Chapitre 14


Alastor avait été d'une attention surprenante ces derniers jours. Depuis qu'il m'avait soignée pendant ma grippe, il ne me quittait presque jamais. Il veillait sur moi avec une régularité que je n'avais plus connue depuis des années. Pas depuis que mon grand frère avait quitté la maison. Ce n'était pas une attention envahissante, mais constante. Cette prévenance silencieuse me troublait, et même si je ne voulais pas m'y attacher, une part de moi se sentait presque rassurée par sa présence. Mais je ne devais pas oublier ce qu'il était : un démon. Un être qui, au fond, n'était pas là pour me protéger, pas vraiment.

Ce matin-là, enfin remise de ma grippe, je me levai avec une envie pressante de sortir de la maison. Après tant de jours enfermée, j'avais besoin d'air, de me sentir de nouveau en contrôle de quelque chose. Je préparai mes affaires, prête à sortir faire quelques courses, mais avant même d'atteindre la porte, Alastor apparut, comme toujours, silencieux et soudain.

"Où comptes-tu aller ?" demanda-t-il, son regard perçant fixé sur moi.

Je relevai la tête, légèrement agacée par son intrusion, mais en même temps habituée à ses manières. "Je vais faire quelques courses. Ça ne prendra pas longtemps," répondis-je d'une voix calme, espérant qu'il ne chercherait pas à m'en empêcher.

Il s'approcha de moi, les sourcils légèrement froncés. "Tu es sûre que tu te sens bien ?"

Je soupirai, sentant déjà venir une inspection. Sans même attendre ma réponse, Alastor posa sa main glacée sur mon front, comme il l'avait fait tant de fois pendant ma maladie. Le contraste entre sa peau froide et ma température normale me fit frissonner.

"Tu n'as plus de fièvre," conclut-il après un instant, son regard s'adoucissant légèrement. "Mais tu devrais encore te reposer."

"Je vais bien," insistai-je, un peu plus fermement cette fois. "J'ai juste besoin de prendre l'air. Ça me fera du bien."

Il me fixa un moment, comme s'il sondait mes intentions. Finalement, il hocha la tête, reculant légèrement. "Très bien, mais je te suis."

Je savais qu'il n'était pas question de négocier. Même sans le dire directement, Alastor ne me laisserait jamais sortir seule sans garder un œil sur moi. Il était toujours dans l'ombre, prêt à intervenir. Alors je me contentai d'un simple hochement de tête, avant de franchir la porte.

En marchant dans les rues, je sentais sa présence derrière moi, invisible mais palpable. Il ne se montrait jamais, mais je savais qu'il était là, comme une ombre constante veillant sur chacun de mes pas. Cela ne me dérangeait plus autant qu'au début. En fait, une part de moi trouvait même un étrange réconfort dans cette vigilance.

Les rues étaient animées par les préparatifs de Noël. Partout où je regardais, des décorations brillantes illuminaient les vitrines, des sapins ornaient les places, et des familles se pressaient, les bras chargés de cadeaux. Mais pour moi, ces images de bonheur ne faisaient que renforcer un sentiment de vide. Je me sentais détachée de cette joie ambiante, comme si je n'appartenais pas à ce monde de lumières et de rires.

En arrivant au centre commercial, je fus attirée par l'immense sapin de Noël qui trônait au milieu du hall principal. Il était gigantesque, couvert de lumières scintillantes et de boules dorées. Autour, des enfants riaient, leurs yeux brillants d'émerveillement. Je m'arrêtai un moment, observant la scène. Mais au lieu de ressentir cette magie que tout le monde semblait vivre, je sentis un vide profond s'installer en moi.

Je murmurai, presque pour moi-même, "Pourquoi est-ce que je me sens si vide ?"

Je savais qu'Alastor était là, quelque part dans l'ombre, mais je n'attendais pas de réponse. Je ne voulais pas qu'il voit cette partie de moi. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher d'espérer, peut-être secrètement, qu'il comprendrait ce que je ressentais, même si je ne lui disais rien.

Je restai figée dans mes pensées, le regard perdu dans les lumières scintillantes du sapin géant. Les éclats dorés et argentés qui ornaient les branches paraissaient si loin de ma réalité, si déconnectés de ce que je ressentais. C'était comme si le monde entier célébrait une joie à laquelle je ne pouvais pas prétendre. Mon esprit vagabondait, captif de ce sentiment de solitude qui s'accrochait à moi.

Soudain, un choc brutal me fit revenir à la réalité. Un enfant, courant à toute vitesse sans faire attention, me heurta violemment, me faisant chanceler. Je titubai légèrement avant de réussir à me rattraper, le cœur battant à cause de la surprise.

Avant même que je ne puisse réagir, j'entendis la voix d'Alastor résonner, claire et tranchante, comme s'il se tenait juste à côté de moi. Sa voix était froide, impitoyable, presque menaçante : "Tu n'as qu'un mot à dire, et je lui ferai regretter ça."

L'entendre de façon si soudaine, si intime, me désarçonna totalement. Sans réfléchir, je rétorquai à voix haute, dans un réflexe instinctif : "Ce n'est qu'un enfant !"

Ma voix, un peu trop forte pour la situation, fit immédiatement réagir le petit garçon. Il s'arrêta net, me fixant avec des yeux écarquillés, terrifié par mon éclat soudain. Il recula de quelques pas, balbutiant une excuse inaudible, avant de tourner les talons et de s'enfuir dans la foule, effrayé par ce qu'il venait de percevoir.

Je le regardai disparaître, un soupir d'exaspération échappant de mes lèvres. Je passai une main sur mon front, essayant de calmer le mélange d'irritation et d'amusement qui montait en moi. "Merci, Alastor, vraiment..." murmurai-je, la voix pleine d'ironie.

Malgré tout, je ne pouvais m'empêcher de sourire légèrement. Ses méthodes étaient certes extrêmes, mais une part de moi appréciait qu'il veille sur moi, qu'il soit toujours là, prêt à intervenir, même pour les situations les plus anodines. Cela me laissait un étrange sentiment de réconfort, bien que teinté d'une certaine perplexité.

Je ralentis le pas, tentant de chasser ces pensées sombres, mais plus j'avançais, plus elles s'imposaient à moi. Le grand sapin, les familles heureuses, tout me ramenait à ce sentiment de vide, cette incapacité à trouver ma place dans ce monde de lumière. Je me sentais perdue.

Finalement, je décidai de rentrer chez moi. Je ne pouvais plus supporter cette atmosphère festive qui semblait me narguer à chaque coin de rue. Alastor était toujours là, quelque part dans l'ombre, mais je ne lui adressai pas un mot. Il savait déjà ce que je ressentais, je n'avais pas besoin de le lui dire.

De retour à la maison, le silence m'accueillit, réconfortant et apaisant, mais aussi lourd, amplifiant le vide qui m'accompagnait depuis le centre commercial. Je laissai mon sac tomber mollement dans l'entrée et retirai mon manteau avec lassitude. Une fois débarrassée de mes affaires, je m'arrêtai un instant, tendant l'oreille. Alastor était sûrement déjà là, comme toujours, probablement dans une pièce adjacente, veillant dans son coin sans se manifester.

Après quelques minutes passées à déambuler dans le salon, je perçus l'odeur familière du repas qui commençait à cuire. Une légère odeur de sauce, peut-être des épices. Alastor avait pris l'habitude de cuisiner depuis un certain temps déjà. La première fois, cela m'avait presque fait rire : un démon cuisinant pour une humaine. L'ironie de la situation n'était pas perdue pour moi. Mais avec le temps, je m'étais habituée à cette étrange routine, et même si je ne le disais jamais à voix haute, je trouvais du réconfort dans ce geste.

"Alors," commença-t-il d'un ton neutre, mais avec cette froideur sous-jacente qui ne me surprenait plus, "comme je te l'ai promis, je n'ai pas fait payer cet enfant. Mais... crois-moi, j'aurais aimé." Il croisa les bras, un sourire en coin, visiblement amusé par cette idée. "Il aurait mérité une bonne leçon pour t'avoir bousculée."

Je retirai lentement mon manteau, le suspendant avec soin, sans vraiment réagir à ses paroles. Le fait qu'il puisse envisager de punir un enfant pour un geste aussi anodin ne m'étonnait plus vraiment. C'était dans sa nature. Mais aujourd'hui, je n'avais ni la force, ni l'envie de débattre.

"Tu es bien calme," continua-t-il, s'approchant de moi, comme s'il voulait capter une réaction, n'importe quoi. Il pencha la tête, cherchant mon regard. "D'habitude, tu aurais déjà répliqué avec une de tes petites réprimandes morales."

Je haussai simplement les épaules, prenant une profonde inspiration. "C'était juste un enfant, Alastor," répondis-je finalement, mais d'une voix fatiguée, presque éteinte. "Je ne vois pas l'intérêt de... de lui faire quoi que ce soit."

Il m'observa attentivement, et pour la première fois, je sentis une ombre de doute dans son regard. Il n'était pas habitué à me voir aussi détachée, et je savais que cela l'inquiétait, même s'il ne le montrait pas explicitement.

"Tu n'as pas vraiment l'air d'aller bien," dit-il doucement, avec cette légère teinte d'inquiétude qu'il essayait de dissimuler sous son masque de nonchalance. "Ce n'est pas seulement la fatigue, n'est-ce pas ?"

Je ne répondis pas tout de suite, préférant détourner le regard et me diriger vers le salon. Les lumières de Noël, que j'avais installées pour tenter de créer une atmosphère chaleureuse, clignotaient doucement, mais elles ne m'apportaient aucun réconfort. Je sentais toujours ce vide en moi, ce gouffre que rien ne semblait pouvoir combler.

"Ce n'est rien," murmurai-je, tout en me laissant tomber sur le canapé, la tête tournée vers la fenêtre, observant le monde extérieur avec indifférence.

Alastor resta silencieux pendant un moment. Puis, d'un pas silencieux, il s'approcha et s'assit dans un fauteuil en face de moi, son regard toujours posé sur moi, scrutant chaque détail, chaque non-dit. Il n'était pas dupe. Mais, pour une fois, il ne poussa pas plus loin.

"Si tu dis que ce n'est rien..." finit-il par dire avec une pointe d'ironie dans la voix. "Mais sache que tu ne m'as pas convaincu." Il croisa les bras, se penchant légèrement vers moi. "Je suis toujours là, Amélie. Et si tu as besoin de... détruire quelque chose pour te défouler, tu sais où me trouver." Il me lança un sourire narquois, tentant sans doute de détendre l'atmosphère.

Je ne pus m'empêcher de sourire faiblement à son commentaire, même si je n'avais pas l'énergie de lui répondre. C'était sa manière étrange de montrer qu'il s'inquiétait, et quelque part, je l'appréciais

Lorsque le dîner fut prêt, nous mangeâmes ensemble, comme toujours. Le silence régnait, lourd mais familier. Alastor, fidèle à lui-même, ne disait rien, mais je sentais son regard me scruter de temps à autre, essayant probablement de déceler ce qui se passait dans ma tête. Je faisais de mon mieux pour rester impassible, concentrée sur mon assiette, élevant un mur entre mes pensées et mes émotions. Je ne voulais pas qu'il voie la lourdeur qui pesait sur mon cœur depuis ma sortie.

Après quelques minutes de ce silence pesant, Alastor posa finalement ses couverts avec un petit bruit sourd et se tourna vers moi. "Tu es trop silencieuse ce soir," dit-il d'une voix posée, mais légèrement inquisitrice. Son regard rouge perça le silence, cherchant quelque chose dans mon expression. "Est-ce que c'est à cause de l'enfant ? Tu m'en veux pour ça ?"

Surprise par sa question, je levai les yeux vers lui, mais au lieu de me sentir agacée, un sourire faible, presque amusé, se dessina sur mes lèvres. "Non, Alastor," murmurai-je doucement, secouant légèrement la tête. "Ce n'est pas ça."

Il fronça légèrement les sourcils, visiblement insatisfait de ma réponse, comme s'il savait que je lui cachais quelque chose de plus profond. "Alors pourquoi ce silence ? Il y a autre chose, n'est-ce pas ?" demanda-t-il en essayant de creuser un peu plus, mais sans insister de manière trop évidente.

Je baissai à nouveau les yeux sur mon assiette, sentant son regard perçant peser sur moi. Comme à son habitude, il essayait de me faire parler, mais ce soir, je n'avais ni la force, ni l'envie de m'ouvrir. À cet instant, je me sentais vide, complètement refermée sur moi-même, et je ne voulais pas partager cela avec lui. Pas maintenant.

"Je suis juste fatiguée," répétai-je d'une voix plus faible cette fois. Je pris une profonde inspiration avant d'ajouter, me forçant à sourire pour rendre mes mots plus légers : "Je vais aller dormir. Désolée de te laisser si tôt, mais j'en ai besoin."

Alastor resta silencieux un long moment, ses yeux perçants fixés sur moi, comme s'il cherchait à décoder ce que je ne disais pas. Il semblait peser chacun de mes mots, cherchant à comprendre ce que je lui cachais réellement. Son regard, habituellement impénétrable, portait cette lueur de suspicion, comme s'il savait que je n'étais pas totalement honnête. Mais, fidèle à lui-même, il ne força rien, ne poussa pas plus loin. C'était toujours sa manière de faire : attendre que je me décide à parler, laisser la pression monter d'elle-même.

"Comme tu veux," finit-il par dire, sa voix redevenue calme et distante, presque détachée. "Repose-toi. Bonne nuit."

Je hochai simplement la tête, sans ajouter un mot. Je me levai de table avec une lenteur calculée, m'excusant d'un bref mouvement de la tête. Mes pieds semblaient traîner légèrement sur le sol, comme si chaque pas me demandait un effort supplémentaire. Je sentais son regard brûlant sur ma nuque, m'accompagnant jusqu'à ce que je disparaisse dans l'ombre du couloir. Ce regard perçant, si familier et pourtant étrangement inconfortable ce soir-là.

Mais malgré cette présence constante qu'il avait maintenue ces derniers jours, ce soir, je savais que je n'étais pas prête. Je n'avais pas la force de lui révéler la profondeur du vide que je ressentais. Ce gouffre silencieux, cette douleur muette qui me rongeait de l'intérieur.

Une fois dans ma chambre, je me laissai tomber sur le lit avec un soupir lourd. Je fixai le plafond, mon esprit embrouillé par des pensées qui tournaient en boucle. Je m'étais attendue à sentir sa présence rôder quelque part dans la maison, comme d'habitude, mais rien. C'était comme si Alastor avait disparu. Depuis des heures, je ne ressentais plus son aura oppressante. Un calme étrange régnait dans la maison, un calme qui, au lieu de m'apaiser, me rendait plus agitée.

Les minutes passèrent, se transformant en heures, et pourtant, le sommeil ne venait toujours pas. L'insomnie me tenait prisonnière, chaque minute me semblait plus longue que la précédente. Ce silence assourdissant me pesait. Je tournais et retournais dans mon lit, incapable de me détendre, de chasser ces pensées lourdes et persistantes. Finalement, à bout de nerfs, je décidai de me lever.

Je descendis au salon, mes pieds nus effleurant à peine le sol froid. Peut-être qu'un peu de distraction m'aiderait à calmer cet ouragan intérieur. Mais quand j'allumai la télévision, je ne fus pas surprise de tomber sur des films de Noël. Rien d'autre que ces contes scintillants et joyeux qui semblaient, à cet instant, appartenir à un univers auquel je ne pouvais absolument pas m'identifier.

Assise seule sur le canapé, dans l'obscurité, les reflets des lumières de Noël clignotant doucement à travers les rideaux, je sentis quelque chose se briser en moi. Ce poids que j'avais traîné toute la journée, ce fardeau invisible mais écrasant, finit par devenir insupportable. J'avais tenté de le cacher, de l'étouffer, mais maintenant, il s'imposait à moi avec une force brutale.

D'abord, une seule larme coula, silencieuse et presque imperceptible. Mais cette première goutte fut le début d'une inondation que je ne pouvais plus contenir. Mes épaules se mirent à trembler légèrement, puis de façon plus prononcée, et bientôt, les larmes jaillirent sans retenue. Ce n'était plus une simple tristesse, c'était un torrent de tout ce que j'avais tenté de refouler pendant si longtemps.

Je me retrouvai là, assise dans ce salon vide, les mains serrées autour de mes genoux, les épaules secouées par des sanglots silencieux. Le flot d'émotions, longtemps contenu, éclata enfin. Chaque larme était une explosion de solitude, de douleur, de fatigue accumulée. Je pleurais sans pouvoir m'arrêter, sans même comprendre exactement pourquoi. Était-ce ce sentiment de ne jamais être à ma place ? Cette peur de la solitude qui me rongeait ? Ou simplement l'accumulation de tout ce que je portais en moi depuis trop longtemps ?

La télévision diffusait toujours un film de Noël, un contraste cruel avec la réalité de mes sentiments. Les personnages sur l'écran riaient, échangeaient des cadeaux, tandis que moi, je suffoquais sous le poids de mes propres émotions. Mon corps entier semblait vibrer sous l'effet des sanglots, chaque respiration devenait difficile.

Dans ce silence brisé par mes pleurs, je réalisai à quel point j'étais épuisée, fatiguée de prétendre et de porter seule ce fardeau invisible. Je ne savais même plus pourquoi je pleurais exactement. Était-ce la solitude des fêtes, ce vide qui ne me quittait jamais, ou simplement l'incapacité à trouver ma place dans ce monde joyeux qui me paraissait si étranger ? Probablement un peu de tout cela.

Soudain, j'entendis des pas. Alastor. Il pensait sans doute me trouver endormie, mais après avoir vérifié ma chambre, ne m'y voyant pas, il descendit vers le salon. Je sentis sa présence avant même de le voir.

Nos regards se croisèrent. Alastor se figea, visiblement surpris de me trouver là, les yeux rougis par les larmes, mes épaules encore secouées par de discrets sanglots. Moi aussi, je fus prise au dépourvu. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me voie dans cet état, si vulnérable, si ouverte.

"Amélie ?" Sa voix, habituellement maîtrisée et distante, portait une nuance de surprise et de quelque chose d'autre que je n'arrivais pas à identifier.

Je détournai rapidement le regard, essuyant mes larmes avec le revers de ma manche. "Je pensais que tu étais parti," murmurai-je, ma voix encore tremblante, sans vraiment savoir quoi dire pour justifier ma présence ici à cette heure-là.

Il s'approcha doucement, ses yeux rougeoyants scrutant chacun de mes gestes, comme s'il essayait de comprendre ce qui se passait. "Je n'étais pas loin," répondit-il simplement. Il marqua une pause avant de demander, plus doucement : "Pourquoi pleures-tu ?"

Je secouai légèrement la tête, refusant d'entrer dans les détails. "Ce n'est rien. Je suis juste... fatiguée," dis-je, ma voix s'éteignant, les mots creux.

Il me regarda, mais je ne croisais pas ses yeux. "Fatiguée ?" répéta-t-il, clairement sceptique. "Je ne pense pas que ce soit juste cela."

Je ne répondis pas, mes mains tremblaient légèrement alors que j'essayais de reprendre le contrôle. Mais il était trop tard. Il m'avait vue, telle que j'étais, sans masque. Je ne pouvais plus prétendre que tout allait bien.

"Tu n'as pas besoin de faire semblant avec moi," dit-il, sa voix basse mais étonnamment douce. "Tu le sais, n'est-ce pas ?"

Je laissai échapper un faible rire, amer et sans joie. "Et que veux-tu que je te dise, Alastor ? Que je suis perdue, que je ne sais plus ce que je ressens ? À quoi bon ?"

Il resta silencieux un instant, mais ses yeux ne me quittèrent pas, fixant chacun de mes gestes, chacune de mes respirations, comme s'il cherchait à lire en moi quelque chose que je n'osais pas dire. Puis, contre toute attente, il s'assit doucement à côté de moi sur le canapé, gardant une distance respectueuse. Son geste me surprit, mais ce qui vint ensuite me déstabilisa encore plus.

"Peut-être que tu n'as pas besoin de tout affronter seule," dit-il d'une voix mesurée, après une longue pause. Il hésita, et je sentis qu'il pesait ses mots, comme si cette simple phrase lui coûtait plus qu'il ne voulait l'admettre. Ses paroles, si inattendues venant de lui, résonnèrent en moi.

Je le fixai, surprise par cette offre d'aide si inhabituelle de sa part. Ce n'était pas dans ses habitudes. Alastor, s'il le voulait, pourrait me faire signer son pacte à cet instant. Je savais que si je lui proposais, il accepterait et tout serait terminé. Alors pourquoi ne le faisait-il pas ? Pourquoi, au lieu de cela, choisissait-il de s'asseoir à mes côtés et de partager quelque chose d'aussi personnel ?

Prenant une grande respiration, je me décidai à avouer ce que j'avais gardé pour moi. "Je sais déjà que mes parents ne seront pas là pour Noël." Ma voix était à peine un murmure, presque noyée par la lourdeur de la pièce. Je ne voulais pas en parler, mais le dire à voix haute semblait étrangement libérateur.

Alastor fronça légèrement les sourcils, son regard devenant plus perçant. "Ils ne seront pas là ? Il te reste toujours ton frère, non ?"

Je secouai la tête, incapable de soutenir son regard, et murmurais : "Non... il ne sera pas là non plus."

Mon cœur se serra en disant ces mots. L'idée de passer Noël seule, sans aucun membre de ma famille, était une douleur que je n'avais pas encore pleinement acceptée. Mais Alastor, pour une raison que je ne comprenais pas, était toujours là, et il semblait vouloir combler un vide que je ne pensais pas qu'il comprendrait.

Il resta silencieux un moment, comme s'il réfléchissait à la meilleure manière de répondre. Puis, à ma grande surprise, il parla à voix basse, presque à contrecœur. "Tu sais..." commença-t-il, ses mots pesés, chaque syllabe mesurée. "Je n'ai jamais vraiment eu... un Noël. Pas un vrai, en tout cas."

Je fronçai les sourcils, confuse par cette confession inattendue. "Toi ?"

Il hocha lentement la tête, son regard s'assombrissant. "Noël n'est pas pour les démons, Amélie. Et dans ma ^première vie Noel n'a pas était fait pour moi ," dit-il, sa voix teintée d'une mélancolie rare. Son ton restait soutenu, comme toujours, mais cette fois-ci, il y avait une ombre de tristesse, une nuance dans sa voix que je ne lui avais jamais entendue auparavant.

Je savais. Je connaissais son passé chaotique, son enfance misérable, et il savait que je savais. C'était un non-dit entre nous, un poids que nous partagions en silence. Cette révélation me toucha plus profondément que je ne voulais l'admettre.

"Je ne suis pas fait pour cela," continua-t-il, les yeux fuyant légèrement les miens. "Cette fête... tout ce qu'elle symbolise... ça ne me concerne pas." Il marqua une pause, luttant visiblement contre quelque chose en lui-même. "Mais cette année..." Il inspira, ses mots lents et lourds. "Peut-être devrions-nous la passer ensemble. Si tu veux."

Je restai bouche bée, surprise par cette proposition si inattendue. Alastor, celui qui avait toujours évité tout ce qui ressemblait à des émotions humaines, venait de proposer de fêter Noël avec moi. Le démon qui voulait mon âme, celui qui avait toujours été distant et froid, m'offrait soudain quelque chose de plus personnel. Une invitation à ne pas être seule.Un sourire faible apparut sur mes lèvres. "Tu dis ça... mais on dirait que ça te coûte," dis-je avec un petit rire, essayant de détendre l'atmosphère.

Il haussa un sourcil, légèrement amusé par ma remarque, un sourire en coin apparaissant sur ses lèvres. "Je ne suis pas le plus grand adepte des traditions humaines, c'est vrai. Mais... je suppose que cela ne pourrait pas faire de mal, pour une fois."

Je le regardai, touchée par ce geste inattendu. Alastor, même à contrecœur, me proposait une part de lui que je n'aurais jamais imaginé voir. Peut-être que, cette fois, je n'aurais pas à affronter ce vide toute seule.

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