CHAPITRE 20
La nuit ne m'a pas permis de m'apaiser ni d'empêcher mon esprit de se faire envahir de songes et de doutes. La journée s'annonce rude. Ma joue est toujours endolorie à la suite de la claque que m'a mis le proviseur la veille. J'ai si peur à l'idée de le revoir. Chacune de nos confrontations sont brutales et ne mènent à rien, je ne veux pas voir Julian souffrir de nouveau, je ne veux pas me faire frapper de nouveau, je ne veux pas que Julian sombre de nouveau. L'angoisse me ronge. Ce que nous nous apprêtons à faire Julian et moi relève de la folie. Il se fait constamment frapper, il souffre chaque jour de ces coups. Alors pourquoi en demander encore plus ? Pourquoi vouloir engendrer une dispute, dans l'unique but d'apporter une preuve au proviseur ? Nous ne sommes sûr de rien, se pourrait-il que le proviseur ne considère pas cela comme suffisant, qu'il juge que ça ne signifie en rien que Julian est harcelé et maltraité. Cet homme est prêt à tout pour protéger son fils.
Mon cœur bat la chamade, il semble vouloir exploser tant ses pulsations sont puissantes. Je cours à vive allure, sans pouvoir m'arrêter. J'arrive enfin au lycée, je suis à bout de souffle, l'air me manque. Je porte ma main à ma poitrine et tente tant bien que mal de reprendre mon souffle, de respirer. Je suffoque, l'oxygène semble ne pas vouloir pénétrer mes poumons. Mon rythme cardiaque se calme doucement, je retrouve peu à peu une respiration normale, mon corps se détend me délivrant de cette angoisse, me permettant d'apaiser mon cœur qui s'était horriblement affolé. Je sors mon téléphone de ma poche et relis le message que Julian m'a envoyé ce matin.
" Je suis au Lycée, je t'attends. S'il te plaît, viens le plus vite possible, je ne suis pas loin de Brad, il est déjà arrivé lui aussi. J'aimerais en finir au plus vite, avant le début des cours si possible."
Je soupire, excédée. Lorsque j'ai reçu son message, je me suis empressé de venir le rejoindre. Je ne suis maintenant qu'à quelques mètres de l'entrée de ce lieu infernal, mais l'angoisse m'empêche d'avancer. J'ai si peur, l'appréhension me noue l'estomac. Je déglutis, apeurée. Mon esprit m'abandonne, je laisse mon corps me guider jusqu'à cet enfer.
J'entre. Les élèves sont nombreux bien que les cours ne commencent que dans quinze minutes. Je cherche Julian du regard, en vain. J'avale difficilement ma salive. J'ai besoin de lui, besoin de le sentir près de moi. Mais je n'ai aucune envie de me diriger vers ce danger qui nous guette.
- Nolwenn !
Je me retourne vivement. Je ne peux contenir ma joie, mon soulagement lorsque mes yeux rencontrent les siens, lorsque mon amour m'apparaît enfin. Julian. Il me prend dans ses bras et me sert aussi fort que possible contre lui. Il m'a tant manqué. C'est affolant de voir à quel point je dépends de lui tout comme il dépend de moi. Je ne suis rien sans cet être que je détestais tant à notre rencontre. Enfin je le détestais tout en l'admirant. Il y a toujours eu cette inébranlable connexion entre nous, ce besoin de l'autre, cette envie de le connaître et de faire partie de sa vie. Je ne le détestais pas, je ne l'ai jamais détesté. Je pensais cela car je me voyais en lui, je voyais les ténèbres je voyais la souffrance, je voyais ce qu'il y a de pires et de meilleurs en moi. Je voyais une âme détruite qui s'accrochait à la vie. Le destin nous a poussé l'un vers l'autre, il a fait de notre souffrance une force et de cette force un amour inconditionnel. Il a fait de lui et de moi un tout, nous. La vie ne m'a fait privilège que de lui, il est mon unique espoir, mon bonheur, le seul. Elle m'a faite mourir d'amour pour finalement me faire aimer à en mourir. Il est le seul à pouvoir me maintenir en vie, le seul à me rendre heureuse d'un sourire, il a pris possession de mon être, il est ce que je suis. Nos corps se séparent doucement. La noirceur de son regard me submerge, pétillant de bonheur. Je dépose un rapide baisé sur le bout de son nez. Je suis amusée de le voir si surpris de mon acte. J'éclate de rire, il ne tarde pas à faire de même. Son rire résonne en moi, il est si mélodieux. Ses fossettes se font toujours aussi désirables. Il est sublime. Son rire s'atténue peu à peu, son sourire s'efface dangereusement de son visage. Je me doute de ce qui nous attend. J'aurai juste espéré que ce moment de douceur lui fasse oublier le passé, le présent et ce que nous comptons faire dans un futur proche.
- Mon ange...
- Oui je sais... Nous devons aller ... disons... mettre notre plan à exécution.. Dis-je je tristement.
- Je te promets que tout se passera bien.
- Tu n'en sais rien...
- Toi non plus! Annonce t- il fièrement.
- Bon eh bien allons voir Brad...
- Attends !
- Quoi ?
- Je vais le voir seul, toi tu filmes la scène d'accord ? Liliane n'est pas encore là. De toute façon, elle n'était pas d'accord pour faire ça.
Je soupire. Je n'ai aucune envie de filmer Julian se faire battre par cette ordure. Mais je n'ai pas le choix.
- D'accord... Finissons-en. Où se trouve Brad ?
- Dans la cour...
- Super...
Je me tourne, prête à rejoindre Brad, prête à affronter mes pires cauchemars, prête à voir Julian souffrir. Je tremble de tout mon corps. Je suis déterminée à sauver Julian, déterminée à tenter le tout pour le tout. Une main se pose lourdement sur mon épaule.
- Attends !
- Quoi encore ?!
Julian embrasse à son tour le bout de mon nez. Je ne peux m'empêcher de rire aux éclats. Il est si mignon. Tel un petit enfant, il me regarde fier de son acte, souriant de toutes ses dents. Il est adorable. Il est le seul à savoir calmer la plus terrible des tempêtes et à pouvoir ensoleiller une triste journée. Il s'empare de ma main, la tenant fermement au creux de la sienne. Nous nous dirigeons ensuite vers la cour. Ce lieu témoin de tant de haine et de cruauté.
A notre plus grande surprise, elle est presque vide. La majorité des élèves semble préférer rester dans l'enceinte du lycée plutôt que de profiter de cette brise légère. J'en ai la nausée. Nous sommes seuls face à lui, seuls face à nous même. Il n'y a aucun témoin, que très peu de personne pouvant nous venir en aide en cas de besoin. Je suis terrifiée. Je serre fermement la main de Julian, je ne veux pas le quitter, je ne veux pas nous séparer de ce contact, je ne veux pas qu'il risque de lui-même sa vie.
Nous avançons avec précaution vers Brad. Il ne nous a pas encore vu, pour notre plus grand soulagement. Julian se tourne vers moi, je discerne un triste mélange dans son regard, à la fois dépité et déterminé.
- Je vais y aller... Reste ici, je ne veux pas qu'il s'en prenne à toi.
- Julian... J'ai si peur....
- Ne t'en fais pas mon ange, c'est notre dernière chance, après ce cauchemar sera enfin fini. Promis.
Il dépose un tendre baiser sur ma main avant de la lâcher. Je sens un immense vide s'emparer de moi. Mon cœur se serre, se compresse. J'ai du mal à respirer, j'ai du mal à me préparer à ce qui va suivre, j'ai du mal pour lui, du mal pour nous. Je sors à contre cœur mon téléphone de ma poche. J'ai envie d'aider Julian, c'est d'ailleurs le plus beau cadeau que la vie pourrait me faire, le sauver, lui. Pourtant je ne veux pas, je ne peux pas faire ça. Je trouve ça malsain de le filmer entrain de souffrir, entrain d'implorer la clémence de ce monstre sans même agir. Je fais ça pour toi Julian. J'espère que tout se passera bien.
Julian n'est maintenant qu'à quelques mètres de Brad. Il n'a même pas eu besoin d'attiser sa colère que Brad l'insulte déjà. C'est une vraie pourriture.
- Oh le raté ! Ta copine chérie n'est pas là aujourd'hui ? Oh... Dommage elle te défendait plutôt bien en aboyant comme une chienne.
Je tiens fermement le téléphone, prenant bien soin de filmer chaque phrase, chaque mouvement de Brad. Une profonde colère m'envahit.
- Ce ne serait pas plutôt toi le raté hein ! Tu sais faire quoi a part détruire les gens ?
- Tu veux voir à quel point je peux te détruire ?
Un sourire malsain se forme sur son visage, ses yeux s'illuminent, il m'effraie. Je peine à contenir mes larmes. Quoi qu'il arrive, mes prières sont vaines. Rien ne se passera bien.
- Vas-y ! Je t'en prie !
Le poing de Brad s'abat avec puissance contre la mâchoire de Julian. Une larme roule sur ma joue, rapidement suivie d'une autre. Julian tente de riposter mais son adversaire le frappe de plus belle, le faisant tomber à terre.
- Je crois que tu n'as pas bien compris ce que je t'ai dit la dernière fois au réfectoire monsieur Perett.
Mes sanglots s'intensifient. Les menaces de Brad envahissent entièrement mon esprit. Je me rappelle avec exactitude de ses mots, de son avertissement.
" Tu n'es rien d'autre qu'une erreur de la nature. Et les erreurs dans ton genre, on s'en débarrasse."
Mon sang ne fait qu'un tour. Je voudrais hurler à Julian de partir le plus loin possible, de s'enfuir. Mais le moindre son reste contenu en moi. Mes forces m'abandonnent. Je suis impuissante. Julian se relève avec difficulté, sanguinolant. Je suis pétrifiée. Brad s'approche de lui, il le domine, l'anéantit d'un regard. La sonnerie retentit, annonçant le début des cours, la fin de ce cauchemar, la fin de cet enfer. Au même moment, sans que je n'aie le temps de réagir, Brad sort un couteau suisse de sa poche. Mon cerveau ne semble plus vouloir réagir, mon cœur s'arrête net à la vue de cet objet meurtrier, mon corps refuse d'obéir à mes supplications. Il se rue sur Julian, ne lui laissant aucune chance. Son hurlement me déchire le cœur, me ramenant à la réalité, me libérant de l'emprise de la terreur. Julian s'effondre au sol. Son agresseur s'enfuit, certainement fier de lui avoir infliger une ultime douleur.
- Julian ! Julian !
Je pleure. Je hurle. Je meurs. La douleur m'arrache le cœur. Je m'approche de Julian, laissant mon téléphone giser sur le sol.
- Julian ! Tu m'entends ?!
Il est faible, si faible.
- Nolwenn. Ne t'en fais pas... J'ai juste un peu mal au ventre. Il m'a entaillé ce con...
- Oh non, non, non ! Pleuré-je.
Je pose enfin mon regard sur sa plaie. Je suis partagée entre soulagement et désespoir. L'entaille n'est pas profonde, mais elle lui parcourt presque entièrement le ventre. Comme si son corps était coupé en deux. Pourtant, ce n'est qu'une légère blessure en surface. Mais cela ne suffit pas à calmer mon cœur à présent en miette.
- Nolwenn... Je... Je...
Sa phrase ne connaitra jamais de fin. Ses paupières se ferment peu à peu, faisant croître mon anéantissement. Ce monde est cruel, il m'aura tout prit. Le temps semble être mis en suspension, ne laissant que Julian et moi, nos deux corps tachetés de son sang, nos deux être des ténèbres. La Terre semble arrêter son mouvement perpétuel autour du Soleil. La vie semble ne plus vouloir exister. Je suis hors du temps, loin de lui. Je ne suis rien sans lui. Tout semble différent. Tout semble s'être arrêté.
Seule la caméra continue de tourner.
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