CHAPITRE 12

Mon corps est lourd, mon âme brisée. J'ai l'horrible sensation de ne plus avoir de muscles, que mon corps est inexistant.

Je nage dans un vide profond.

Je sens ma présence, je sens le poids de mon existence, pourtant je ne ressens rien. Comme si j'étais plongée dans un vide infini. Mes sens sont au repos, mon être endormi, seuls les battements de mon cœur me rappellent que je suis en vie.

Une autre présence accompagne la mienne, une présence que je connais bien, pourtant je n'arrive pas à discerner laquelle.

Il me semble que ma main se soulève, je n'en suis pas sûre, je ne suis sûre de rien. Des sons, des mots parviennent à mes oreilles. Ils sont indescriptibles. Doux mais trop lointains pour que je les comprenne. Je sens que l'on serre ma main, je sens le dur matelas sur lequel je suis allongé. Je sens, je ressens, j'entends.

Je suis en vie.

Mes paupières sont lourdes, mais je lutte tant bien que mal contre cette force invisible.

Mes yeux s'ouvrent peu à peu.

La personne à mes côtés continue de murmurer à mon oreille.

- Je ... désolé...

Je ne comprends pas, seuls des fragments de phrases me parviennent. Qui est- ce ?

- Je ... Aime... Tu... changé... vie...

Ma main se fait plus légère, elle est une nouvelle fois soulevée.

Mes yeux s'ouvrent de plus en plus, je peux à présent entrevoir le monde. La personne se trouvant à mes côtés devient de moins en moins floue. Ses douces lèvres rentrent en contact avec ma main, y déposant un humide baiser.

Mon cœur devient fou, ses battements s'accélèrent.

C'est lui.

Le seul dont j'ai besoin.

Julian.

Mes yeux sont à présent bien ouverts, je sens le poids de mon corps, je sens, j'entends et vois distinctement.

Je suis revenue à moi, j'ai survécu. Julian me lance un sourire des plus rayonnant. Il semble heureux de voir que je vais bien, mais son regard trahit de l'inquiétude. Il est si beau.

- Nolwenn ! Tu vas bien ?! Tu as mal quelque part ?!

- Oh... Doucement j'ai un peu mal à la tête, évite de hurler dans mes oreilles s'il te plaît. Je le taquine.

- J'ai eu si peur... Je suis tellement désolé...

- Où sont- ils ?

J'ai besoin de savoir, je veux qu'ils payent.

La scène s'empare de mon esprit. Julian se faisant frapper puis moi, venant à son secours pour finalement me faire frapper à mon tour et sombrer.

- Je n'en sais rien...

- Comment ça ?

- Lorsqu'ils ont vu qu'ils t'avaient infligé le coup de trop. Ils sont partis en courant. Je ne sais pas où ils sont...

- Oh... Dis- je dépitée.

- Nolwenn ? Je peux te demander quelque chose ?

Sa voix est mal assurée, il a l'air timide, comme si sa demande le bouleversait.

- Oui bien sûr.

- As- tu entendu tout ce que je t'ai dit avant ton réveil ?

J'étais consciente, j'étais comme morte mais j'ai tout entendu.

J'ai senti sa main dans la mienne, j'ai senti ses lèvres contre ma peau. J'ai entendu une partie de ses confessions.

Il semble inquiet.

Je sais ce qu'il m'a dit. Même si je n'ai entendu que de simples fragments de phrases, j'ai compris. Ses mots me réchauffent le cœur et me font perdre la tête. Il s'est livré à moi. Il m'a donné le meilleur de lui- même. Il m'a prouvé que j'avais raison de m'accrocher à lui. Mon corps tout entier frémit à cette unique pensée. Mon cœur bat la chamade. Mon désir s'intensifie. J'ai tout entendu, j'ai tout compris. Il nous est impossible de lutter, nous ne formons qu'un, un être de ténèbres.

- Nan... Qu'as- tu dis ?

Je mens, mais je ne veux pas plus l'inquiéter. Ma réponse l'apaise, ses muscles se détendent. Je suis certaine de ce que j'ai entendu, il n'a pas besoin de le savoir.

- Ah... Nan ne t'en fais pas je n'ai rien dis d'important...

- Bien sûr... Dis- je en souriant.

Il me sourit de nouveau, de magnifiques fossettes font leurs apparitions. Ses yeux pétillent de bonheur, malgré tout ce qui a pu nous arriver, il semble heureux. Il nous suffit d'être ensemble pour sentir le bonheur. Je détourne mon regard du sien. Il me déstabilise, me fait perdre tout contrôle.

Je suis allongée dans un petit lit, sous de fines couvertures blanches. L'endroit est grand, entièrement blanc. Une étagère est posée à côté de mon lit, comportant une dizaine de médicaments différents.

La panique m'envahit.

- Où sommes- nous ??

- Au lycée... A l'infirmerie.

- Oh...

- C'est moi qui t'y ai emmené après ton accident.

- Et tu es restée à mes côtés ?

- Oui.

- Pourquoi ?

Ma question semble le surprendre, le déstabiliser.

Il réfléchit quelques instants.

- Pour veiller sur toi.

- C'est trop gentil, je suis vraiment émue ! Ironisé-je.

- Ta mère ne va pas tarder à arriver.

- Pourquoi ? Je vais très bien.

- Nous n'avons pas la même définition de "très bien" alors.

- Julian...

- Elle ne devrai pas tarder. Elle met un peu de temps car elle était au travail.

Il n'aurait jamais dû prévenir ma mère, elle va s'inquiéter, s'angoisser. J'ai reçu un mauvais coup mais je vais beaucoup mieux. Je n'ai aucune envie de rentrer. Je veux les punir, je veux le sauver.

De petits coups nous parviennent de derrière la porte.

L'infirmière entre dans la pièce.

- Excusez-moi de vous déranger, mais la maman de Nolwenn est arrivée.

Elle disparaît aussitôt.

Julian me lance un regard des plus doux.

Je lui en veux de l'avoir faite venir mais je ne pourrai jamais lui résister.

Ma mère entre précipitamment. Elle est submergée par la panique.

- Wennie ! Que s'est- il passé ?!

- Je...

- Nous étions dans les couloirs lorsqu'elle a subitement fait un malaise. Me coupe Julian.

- Oh ma chérie ! C'est terrible !

- Mais nan je...

- Ne discute pas, nous allons rentrer à la maison, je vais bien m'occuper de toi. Rétorque ma mère.

Ils ne me laissent pas le temps de répliquer.

Ma mère rassemble mes affaires pendant que Julian m'aide à me relever et à mettre mon manteau.

Il me soulève légèrement pour m'aider à marcher.

Nous partons.

- Au revoir madame. Mademoiselle Coste, il vous faut beaucoup de repos. Nous informe l'infirmière.

- Je m'occuperai bien d'elle. Merci beaucoup. Répond ma mère.

Nous sortons du Lycée. Je me sens libre, heureuse. L'air frais me fait le plus grand bien. Le simple fait de m'éloigner de ce lieu de l'enfer me fait aller mieux.

Julian me dépose doucement à l'avant de la voiture avant de monter s'installer à l'arrière.

- Julian vient avec nous ?

- Oui Wennie. Il a insisté, il veut à tout prix s'occuper de toi.

Il me sourit, encore. Je ne m'en lasserai jamais. Je lui renvoie un sourire, moins éclatant que le sien, mais le cœur y est. Je suis touchée par toutes ses attentions. Je ne sais pas où va me mener la vie, ni quelle est ma destinée. Mais je sais une chose, je ne désire que sa présence, jusqu'à la fin.

J'ai besoin de lui.

Nous arrivons enfin à la maison. Le trajet a été long, silencieux. Ma mère semblait pensive. A peine la voiture garée, Julian s'empresse de s'occuper de moi. Il m'aide à en sortir et me porte jusque dans la maison. Ma mère nous rejoint.

- Julian, je ne voudrai pas paraître impolie mais peux- tu aller chercher un doliprane pour Nolwenn ?

- Euh... Oui bien sûr mais où sont-ils ?

- Dans la cuisine, sur le plan de travail.

- D'accord, merci, je reviens.

Je regarde Julian disparaître, il est inquiet.

Ma mère aurait très bien pu aller les chercher toute seule. Elle est gentille de s'occuper de moi, mais je la connais, elle n'a pas fait ça au hasard.

- Maman ?

- Oui ?

- C'était quoi ça ?

- Je sais ce n'était pas très poli de ma part.

- Je ne dirai pas le contraire !

- Qui est- il ? C'est ton petit ami ?

Elle me regarde, les yeux remplis de malice. Le rouge me monte aux joues. Elle m'a posée une excellente question. Une question dont je n'ai pas la réponse. Une question que je me renvoie à moi- même.

Qui est- il ?

Que sommes- nous ?

Je n'en sais rien.

Mon petit ami ?

Non. Je ne pense pas.

Je n'en sais rien.

- Non, c'est juste un ami.

- Oh... Je vois, on fait des cachoteries à sa mère ! Plaisante-t-elle. En tout cas, sache que je l'aime beaucoup. Mis à part le fait qu'il soit craquant, il a vraiment l'air d'être quelqu'un de bien.

- Trop bien pour moi... Murmurais- je.

Julian apparaît de nouveau, un verre d'eau en main. Il me tend le cachet ainsi que le verre. Je m'empresse de prendre le médicament. Ma mère nous observe quelques instants avant de s'éloigner.

- Tu devrai aller te reposer Wennie.

- Julian peut venir dans ma chambre ?

- Pas de bêtises hein. Réplique t- elle.

Julian éclate de rire devant mon incrédulité. Nous allons simplement parler, rien de plus. La remarque de ma mère l'amuse fortement.

Nous montons.

Julian est subjugué par l'immensité des lieux. Je lui fais une rapide visite de l'étage avant de l'emmener dans ma chambre.

Nous entrons.

- Tu as une très jolie chambre Wennie.

- Co... Comment tu m'as appelé ?

- Excuse moi, j'ai trouvé ce surnom très mignon et très drôle aussi. Rigole t- il.

Je le pousse gentiment en guise réponse. Il semble gêné, hésitant. Je m'assois sur mon lit et lui propose de s'assoir à mes côtés, il accepte.

- Tu as l'air gêné...

- C'est la première fois, que je viens chez une fille... Chez toi.

- Oh...

Le silence s'installe. Il nous étouffe, s'empare de nous. Je suis, à mon tour, gênée. Il me regarde de ses grands yeux noirs. Son regard est perçant, magnifique. De mignonnes petites boucles retombent sur son visage, il est d'une incomparable beauté.

- Nolwenn ?

- O... Oui Julian ?

- Que sommes-nous ?

C'est comme s'il lisait dans mes pensées. Il me fait quitter mes rêves de lui pour me replonger dans la réalité, notre réalité. Nos âmes sont liées, fusionnelles.

Sa question résonne en moi. Mon cœur s'affole. Mes nerfs me lâchent me faisant trembler de tout mon corps.

- Je... Je n'en sais rien.

- Nolwenn, qui que nous soyons, quel que soit notre destinée, je ne veux plus fuir l'inévitable.

Mon cœur se serre dans ma poitrine, mon corps s'allège, je me sens légère, je suis heureuse, pour la première fois depuis longtemps. Il est celui qui a su me faire revivre, il est mon tout.

- Je... Comment ça ?

- On ne se connait que depuis très peu de temps. Mais cette connexion entre nous, c'est inévitable. Quand tu es là, je n'ai qu'une seule envie, plonger mon âme dans la tienne. Quand tu n'es pas là, j'ai ce besoin de toi qui m'obsède, je pense sans arrêt à toi et à ce désir qui m'habite. Sans t'en rendre compte, tu changes ma vie.

- Oh...

- Je sais que tu ressens la même chose que moi. On devrait arrêter de lutter. Notre union est peut être destinée à l'échec. Mais quitte à sombrer, je veux que ce soit avec toi. Je... Je... Je t'ai...

Ses mots restent suspendus dans l'air.

Il n'est pas prêt à m'avouer ce qu'il m'a murmuré lorsque j'étais inconsciente. Je ne suis pas prête à l'entendre, pas maintenant.

Mon corps est brûlant, mon cœur s'affole.

Nous allons enfin essayer de vivre. Nous serons désormais deux face à la vie.

Que sommes- nous ?

Je n'en sais toujours rien, lui non plus. Mais nous lâchons prise, nous arrêtons enfin de lutter l'un contre l'autre. Ce besoin de l'autre nous dépasse.

Sans réfléchir, je me blottis contre lui. La vie est incertaine, autant faire des choix incertains. J'enroule mes bras autour de lui et pose ma tête sur son torse. La chaleur de son corps me rassure, je me sens bien, en sécurité. Julian me prend tendrement dans ses bras avant de déposer un baiser sur mon front. Je suis peut-être un ange déchu. Mais à cet instant précis, j'ai complètement conquis le paradis.

Mon esprit vient perturber notre moment de douceur.

Un élément m'intrigue.

Pourquoi n'a t- il pas dit à ma mère que je me suis fait agresser ?

Je me détache lentement de son enfreinte et plonge mon regard dans le sien.

- Je voulais savoir... Dis- je hésitante.

- Tout ce que tu veux.

- Pourquoi as-tu menti à ma mère ?

- Je ... Tu ne m'en voudras pas hein ?

- Dis toujours.

- Je te l'ai expliqué, si je parle, j'encoure de graves dangers. Il faut absolument que ma situation reste secrète.

- Donc tu as préféré faire croire à ma mère que j'ai fait un malaise ? A cause de toi elle pense que je suis malade et me force à rester à la maison.

- Arrête Nolwenn, tu n'aimes pas le lycée de toute façon. Ça ne te dérange en rien. Regarde, ils ont su que tu avais tout raconté au proviseur et à cause de ça tu t'es fait frapper !

- Ça n'a rien à voir ! Je veux t'aider moi, il faut en parler, c'est grave ! Je hurle maintenant.

- Calme toi, je te demande juste de ne rien dire. S'il te plaît, j'ai peur pour toi tu sais.

- Tu es vraiment égoïste.

- Ne fais pas cette tête mon ange.

Il ne me laisse pas le temps de réagir. Je suis en colère contre lui, j'ai peur pour lui, je veux l'aider, quoi qu'il arrive. Mais à cet instant je ne peux plus rien faire, je ne veux plus lutter. Mon ange ? Je ne comprends plus rien. Il colle son corps au mien, m'encerclant de ses bras, liant nos corps l'un à l'autre. L'une de ses mains vient se poser délicatement sur ma joue, la caressant lentement. Nos lèvres ne sont qu'à quelques centimètres l'une de l'autre. L'espace entre nous se réduit jusqu'à devenir inexistant. Il m'embrasse. Nous nous embrassons. Nos forces se concentrent dans notre baiser. Nos cœurs battent à l'unissons, faisant résonner leurs battements dans toute la pièce. Un frisson me traverse. Une indescriptible sensation de bienêtre s'empare de mon bas ventre. Je me sens soulagée, je me sens heureuse. Il me tient fermement, mais son baiser est doux. J'aimerais que ce moment ne connaisse jamais de fin. Je n'ai jamais été aussi libre. Aussi amoureuse ?

- Toc toc toc ! Hurle ma mère derrière la porte.

Je sursaute. Ses lèvres me manquent déjà. Je ne peux m'empêcher de sourire. Je le regarde, il fait de même. Ses lèvres sont rouges de notre baiser. Les ténèbres ont entrevu la lumière ensemble, main dans la main.

- Entrez !

- Ah... Les enfants ! Tout se passe bien ? Demande t- elle.

- Oui maman...

- Ne cache surtout pas ta joie... Je viens demander à Julian s'il accepterait de dîner avec nous ce soir.

- Avec plaisir !

- Tes parents sont d'accord ?

- Euh... Je n'ai pas vraiment de parents.

Je me tourne vers lui, les yeux aussi gros que des soucoupes.

- Comment ça ? Sans vouloir être indiscrète hein. Continue ma mère.

- Mon père travaille beaucoup, il n'est jamais là.

Ma mère ne semble pas vouloir insister, comprenant que Julian ne lui en dira pas plus.

- Oh... Mais tu ne vas pas rester tout seul chez toi tout de même.

- Ben si...

- Hors de question ! Je suis peut-être folle. Mais si tu veux, tu peux passer le Week- end chez nous. Tu seras beaucoup mieux ici que seul chez toi. Evidemment tu dormiras dans la chambre d'ami hein. Qu'en dis- tu ?

- Avec plaisir, mais je ne voudrai pas vous déranger.

- Ne t'en fais pas !

Ma mère est une femme généreuse, c'est là sa plus grande qualité. Après m'avoir tendrement embrassé le front, elle repart, nous laissant de nouveau seuls.

Tant de questions se bousculent dans ma tête. Je veux comprendre.

- Tu ne m'as pas raconté toute ton histoire...

- Laisse tomber.

- Ah non ! Ça ne va pas recommencer !

- Nolwenn, je t'expliquerai tout, c'est promis, mais pas ce soir je t'en prie. Je veux simplement profiter de toi, de nous. S'il te plaît, épargne-moi, juste ce soir.

Je ne peux pas lui en vouloir. Après tout, je ne lui ai pas tout raconté non plus. Je ne lui ai jamais parlé de Preston. J'ai mes démons, il a les siens, je dois le respecter. Il m'en parlera lorsqu'il se sentira prêt. Peut-être demain, je l'espère, ne pas savoir m'inquiète.

- D'accord...

- Je suis désolé. Mon ange.

Il replace délicatement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, puis m'embrasse doucement la joue.

J'esquisse un sourire. Il est adorable.

- Pourquoi m'appelles-tu mon ange ?

- Parce que tu dis toujours que tu appartiens aux ténèbres, à la noirceur. Mais à mes yeux, tu es un ange, mon ange. Celui qui réussis chaque jour un peu plus à me faire sortir de l'enfer. Tu es peut-être un ange déchu aux yeux du monde. Mais pour moi tu es le plus bel ange qui soit.

- Oh...

- Tu n'aimes pas ?

- Bien sûr que si ! J'adore ! C'est la première fois qu'on m'appelle comme ça.

Je rougis.

En venant ici, je devais prendre un nouveau départ, ma vie devait prendre un nouveau tournant. C'est le cas, tout a changé. Je ne sais pas quel sera notre avenir, je ne sais pas si nous nous en sortirons indemne. Je serai son ange gardien. Peu importe ce que la vie nous réserve, peu importe. Il a changé ma vie, il a bouleversé mon monde.

Il accompagnera ma soirée, comme j'espère il accompagnera ma vie.

Demain j'aurai les réponses à mes questions. Plus rien ne nous séparera.

Ce besoin, mon amour, lui.

Du jour au lendemain tout peut basculer, pour le meilleur, comme pour le pire.

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