Chapitre 16

Le réveillon de Noël approchait, et l'atmosphère dans la maison était étrangement douce. Depuis quelques jours, la tension entre Alastor et moi s'était légèrement dissipée. Il semblait s'être résigné à accepter cette fête humaine, malgré son caractère surnaturel et distant. Ce matin-là, alors que je sortais de ma chambre, je fus surprise de le trouver déjà debout, près de la cuisine.

"Je vais m'occuper du repas ce soir," déclara-t-il d'un ton ferme mais calme, sans même me regarder, occupé à observer les ingrédients qu'il avait disposés devant lui.

Je levai un sourcil, un peu étonnée. "Toi ? Tu veux cuisiner pour Noël ?"

Il tourna brièvement la tête vers moi, ses yeux rouges pétillant d'un éclat amusé. "Cela te surprend tant que ça ? Je suis peut-être un démon, mais je suis tout à fait capable de maîtriser quelques... compétences humaines."

Je ne pus m'empêcher de sourire en coin. L'idée d'Alastor cuisinant restait encore assez surréaliste. "Eh bien, si tu insistes," plaisantai-je, "je suppose que je vais me contenter d'être spectatrice aujourd'hui... à moins que tu veuilles de l'aide ?"

Il secoua lentement la tête, un sourire énigmatique aux lèvres. "Je préfère m'en occuper seul," dit-il calmement, ses mains continuant de s'activer avec précision. "Même si je dois reconnaître que tu n'es pas dénuée de talent dans ce domaine."

Je haussai un sourcil, surprise par le compliment. C'était rare qu'il reconnaisse mes compétences, surtout de cette manière. "Oh ? Je ne m'attendais pas à un tel compliment venant de toi."

Il fit une pause, son regard rouge accrochant le mien l'espace d'un instant. "C'est simplement un fait," répondit-il d'une voix tranquille avant de se replonger dans sa tâche. Ses mouvements étaient fluides, chaque geste mesuré, presque artistique dans sa précision.

Le silence enveloppa la pièce, seulement troublé par le léger tintement des ustensiles et le doux murmure des ingrédients se mêlant dans les casseroles.

Je l'observai en silence pendant un moment, fascinée malgré moi par la fluidité de ses gestes. Alastor semblait totalement absorbé par ce qu'il faisait, chaque mouvement empreint d'une précision presque artistique. Il coupait, mélangeait, et assaisonnait avec une aisance surprenante, comme si cuisiner faisait partie intégrante de lui, une habitude bien ancrée. Contre toute attente, il semblait y prendre du plaisir. Il y avait quelque chose de presque apaisant dans sa concentration, comme si ce moment en cuisine lui offrait une forme d'échappatoire, un rare instant de contrôle dans un monde qui échappait peut-être souvent à ses attentes.

Cette idée me fit réfléchir. Un démon, un être fait de pouvoirs et de ténèbres, trouvant un certain réconfort dans une tâche aussi humaine que la cuisine ? Cela m'intriguait plus que je ne voulais l'admettre. Finalement, incapable de contenir ma curiosité, je rompis le silence.

"Tu aimes vraiment cuisiner, n'est-ce pas ?" lançai-je doucement, mes yeux toujours fixés sur ses mains habiles.

Alastor s'arrêta une fraction de seconde, son couteau suspendu en l'air, puis il reprit son mouvement sans me répondre immédiatement. Ses yeux rouges restaient concentrés sur son ouvrage, mais je pouvais sentir une certaine hésitation dans l'air.

"Ce n'est qu'une activité," répondit-il finalement, d'un ton détaché, comme s'il cherchait à minimiser l'importance de ma question. Il évitait soigneusement de me donner une réponse directe, mais je savais. Derrière cette façade indifférente, je pouvais percevoir qu'il appréciait ce moment plus qu'il ne voulait l'admettre.

Un léger sourire se dessina sur mes lèvres, et je ne pus m'empêcher de laisser échapper un petit rire amusé. "C'est mignon, tu sais."

À cette remarque, il s'arrêta net, ses sourcils se fronçant légèrement. Alastor tourna lentement la tête vers moi, ses yeux flamboyant d'un mélange d'incrédulité et de confusion. "Mignon ?" répéta-t-il d'une voix lente, comme s'il cherchait à s'assurer d'avoir bien entendu.

"Oui, mignon," répétai-je en haussant les épaules, amusée par sa réaction. "C'est bien de découvrir que tu as d'autres talents... en dehors de, eh bien, tout le reste." Mon sourire s'élargit tandis que je le taquinais, profitant de l'occasion pour alléger l'atmosphère.

Alastor resta silencieux un instant, me fixant comme s'il essayait de comprendre ce que je venais de dire. Puis, sans un mot, il détourna rapidement les yeux, feignant l'indifférence. Mais je n'étais pas dupe. Juste avant qu'il ne se détourne complètement, je crus apercevoir un léger changement dans la couleur de ses joues, une teinte plus rosée qu'à l'accoutumée. Alastor, rougissant ? L'idée était si inattendue que je faillis éclater de rire.

Peut-être que l'esprit de Noël faisait vraiment des miracles. Je me levai doucement, laissant Alastor à ses préparations culinaires. Il semblait si concentré, absorbé par la tâche, et l'idée de le déranger me traversa brièvement l'esprit.

"Je vais te laisser tranquille pour que tu puisses te concentrer," dis-je avec un léger sourire en me dirigeant vers la porte. "J'ai encore quelques courses à faire avant ce soir."

Alastor tourna la tête vers moi, ses yeux rouges brillant d'une curiosité contenue. "Des courses ?" demanda-t-il, son ton neutre trahissant une pointe de suspicion. Ses sourcils se froncèrent légèrement, comme s'il essayait de deviner mes intentions.

"Rien de bien méchant," répondis-je en souriant pour le rassurer. "Juste quelques petites choses de dernière minute. Je ne serai pas longue. Et s'il te plaît, ne me suis pas cette fois."

Il resta silencieux un moment, me scrutant de son regard perçant, visiblement partagé entre l'envie de m'interroger davantage et celle de continuer ce qu'il faisait. Son instinct protecteur était toujours là, je le voyais dans ses yeux, mais après quelques secondes d'hésitation, il hocha lentement la tête.

"Très bien," dit-il finalement, d'une voix légèrement plus douce. "Mais ne tarde pas trop."

Je hochai la tête, reconnaissante qu'il ne me pose pas plus de questions. En sortant de la maison, je sentis une étrange légèreté m'envahir, comme si une partie de moi se réjouissait vraiment de cette petite escapade. Pour la première fois depuis longtemps, la maison ne me semblait plus froide ou vide. Elle était remplie d'une chaleur nouvelle, inattendue.

En quittant la maison, une étrange sensation de légèreté m'envahit. L'air frais de décembre me mordait légèrement la peau, mais au lieu de me rappeler les inquiétudes qui planaient au-dessus de nous, je décidai de savourer ce moment. Noël était proche, et pour une fois, je voulais juste profiter du présent, oublier la Purge et ce qu'Alastor m'avait dit.

Les rues étaient magnifiquement illuminées, et je pris mon temps à admirer les décorations, les vitrines brillantes, tout en laissant mon esprit vagabonder. Après une balade tranquille, je me dirigeai vers une petite librairie nichée dans une ruelle calme. Là, entourée de l'odeur des livres anciens, je pris le temps de trouver le cadeau parfait pour Alastor. Un livre rare sur les arts occultes attira mon attention, un sujet que je savais qu'il apprécierait. Ensuite, je me rendis dans un magasin de musique où je dénichai quelques vinyles classiques, un choix qui correspondait à ses goûts raffinés.

Le cadeau idéal en main, je rentrai enfin à la maison, veillant à ne pas faire trop de bruit. La dernière chose que je voulais, c'était qu'Alastor remarque mon retour et pose des questions. Il était probablement dans la cuisine à vérifier les préparatifs pour ce soir, et c'était l'occasion parfaite pour cacher mon précieux paquet.

Je glissai furtivement dans le salon, veillant à déposer discrètement les cadeaux sous le sapin, derrière quelques branches épaisses. Mon cœur battait légèrement plus vite, comme si j'étais une enfant préparant une surprise.

Alors que je terminais, la voix d'Alastor résonna depuis la cuisine, me faisant légèrement sursauter.

"Tu es rentrée ?"

Je me redressai rapidement, vérifiant que tout était bien caché, avant de me diriger vers la cuisine avec un air aussi détendu que possible.

"Oui, juste quelques petites courses de dernière minute," répondis-je en entrant dans la pièce. "Rien de bien intéressant."

Il était debout près du plan de travail, ses yeux rouges se posant brièvement sur moi avant qu'il ne retourne à sa tâche. "J'espère que tu as prit tout ce qu'il te fallais . Tout est presque prêt ici."

Je laissai échapper un léger rire, soulagée qu'il n'ait rien remarqué de mes allers-retours. "Je me suis dépêchée. J'ai vraiment hâte de voir ce que tu as préparé pour ce soir."

Alastor, concentré sur ses gestes, esquissa un sourire en coin sans même lever les yeux. "Tu verras bien. Ce n'est rien de spécial," dit-il d'un ton détaché, même si je pouvais sentir cette fierté cachée sous sa voix calme.

Je ne pus m'empêcher de sourire. Il prétendait toujours que ce n'était rien, mais je pouvais voir dans chaque détail qu'il prenait son rôle à cœur. "Je suis sûre que ce sera bien plus que 'rien'," répondis-je, taquine, en me laissant aller à profiter du moment.

La soirée tomba doucement, et la maison s'emplissait d'une atmosphère chaleureuse, presque intime. Le dîner qu'Alastor avait préparé était à la fois simple et étonnamment délicieux. Chaque plat portait sa touche de précision, et je ne pouvais m'empêcher d'admirer à quel point il avait tout orchestré avec soin. Nous partagions quelques échanges légers, et bien que son visage restât impassible, je savais qu'il était fier du résultat.

"Tu ne fais vraiment rien à moitié," dis-je, un sourire aux lèvres, en reposant mes couverts.

Alastor haussa les épaules, un éclat de fierté passant dans ses yeux. "Je te l'avais dit. Quand je m'y mets, je ne fais jamais les choses à moitié," répondit-il, sa voix teintée d'assurance. Mais il refusait toujours de paraître trop impliqué, comme si le simple fait d'admettre qu'il avait fait un effort le rendait vulnérable.

Je souris, amusée par cette façade qu'il tenait à maintenir, avant de me lever pour chercher le cadeau que j'avais caché sous le sapin. "Attends un instant, j'ai quelque chose pour toi."

Il leva un sourcil, me suivant du regard avec une légère curiosité. Je revins avec un paquet, nerveuse mais souriante, et le lui tendis.

"Un cadeau ?" murmura-t-il, presque surpris, bien qu'il se reprît aussitôt, son expression redevenant indéchiffrable. Il déballa lentement le paquet, découvrant les livres et vinyles que j'avais soigneusement choisis pour lui. Ses yeux effleurèrent les objets, mais il resta silencieux, comme s'il refusait de trop en montrer.

"Tu n'étais pas obligée," dit-il finalement, sa voix calme, tout en posant les livres sur la table avec précaution.

"Je sais," répondis-je simplement, un léger sourire aux lèvres. "Mais je tenais à le faire."

Il hocha la tête sans répondre davantage, gardant son air impassible, bien qu'un bref éclat dans ses yeux trahît peut-être un certain plaisir.

Alors que je pensais que tout était fini, mon regard tomba sur une petite boîte, soigneusement dissimulée sous le sapin. Mon nom y était inscrit, et je fronçai les sourcils en me tournant vers Alastor.

"C'est quoi, ça ?" demandai-je, perplexe.

Il ne bougea pas, haussant légèrement les épaules, un sourire narquois flottant sur ses lèvres. "Aucune idée. Tu devrais peut-être l'ouvrir."

Je le regardai un instant, essayant de lire quelque chose dans son regard, mais son visage restait impénétrable. Intriguée, je pris la boîte et l'ouvris doucement. À l'intérieur, une robe magnifique, d'un tissu si délicat et si bien choisi qu'il était impossible de nier qu'elle avait été sélectionnée avec soin. Mon souffle se coupa un instant, surprise et touchée par l'élégance du cadeau.

"Tu... tu l'as choisie, n'est-ce pas ?" demandai-je en relevant les yeux vers lui, les émotions me submergeant.

Alastor haussa un sourcil, son expression fière et détachée. "Moi ? Pourquoi ferais-je une telle chose ?"

Je le dévisageai, sentant qu'il jouait avec moi, mais sans pouvoir m'empêcher de sourire malgré tout. "Alastor, c'est évident que c'est toi."

"Peut-être," dit-il, son ton empreint de ce détachement fier qu'il maîtrisait si bien. Il croisa les bras, un sourire à peine perceptible aux coins de ses lèvres. "Après tout, ce n'est qu'une robe."

Je secouai la tête, amusée par cette façade qu'il s'efforçait de maintenir. "Tu ne pourras pas me convaincre que tu n'as pas pris soin de tout choisir."

Alastor détourna le regard, sa voix gardant cette assurance familière. "Je fais tout ce que je fais avec soin, Amélie. Mais ça ne veut pas dire que je me soucie de ces... traditions humaines." Malgré ses paroles, je pouvais sentir que ce geste comptait plus qu'il ne voulait l'admettre, même s'il ne l'avouerait jamais.

Je serrai la robe contre moi, touchée par ce cadeau inattendu. Il ne voulait pas paraître gentil, mais ce moment révélait, sans qu'il ait besoin de le dire, une autre facette de lui. Et en cet instant, alors que le silence confortable s'installait de nouveau entre nous, je décidai de savourer simplement cette étrange et précieuse soirée.

Je m'approchai, encore émue. "Merci, Alastor. C'est... parfait."

Il ne répondit que par un léger sourire, plein de cette fierté typique, comme s'il n'avait rien fait d'extraordinaire. La soirée se termina dans une ambiance douce, mais empreinte de mélancolie. Nous savions tous les deux que la Purge approchait, et bien que le sujet restât en suspens, il flottait dans l'air, impossible à ignorer.

Le 26 décembre arriva bien trop vite. Comme il l'avait promis, Alastor disparut sans un mot, me laissant seule avec un vide immense. La maison, qui semblait si vivante avec lui, me parut soudainement froide et silencieuse, comme si la chaleur qu'il avait apportée avait disparu avec lui.

Alors que je parcourais le salon, je remarquai quelque chose posé sur la table. Un petit coffret en bois noir, soigneusement disposé au centre, avec un mot glissé en dessous. Mon cœur s'accéléra en le voyant. Je m'approchai, mes mains légèrement tremblantes, et pris le mot entre mes doigts.

"Je reviendrai, et j'obtiendrai ce que je veux."

Le mot, signé de son nom "Alastor", portait toute la fierté et l'arrogance dont il était capable, mais aussi une promesse claire : son absence ne serait que temporaire. Il reviendrait.

Je posai le billet et ouvris lentement le coffret. À l'intérieur, un magnifique collier, simple mais élégant, avec une pierre rouge aussi intense que ses yeux. La gemme brillait doucement sous la lumière, semblant presque vibrer d'une énergie mystérieuse.

Je pris le collier entre mes doigts, le cœur serré, sentant la présence d'Alastor même à travers ce simple objet. Ce cadeau, tout comme la robe, portait une signification qui dépassait les mots. Fier, calculé, mais profondément marquant, il s'assurait que je ne pourrais pas l'oublier, même dans son absence.

Je glissai le collier autour de mon cou, ressentant un étrange apaisement malgré le vide qu'il avait laissé derrière lui. Les derniers mots qu'il avait écrits résonnaient encore dans mon esprit. Je murmurai doucement, presque pour moi-même : "Tu as intérêt à revenir, Alastor."

Je savais, au fond de moi, qu'il tiendrait sa promesse. Il reviendrait, et ce cadeau n'était qu'un rappel de ce lien indéfinissable entre nous.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top