23 Chapitre: La colère
Au moment où je rentre dans la salle, les lumières s'allument, comme si ces dernières attendaient mon arrivée. Je me faufile dans la salle de classe vide, Jane me suivant de près. Je vérifie qu'il n'y a bel et bien personne dans la classe avant de me diriger vers le tableau de gauche. Je saisis une craie et commence à dessiner un serpent affamé. De son côté, Jane prend le tableau de droite et commence à dessiner des personnages tout aussi étranges les uns que les autres.
Lorsque je termine mon serpent, je me met à dessiner mon fidèle sajitère. Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas fait de faute. Voyez-vous, le signe astrologique de ma soeur est le sagittaire. Lorsque nous étions plus jeunes, nous ignorions ce à quoi cela pouvait bien ressembler. Alors, pour la faire rire, j'avais dessiné une sorte de pieuvre à trois pattes pointues avec des oreilles tout aussi pointues et une longue moustache. Depuis, je dessine ces derniers partout où je vais. J'ai même créé des variantes. Il y a celui de base, sans autre accessoires, il y a celui avec des lunettes de soleil et des piercing sur l'oreille droite. Il y a aussi celle avec une petite fleur sur la tête ou encore, celui avec un oeil manquant, une cicatrice et une oreille abimée, et je ne les nomme pas tous.
— Regarde, Jane, j'ai dessiné un sajitère!
— Encore? Fais moi voir!
Jane se rapproche de mon tableau. Je détourne mon regard de mon amie pour me concentrer sur mon dessin. J'ai dessiné mon sajitère de manière à ce qu'on ait l'impression que le serpent veut le manger. Je trouve ça très drôle. Je sens la présence de Jane derrière moi. Je sens qu'elle se rapproche pour observer mon dessin.
— C'est très joli. Très intéressant, répond une voix grave.
Une voix bien trop grave pour appartenir à Jane. Je me retourne à un coup de vent et à mon grand désarroi, je fais maintenant face à mon cher ennemi, Léonardo. Je sens mon souffle se bloquer dans ma poitrine. J'essaie de crier, mais rien ne veut sortir. J'essaie de bouger, de m'enfuir, mais j'ai l'impression que tous les muscles de mon corps sont parti chanter je ne sais quelle chanson dans un bar karaoké à Toronto. Je regarde partout autours de moi pour essayer de voir où est partie Jane, mais je ne vois rien d'autre que Léonardo. À chaque fois que je tourne la tête. Il se trouve devant moi avec son fameux sourire qui le suit partout. Je ne veux plus le voir, alors je ferme mes yeux si fort, que j'ai l'impression que mes paupières pourraient exploser. Malgré tout, cela ne sert à rien. Même si mes yeux sont fermé, je ne vois encore que Léonardo. Même le néant ne veut pas pointer le bout de son nez. Il est encore là, il est toujours là.
Je me réveille en sursaut. Je suis tellement essoufflée que j'ai l'impression d'avoir couru un marathon. Je regarde autours de moi. Rapidement, je vois que quelqu'un me fixe. Non, pas quelqu'un. Une tête. Et c'est dégoutant. Contrairement au sentiment de vide qui m'habitait avant mon sommeil, je ne ressent qu'une seule émotion à présent: La colère.
Je suis en colère contre Léonardo, car il me garde prisonnière de mon sous-sol et qu'il a apparemment décidé d'être mon ennemi juré.
Je suis en colère contre les forces maléfiques, car elles veulent briser notre monde déjà si fragile pour des raisons qui me sont totalement abstraites.
Je suis en colère contre le Toto qui a perdu un cheveux, car à cause de lui, Léonardo peut avancer dans son plan diabolique.
Je suis encolère contre Leila, car elle m'a entrainé dans cette galère et que si elle ne m'avait pas obligé à venir fouiller la maison, je ne serait pas prisonnière de cet abruti de Léonardo.
Je suis en colère contre Jane, car sans ses dessins étrange, je n'en serais pas là aujourd'hui.
Je suis en colère contre moi, car je n'ai pas été capable d'assurer. Dans un sens, si je suis ici aujourd'hui, c'est que je n'ai pas été capable d'être assez forte et autonome pour régler mes problèmes correctement.
Mais surtout, je suis en colère contre cette maudite tête de Toto qui me fixe sans arrêt depuis mon réveil. Non mais sérieusement, en plus de me donner envie de vomir tellement c'est dégueulasse, il faut que la tête en rajoute une couche en me regardant sans arrêt? Je ne sais pas moi! Bouge! Regarde ailleurs! Ferme les yeux! Disparait!
Toute cette colère prend possession de moi. Comme si j'étais une bombe à retardement qui vient atteindre son heure. Je ne suis plus vraiment consciente de qui je suis ou de ce que je fais. Je crois que je me met à hurler. Ou alors ça hurle dans ma tête. Je ne sais pas et je m'en fou. Je me met à tout renverser ce qu'il y a sur mon passage.
Une lampe? Par terre.
Des papiers qui traînent sur un bureau? Par terre.
Un terrarium avec un serpent vivant à l'intérieur? Par terre.
Oups, ça c'était peut-être pas l'idée du siècle... Pas grave, on verra plus tard.
Un vase avec du genre de sable dedans? Par terre.
Un bureau trop lourd pour que je puisse le soulever? Par terre.
Je sens que la colère me donne une force que je n'ai jamais eu avant. Au fur et à mesure que je jette des trucs par terre, je me rapproche à petit pas du fameux bocal qui trône au milieu de la salle. Le Toto continue de me fixer. J'arrive face à lui. Je prend une bonne seconde pour le fixer en retours. Quand je juge que notre contact visuel a assez duré, je me met à frapper le bassin.
Je le frappe avec mes poings, avec mes pieds, avec mon corps. Je le frappe comme je n'ai jamais rien frappé. Même le poisson dans le parc que j'avais frappé avec un bâton n'a pas subi ma colère autant que le bassin la subi maintenant. Je frappe fort pour que la tête s'éloigne et arrête de me regarder. Malgré tout, elle continue de me fixer. Je ne peux plus supporter son regard. Il me rappelle à quel point j'ai été lamentable, à quel point je suis lamentable. Mais même si je met toute ma force et toute ma volonté, il faut croire que le bassin est plus solide qu'il en a l'air. Comme je vois que tous mes efforts sont vains, je me met à hurler après le Toto.
— ARRÊTE!!!!
En réponse, j'ai l'impressionque le Toto ouvre ses yeux un peu plus grand. Comme pour mieux me fixer. Et cela attise ma colère.
— ARRÊTE DE ME REGARDER!!!!
Malgré ma demande, il continue son activitée.
— JE N'EN PEU PLUS, QU'EST-CE QUE TU NE COMPREND PAS!!! LAISSE MOI TRANQUILLE!!!!!!
Comme une arnaque, une deuxième tête de Toto se tourne dans ma direction. Même si celle ci n'est pas complète, elle a tout de même des yeux qui lui permettent de me fixer aussi.
— ALORS LÀ NON, TU NE VAS PAS T'Y METTRE AUSSI!!!
Je décide que ça ne vaut plus la peine de me battre contre eux. Je regarde la bazar que j'ai mis dans la pièce et remarque le bureau que j'ai miraculeusement réussi à renverser précédemment. Sans me poser plus de question, je me précipite vers ce dernier pour me cacher de leur regard. Lorsque je suis enfin à l'abri de leurs yeux qui ne voulaient plus me lâcher, je sens ma colère diminuer.
Elle ne disparait pas tout à fait, mais au moins, à présent, je me sens capable de la contenir.
En temps normal, je me serais mis à pleurer à cause de ma surcharge d'émotion. Toutefois, je ne sens aucune larme pointer le bout de son nez. Je ne sais pas si je serais encore capable de pleurer tellement je me sens dépassée par la situation.
Alors, comme les Totos, je choisis quelqu'un à regarder. Il s'agit du serpent. Celui que j'ai libéré dans mon moment ou mon intelligence avait déserté mon corps. J'espère vraiment qu'il n'est pas venimeux.
Mais pour le moment, je le fixe.
Et il me fixe.
On se fixe.
Pour le reste, on verra ça plus tard.
Laissez moi donc fixer le serpent, à présent.
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