Je ne suis pas folle.

En tous cas... Je ne pense pas...

Peut-être?

Peu importe, ce n'est pas le sujet. Je crois être suffisamment lucide pour affirmer qu'un tel être ne devrait pas se trouver devant moi. Bon, c'est vrai que je n'ai jamais vu de vrai dinosaure. Alors peut-être qu'ils ressemblaient vraiment à ça. Mais je n'y crois pas trop. Je veux bien que les oiseaux descendent des dinausores, mais ce qui se trouve devant moi, c'est une poule. Bon, huit fois plus grande qu'une vraie poule avec un bec difforme qui semble provenir de deux pièces trouvées dans un dépotoir et qu'on aurait assemblées ensemble pour créer un bec. Sans parler de l'absence d'aile et de ses deux gros yeux globuleux qui me fixent avec  une lueur de curiosité.

Non, ce n'est certainement pas ni une poule ni un dinosaure.

La seule chose que je sais, c'est qu'une telle créature ne devrait pas se trouver devant moi. Pour le moment, elle ne semble pas agressive. Par contre, nous sommes toutes les deux immobiles. Rien ne peut m'assurer qu'elle ne voudra pas m'attaquer un coup que j'aurai commencé à bouger. Je continue donc de la fixer. Malgré le court instant que notre contact visuel dure, ce moment me semble durer une éternité. Je sais que je ne peux pas rester immobile pour le restant de mes jours. Je regarde la bestiole une dernière fois bien attentivement pour graver son image dans ma mémoire afin que je puisse bien me rappeler de ce que j'ai vu, je prend une grande respiration et, sans crier gare, je me met à courir. 

Je ne prend même pas la peine de regarder en arrière pour voir si elle me suis, je ne fais que courir, tellement vite que j'ai l'impression que même la voiture de course la plus rapide du monde ne pourrait garder mon rythme. De toute façon, si la bête est en train de me poursuivre, me retourner l'aurait aidé à me rattraper plus vite. Malgré la proximité de mon établissement scolaire, jamais la distance me séparant de mon école ne m'a semblé aussi longue. Après ce qui m'a semblé être une éternité, je franchis enfin les portes de l'école. Au moins, si la chose me poursuivait, je n'aurais pas à l'affronter seule. Ou alors je ne serais pas la seule à fuir. Oui, je pense que la vérité ressemble plus à ça. 

J'ose enfin regarder derrière moi. Vous savez, dans les films, quand le personnage se retourne en slow motion pour mieux voir l'élément de surprise qui se carche derrière eux? Eh bien, j'ai le sentiment de vivre exactement la même chose. La seule différence, c'est que mon élément de surprise à moi, c'est le vide. La créature ne semble pas m'avoir poursuivi. je me sens soulagée, comme si tout le stress du monde venait de s'enlever de mes épaules. Je sens que je tremble et je ne peux empêcher une larme de tomber. Avec cette larme en vient une autre, et encore une autre, et une centaine d'autre! J'ignore si c'est la folie qui parle pour moi, mais je sais, au plus profond de moi que cette fois, ce n'est pas mon imagination qui m'a joué un tour. Aussi étrange que cela puisse paraître, je sais que la poule-dinosaure ou autre est bien réelle. 

Au loin, j'apperçois les autres étudiants qui m'observent étrangement. Il est vrai que voir une jeune fille se vider en larme devant les portes de l'école n'est pas quelque chose de très commun ici. Partout, je vois les gens me regarder avec pitié ou alors découragement. Quand on oublie ceux qui ne font que m'ignorer. Par contre, une personne attire mon attention. Il est vrai qu'elle ne passe pas très inaperçue avec ses cheveux blonds. Mais ce qui me marque par dessus tout, c'est son regard rempli d'intérêt et de doute qu'elle me porte. Quand je croise son regard, je la vois sourire. Un sourire qui veut tout dire et qui me fait croire qu'elle sait aussi. 

Peut-être que je ne suis pas folle. Peut-être, que le monstre qui s'est trouvé devant moi ce matin est bien réel.