— Anna, tu as l'air bizarre ce matin. 

Jane me regarde avec de l'inquiétude dans les yeux. Je la regarde, blasée. J'ai pris la décision de ne pas raconter ce qui s'est passé ce matin. Je sais bien que Jane est digne de confiance, mais ça? C'est beaucoup trop gros, même pour elle. Je ne veux pas commencer à lui raconter et qu'elle me considère comme folle. Et si on m'envoyait à l'asile à cause de ce que j'ai vu? Suis-je en danger? Mais, si je ne dis rien et que le monstre fait des ravages, suis-je en train de mettre des innocents en danger en gardant le silence? 

— Anna, tu m'écoute? Tu n'as vraiment pas l'ai bien. Est-ce que ça va? 

— Oui oui, tout va bien... J'ai juste mal dormi. Je ne me sens pas fière de lui mentir ainsi, surtout avec une excuse aussi débile, mais bon. Quand on n'a pas le choix, on n'a pas le choix. 

— Ah, je vois... j'espère que tu vas te réveiller bientôt, parce qu'on a une grosse journée devant nous! 

À  vrai dire, je n'ai pas envie que Jane me rappelle la longue journée de cours qu'on a devant nous. Malgré le peu de temps qui s'est écoulé depuis mon réveil, j'ai l'impression que ça fait des années et même plus que cette affreuse journée a commencé. La seule chose dont j'ai envie, en ce moment, c'est de me coucher dans mon lit, enterrée sous les couvertures pour pleurer jusqu'à ce que mon corp ne soit plus capable de produire une seule larme. Même si le monstre ne m'a pas poursuivi, rien ne peut me garantir qu'il ne m'attend pas à la sortie de l'école. Non... faites que ça n'arrive pas. Je suis terrifiée et je sens que je recommence à trembler. 

— Anna, qu'est-ce qu'il se passe? Tu m'inquiète, là, pourquoi tu tremble? Tu sais que tu peux tout me dire je suis là pour ça!

— Je sais Jane, mais je te jure que ça va, j'ai juste froid. Ce n'est juste pas ma journée, ça arrive à tout le monde de toute façon! 

— Je sais, mais... Je suis sérieuse quand je dis que tu n'as vraiment pas l'air bien. 

— Et je suis sérieuse quand je te dis de ne pas t'inquiéter. Je vais bien. 

Je déteste mentir, mais j'ai le sentiment que je n'ai pas le choix. Je ne peux pas lui dire la vérité, pas tant que je ne suis pas sûre de ce qui m'arrive. Aussi, je crois que lui dire que je vais bien est un moyen un peu détourné de me convaincre moi-même que je vais bien. Oui, c'est ça, je vais essayer d'oublier l'affreusité que j'ai vu ce matin et je vais passer une bonne journée d'école. Si je l'oublie, peut-être qu'elle va m'oublier aussi! Et si finalement, c'est la folie qui a mis cette créature sur mon chemin, peut-être qu'en l'oubliant, je n'aurai plus d'étranges visions! 

Avec cette pensée, je sens la confiance me regagner peu à peu. Je suis plus forte que ça et je le sais. Mentalement, je prend le souvenir de mes péripéties matinales et je les lance dans ma poubelle mentale. Voilà! Débarassée des poules-dinosaures qui gâchent ma journée! Soudainement revigorée, je commence à écouter mon cours et ma journée reprend sa normalité habituelle.