CHAPITRE 15


Elle a été longue, tumultueuse, pleine de regrets et d'interrogations. Elle a été difficile, insurmontable, infernale tant mon esprit semblait vouloir exploser, mon âme est en feu, elle brûle, se consume. Elle a été meurtrière, m'arrachant le moindre espoir, me condamnant à l'incertitude.

La nuit a été longue.

Ma mère et Anita me dissimulent un fragment de mon passé, une chose que je dois selon elles, à tout prix ignorer. Mais j'ai besoin de savoir, j'ai besoin de comprendre. Peut-être que cela changera à tout jamais ma triste vie. Peut-être que je sombrerai de nouveau sans pouvoir remonter à la surface. Peut-être que ce secret signe ma fin, ma descente aux enfers. Une descente si profonde que je n'en ressortirais jamais.

Toutes ses questions me tracassent, me torturent. Je dois penser à autre chose, je dois me concentrer sur mon unique priorité. Sauver Julian. Il a encore tellement de choses à me dire. J'aimerais le sauver, j'aimerais l'aider, mais cela m'est impossible s'il ne me confesse pas son passé. Je dois savoir pour sa mère. Je dois comprendre l'origine de son harcèlement. J'ai besoin d'en savoir plus sur Ryan, j'ai besoin de lui, besoin de son aide.

Quoi qu'il arrive je me suis promis de l'aider.

J'ai besoin de lui et de son âme, besoin de sa noirceur et de ses ténèbres. Notre relation relève de la folie. La folie de l'autre, la folie de notre désespoir, la folie de notre histoire. La folie de notre impensable amour.

Nous sommes fous.

Fous de haine envers le monde, fous de chagrin et de la nostalgie du passé, fous de désespoir. Nous sommes deux fous, deux être des ténèbres s'alliant à l'encontre de la lumière. Je ne sais pas où tout cela nous mènera, mais tant qu'il sera près de moi je connaîtrais de bonheur. Tant qu'il sera près de moi, je me sentirai en vie, heureuse, complète.

Je ressens sa présence à mes côtés. Il est là, tout près de moi. Je n'ose pas croiser son regard, je n'ose pas contempler cet être si merveilleux à mes yeux. Je n'ai pas vu ma mère aujourd'hui, j'ai tout mis en œuvre pour éviter de la croiser.

Je me suis réveillée puis préparée sans prendre la peine de manger quoi que ce soit. Je ne veux pas la voir, je ne veux pas l'affronter. J'ai peur.

J'ai cette abominable sensation au fond de moi. Je ne la connais pas.

Julian, quant à lui, s'est réveillé plus tard dans la matinée. Certainement épuisé par les évènements de la veille. Les émotions ont été violentes et intenses. Mais c'est ainsi depuis notre rencontre.

Julian vient tout juste de finir de se préparer, il est venu me rejoindre aussitôt que possible.

Je suis profondément heureuse de le savoir à mes côtés. Je suis profondément heureuse de sentir son être si près du mien. Je suis profondément heureuse qu'il fasse parti de ma vie. Indéfiniment je l'espère. Je suis profondément heureuse, grâce à lui.

Je relève doucement la tête, laissant mes pensées m'abandonner.

Le présent m'arrache à mes craintes et mes peurs. Je me sens soulagée.

Ses petites boucles brunes ornent son magnifique visage. Son sourire est chaleureux, si doux, si agréable à contempler. Ses fossettes, si joliment dessinée, me font frissonner de désir. Ses yeux, son regard, se plonge dans le mien. Un regard intensément doux, puissamment tendre et délicat. Je suis absorbée par son âme, abasourdi par sa beauté et son charme. J'ai besoin de lui.

- Bien dormis Wennie ?

Un sourire plein de malice se dessine sur son visage. Mon surnom semble l'amuser. Je rougis.

- Très bien et toi ?

- Super !

Il est enjoué, son sourire s'agrandit un peu plus à chaque seconde.

C'est l'effet que l'on se procure mutuellement.

Être ensemble nous donne la sensation de toucher le bonheur du doigt. Être ensemble nous fait vivre ce que nous n'avons jamais imaginé. Être ensemble nous transporte hors du temps. Je ne suis pas certaine de savoir ce que je ressens. Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi mon cœur s'emballe en sa présence. Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi cette unique sensation de bienêtre s'empare de moi lorsque je suis avec lui. Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi j'ai autant ce besoin de lui, ce besoin de le protéger avant tout. Peut-être que je l'ai déjà compris. Peut-être suis- je simplement dans le déni.

Il glisse tendrement sa main dans la mienne. Mon cœur fait un bond, s'emballe, s'enflamme. Sans réfléchir, je me blottis contre lui. Ses bras viennent m'entourer, me protéger du monde, me réchauffer de leur douce tendresse. Son corps est brûlant, le tissu de ses habits ne m'empêche pas de le sentir, de sentir sa chaleur, sa peau, son être, lui. Mon esprit est brumeux, je fais taire mes tristes pensées.

Je relève doucement la tête pour admirer Julian. Il est tel un rêve, un rêve devenu réalité. Il est mon rêve, le rêve de ma vie. Je voudrais passer le reste de mon existence bercée dans ses bras, guidée par les battements de son cœur, près de lui. Vivre dans la noirceur de notre lumière. Ses yeux transpercent mon âme, je ne peux plus résister. Je ne peux contenir ce désir qui me ronge plus longtemps. J'encercle son cou de mes mains et lie nos lèvres l'une à l'autre. Mon acte ne semble pas lui déplaire. Je sens ses lèvres former un sourire. Il attrape mes joues de ses mains, collant nos corps l'un à l'autre. Une étrange sensation s'empare de mon bas ventre, si agréable, si intense. Mon cœur bat à tout rompre. Je resserre mon étreinte. Nous ne formons qu'un. Ces lèvres sont magnifiquement douces. Ce baisé est magique. Le désir que nous éprouvons nous gagne, nous submerge. Je sens sa langue caresser la mienne, un tendre combat de désir et de passion. Nous sommes perdus, livrés aux démons. Nous sommes indissociables, inséparables. La passion du désespoir, le désespoir de la passion. Un profond sentiment nous habite. L'amour ? Rien n'est certain, rien n'est écrit. Qui que nous soyons, peu importe ce que nous deviendrons, nous profiterons de ce nous offrira la vie, aussi invivable soit elle. Je resterais à ses côtés aussi longtemps qu'il voudra de moi. Son torse monte et descend à vive allure. Son corps semble ne plus pouvoir se séparer du mien. Mes lèvres semblent ne plus pouvoir abandonner les siennes. C'est à bout de souffle que nous nous séparons.

Son rythme cardiaque ralentit peu à peu. Son regard trahit son désir. Mon cœur s'apaise quelque peu, mon désir perdure. Je guide sa main au creux de la mienne. Un sourire s'empare de mon visage, Julian fait de même. Les mots meurent au coin de notre bouche, nous ne voulons en aucun cas briser cet agréable silence. Ce silence nous rappelant cet indescriptible moment, ces incroyables sensations que nous avons partagées. Il est ma définition du bonheur, il est le seul à pouvoir faire battre mon cœur. Il est le seul à pouvoir rallumer mon âme éteinte. Il est le seul à mes yeux.

Les minutes défilent, trop rapidement. Mes pensées s'assombrissent, se dirigent vers mes inquiétudes et mes doutes. Tant de questions me brûle les lèvres. J'ai besoin de savoir. Pour pouvoir aider Julian il me faut son aide.

Je soupire.

- Julian ?

- Oui mon ange ?

- J'ai besoin de comprendre certaine chose...

- Demande moi ce que tu veux.

Je suis surprise qu'il ait si facilement accepté. Il sourit de plus belle, mon cœur s'affole. Mes joues se teinte de rouge. Il me bouleverse.

- Que se passe t- il avec ta mère pour que tu te fasses harceler à propos d'elle ?

Son regard quitte le mien, gêné, honteux. Julian triture ses doigts, fuit mon regard, fuit mon jugement. Il devrait pourtant savoir que je ne le jugerais jamais.

- Ma mère est partie il y a deux ans. Elle nous a abandonné mon père et moi pour partir vivre avec son amant... Elle est bien loin d'ici aujourd'hui.

Je suis sous le choc. Je n'aurais jamais imaginé un tel scénario. Tout devient plus clair, limpide. Les critiques, les insultes, elles prennent à présent tout leur sens. Il se fait insulter à cause du départ de sa mère. Julian n'est autre qu'un enfant abandonné, délaissé par sa mère comme son père aux yeux des autres. Il n'est rien, il n'a aucune valeur. Je suis anéanti, je partage sa souffrance.

- Tout est la faute de Ryan... C'est lui qui a engendré cette rumeur... J'en suis certain... Marmonne t- il.

- Qui est Ryan ?

- L'amant de ma mère. Celui qui a briser ma famille.

Mon cœur manque un battement.

- Pourquoi aurait- il fait ça ?

- Quand j'ai appris que ma mère partait avec lui, je suis allé le voir ... Je l'ai frappé, j'ai laissé la colère m'emporter. Il a dû vouloir se venger.

- Tu en es certain ?

- Non... Mais il n'y a que lui qui aurait pu faire une telle chose...

Tout a enfin un sens à mes yeux. Je comprends mieux, je connais mieux Julian. Son passé, son présent, je comprends, la méchanceté des autres me désole, attise ma haine. Il ne méritait pas de se faire harceler, il venait de perdre sa mère. Un cercle vicieux, infernal.

- C'est Brad qui a continuer à faire courir cette rumeur...

Brad ?

Qui est Brad ?

Une nouvelle interrogation. Mon esprit s'enflamme, je me perds dans son douloureux passé.

- Qui est Brad ?

- Brad est simplement un gars qui a trouvé ça drôle de torturer quelqu'un. Donc il a fait en sorte de rependre au mieux la rumeur. Il ne la pas crée mais il s'amuse à la faire durer.

- Mais il faut faire quelque chose ?! Tu le connais ?

- Non Nolwenn je ne le connais pas du tout. C'est juste un gars qui trouve ça divertissant... On ne pourra rien faire...

- Bien sûr que si ! On va en parler... On va aller voir le proviseur !

Julian soupire, s'avouant vaincu.

- Brad est le fils du proviseur.

Ces mots me glacent le sang. Nous ne pourrons donc rien faire ? C'est donc peine perdue ? Non, je ne peux pas y croire, avec l'aide de Liliane on trouvera une solution, on l'aidera, on sauvera Julian. Un proviseur a l'immense désir de faire régner la paix dans son établissement. Mais comme tout être humain, il a encore un plus grand désir, protéger les siens, protéger son fils. Nous essaierons. Je l'ai promis. Je te sauverai, Julian.

Il s'est aujourd'hui livré à moi. Il m'a confié son plus douloureux secret, la plus difficile part de son existence. Il a, pour moi, raconté ce qui le détruit, le ronge de l'intérieur. Le départ de sa mère l'a anéanti, le harcèlement la détruit, ne laissant de lui qu'un être désespéré et sans but. Mais je donnerais tout pour le sauver, je donnerais tout pour mettre fin à son cauchemar.

Une larme descend silencieusement le long de sa joue. Je l'intercepte, l'obligeant à relever la tête. Je lui souris. Mon sourire est maladroit, hypocrite. Il le remarque. Julian m'accorde un petit rire mélancolique de sa part. Je lui embrasse tendrement la joue et viens le réconforter contre moi, entre mes bras. Je le sers aussi fort que je peux contre mon corps, je sens son cœur battre la chamade. Je sens ses muscles, doucement, se relâcher.

Julian se fait harceler depuis maintenant deux ans. Tout a commencé l'année de ses quinze ans. Tout comme moi. Mais lui, son cauchemar prendra fin, je l'y aiderais. Julian ne souffrira plus. Notre amour est certainement destructeur, mais au point où nous en sommes, la destruction ne nous fait plus peur. Ensemble, nous nous reconstruirons, nous détruirons, nous réduirons à néant. Même le jour où il ne restera de nous que de simple particule de souffrance, notre besoin mutuel demeurera.

Ce soir j'affronterai ma mère. J'affronterai ses secrets et ses démons. J'espère obtenir des réponses de sa part. J'espère me délivrer de toute ces pensées qui me hantent et me consument. Ma peine a déjà grandement diminué. Julian m'a confié son passé. Je vais pouvoir l'aider. Quoi qu'il puisse arriver, je ne l'abandonnerais jamais. Cette journée sera la nôtre. Aucun regret, aucun doute, nous allons nous laisser bercer par notre cœur et nos désirs. Un jour de paix, un jour de tendresses, un jour de bonheur. C'est devenu si rare, si précieux. Je ne veux plus penser au futur. Je veux vivre chaque seconde que le monde aura à nous offrir. Tant que nous pourrons rester ensemble, nous ne formerons qu'un seul et unique être. Un jour les ténèbres nous rattraperons, un jour notre histoire prendra fin. Une histoire impossible, une histoire sombre et pleine de noirceur. La plus belle des histoires. Notre histoire. Vivre ensemble ou mourir seule. Telle est ma destinée.

Je te sauverai Julian.


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