CHAPITRE 10
Une légère brise m'enveloppe de ses bras de glaces. Je ne frisonne pas, je ne réagis pas, je ne ressens plus rien. Il a par ce baisé, absorbé mes dernières forces, je suis désormais seule, sans lui, sans vie. Un immense vide s'est emparé de mon être tout entier. Un vide que lui seul peut combler. La tête me tourne. Je suis en extérieur et pourtant l'espace me semble réduit, l'air me manque. J'ai cette ignoble sensation de vide en moi. Jamais plus je ne sentirai mon cœur battre, du moins tant qu'il n'est pas près de moi.
Mes yeux se perdent dans ce paysage d'automne, un seul détail m'importe, lui.
Sa silhouette s'efface, elle devient de plus en plus floue à chacun de ses pas, et moi je reste là, immobile, le regardant partir.
Le temps semble s'être arrêté, tout comme ma vie, qui j'ai l'impression, ne dépend que de lui. Tout est allé si vite, ce besoin mutuel, un besoin destructeur. Je ne sais pas ce que nous sommes l'un pour l'autre. Peu importe, nous ne pourrons pas être heureux, encore moins en essayant de l'être ensemble.
Une larme roule sur ma joue.
Je regarde, sans vie, mon bonheur me quitter.
Je regarde, s'éloigner celui qui ne devrait jamais faire partie de ma vie.
Je marche à vive allure, beaucoup trop d'émotions me submergent. Mes larmes coulent en cascade sur mes joues. Je lui ai demandé de ne pas m'abandonner mais il n'a pas répondu, c'est peine perdue. Ce baiser, si doux, si tendre et pourtant si passionnel à la fois. Nous en avions besoin. Depuis notre rencontre, la raison nous a abandonné. À cet instant je me suis sentis réconfortée, soulagée, heureuse. J'étais ivre de bonheur, je n'avais jamais ressenti ça auparavant.
Pourtant, nous devons nous rendre à l'évidence. Il vaut mieux pour nous que chacun sorte de la vie de l'autre.
Notre vie est un désastre, si nous devions ne former qu'un, elle deviendrait chaotique.
J'aimerais le sauver, l'aider. Mais chaque instant ensemble lient un peu plus nos âmes.
Nous devons résister, je dois l'oublier.
J'arrive enfin chez moi, à bout de souffle.
Je n'ai aucune envie de manger, aucune envie de parler, aucune envie d'exister.
J'entre.
- Maman, c'est moi, je suis rentrée ! Je n'ai pas faim, je vais dormir, bonne nuit ! Je hurle pour être certaine d'être entendue.
- Euh... Bon d'accord Wennie, bonne nuit !
Sa voix est mal assurée, elle doit être surprise de mon arrivée. Elle ne m'a pas vu de la journée, elle voulait sûrement profiter un peu de moi. Mais je n'en n'ai pas la force.
Je referme doucement la porte de ma chambre et me jette sur mon lit.
Je ne pleure plus, mais cette terrible sensation ne m'a toujours pas quitté.
La vie poursuivra sa route, laissant nos deux âmes échouées l'une sans l'autre.
C'est en le regardant partir que j'ai compris. C'est en le regardant quitter peu à peu ma vie que j'ai réalisé que mon besoin pour lui est beaucoup plus intense que ce que j'imaginais. Ce n'est que lorsqu'une personne vous abandonne que vous réalisez l'importance et le bien être qu'elle vous procurait.
Julian m'a offert le bonheur.
Ce baiser, ce contact de nos lèvres, m'a transporté hors du temps.
Un instant unique que je n'oublierai jamais.
Plus jamais je ne revivrai ce moment.
A cette simple pensée, ma gorge se noue. Il m'est indispensable. Mais j'apprendrai à vivre sans lui. Il le faut.
A bout de souffle et le cœur en miette, je laisse le sommeil m'emporter.
Mes paupières se ferment peu à peu. Emportant mon esprit dans un monde meilleur. Un monde fictif où Julian serai près de moi sans le moindre risque. Un monde où nos vies n'auraient jamais été réduites en lambeau.
***
La nuit a bercé mes rêves, m'offrant un monde utopique, un monde merveilleux. J'avais besoin de ce bien être bien qu'il soit irréel. Mais me voilà de nouveau confrontée à la réalité. Je n'ai plus de force, je ne peux plus me battre. Mon esprit ne pense que par lui. Maintenant qu'il est parti, sans un mot, sans me laisser aucune certitude, mon besoin de lui ne cesse d'augmenter.
Je descends les escaliers quatre à quatre. Ce matin, j'ai décidé d'arriver en avance. Je n'ai aucune envie d'affronter la classe, de l'affronter lui. En arrivant en avance, je suis certaine d'être la première dans la salle, je pourrai plus facilement éviter son regard et survivre à cette journée.
Arriver dans l'entrée, je suis surprise par le reflet que m'offre le miroir. Je suis si mince, si faible. Mes cheveux sont en batailles. Mes yeux sont minuscules, cernés, je garde encore les traces de ma tristesse. Je suis livide, comme si la vie m'avait été arraché.
Cette vision d'horreur me glace le sang.
Pourtant je dois y aller, je dois faire semblant, pour ma mère.
Je prends une grande inspiration et sort de chez moi.
Le vent m'accueille en intensifiant la pagaille dans mes cheveux.
Je n'ai aucune envie d'affronter le lycée, mais je dois le faire. Je n'ai aucune envie de le revoir même si au fond de moi, je sais pertinemment que je n'y vais que pour lui.
J'entre.
Le lycée est bondé. Je me hâte vers ma salle d'Histoire en essayant d'éviter le plus de monde possible. Je regarde droit devant moi, prenant bien soin d'éviter le regard des autres
J'arrive enfin devant ma salle.
Elle est vide.
J'entre et m'installe tout au fond sur une table seule.
La sonnerie ne devrait pas tarder à retentir, je maudis cet instant.
Je souffle un grand coup. L'angoisse a pris possession de mon être. Mon estomac se noue. Les élèves entrent un par un en classe. Je ne semble pas exister, aucun regard ne vient croiser le mien, ce qui m'apaise quelques peu.
Après quelques minutes, le professeur entre et commence le cours.
Je scrute la salle à la recherche de Julian.
Je l'aperçois enfin, un profond soulagement m'envahit. Il me bouleverse tellement. Mon âme est confondue à la sienne. Je ne sais pourtant pas ce que nous sommes l'un pour l'autre. Nous nous sommes embrassés alors que nous devions nous fuir. Nous nous unissons pour finalement devoir vivre seuls. Nous nous désirons alors que nous devons à tout prix préserver le peu de vie qu'il nous reste.
Ses yeux se fondent dans les miens. Il semble tout aussi dépaysé que moi. La noirceur de son regard reflète une profonde tristesse. Nous sommes tout aussi perdu l'un que l'autre.
La classe est bruyante, la salle est pleine. Pourtant j'ai la sensation que seul nos deux présences se ressentent. Je ne vois que lui. Les paroles du professeur me semblent si lointaines, telles une musique de fond. Son regard me transperce faisant frémir mon corps tout entier.
Nous désirons l'inaccessible.
De violents coups frappés à la porte me tirent de mes pensées.
Je détourne précipitamment mon regard de Julian pour me concentrer sur l'entrée de la classe.
Il fait de même.
Un homme entre, le proviseur.
Il semble âgé. Ses cheveux d'une superbe couleur poivre et sel contrastent grandement avec la sévérité de son regard, certainement provoquée par ses sourcils denses et noirs. C'est un homme de petite taille, imposant malgré tout.
- Nolwenn Coste? Julian Perett? Demande-t-il sèchement.
Un frisson me parcoure, je ne comprends pas. Julian lève fièrement la main, ce qui semble agacer le proviseur.
- Nolwenn Coste? Répète-t-il.
Il semble perdre patience. Je suis comme figée sur place, je n'ose plus bouger. Cet homme me fait peur.
Je lève timidement la main.
Seul le silence règne, un silence des plus insupportable, un silence à vous glacer le sang.
- Suivez- moi. Annonce-t-il enfin d'une voix cinglante.
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