Chapitre 5


La nuit fini par tombée, et comme à son habitude, Alastor m'attend dans ma chambre, assis confortablement dans le fauteuil que je lui ai préparé. Son regard perçant et ses yeux rouges suivent chacun de mes mouvements, mais il ne dit rien, semblant attendre que je prenne la parole.

Je lui avait dépose les livres empruntés au CDI sur la table près de lui, accompagnés du jeu d'échecs que j'ai ramené. Un léger sourire flotte sur mes lèvres. Après tout, j'ai pris du temps pour lui trouver ces objets, espérant qu'ils pourraient lui offrir une distraction, un moyen d'occuper ses nuits autrement que par ses jeux tordus.

« Comme je vous l'avais dit, j'ai pris le temps d'aller chercher ces livres pour vous, » dis-je doucement, essayant de maintenir une légèreté dans ma voix. « Je pensais que cela pourrait vous plaire. Vous avez trois semaines pour les lire, et je pourrai en emprunter d'autres ensuite. »

Je pointe ensuite le jeux d'échec avec le doigts et dit . « Et voici un jeu d'échecs que j'ai trouver aujourd'hui Peut-être qu'il pourrait... vous divertir un peu. »

Alastor ne réagit pas immédiatement. Il reste assis, son regard rouge fixé sur les livres, puis sur le jeu d'échecs. Le silence dans la pièce devient rapidement pesant, presque palpable, et je sens une tension croître sans comprendre pourquoi.

Finalement, il se lève lentement de son fauteuil, mais il y a quelque chose de différent dans son attitude. Ses mouvements, habituellement pleins de fluidité et d'élégance, semblent brusques et raides. Je le fixe, incertaine, tandis qu'il se tourne vers moi. Ses yeux, normalement emplis d'une malice amusée, sont cette fois marqués par une frustration sourde.

« Vraiment ? » murmure-t-il avec une froideur inhabituelle. « Vous croyez que tout cela... ces livres, ce jeu d'échecs... va changer quoi que ce soit ? » Sa voix est dure, tranchante.

Sa réaction me coupe le souffle. J'avais imaginé qu'il serait amusé, voire reconnaissant à sa manière, pour l'effort que j'avais fourni. Mais au lieu de cela, il semble presque furieux. Une boule d'angoisse se forme dans ma gorge, et je me mets à hésiter.

« Je... je pensais simplement que cela pourrait vous plaire, » balbutié-je, essayant de maintenir mon calme malgré l'étrange colère qui émane de lui. « Vous saviez déjà que j'allais chercher des livres, alors je me suis dit que cela rendrait... nos échanges plus... agréables. »

« Oui, je le savais, » interrompt-il d'une voix sèche, « mais pensez-vous réellement que tout cela est suffisant pour... calmer ce qui m'anime ? »

Je le regarde, perdue. Pourquoi cette colère ? Pourquoi ce soudain changement d'humeur ? Mon esprit tente de trouver une explication, mais je suis dépassée. Alastor n'a jamais réagi ainsi. Prenant une inspiration tremblante, je fais un pas en avant.

« Alastor... qu'est-ce qui se passe ? » murmuré-je, ma voix douce, presque rassurante. « Vous n'êtes pas comme d'habitude. Vous semblez... contrarié. »

Un silence pesant s'installe. Ses traits, d'abord crispés, se détendent légèrement, et il pousse un long soupir, ses épaules se relâchant un peu. « Ce n'est pas à cause de vous, » finit-il par dire d'une voix plus basse, presque résignée. « Ce soir, je suis... perturbé. Mais cela n'a rien à voir avec vos livres. »

Intriguée par cette soudaine vulnérabilité, je tente de l'amener à s'ouvrir davantage. « Vous pouvez me parler de ce qui vous perturbe. Peut-être que cela vous soulagerait. »

Il éclate d'un petit rire, secouant la tête. « Parler ? À vous ? » Il me regarde, son sourire s'effaçant rapidement. « Vous ne comprendriez pas. Il y a des choses qui vous dépassent. » Sa voix est redevenue froide, mais moins agressive.

Je reste silencieuse, observant ses moindres mouvements. Il semble plus agité que jamais, comme s'il se battait intérieurement. Je décide alors de briser la tension en changeant légèrement de sujet, espérant détendre l'atmosphère.

« Vous savez, » dis-je doucement, en désignant le jeu d'échecs, « je ne suis pas une grande joueuse, mais j'ai pensé que cela pourrait vous plaire. Peut-être pourrions-nous essayer une partie ? Juste pour passer le temps. »

Je tente un sourire. Alastor me fixe un instant, son regard intense scrutant chaque parcelle de mon visage, comme s'il cherchait à deviner mes intentions. Puis, contre toute attente, ses traits se détendent. Ses lèvres esquissent un sourire, mais il est plus doux, presque indulgent.

« Une partie d'échecs, dites-vous ? » Il s'approche de la table où est posé le jeu, ses doigts effleurant les pièces en bois. « Pourquoi pas, » murmure-t-il, sa voix perdant peu à peu son tranchant. « Après tout, je n'ai pas joué depuis longtemps. »

Je m'installe en face d'Alastor, prête à commencer cette partie d'échecs. Il manipule les pièces avec une aisance qui me donne l'impression que ce jeu fait partie de lui, tout comme cette manière subtile de toujours contrôler la situation.

« Vous savez, » dit-il en disposant les pièces avec une précision presque hypnotique, « les échecs sont un jeu de stratégie, mais aussi de patience. Deux qualités indispensables pour quelqu'un... comme moi. » Son sourire, habituellement carnassier, se teinte d'une lueur plus taquine ce soir.

Je tente de me détendre. Après tout, c'est censé être une partie amicale, même si l'atmosphère autour de nous est, comme toujours, légèrement pesante. Les premières minutes du jeu s'écoulent en silence, chaque coup étant calculé. Alastor avance ses pions avec une assurance implacable, tandis que je tente de trouver une faille dans sa défense.

Je déplace ma reine, essayant de reprendre un peu de contrôle sur le plateau. « Est-ce que vous jouez souvent aux échecs ? » lui demandé-je, cherchant à rompre le silence.

« Oh, de temps en temps, » répond-il sans lever les yeux du plateau. « Cela dépend de la compagnie. Mais il est rare de trouver quelqu'un d'assez... intéressant pour partager une partie. » Ses lèvres s'étirent en un léger sourire.

Je hausse les sourcils, me demandant si je dois prendre cela comme un compliment ou une autre de ses petites provocations. « Intéressant, hein ? Je ne sais pas si je devrais être flattée ou inquiète. »

Il ne répond pas tout de suite, se contentant de déplacer son cavalier, me forçant à réfléchir plus rapidement. « Vous pourriez être les deux, » dit-il finalement, son ton mystérieux et presque amusé.

Les coups s'enchaînent, et je me rends vite compte que je suis en train de perdre pied. Alastor joue avec une stratégie implacable, anticipant chacun de mes mouvements avant même que je ne les fasse. Je sens cette tension latente en lui, cette colère discrète, mais il la dissimule bien sous son apparente légèreté.

Je me décide à poser une question plus simple, espérant alléger l'atmosphère. « Et quand vous n'êtes pas ici... vous faites quoi exactement ? »

Il lève un sourcil, comme si ma question l'amusait. « Vous voulez dire, quand je ne suis pas en train de hanter votre existence ? » Il croise les bras un instant, réfléchissant. « Je parcours les terres, j'observe les humains, je manipule le destin de ceux qui se pensent intouchables. Disons que mes activités sont variées. »

Je souris légèrement. « Ça a l'air... divertissant. »

« Ça l'est, » répond-il, déplaçant sa tour pour me mettre en difficulté une fois de plus. « Mais cela manque parfois de défi. Les humains sont si prévisibles, après tout. »

« Prévisibles ? » répété-je en haussant un sourcil. « Vous trouvez que je suis prévisible ? »

Alastor rit doucement, un son qui résonne étrangement dans la pièce. « Vous ? Non, ma chère. Vous êtes une délicieuse exception. C'est pour cela que je suis ici, après tout. »

Je sens un léger frisson parcourir ma colonne vertébrale. Ses compliments sont toujours teintés d'une ambiguïté qui me met mal à l'aise. Pourtant, je ne peux m'empêcher d'être curieuse. Je le regarde déplacer sa reine avec une assurance tranquille, et je sais déjà que je suis en mauvaise posture. Je ne suis pas une grande joueuse d'échecs, et il semble clairement avoir l'avantage.

« Est-ce que tout s'est bien passé pour vous aujourd'hui ? » demandé-je, essayant d'adopter un ton plus détendu.

Il relève à peine les yeux de la partie, mais je sens une légère hésitation dans son mouvement. « Aussi bien que possible, » dit-il, son ton léger mais trop contrôlé pour être sincère.

Je le fixe un moment, sentant que ses mots ne correspondent pas à son comportement. « Vous semblez... différent ce soir. Plus silencieux. »

Alastor se fige légèrement, mais il garde son sourire, bien que moins naturel. « J'ai mes humeurs, comme tout le monde. »

« Même les démons ont des mauvais jours ? » plaisanté-je, espérant alléger l'ambiance.

Il rit doucement, mais ce rire est plus court que d'habitude, moins sincère. « Il semblerait. »

Nous continuons à jouer, et il devient de plus en plus évident qu'il me surclasse dans cette partie. Il déplace ses pièces avec une efficacité presque machinale, chaque coup me mettant un peu plus en difficulté. Mon esprit, cependant, n'est plus vraiment concentré sur le jeu. Je le sens... tendu, malgré ses tentatives pour le cacher.

« Vous savez, si quelque chose vous perturbe, vous pouvez toujours en parler, » dis-je doucement, mes doigts hésitant sur une pièce.

Alastor s'arrête net, son regard perçant me fixant avec une intensité nouvelle. Pour la première fois, son sourire disparaît complètement. « Vous posez beaucoup de questions ce soir, » murmure-t-il, presque sur un ton d'avertissement.

Je soutiens son regard, sentant que je m'aventure en terrain glissant. Mais quelque chose en lui m'intrigue, cette façade de contrôle qui semble se fissurer par moments. « Je ne cherche pas à vous ennuyer. Mais il est évident que quelque chose vous frustre. Pourquoi ne pas me dire ce que c'est ? »

Un silence s'installe, lourd, alors qu'Alastor se redresse légèrement dans son fauteuil, abandonnant enfin sa concentration sur le jeu. Il reste immobile, comme s'il pesait sa réponse. Puis, avec un soupir presque imperceptible, il recule dans l'ombre, ses yeux rouges brillant d'une lueur plus sombre.

« Ce n'est pas à vous de savoir,j e vous ai déjà dit que je refusez de vous répondre à se sujet » dit-il d'une voix froide mais contrôlée. « Il y a des choses que même vous ne pouvez comprendre. Ce soir... n'est pas le bon moment. »

Il se lève brusquement, laissant le plateau d'échecs en désordre derrière lui. Ses mouvements sont plus rapides que d'habitude, et je sens que la conversation est terminée, du moins pour ce soir.

« J'apprécie vos efforts, vraiment, » ajoute-t-il, retrouvant un semblant de sourire crispé. « Mais peu importe les distractions que vous m'offrez, cela ne changera rien. J'aurai votre âme. Tôt ou tard. »

Je reste silencieuse, déstabilisée par sa brusque sortie, mais quelque chose en moi refuse d'abandonner aussi facilement. « Pourquoi ne pas être honnête, alors ? » dis-je doucement. « Si cela ne change rien, pourquoi ne pas me dire ce qui vous met dans cet état ? »

Alastor s'arrête à la porte, sa silhouette se dissolvant dans les ombres. Son regard se fait plus intense, presque blessé, avant qu'il ne disparaisse complètement. « Ne vous en mêlez pas. »

Et juste comme cela, il est parti, me laissant seule avec le plateau d'échecs encore marqué par ma défaite. Je reste un moment assise, fixant les pièces éparpillées, essayant de comprendre ce qui vient de se passer. Ce n'est pas simplement une question de jeu ou d'âme. Quelque chose ronge Alastor, quelque chose qu'il refuse de partager.

Et cette incertitude me hante presque autant que sa présence.Il y a quelque chose que je ne comprends pas encore, quelque chose qui le met en colère. Mais quoi ? Pourquoi ce soir ? Pourquoi cette frustration soudaine ?

Je me retrouve avec bien plus de questions que de réponses, et une angoisse grandissante à l'idée de la prochaine fois qu'il réapparaîtra.

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