon âme se reconnait dans ses beaux yeux noirs, emplit de haine. Il me fait mal, il me tue à chaque instant. Je connais ce regard, je connais ce sourire, je connais ces cheveux légèrement bouclés qui me tombe sur le visage, je connais cet homme. Il est mon rêve le plus fou bien qu'il soit actuellement mon pire cauchemar, Julian.
Je me réveille brusquement en hurlant. Je hurle tout ce que mes poumons ont contenu, je pleure toutes les larmes qui ne réussissaient pas à couler. Je propulse ma couverture à l'autre bout de la pièce.
Le son continu de résonner dans la pièce.
Je me précipite vers mon téléphone et désactive l'alarme. Il est presque huit heures, je vais être en retard. Je devrais certainement me ruer dans la salle de bain, et partir à toute vitesse en direction du lycée. Mais je n'ai plus aucune force.
Tout ceci n'était qu'un cauchemar.
Mon passé m'a une nouvelle fois rattrapé, il ne me laisse jamais de répit. J'ai par sa faute, revu l'enfer. J'ai pu de nouveau saluer mes démons. Ma vie a été détruite, jamais je ne m'en sortirai, son sourire me hantera toute ma vie, ses mains froides sur mon corps hanteront mon âme à jamais, la faisant prisonnière des ténèbres.
Je reste immobile quelques instants, j'ai besoin de me calmer.
Ma respiration ralentit peu à peu à mesure que je retrouve mes esprits. Je me sens si fébrile et fragile. J'ai l'impression que le monde entier pèse sur mes épaules tant elles sont lourdes. Mon front est couvert de sueur. Mes mains tremblent encore.
Pourquoi lui ? Pourquoi me violait-il ? Le visage si familier et mauvais de Preston avait été remplacé par celui de Julian. Ce qui rendait la scène encore plus terrifiante. Julian est une source d'espoir pour moi. On ne s'aime pas, je ne l'aime pas du tout d'ailleurs. Mais il est mon espoir, j'ai besoin de lui, inconsciemment, il m'aide à vivre. Pourtant, il est apparu dans mon cauchemar. La scène semblait si réelle, si vivante. Peut-être que mon subconscient me supplie de me méfier de lui, et je me méfie. Mais mon besoin est bien là.
Les mains toujours tremblantes je me décide à me préparer. Je suis tétanisée par ce que mon sommeil m'a fait vivre. Je suis tétanisée à l'idée de le revoir.
Un vent glacial vient me fouetter le visage. Je cours plus que je ne marche. Je ne suis pas pressée d'arriver au lycée, mais marcher me fait oublier. Mon esprit est bien trop occupé à aligner mes pas et à accélérer ma vitesse pour penser à la cause de ma destruction.
J'aperçois le lycée, je n'ai aucune envie d'y aller. Cette angoisse si familière m'envahit de nouveau. Ma gorge se noue. Je préférerais disparaître et ne plus jamais revenir. Mon cœur bat la chamade. Ma tête me hurle de repartir en courant et de ne plus jamais revenir, mais mon corps reste immobile. Je n'arrive plus à le contrôler. Je dois entrer, je le sais. Mais chaque jour est plus insupportable que le précédent, chaque pas me rapprochant de cet enfer me consume.
Au loin une voix m'interpelle.
- Nolwenn ! Attends-moi !
Je reconnais cette voix, c'est celle de Liliane. Je décide de l'ignorer.
- Hey ! Attends-moi, je suis en retard moi aussi mais je déteste avoir à affronter la classe seule.
Sa petite main m'attrape le bras. Elle me tire avec force vers elle, je me retourne.
- Et alors ? A deux on sera plus forte c'est ça ? Lui dis-je d'un air moqueur.
- En quelques sorte. Je déteste être en retard. Tout ça à cause de ma sœur...
J'entends une voiture démarrer, je jette un rapide coup d'œil. Une magnifique Mercedes noire recule, prête à sortir du parking. Mais mon regard s'appuie sur la conductrice. Elle me rappelle quelqu'un... Anita. Non, ça ne peut pas être elle. J'ai dû mal voir. Mon esprit est totalement chamboulé depuis ce matin, ça doit être ça. Je ne peux pas imaginer qu'Anita soit la sœur de Liliane.
- Nolwenn ! Tu m'écoutes quand je te parle ?! Tonne Liliane.
- Oui, excuse-moi. Qu'est-ce que tu disais ?
- Tu es vraiment étrange toi ! Enfin ... Je disais que ça faisait longtemps que je n'avais pas vu ma sœur. Elle se rendait souvent dans une autre ville. Elle est désormais de retour à Breizheit, enfin décidée à s'occuper de moi.
- Super...
Elle me lance un regard noir. Ses yeux verts reflètent son mécontentement. Mais elle doit comprendre que je ne suis pas son amie. Je ne suis l'amie de personne. Elle est l'ange que j'aurais pu être si la vie n'avait pas réduit mes rêves à néant. Mais elle m'a trahi faisant de moi un être sombre, pleins de démons et de regrets. Je ne prendrai pas le risque que ma noirceur trahisse son innocence.
Nous avons cinq minutes de retard. Sans prendre la peine d'aller chercher un billet de retard, nous nous dirigeons vers notre salle d'anglais. Le silence est pesant. Les couloirs sont vides, nous sommes comme seules dans ce terrible endroit, seules livrées à nous même. Elle semble gênée, je le suis aussi. Je n'ai envie d'aller nulle part, mes démons m'ont coupé toute envie. Je me laisse vivre, je me laisse partir à la dérive.
Plus j'observe Liliane, plus je trouve de ressemblances avec Anita.
Tout d'abord, leur peau mate. Mais aussi leurs longs cheveux bruns et leurs sublimes yeux verts. Elles ont toutes les deux une élégance incroyable. Mais je chasse cette idée de ma tête, c'est impossible, je ne peux pas le croire. Cette fille si adorable ne peut pas être la sœur de cet étrange personnage.
Nous arrivons devant la salle, Liliane me lance un regard interrogateur. Elle semble s'être radoucit.
Voyant que je ne ferai rien pour ouvrir cette porte, elle prend son courage à deux mains et entre dans la pièce.
- Hello. Sorry, we are late.
Sans un mot, l'enseignante nous fait signe d'aller nous assoir. Il reste une table au fond de la salle. Nous serons donc à côtés.
Le cours continue.
Cela me rassure d'être à côté d'elle. Pourtant je sais d'avance que l'ambiance sera glaciale. Je ne me sens pas à l'aise. L'air devient lourd. Mon cœur semble vouloir exploser. Mais ce n'est que le début.
Mon souffle me manque, j'aperçois Julian, il est là. A quelques mètres de moi. La boule dans mon estomac s'intensifie jusqu'à le nouer. Mon cœur va jaillir de ma poitrine d'un moment à l'autre si je n'arrête pas de le regarder.
Son regard croise alors le mien. Un regard vide, sans expression particulière. La chaleur de l'enfer s'empare de moi.
Je ne survivrai pas à lui.
Les élèves se bousculent désormais. Il est midi. L'insupportable sonnerie vient de s'arrêter annonçant la fin de la matinée. Je suis déjà à bout de force.
Le lycée est désormais vide. Tous les élèves sont partis manger, j'ai deux heures pour moi, deux heures de paix.
Je me dirige lentement vers la cour.
Une fois dehors, l'air frais m'envahit, me faisant le temps d'un instant tout oublier.
Je m'assoie sur le même banc qu'hier. La cour semble vide, il n'y a donc que moi. Je suis soulagée, je me sens libre. Aucune pensée ne me vient. Mon esprit est lui aussi libre. Mes démons me laissent un peu de repos. J'avais vraiment besoin de ce moment de fraîcheur après cette rude matinée.
Mais les moments de bonheur s'évanouissent vite.
La porte menant au lycée s'ouvre dans un fracas terrifiant.
Trois hommes pénètrent dans la cour. Deux grands blonds, que je ne connais absolument pas, ils ont l'air beaucoup plus vieux que moi, et un grand brun, Julian.
Les deux blonds le poussent en riant, lui ne se défend pas. Il recule, essai d'éviter leurs coups.
Ils ne semblent pas m'avoir vu. Je m'approche.
- Julian, tu as décidé de te rebeller à ce que je vois.
- Ah oui, depuis quand tu insultes les gens ? Ricane l'un des hommes.
- Elle a commencé. Elle m'a encore insulté. Ça fait trop longtemps que ça dure, j'en peux plus! Se défend Julian.
- Allez soit un homme ! Montre-nous que tu n'es pas raté au point que tout le monde croit.
Les deux blonds sourient, un sourire que je connais bien. Ce sourire narquois, plein de méchanceté. Pourquoi Julian est-il autant persécuté ?
- Non mais vous êtes dingues tous les deux ! Je ne vais certainement pas me battre, allez-vous faire foutre !
Sans même rétorquer, les deux hommes m'offrent le pire spectacle au monde.
Ils se ruent sur Julian, les poings en avant. Hurlant des insultes, le frappant comme s'il ne s'agissait que d'un vulgaire punching-ball. Julian quant à lui essaie de se défendre, de réagir. Mais c'est insuffisant. Ils sont beaucoup trop fort pour lui, beaucoup plus grands, beaucoup plus musclés, beaucoup plus âgés. Je l'entends hurler, je l'entends supplier. Je suis pétrifiée. Les larmes ruissellent sur mes joues, je ne peux les contenir. Je suis impuissante, je ne peux rien faire. Mon cœur se tort de douleur. J'oublie ma rancœur et ma méfiance à son égard. Je ressens chacun de ses coups. Mon être tout entier souffre avec lui.
Les deux blonds s'arrêtent enfin, satisfaits. Ils s'éloignent finalement sans un mot ni un regard, simplement leurs rires malsains s'envolant dans l'air, résonnant en moi.
Mon cœur bat à tout rompre. Je suis figée. J'observe Julian au loin. Il semble si faible. Il pleure ? Peut-être.
Il faut que je vérifie qu'il va bien, j'en ai besoin, sinon la douleur infligée par ses bourreaux ne cessera jamais.
Je cours vers lui.
- Julian ! Julian ! Tout va bien ?
- Qu'est- ce que tu fais là toi ?
- J'ai tout vu, s'il te plaît explique moi.
Les larmes coulaient encore sur mes joues. Je les essuie vivement. Mais son sourire en coin me fait réaliser qu'il a compris mon degré d'inquiétude.
Je remarque qu'il saigne à la tempe, mon sang ne fait qu'un tour. Il est salement amoché. Mon cœur manque de s'arrêter net.
- Julian, s'il te plaît ! Je le supplie maintenant.
- J'ai de petits problèmes rien de plus...
- Je n'appelle pas ça de petits problèmes.
- Et alors ? Tu n'es personne ! Tu n'as aucun droit de s'immiscer dans ma vie comme ça !
- Je m'inquiète pour toi !
- Comme c'est mignon ! Répondit-il avec ironie. On devrait se raconter nos problèmes autour d'une tasse de café pendant qu'on y est !
- Très bonne idée ! Qu'est-ce que tu veux faire de mieux ?
- Je voudrais partir loin de ce lycée...
- Très bien. Moi aussi, ça tombe bien. Partons. Je t'emmène boire un coup, mais pas un café, je n'aime pas trop ça. Dis-je avec sarcasme.
- J'accepte. Parce que tu m'y force et parce que je n'ai rien contre le fait qu'on me paye une boisson.
Il m'emboîte le pas, se ruant presque vers la sortie.
J'ai ce besoin de le protéger, ce besoin de lui. Certes j'ai été maladroite à insister mais il sera bien plus en sécurité loin de ce Lycée, et moi je serai beaucoup moins angoissée. Enfin j'imagine.
Je ne sais pas ce qui me prends de sécher les cours pour partir avec cet inconnu dans un bar. Mais mon instinct a guidé ma raison. Je me méfie de lui autant que j'ai besoin de lui. Cette connexion entre nous s'intensifie, je le sens. J'ai vécu ses coups, sa souffrance. Je le déteste et pourtant j'agis comme s'il était important pour moi.
J'ai l'impression de perdre la tête.
Il me fait perdre la raison. J'essaie de contrôler le peu de vie que l'on m'a laissé, mais cette tâche devient de plus en plus rude.
Il change ma vie, un jour je m'en rendrai compte, pour le meilleur ou pour le pire.
Nous arrivons dans le bar. Il est désert. Nous nous asseyons à une table, en silence.
Ses grands yeux noirs me fixent. Une émotion est tapie au fond de son regard mais je n'arrive pas à deviner laquelle.
L'angoisse me prend. Pourtant je suis bien loin du lycée, mais c'est lui, il en est la cause. La gêne m'envahit. L'air pèse désormais aussi lourd que notre silence.
Une serveuse vient à nous.
- Bonjour, que désirez-vous ?
- Une vodka. Répondit Julian.
- Euh... Un coca, s'il vous plaît.
- Je vous apporte ça tout de suite.
Je suis stupéfaite. Je ne m'attendais pas à ça. Je l'invite ici pour discuter et essayer de comprendre pas pour se soûler.
La serveuse nous apporte nos commandes.
Je me sens de plus en plus mal à l'aise.
- Pourquoi tu bois ? Je lui demande, curieuse.
- J'ai besoin d'oublier certaines choses, là s'en est trop pour moi.
- Euh... D'accord...
- Ça va arrêtes de me regarder avec tes grands yeux ! Tu te prends pour qui toi ? Je n'ai aucun compte à te rendre ! Hurle-t-il.
Je reste bouche bée, face à son élan de rage.
- Je n'ai jamais dit le contraire. Pourquoi es-tu si froid et méchant avec la seule personne qui essaie de t'aider ??
- Je ne t'aime pas, c'est tout.
Ces mots m'arrachent le cœur. Ils me brisent en mille morceaux, me réduisent en miettes. Je m'en veux tellement d'avoir pu imaginer une connexion entre nous.
- Je n'aime personne... Ajoute-t-il.
- Je ne t'aime pas non plus si tu veux tout savoir !
Je hurle désormais. Je déverse toute ma rage. Julian est un monstre. Je l'ai toujours détesté et je le détesterai toujours.
Nous sommes trop similaires pour nous entendre. Nous sommes les ténèbres et la noirceur. Nous avons été corrompus, nous sommes perdus.
Personne ne nous sauvera, ni l'un, ni l'autre.
Sans dire un mot, Julian se lève, fini son verre avant de le reposer sur la table.
- Qu'est-ce que tu fais ??
- C'est toi qui paye je te rappelle. Dit-il avant de partir en claquant la porte.
J'ai payé puis je suis rentrée. Seule, dans le froid de l'automne. Une fois arrivée chez moi je suis montée dans ma chambre et me suis allongée en pleure dans mon lit, toujours seule, à bout de souffle.
J'ai l'impression qu'il me manque la moitié de mon âme, je me sens si seule, dévastée, il ne reste plus rien de moi. La vie ma désormais tout pris. Il était comme un espoir pour moi, l'espoir d'une seconde chance. Mais je devrais avoir compris depuis longtemps qu'il n'y a plus aucun espoir pour moi.
Je le détestais mais me raccrochais à lui également. Mais maintenant je suis seule, comme avant, je suis revenue au point de départ.
La vie est le plus dur de nos combats, un combat que je ne gagnerai pas.
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