Klaus,

Puisque le soleil s'est levé sur notre humanité à bout de souffle, en dépit des lambeaux d'ombre qui persistent à nous renvoyer, par-delà l'horizon apaisé, leurs éclats enténébrés,

Puisqu'au milieu de notre village en ruines, alors que mes poumons s'épuisent à hurler en vain ton nom, ton souvenir est la seule ombre persistante face à la lumière de ce nouveau monde,

Puisque l'écho de mes sanglots désespérés est l'unique réponse que me renvoie le silence assourdissant de la mort, silence que mes appels ne parviennent à briser,

Puisque malgré l'inefficacité de mes recherches, je persiste à croire qu'ils n'ont pas pu te tuer, toi, ma dernière motivation, mon unique raison d'aller jusqu'au bout de la nuit pour te retrouver dans cette aube nouvelle,

Puisque mes mains tachées de sang, de cendres et de larmes s'étendent encore devant moi, parmi les décombres, pour tenter de te retrouver, après ces années d'absence et d'espérance,

Puisque tes mots, poussières de ton âme, n'ont pas reconstruit tant de bonheur manqué,

Puisque je tenais trop à toi pour risquer de te perdre et pas assez pour nous mettre en danger,

Puisque le meilleur de moi-même s'est brisé lorsque tu as disparu,

Puisque je ne serai jamais plus cette Kirsten d'autrefois et qu'il s'agit pourtant de la meilleure chose qu'il m'ait été donné de vivre,

Puisque je devrai apprendre à vivre sans toi, pourrai-je seulement demeurer l'unique personne que j'ai toujours été ?

Ton amie Kirsten