CHAPITRE 13
Nous nous sommes abandonnés l'un à l'autre. Nous avons brisé nos limites. Ce besoin, cet attachement, tout s'est passé si vite. En une fraction de seconde nos âmes se sont liées, jusqu'à n'en former qu'une. Nous fuir relève de l'impensable, nous séparer relève de la fiction. Pourtant nous avons essayé, en vain. Quoi que nous fassions, nos âmes se retrouvaient, nos corps se rejoignaient, notre désir s'intensifiait.
Hier nous avons lâché prise, nous avons cessé de nous battre, cessé cet affrontement sans fin. Nous sommes désormais ensemble, alliés. Nous nous sommes trouvés pour ne plus jamais être séparés. Nous combattrons la vie, main dans la main. Vivre est un rude combat, une souffrance quotidienne. Mais tant qu'il est à mes côtés, je survivrai. Je n'ai besoin que de lui. Il est mon unique espoir, mon unique raison de vivre. Certains diront que notre histoire relève du coup de foudre, moi je pense simplement que c'est un coup du destin. Hier, il m'a promis des réponses à mes questions. Je vais enfin savoir qui il est, je vais enfin comprendre ses plus sombres secrets, je vais enfin connaître le véritable Julian.
Je déguste mon petit déjeuné avec lenteur, prenant bien soin de goûter chaque bouchée de ce délicieux pain au chocolat. J'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir, Julian est enfin prêt. Nous sommes seuls à la maison. Ma mère est partie tôt ce matin, certainement au travail. Je trempe mes lèvres dans mon chocolat chaud, il est bouillant, je me ravise. Je goûterai ce délice une fois refroidit. Les minutes passent, lentement. La solitude me fait sombrer. Chaque seconde loin de lui est une véritable torture. Il apparaît enfin en bas des escaliers et me rejoins dans la cuisine. Il est si beau. Il semble heureux, son sourire est sincère, ses fossettes le rendent irrésistible. Ses cheveux lui retombent joliment sur le visage, ses yeux m'observent avec intensité. Nous ne serons jamais heureux, mais être ensemble nous donne le sentiment de l'être. Je ne tairais plus mes sentiments, je ne veux plus vivre loin de lui. Nous l'avons décidé, nous avancerons, ensemble.
Julian prend place à mes côtés, un verre de jus de fruit en main. Il ne semble plus vouloir s'arrêter de sourire. Il me déstabilise.
- Tu as l'air de bonne humeur aujourd'hui.
- Pourquoi ? Pas toi ? Dit-il continuant de sourire.
- Si bien sûr...
- Tu vas mieux ?
- Ça va...
Il acquiesce d'un signe de tête avant de croquer dans un biscuit. Je frémis. Cette situation est terriblement étrange. Dès mon réveil, Julian était là, comme s'il vivait ici, avec nous. Je n'ai jamais vécu ça. Mon cœur bat la chamade, il bat pour lui. Ce Week- end nous serons loin de tout, nous serons sans arrêt l'un avec l'autre. Un rare instant de bonheur, un rare instant de répit auprès de celui qui a bouleversé ma vie. Je souris à mon tour. Peut-être est- ce ça le bonheur ? Savourer la simplicité d'un instant à nos yeux parfait. Peut-être est- ce ça le bonheur ? Pouvoir rêver éveillé. Peut-être est- ce ça le bonheur ? Partager un instant auprès de la personne dont on a le plus besoin. Peut-être est- ce ça le bonheur ? Julian.
- Ça va, on ne rate pas beaucoup d'heures de cours aujourd'hui. Commence-t-il.
- Tu m'étonnes, on n'a pas cours l'après- midi.
- Au fait Nolwenn....
- Oui ?
Il semble gêné. Son regard quitte le mien avant de s'y replonger. Son sourire s'emplit de malice. Il m'intrigue terriblement.
- Ça te dirai qu'on aille faire un tour en forêt ?
Un rire m'échappe. Je ne m'attendais pas du tout à ça.
- On ne peut pas, ma mère veut que je reste ici pour me reposer.
- Mais on sait très bien que tu n'as rien. Tu n'as pas fait de malaise tu t'es fait frapper, tu n'es pas malade.
- Même... Et pourquoi en forêt ?
- J'aimerais t'emmener quelque part...
Il rougit.
- Alors c'est oui ? Hésite-t-il.
- Je ne sais pas...
- S'il te plaît mon ange...
Il me supplie maintenant. Comment résister face à une telle tendresse ?
- Bon d'accord...
- Allez dépêche-toi, on part dans dix minutes !
- Entendu chef !
Il sort de table, débarrasse le déjeuner et me rejoint aussitôt. Son regard est intense, profond. Son âme se mélange à la mienne, nous ne faisons qu'un, un être de ténèbres. Mon cœur s'affole. Je maintiens mes yeux dans les siens. Il m'embrasse tendrement le front. Une sensation de bienêtre m'enveloppe. Je suis à sa merci.
- Je t'attends dehors. Murmure-t-il à mon oreille.
Je frisonne. Julian s'éloigne peu à peu, me laissant de nouveau seule. Il m'est désormais impossible de dissimuler mon sourire, un sourire sincère, un sourire que mon visage n'avait pas formé depuis bien longtemps. Une intense sensation s'empare de mon bas ventre. Avec lui, à ses côtés, je suis heureuse. Heureuse comme je ne l'ai jamais été.
Je reprends peu à peu le contrôle de mon être et me lève de mon petit tabouret. Il est maintenant tant de le rejoindre, de vivre. Il m'emmène vers le paradis, je le sais. Il m'emmène loin de ma vie, loin de ce monde. Il m'emmène dans notre monde, là où tout est plus beau. Doucement, Julian gagne mon cœur, s'immisce en moi, accaparant mon esprit et mes pensées. Doucement, Julian me fait ressentir ce que je ne pensais ne plus jamais connaître. Doucement, Julian m'apprend qu'aimer m'est encore possible.
Cela fait bien vingt minutes que nous marchons. La forêt orne notre village, nous n'avons donc eu aucune difficulté à y entrer.
Julian me guide à travers les bois, nous éloignant chaque seconde un peu plus de notre vie. J'essaie tant bien que mal de mémoriser les différents chemins que nous avons emprunté mais cela m'est impossible. Pourtant, il semble savoir où aller. Sa main tient fermement la mienne, me guidant dans ce lieu inconnu. La nature est si belle, je ne l'avais jamais remarqué. L'air est frais, purifié. Je ralentis, essoufflée.
- Où m'emmènes- tu Julian ?
- Tu verras, ne t'inquiète pas on est bientôt arrivés.
Nos pas reprennent leur course folle. Mes mollets me font souffrir, mes cuisses ne supporte pas tant d'efforts. Je n'ai rien d'une sportive.
Nous ralentissons.
Julian s'arrête, sans se détacher de ma main.
- On est arrivée ! Hurle-t-il fièrement.
La beauté des lieux m'éblouit. Nous sommes dans une magnifique clairière tapissée de fleurs. C'est un déluge de couleurs, toutes plus belles les unes que les autres. Un rayon de soleil transperce les branches des arbres, nous réchauffant d'une agréable chaleur. Une légère brise nous caresse le visage, faisant s'emmêler ses indomptables boucles à mes cheveux. Je distingue une échelle de corde tombant d'une branche d'un arbre. Dans le feuillage de cet arbre, je distingue une structure, une habitation, une cabane. Je n'ai jamais vu une cabane aussi belle et aussi imposante. Elle est parfaitement réalisée, sa structure semble stable.
- J'avais besoin de m'évader alors je me suis créer mon petit paradis. Quand je vais mal, je viens ici, dans mon propre monde. M'explique Julian.
- C'est magnifique.
Je le pense sincèrement, tout ici est splendide, digne d'un conte merveilleux.
Sa main se détache de la mienne. Julian court jusqu'à l'échelle de corde et monte sans peine jusqu'en haut de l'arbre, dans sa cabane.
- Tu viens ?
Je déglutis. Je dois avouer que la hauteur m'effraie quelque peu, la peur de tomber, une peur irraisonnée.
- Auriez- vous peur mademoiselle Coste ? Se moque t- il.
Sans réfléchir une seconde de plus, je m'élance jusqu'à l'échelle. Je laisse mes doutes et mes peurs de côtés. Julian est entrain de partager avec moi une partie de lui, une partie de sa vie. Il me fait entrer dans son monde. Je ne dois pas le décevoir. J'arrive avec difficulté en haut de l'arbre. Ce lieu est définitivement magique. La cabane est immense, fermement bâtit. L'arbre épouse parfaitement la structure de la bâtisse, comme s'il avait été taillé à sa forme.
Je reste bouche bée.
Un grand matelas est disposé dans un coin, ainsi qu'une importante quantité de nourriture.
Tout est propre, ordonné.
Je n'ai jamais vu une telle cabane.
Nous nous installons confortablement au bord de la cabane. Ma peur s'évanouit. Une magnifique vue s'offre à nous. Nous dominons la forêt, nous la contemplons, sa merveilleuse végétation, cette vie si pure, si dense. Je me sens bien, je me sens en sécurité. Julian m'entoure de ses bras, me câlinant tendrement. Il dépose un léger baisé sur ma joue.
Je rougis.
Mon cœur bat à tout rompre. Je suis dans un monde meilleur, je suis dans notre petit coin de paradis, dans notre monde, notre univers. Je me sens légère, je me sens revivre.
Mon passé semble ne jamais avoir existé, pendant ce court instant de répit, je revis.
Julian a le pouvoir de soigner mes maux, de guérir mon âme pourtant mourante. Je lui en serais éternellement reconnaissante. Je me blottis contre lui, laissant le bonheur se propager en nous.
- Je me sens tellement bien avec toi, tout est si différent, si simple. Me susurre t- il.
- Je sais Julian.
Il me serre un peu plus fort contre lui. Je suis enivré de bonheur.
Mon cœur bat, faisant résonner un puissant sentiment en moi.
Que m'arrive t- il ? Je n'ai jamais ressenti ça de ma vie.
J'ai besoin de lui auprès de moi, sans quoi mon être est incomplet.
Ma vie est un enfer, dont il m'aide à m'échapper. Je dois l'aider aussi, je me le suis promis, je le sauverai. Je dois comprendre ce qui lui est arrivé, je dois savoir, je veux le connaître. Il est ce que je suis, son passé sera le mien, je l'aiderai à porter le poids de ses douleurs.
- Julian...?
- Oui ?
- Tu veux bien m'expliquer pour tes parents ? J'ai besoin de savoir.
- Nolwenn...
- Je veux t'aider, j'ai besoin de savoir. Pourquoi tu as dit que tu n'avais pas de parents ?
Il hésite un instant.
- Bon... J'ai dit ça parce que même si concrètement j'en ai, c'est comme si je n'en avais pas.
- Comment ça ?
- Mon père... Mon père n'est jamais là, il est tout le temps absent à cause de son travail. Mais je ne me plains pas, c'est un riche entrepreneur. J'ai tout ce que je désire omis le bonheur.
- Je ne savais pas...
- Il ne me consacre jamais de temps. Je suis seul.
Julian est issu d'une famille riche ? Je ne m'en serais jamais douté, il vit si simplement. Le matériel et l'argent ne sont pas source de bonheur. Julian est malheureux, il se bat seul contre le monde, abandonné par les siens. Mais je l'aiderais, je le sauverais.
- Et ta mère ?
- Ma mère est...
La sonnerie de mon téléphone lui empêche de prononcer un mot de plus. Cette horrible mélodie nous replonge peu à peu dans la terrible réalité. Notre rêve s'émiette, nous ramenant à notre triste vie. Je ne saurais donc jamais pourquoi Julian se fait insulter vis à vis de sa mère ? Je ne saurais donc jamais son histoire ? L'impatience et la curiosité me brûle.
Mon téléphone ne cesse de chanter.
Je décroche.
- Allô maman ?
- Allô Wennie ! Où es-tu ?!
Elle semble furieuse.
- En forêt avec Julian.
- Reviens immédiatement, je t'avais dit de ne pas quitter la maison aujourd'hui et de te reposer.
- Oui mais...
- Non, il n'y a pas de mais ! Je t'attends !
Elle raccroche, ne me laissant aucune chance de protester. Julian me lance un regard interrogateur.
- On ferait mieux de rentrer.
- Oh... Je vois... Dit- il.
Nous contemplons une dernière fois notre refuge, notre cocon, notre monde à nous. Nous devons rejoindre ma mère au plus vite.
La réalité nous a rattrapé.
Nous arrivons enfin chez moi, à bout de souffle. Le chemin du retour a été plus rapide, nous avons couru sans nous arrêter, jusqu'à ce que nos jambes ne puissent plus nous porter. L'angoisse me ronge, ma mère avait l'air furieuse.
Hésitante, j'ouvre doucement la porte. A peine entrée, ma mère se précipite sur moi en hurlant.
- Je ne suis pas aller travaillée juste pour m'occuper de toi et finalement vous partez sans prévenir ?!
Julian ne sait plus où se mettre. Il se tient en retrait, attendant que ma mère se calme.
- Je pars juste rendre visite à une amie et vous vous partez !
- Maman ! On voulait juste profiter un peu ensemble !
- Enfin... Tu as l'air d'aller mieux dis donc ! J'ai eu peur ! Prévenez- moi quand vous sortez comme ça ! J'ai préparé d'anciennes affaires de Devis pour que Julian ait de quoi s'habiller ce Week- end.
Elle semble se radoucir. Un sourire se dessine sur son visage.
Il y a eu plus de peur que de mal.
Julian et moi restons bouche bée sur le pas de la porte.
Je ne sais quoi dire.
Ma mère repart en direction du salon.
- Nous avons des invités ce midi. Dit-elle souriante.
Des invités ? Je me demande qui ma mère a bien pu inviter. Je regarde Julian, dubitative. Il me répond d'un regard plein de malice, ce qui me fait sourire. Je suis heureuse d'être à ses côtés, heureuse d'avoir partagé cet unique moment avec lui, heureuse que nous ayons notre univers rien qu'à nous. Je suis heureuse.
Mais le bonheur s'évanouit aussitôt ressentit.
Nous marchons lentement vers le salon.
La stupeur m'empêche de résonner, m'empêche de me contrôler.
Que fait- elle ici ?
Mon sang ne fait qu'un tour. La méfiance me gagne. L'air s'alourdit, devenant dense, irrespirable.
Elle n'est pas venue seule.
Elle me sourit, faussement.
Je sais qu'elle me cache quelque chose, je l'ai toujours su.
Cette femme ne m'inspirera jamais confiance, malgré les recommandations de ma mère.
La tempête est là. Mon bateau fait naufrage. Je blottis ma main au creux de celle de Julian, ce simple contact me réconforte.
Les questions assaillent mon esprit.
Elles sont là.
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