Mon esprit m'a tourmenté jusque dans mes rêves les plus profonds, me rappelant les larmes et la détresse de ma mère. J'ignore certainement tout de ma propre vie et selon elle, c'est bien mieux ainsi. Julian m'a été d'un immense réconfort, il est mon pilier, sans lui tout s'effondre autour de moi, sans lui rien n'a plus aucun sens. J'ai profité de cette nuit cauchemardesque pour réfléchir, extérioriser toute ma haine envers ce monde et cette constante injustice. J'ai pleuré mon sort, pleuré celui des autres. Je suis faible, j'ai été minable. Mais ce matin, le soleil s'est levé, emportant avec lui mes doutes et mes craintes. Il a chassé le désespoir qui réside constamment en moi pour me redonner la force. La force de le sauver, la force d'aider Julian. Je ne dois plus me lamenter sur mon triste destin et mon douloureux passé, du moins pour le moment. Aujourd'hui je ne dois penser qu'à une chose, lui. Sans le savoir, il a déjà fait beaucoup pour moi, chaque jour à ses côtés est un pas de plus vers l'espérance et la vie. À mon tour, je vais me battre pour lui, pour toi, Julian.
Il m'apparaît enfin. Il est sublime, je ne cesserai jamais de le contempler. Il s'avance d'un pas rapide vers moi, je ressens vite sa présence près de moi, le quitter me paraît désormais impossible.
Je viens de passer un merveilleux Week- end à ses côtés, un Week- end reposant autant qu'épuisant. Mais le bonheur que j'ai pu ressentir près de lui me manque déjà. Julian me manque alors qu'il est encore près de moi, alors que son corps n'est qu'à quelques centimètres de moi. Mais je n'ai aucune envie de me séparer de lui, de le laisser rentrer chez lui, vivant chacun séparément. J'ai besoin de lui, tout le temps, toujours, j'ai besoin de le sentir, j'ai besoin de son amour. Mais demain les cours reprendront de nouveau. Demain nous retrouverons cet enfer qui nous est pourtant si familier. Demain nous serons de nouveau confrontés à la dure réalité. Mais demain sera différent, nous nous battrons, Julian signera la fin de son invivable cauchemar. Je ferais tout mon possible pour qu'il revive, pour que le lycée ne soit plus une épreuve pour lui, pour que le désespoir cesse de le ronger.
Il ouvre timidement la porte d'entrée. Je me glisse à l'extérieur de la maison. Ma mère nous rejoint, souriante. Cette situation entre elle et moi semble lui convenir, mais pas à moi. Un jour je saurais ce qu'elle me dissimule. J'attends ce jour autant que je le redoute. Je lui accorde un sourire forcé.
- Merci de m'avoir accueilli Madame Coste, c'est vraiment trop gentil de votre part.
- Mais de rien Julian. Appelle moi Meyrise.
Son sourire me fend le cœur, je sais qu'il est hypocrite, ses démons et ses secrets la dévorent, la consument.
- Au revoir, merci encore !
- Nolwenn tu reviens immédiatement après avoir ramené Julian.
- Oui maman...
- Au revoir.
Elle ferme doucement la porte, nous laissant seuls. Je soupire. Je n'ai aucune envie de ramener Julian chez lui, aucune envie de ne pas partager mon petit déjeuné avec lui, aucune envie de passé ma soirée à ne le voir que dans mes rêves et pensées. J'aime sentir son corps, ses lèvres, sa présence. J'aime entendre sa voix si mélodieuse, son rire si doux.
Je l'aime.
Nous marchons tristement dans les rues désertes et sans vies. Chaque pas nous rapproche de l'inévitable, ils nous rapprochent de notre hantise, des ténèbres. Mon estomac se noue, la tête me tourne. Je repense amèrement à ces quelques jours passés ensemble. J'ai si peur de ce nous réserve l'avenir, un dur combat est lancé, cela me terrifie. Son regard pénètre le mien, un regard nostalgique, un regard effrayé, un regard de désespoir.
Il s'arrête un instant, je fais de même.
- Nolwenn... J'ai si peur pour demain...
Je déglutis.
- Moi aussi, j'ai peur de ne pas être à la hauteur, je veux tant t'aider.
- Je sais... On fera de notre mieux... Mais j'ai peu d'espoir...
- Je ferais tout pour toi Julian.
Un éclat de tendresse transperce son regard si terne lui redonnant vie.
- Au fait avec ta mère ?
- Oh... Je préfère me concentrer sur toi pour l'instant. Dis-je.
- Tu en es certaine ?
- Oui, d'abord je rends ta vie vivable... Après seulement je m'occuperai de la mienne.
Il esquisse un sourire mais celui- ci se fane aussitôt. Ses pupilles se dilatent. La peur qu'il ressent me tétanise tant elle est forte. Je dirige avec angoisse mon regard vers l'objet de son effroi. La peur me paralyse, me privant de toute réaction. J'aperçois au loin, venant vers nous, les trois hommes qui ont agressés Julian, les trois hommes qui m'ont également agressé. Une quatrième personne qui m'est inconnu marche à leur côté.
- Oh... Non...
- Julian, calme-toi. Tentais-je de le rassurer.
- Brad.
Un frisson me parcourt. C'est donc lui le fameux Brad ? Cet être malveillant qui a détruit la vie de Julian, qui a fait en sorte que son cauchemar perdure, que son harcèlement ne connaisse jamais de fin. J'en est la nausée, il me répugne.
Ils s'approchent dangereusement de nous, je remarque avec effroi qu'ils sont munis de puissantes battes de baseball. Leurs visages reflètent un regard malsain, un sourire moqueur. Brad est terrifiant, le mal émane de lui. Sa musculature me terrifie. Ses yeux sont d'un bleu éclatant, ses cheveux châtains sont coupés courts, me permettant d'observer quelques cicatrices au niveau de son cou et de son visage. Il ne m'inspire que de la méfiance, de la peur.
Ils sont désormais si proches. La confrontation est inévitable. Je fais tout mon possible pour me contenir, contenir ma rage, garder mon calme et ne pas flancher. Je relève doucement la tête, je ne leur laisserai pas la satisfaction de nous voir faiblir face à eux. Julian s'empare de ma main, la serrant aussi fort qu'il le peut. Je sens son corps trembler, frémir. Il est effrayé.
Brad passe à côtés de moi, m'offrant un violent coup d'épaule. Je l'entends rire de sa méchanceté. J'éprouve une haine profonde envers lui.
- Ça va ?
- Ne t'en fais pas je vais bien.
Julian se détend peu à peu, laissant l'atmosphère s'alléger, laissant la peur, peu à peu, le quitter. Je lui accorde un chaleureux sourire qu'il ne tarde pas à me rendre. J'aime sentir sa main au creux de la mienne. Je me laisse envahir de bienêtre.
Nous ne tardons pas à arriver chez lui.
Sa gigantesque maison se dresse devant nous, me laissant sans voix. Elle est somptueuse, richement décorée. Elle est composée d'au moins quatre étages, la végétation est magnifiquement bien entretenue m'offrant le plus beau des spectacles. Je n'ai jamais vu une maison aussi belle, à la fois luxueuse et naturelle. Les nombreuses variétés de fleurs donnent une teinte sublime à la bâtisse.
Nous franchissons l'immense portail fleurit. Mon cœur se serre. Je suis heureuse de savoir enfin où vit Julian, mais je n'ai aucune envie de rentrer chez moi. Je n'ai aucune envie de reprendre ma vie telle que je l'ai laissé. Je veux être avec lui, je veux m'éloigner de cet enfer, de ces personnes néfastes. Je veux vivre.
Un cri me ramène brusquement à la réalité.
Je me retourne et comprends aussitôt. Julian est désemparé, il ne sait plus quoi faire, il ne sait plus de quoi l'avenir sera fait. Sa vie est de plus en plus désastreuse à cause de Brad et de son acharnement constant. Une profonde tristesse s'empare de moi devant tant de méchanceté.
Le jardin est ravagé.
Je n'avais rien remarquer, perdue dans mes pensées et dans ma contemplation de la maison. Ce qui devait être des sculptures sont en miettes, chaque morceau a été détruit. Les parterres de fleurs sont dévastés. Les éclairages sont en mille morceaux. Ce lieu de prestige a été réduit à néant, avec pour seul coupable Brad.
- Comment ont-ils pu entrer ?
- Le portail n'est jamais fermé à clef... Soupire Julian.
- Je te jure qu'ils vont le payer.
- Mon père ne va pas tarder à rentrer. Je devrais ranger si je ne veux pas me faire accabler de reproches...
Julian a le cœur en miette, il est vidé de toute émotion. Son cauchemar le rattrape de nouveau. Son harcèlement fait de sa vie un enfer qui le tue un peu plus chaque jour. Je partage sa douleur.
- Attends je vais t'aider !
- Non ne t'embête pas pour moi...
- Bien sûr que si !
- Merci...
Je m'approche doucement de lui et dépose un tendre baisé sur son front. Il me sourit, laissant apparaître ses magnifiques fossettes. Le voir quelque peu heureux me réchauffe le cœur, me rappelant qu'il est le seul à pouvoir me faire sentir en vie. Nous entamons avec découragement le rangement, prenant soin d'ordonner au mieux ce jardin désormais chaotique. Nous réparons le désastre des autres. Nous essayons tant bien que mal de reconstruire ce qui a été détruit, laissant la peur du lendemain grandir en nous, nous étouffant sous l'angoisse et l'appréhension.
Les dégâts sont désormais allégés, le jardin reprend peu à peu sa forme initiale. Nous ne pourrons rien faire de plus pour le moment, les sculptures brisées devront être rachetées, les fleurs replantées.
Julian me sourit faiblement, heureux de m'avoir près de lui mais épuisé par la vie.
Des bruits de pas se font entendre.
Le portail s'ouvre précipitamment.
Une silhouette masculine se dessine devant nous. Un homme d'une quarantaine d'années. Les boucles de ses cheveux sont soigneusement coiffées, son regard est si noir, profond mais pas aussi sombre et envoûtant que celui de son fils. C'est un bel homme, fier et confiant, richement vêtu. Je comprends d'où Julian tient sa beauté.
Je rencontre enfin son père. Cet homme ne jurant que par le travail. Cet homme qui depuis le départ de sa femme a consacré sa vie à son entreprise, délaissant son unique enfant.
L'air s'alourdit peu à peu.
- Bonjour papa...
- Bonsoir mon fils.
Julian semble tout aussi mal à l'aise que moi. Ce n'est pourtant que son père. Un père qu'il connaît à peine, un père absent, un père qu'il découvre presque en même temps que moi.
- Bonjour mademoiselle.
- Bonjour monsieur...
- Je m'appelle Andrew, inutile de me vouvoyer.
- Enchantée. Je ... Je m'appelle Nolwenn.
- Très joli nom.
Julian l'assassine d'un regard meurtrier. La tension est palpable entre les deux hommes. Il doit en vouloir à son père de son abandon, de ne pas comprendre, de ne pas voir à quel point son propre fils est au bord du précipice.
- Je vois que le jardin a bien changé depuis mon départ... J'arrangerai cela.
- Excuse-moi papa.
- Ce n'est rien fils.
Sans attendre une seconde de plus, son père entre dans sa demeure sans nous accorder la moindre importance. Nous sommes de nouveau seuls. Julian me raccompagne gentiment jusqu'à la sortie. Mon âme s'assombrit, mes forces m'abandonnent. J'ai si peur de partir, le laissant seul, j'ai si peur de devoir vivre sans lui, mon esprit se perd dans l'angoisse et l'incertitude.
- Tu vas me manquer Nolwenn...
- Toi aussi. Prend soin de toi surtout. Je te promets que tout ira bien demain.
- Je l'espère.
Nos regards se croisent, se mélangent, s'unissent. Mon âme se confond à la sienne. L'envie et le désir me gagnent. J'ai besoin de lui, besoin de sentir son corps une dernière fois. J'encercle son cou de mes bras et l'embrasse désespérément, unissant nos corps, scellant nos lèvres. Une profonde chaleur m'envahit, une intense sensation s'empare de mon être, je me sens si bien, en vie. Je me sépare à contre cœur de son corps. Le bonheur emplit mon être, je suis heureuse, incontestablement heureuse.
- A demain Julian...
- A demain mon ange.
Je lui embrasse délicatement la joue. Son sourire suffit à ma satisfaction. Il referme lentement le portail, mon cœur se serre, une boule se forme dans ma gorge. Il me manque déjà tant.
Je repars en direction de chez moi, songeuse.
Demain est un autre jour, un jour de peine et de défaite, mais aussi un jour d'espoir et de combat. Les défaites nous amènent a la gloire et la réussite.
Nous vaincrons.
Peu importe les sacrifices et les périples qui nous attendent, je le sauverai.
Julian.
Je te le promets.
Tu seras heureux.
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