13 Chapitre: La maison
Je ne sais pas pourquoi je l'ai écouté. Je veux dire, une jeune femme difforme à cause de la manière dont sa créatrice l'a dessiné qui est supposée représenter Rose dans le Titanic n'est pas forcément ce qu'on pourrait appeler une source fiable. Peut-être que c'est la peur pure et dure que ses yeux reflétaient et son air sérieux et inquiet qui m'ont convaincu. Où alors, j'en ai tellement marre des évènements douteux et terrifiants que je n'ai pas voulu prendre de chance.
Quand j'ai commencé à courir, les Totos sont restés en file derrière moi et courraient à mon rythme. C'était quand même drôle à voir. Si les autres avaient eu la possibilité de voir les dessins de Jane, ils auraient vu une jeune fille courrir suivie d'une vingtaine de créatures étranges courrir au même rytme.
Au moment où j'arrive chez moi, j'ai envie de refermer la porte brusquement pour créer une sorte de barrière de protection qui aurait empêché tous les individus malveillants de s'en prendre à moi. Malheureusement, je dois attendre que mes (un peu trop) fidèles compagnons rentrent à leur tour avant de fermer la porte. Encore une fois, ma mère me regarde étrangement et me demande de fermer la porte pour ne pas laisser passer les mouches. Malheureusement, il reste encore quelques Totos et malgré son avertissement, je laisse la porte ouverte un peu plus longtemps.
Je me rend compte que ma mère doit me trouver vraiment étranges ces temps-ci. J'imagine que je peux mettre ça sur le compte de ma crise d'adolescence. Je me demande si je pourrai un jour lui raconter mon aventure palpitante. Mais en attendant, je dois prendre sur moi et garder le secret.
Après lui avoir dit boujour et raconté un peu ma journée (ce que je peux me permettre de raconter, on s'entend) sous le regard scrutateur de mes nouveaux amis, je me dirige dans ma chambre. Je m'assoie sur mon lit et les fait s'asseoir par terre. C'est un peu drôle, parce que ma chambre et vraiment petite et lorsqu'ils cherchent à s'asseoir, ils ont beaucoup de difficulté à tous rentrer sans se piler dessus. Surtout que Jane a comme une obsession pour les Totos et qu'elle ne cesse d'en dessiner. Je me retrouve donc avec de plus en plus de compagnons chaque jour. J'imagine que bientôt, ils ne pourront plus tous rentrer dans ma chambre et certains devront attendre à l'extérieur. Honnêtement, une partie de moi espèce que ce moment n'arrivera pas de sitôt. Ce n'est pas que je n'apprécie pas les Totos, mais j'aime rester seule une fois de temps en temps. Au moins, ils respectent mon besoin de dormir sans personne pour m'observer dans mon sommeil. Je veux dire... C'est un peu terrifiant comme scénario.
Un coup que tout le monde est installé (Oui oui, on y est arrivé) je me décide à prendre la parole. Évidemment, mon ton reste pas, je ne veux pas donner plus de raisons à ma mère de trouver mon comportement étrange.
— Les amis, il s'agit d'une réunion d'urgence.
Personne ne semble réagir à mon ton alarmé. Seul le Toto mutant semble comprendre la situation. Les autres ne font que continuer à me regarder avec admiration. J'imagine qu'ils ont compris mais qu'ils ne savent pas comment l'exprimer. En tout cas, j'espère ne pas me tromper.
— J'ignore ce qui s'est passé tout à l'heure, mais je craint que l'un de dessins de Jane soit devenu dangereux.
Là où le Toto mutant a un regard horrifié, les autres Toto ne changent en rien leur attitude et me regardent toujours de la même manière, ce qui en devient réellement perturbant.
— Je crois qu'il faut essayer de comprendre ce qui s'est passé. Il faut retrouver Rose et retourner sur les lieux pour essayer de comprendre. Parce que s'il y a réellement un danger, il faut essayer de l'empêcher au plus vite! Qui est avec moi?
Tous les Totos lèvent simultanément la main. Encore là, j'ignore s'ils veulent me suivre car ils ont à coeur la survie du monde où s'ils veulent juste me suivre parce qu'ils aiment ça. Honnêtement, je crois qu'il s'agit plus de la deuxième option. De toute manière, j'imagine que l'important c'est qu'ils me suivent.
— Bon, j'ajoute, on va régler ça demain par contre, parce que je suis fatiguée et que je n'ai pas vraiment envie d'y retourner ce soir et de devoir expliquer à ma mère pourquoi je sors en laissant la porte ouverte trop longtemps.
Le lendemain, je décide d'attendre la fin de la journée pour retourner à l'endroit où j'ai croisé Rose. En effet, si j'y vais le matin et que je me met en danger, je sais que toute ma journée d'école tomberait à l'eau. Et comme l'école c'est important, je préfère ne pas prendre de risques. En m'en allant rejoindre Jane, j'espère croiser Leila pour lui parler de mes précédentes aventures. Je sais qu'elle pourrait être de bon conseil et pour tout vous dire, je n'ai pas vraiment envie de me rendre là bas seule.
Et non les Toto ne comptent pas.
Malheureusement, je ne croise pas ne serais-ce qu'un signe de la présence de Leila aujourd'hui. À croire qu'elle serait accidentellement tombée dans un portail qui l'aurait amené vers un monde parralèle où il y a des tigres à lignes verticales et d'autres à lignes horizontales. Et que si c'est deux espèces se reproduisent, ça donnerait des tigres à carreaux. Ne me dites pas que c'est impossible, honnêtement, je crois qu'on devrait banir ce mot du dictionnaire. Au stade où j'en suis, plus rien n'est impossible. Sauf peut-être aimer calcul intégral. Ça oui, je crois que c'est vraiment impossible.
Toute la journée, je ne pouvais m'empêcher d'anticiper. Et si ça se passait mal? Après tout, je n'ai aucune idée de pourquoi Rose m'a demandé de fuir hier. Je sais que Jane a compris que quelque chose n'allait pas. Elle ne cessait de me lancer des regards de suspiçion, mais heureusement, elle n'a pas insisté. Je crois qu'elle a compris que tout ne tournait pas très rond dans ma têtes ces temps-ci. Si elle savait que c'est sa faute...
Quand la dernière cloche de la journée sonne, je me dépêche de me rendre à ma destination finale. Je ne cesse de me répéter ''plus vite on le fait, plus vite c'est fait'' comme une incantation qui éloignerait les esprits malveillants. Lorsque j'apperçois l'emplacement exact où j'ai vu Rose hier, je ralentis le pas et m'avance le plus silencieusement possible pour ne pas me faire repérer, dans le cas où quelque chose ou quelqu'un de menaçant soit dans les parages. Pour une fois, les Totos semblent avoir compris le message et essaient comme moi de rester le plus silencieusement possible.
Je regarde les alentours et je vois que devant moi se trouve une petite maison. Celle-ci n'a rien de louche, mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir un mauvais sentiment. Sa devanture est bleu foncé et les tuiles du toit semble très agées. Mon père les aurait sûrement déjà changé, vu leur état. Pour accéder à la porte, il faut passer par un petit balcon en bois, le seul élément de la maison qui a eu l'air d'être rénové récemment. Et heureusement, car passer à travers du bois moisi pour rentrer chez toi, ce n'est pas très agréable. Le gazon est long et jauni et je comprend tout de suite que le jardinage n'est pas la force des habitants de cette maison. Pas une fleur ne vit su ce terrain, on aurait dit que la mort avait décidé d'élire domicile sur ce terrain.
Je décide de tendre l'oreille. Aucun bruit ne sors de la maison. J'en vient rapidement à la conclusion qu'elle est vide. L'habitation semble hors du temps. Là où tous ses voisins ont une vie active et mouvementée, elle semble figée, comme si on l'avait mis sur pause un peu trop longtemps. Je regarde les alentours. Il n'y a rien qui me semble suspect, à part la maison. À part mes habituels compagnons, il n'y a aucun dessin de Jane à l'horizon. Soudainement, je ne me sens pas très bien. Il n'y a rien, mais je me sens mal. J'ai le sentiment que je ne devrait pas être ici, j'ai le sentiment que malgré la normalité de l'endroit où je me trouve, rien n'est normal. Je ressent tout et rien à la fois. J'ai chaud, mais j'ai froid, je suis rassurée de ne rien trouver, mais je sens que toutes les cellules de mon corps sont terrifées. Je sens la panique prendre possession de mon corps.
Je me tourne une dernière fois vers la maison louche et ce sentiment s'intensifie. Je me met à trembler, je ne peux plus penser. Les Totos semblent sentir mon mal être et se mettent en cercle autour de moi pour me protéger. Je sais qu'ils veulent bien faire, mais je me sens tout simplement plus prisonnière encore de mon corp. Je ne peux plus bouger, mes oreilles grésillent, je ne comprend pas ce qui m'arrive. Je ne suis plus en contrôle de moi même, alors je fais la seule chose qui me semble réalisable à cet instant.
Je hurle.
Je hurle comme je n'ai jamais hurlé. Je hurle ma terreur, mon désespoir, mon incompréhension. Je hurle tout ce que je ne peux pas dire et qui doit se contenter de rester prisonnier de ce secret que je dois garder. Je ne hurle pas, j'explose. Je suis une bombe qui était trop fragile et qu'on a poussé à bout. Les Totos m'encerclent toujours, mais je sens que de nouvelles personnes se sont ajouté au lot. Des inconnus qui m'ont entendus et qui se sont inquiétés, j'imagine. Ce n'est pas tous les jours qu'une jeune fille se met à crier de désespoir toute seule au milieu de la rue.
Soudainement, un homme s'accroupi à mes côtés et me pose la question à laquelle je m'attendais le moins.
— Est-ce que ce sont les monstres à tes côtés qui te font crier comme ça?
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