Mon amie Kirsten,

Puisque l'ombre gagne, en dépit des éclats iridescents que nous renvoie, par-delà l'horizon des évènements, le soleil éteint depuis de trop longues années sur une humanité à bout de souffle,

Puisqu'au milieu de cette forêt enneigée, alors que mes poumons s'épuisent à travers ma course folle vers une échappatoire illusoire, ton sourire est la seule lueur persistante au milieu de l'obscurité,

Puisque les détonations des balles de mes bourreaux, que je ne parviens pourtant pas à haïr, résonnent à mes oreilles en même temps que le frémissement incongru de la liberté,

Puisque malgré l'audace désespérée de mon initiative, tu demeures mon unique motivation, la seule raison qui, jour après jour, m'a poussé à persister au lieu de me laisser dépérir comme tant d'autres de mes compagnons d'infortune,

Puisque mes mains écorchées, éraflées, souillées, s'étendent encore devant moi à la recherche de ton souvenir, définitivement l'unique résidu d'humanité qu'ils n'ont pas, et ne réussiront jamais à exterminer,

Puisque les mots, autodafés de sentiments, brûlent encore au fond de mon cœur,

Puisque je t'aimais trop pour te priver de ta liberté et pas assez pour te retenir à mes côtés,

Puisque je n'ai jamais été personne d'autre que ton ami Klaus et qu'il s'agit pourtant de la meilleure chose qu'il m'ait été donné de vivre,

Puisque je n'ai plus de futur et que mon présent s'épuise au rythme effréné de mes foulées, me ferais-tu l'honneur de revivre une dernière fois notre passé ?