35. A.L

Jour du départ.

Le cœur en lambeaux je regarde mon fils. Devoir le laisser derrière moi me donne envie de hurler de rage et de détruire tous ceux responsables de cette séparation et de ce tourbillon néfaste d'émotions qui me traverse. Jace est passé la veille et notre conversation fut assez houleuse mais il va m'accompagner ce qui me soulage.

J'ai eu Magnus aussi et lui cacher mes plans est un véritable crève cœur. Il a bien senti que je n'allais pas bien mais j'ai mis ça sur le compte de notre propre séparation forcée -bien qu'il y ait une part plus que vrai-.

Avec un soupir, je me glisse dans le sofa tout en dorlotant Max. J'attends que Jace et Jem arrivent afin de vérifier que tout est prêt pour notre départ et confier mon fils. Je dépose une myriade de baisers sur ses douces joues rebondies ce qui le fait sourire béatement. Dire qu'il y a moins d'un mois qu'il est avec nous et je suis totalement épris de ce petit être... Ses yeux couleur de pluie m'observe avec attention et je m'y perd un long moment.

Je revois ces derniers mois en compagnie de Magnus, sa patience, sa bienveillance, sa joie de vivre, nos rires et discutions. Les images de nos baisers se compilent les uns après les autres, ses mots d'amours tournent en boucle dans mon esprit, la douceur de ses doigts sur ma peau chavire mon cœur. Qu'il me manque ! Je ferme un instant les yeux pour me souvenir de notre dernière conversation afin de m'imprégner du son de sa voix pour avoir l'impression fictive qu'il me murmure ses je t'aime au creux de l'oreille. Je ressers mon étreinte sur notre fils alors que je revois notre petite sortie ensemble dans les bois, la tendresse avec laquelle il portait Max, son regard mordoré brillant alors qu'il observait notre petite Myrtille.

Ma gorge se noue et mes yeux se brouillent de larmes que je tente vainement de retenir. La séparation avec Magnus est déjà une douleur permanente, comment vais-je supporter en plus celle avec mon petit trésor ? Je pose mon visage contre le haut du crâne de mon fils et inspire profondément son odeur de bébé, m'imprégnant au maximum de ses effluves douces et rassurantes.

- Tu sais que je t'aime hm ?

Seul un gazouillis me répond mais il arrive à m'arracher un sourire.

- Toi aussi hein... Je vais devoir partir mon petit ange. Tu vas rester avec Jem et ses amoureux, ils te protègeront quoi qu'il arrive pendant que Dad et Ayah vont assurer notre avenir. Quand Ayah et moi seront de retour, ce sera pour toujours. On sera officiellement une famille. Ça te plairait ?

Je sais qu'il est bien trop jeune pour saisir ce que je viens de lui dire mais j'ai besoin de lui dire, besoin de lui assurer qu'il n'est pas abandonné, que Magnus ne nous a pas laissé de gaieté de cœur mais pour stopper celui qui a fait du mal à sa maman et lui-même mais aussi pour tous ces enfants encore prisonnier de ce monstre. Je me rends d'ailleurs compte que la vision de Magnus a évolué. Si ses meurtres sont à la base une vengeance, aujourd'hui cela prend plutôt une tournure de sauvetage et de protection. L'entrée de Max dans nos vies nous fait revoir notre futur. Bien que pour moi qui pensait il y a six mois ne pas voir ma majorité, je me prends à imaginer ce futur qui m'était alors interdit.

Le bruit de la porte d'entrée me fait me redresser, à l'affût. Je sais que seuls Jem et Jace peuvent entrer puisqu'ils ont les clefs mais on est jamais trop prudent. Je me mets par instinct devant mon fils que j'ai déposé sur le sofa afin qu'il ne soit pas en vue et fixe le couloir avec nervosité.

- Tu crois qu'elle va tomber dans le piège ?
- J'espère. Pendant notre absence, essaye de garder un œil sur elle.
- Bien sûr.

Je relâche le souffle que je n'avais même pas eu conscience de retenir aux tonalités de voix des deux policiers. Je les accueille avec mon fils que j'ai récupérer dans mes bras tout en me demandant de qui ils parlent.

- Bonjour Jem, Jace.

- Alec. Comment vas-tu ?

- Aussi bien que possible Jem.

- Tu sais que tu peux tout arrêter n'est-ce pas ?

- Non je ne peux pas. S'il nous retrouve, que va-t-on faire ? Vador m'a dit qu'il serait une sorte de traqueur. Il ne lâchera rien. Je veux que quand ce soit terminé avec Valentin, nous n'ayons pas à regarder par dessus notre épaule à chaque heure du jour.

- Alec rétorque Jace, tu sais que si l'on fait tomber Morgenstern, Aldertee tombera aussi ?

- Alors tu es naïf répliquai-je fermement. Si j'ai bien compris une chose du monde c'est que la justice n'est pas pour tous. Tu devrais le savoir. Vous exercez un métier où la corruption crève les plafonds alors que vous devriez la combattre. Il suffit de voir que vous ne faites absolument pas confiance à vos propres collègues. Et puis, soit réaliste. Magnus ne le laissera jamais en vie.

À mes mots je le vois grimacer mais il faut vraiment qu'il se rende compte que la police et la plupart des corps judiciaire sont pourris jusqu'à la moelle. Je hausse des épaules, absolument pas désolé de ce que je viens de dire. Après tout, ils ont fait appel à un assassin et un gamin qui a vécu les pires traumatismes donc en soit, il est logique qu'aucun de ces salopards s'en sortent. Je sens de violentes émotions bouillir en moi et reconnais la colère. Oui, je suis en colère. En colère qu'autant d'innocents doivent subir autant d'horreurs, que des personnes qui sont censés protéger les plus vulnérables soient de tels monstres. Cette colère tourne en moi, vrille mon estomac et gronde dans mes veines. Je m'oblige à fermer les yeux et inspirer profondément.

C'est la première fois où cette émotion est si puissante. Je revois toutes ces fois où celui qui aurait dû me protéger, me battait, m'humiliait et me vendait. J'entends celle qui aurait dû m'aimer sans limite me rabaisser et rire de mes abus subit. Je ne peux qu'imaginer ce que la mère de Max a dû subir. J'ai tenté des dizaines et des dizaines de fois de me remémorer cet instant où cette femme a percuté Magnus pour déposer dans ses bras son précieux fardeau mais rien ne me revient. Juste une chevelure sombre et des vêtements en lambeaux. Rien d'autre. Est-elle encore en vie ? Aldertee l'a t-il retrouvé ? A-t-elle su s'échapper pour de bon ?

Et Max... J'aime chaque fibre de cet enfant mais sa peau bleue sera un véritable enfer pour lui plus tard. Faire subir ce genre d'expérience à un être si pur, si fragile... Jusqu'à quel point l'humanité de ceux qui font subir ce genre de traitement a t-elle disparue ?

Je reprends pied quand la main de Jem me secoue légèrement par l'épaule.

- Tout va bien Avec ?
- Oui, désolé dis-je dans un souffle. Juste... Je suis en... Colère.
- Et c'est normal réplique t-il. Jace sera là pour assurer tes arrières, Vador aussi. Tessa, Will et moi protègeront Max.
- Je sais mais... C'est... Si dur... Il est si petit et il m'est déjà indispensable...

Jace et Jem me sourient alors que je me mordille la lèvre inférieure, tout à coup anxieux et incertain.

- Écoute Alec, commence le faux blond. Nous avons discuté de nombreuses fois pour tenter de te dissuader et tu n'as rien voulu entendre mais si ce n'est que par appréhension de laisser le petit, tu ne devrais pas. Il est entre de bonnes mains. Tu découvres seulement la paternité et l'effet papa poule.

J'ai envie de grogner à son air légèrement moqueur mais décide plutôt de tourner mon regard vers mon fils qui est bien calme. Ses yeux sont grands ouverts et me scrutent avec attention. Attendris, je dépose un baiser sur son front et inspire son odeur si douce et rassurante. Jace a raison. Ils ont tenté de m'en dissuader de trop nombreuses fois pour que je capitule devant ce regard couleur de pluie.

- Ok. Jem. Dans les sacs posés sur le canapé ce sont toutes les affaires nécessaires pour Max. Dedans il y a un carnet où j'ai annoté ses heures de repas, les quantités. Il refuse la tétine, il préfère son pouce. Ah, et il a fait une colique cette nuit donc à surveiller.
- Tout ira bien Alec tente de me rassurer Jem. Tessa de par son métier s'y connait bien. Max ira très bien. On passera par Vador pour que tu ais des nouvelles.

Je soupire et me force à me détacher de mon petit ange.

- Dad va devoir y aller petite Myrtille. Je fais au plus vite d'accord ? Tu seras sage avec Jem Tessa et Will ?

La petite bouille m'observe de ses grands yeux et je ne peux m'empêcher de resserrer mon étreinte. Avec difficulté je me détache de son petit corps et le confie au policier, le coeur lourd.

- Nous prendrons soin de lui me promet l'homme de loi.

- Je sais dis-je dans un soupir. C'est juste que j'aurai préféré ne pas avoir à ce qu'on soit séparés.

Nous prenons tous les sacs pour Max et sortons pour mettre le tout dans la voiture de Jem. J'y découvre un siège auto déjà installé et me dis que ce sera un futur achat à faire lorsque nous aurons notre véhicule. Je regarde mon petit trésor et ne peux m'empêcher de le prendre une dernière fois dans mes bras pour embrasser son visage. Je sens une vive émotion me nouer la gorge que je n'arrive pas à saisir mais qui me paralyse.

- Alec me dit avec douceur Jem. Si c'est trop dur tu peux tout annuler. On peut trouver une autre solution.

Mes mots restent coincés, mes bras figés autour du petit corps chaud et moelleux de mon fils. Je sais que je dois m'en détacher et laisser à Jem le soin de le protéger pendant que Magnus et moi nous nous occupons de nos ennemis pour notre futur.

- Je...

J'inspire profondément. Allez Alec, tu sais que c'est pour que tout ça cesse.

- Je reviens vite baby blue dis-je dans un chuchotement.

Je laisse Jem récupérer Max qui l'installe dans le siège auto. Je souffle un bon coup, pour reprendre contenance puis après les dernières recommandations je les vois partir.

- Ça va aller Alec.
- Je sais. Bon. C'est parti.

Jace et moi retournons dans la maison afin de récupérer mes affaires et nettoyer de fond en comble le logement. J'ai appris ça de Magnus. Ne jamais laisser de traces. De plus, le fait qu'une de ses empreintes partielle ait été retrouvé je préfère miser sur la sécurité sans savoir qui pourrait venir. Après tout, Aldertee est leur traqueur. Il y a des chances qu'il finisse par remonter jusqu'à moi ou mon compagnon et les achats de bébé. Même si Mag's a payé en cash pour moins de traçabilité, nous ne sommes pas pour autant à l'abris. Donc sans savoir quand l'un de nous reviendra ni même si l'on reviendra, il faut faire le ménage.

- Tu as de la chance que je sois assez maniaque.

- J'ai vu ça en venant dans ton bureau oui. Et je ne pense pas que le mot "assez" ait la même définition pour toi que pour moi dis-je amusé. 

- Moque-toi donc mais ça te sert bien dans l'immédiat. 

Nous passons les heures suivantes à récurer chaque espace, chaque recoin de l'habitation et il faut avouer que Jace ne lésine pas sur les efforts. Quand enfin nous sortons du logement, il est impossible de dire qui y a logé dernièrement.

- Tu es prêt ?

J'inspire profondément, me laissant un dernier instant de paix dans ce lieux qui a vu éclore l'amour que Magnus et moi nous nous portons et l'arrivée de notre petite merveille puis je hoche de la tête, prêt à terminer cette histoire.

- Alors allons-y.

Le trajet en voiture se fait en silence, malgré la musique qui passe dans l'auto. Jace a bien saisi que je rumine mais aussi que je ne suis pas un grand bavard. Je repense à notre plan. Observer leur routine, trouver un local, mettre sur écoute la femme, mettre l'enfant en sécurité d'une façon ou d'une autre, récupérer la femme, soutirer les infos qu'elle connait puis s'occuper d'Aldertee.

- Et si elle ne sait rien.
- Alors nous lui ouvrirons les yeux sur son mari dis-je les dents serrées.

Je ne pourrais pas laisser cette femme et leur fils vivre avec un tel monstre.
Lorsque nous arrivons, je découvre une petite ville assez fleurie avec ses grandes avenues et ses commerces principaux sur l'allée principale. Notre route s'arrête dans une des rues adjacentes à l'artère principale, me laissant un sentiment peu rassurant.

- Pourquoi sommes-nous en centre ville ? Elle habite en dehors de la ville.

Je vois Jace qui semble réfléchir un instant avant de me répondre.

- Car cela aurait été trop suspect. Le quartier où elle habite est résidentiel, il y a trop de probabilité pour que l'un des habitants nous remarque. Ici nous sommes des gens de passage, nous serons vite oublié.

Je n'y aurais jamais pensé... Je suis bien content qu'il m'accompagne. Jace sort du véhicule et je le suis devant un immeuble qui paraît en mauvais état. Je retiens une grimace face aux œuvres d'art peintes sur la façade de notre logement provisoire. Pourquoi faut-il que ce soit toujours des pénis et des insanités écrites ?

- Charmant...
- C'est malheureusement récurent ce genre de tag me répond le policier. Allez viens, on a du travail.

Les heures qui suivent je suis les directives de Jace pour monter le matériel qu'il a pris pour surveiller notre cible. Ordinateurs, caméras, téléphones jetables, disques durs externes et pleins d'autres gadgets que je n'ai jamais vu ni même entendu parlé. Nous échangeons que peu de mots et mes pensées mettent peu de temps avant de se diriger vers Max et Magnus. À partir d'aujourd'hui je ne peux plus prendre contact avec lui, ni même de Max au travers de Jem... mon moral chute abruptement et je laisse tomber ce que j'étais en train de faire.

- Alec ?

D'un geste de la main je tente de faire comprendre au policier que ça va, qu'il n'y a pas à s'en faire mais ça n'a pas eu l'air d'avoir l'effet escompté car une main sur mon épaule me fait tressaillir.

- Alec...

La voix de Jace se fait douce et je mord férocement ma lèvre pour ne pas laisser un souffle tremblant et retenir les larmes qui me monte aux yeux.

- J'oublie régulièrement l'âge que tu as... écoute. On peut toujours rentrer, c'est qu'une histoire de quelques heures et tu retrouveras Max et tu pourras avoir Magnus au téléphone ce soir...

- Non...

Ma voix n'est qu'un croassement. Je me racle la gorge pour tenter de reprendre contenance.

- Non, il faut en finir. C'est juste... difficile... mais ça ira.

- Comme tu veux Alec.

Je tourne mon visage vers lui et le voit se relever. Il laisse son regard circuler entre chaque installation puis hoche de la tête.

- Je pense que c'est bon ainsi. Tu as les mouchards et caméras ?

- Ici dis-je en les pointant sur le coin d'un bureau.

- Parfait. Pour commencer, on va devoir poser des mouchards et des caméras un peu partout. Ce ne sera pas facile car nos gabarits ne sont pas vraiment petits. La ville est petite, on sera vite repérer comme des étrangers. Au vu de ton âge , je te laisserai fureter à l'université, la bibliothèque et les cafés. Moi je me charge du musée, la mairie* et la maison des Aldertee.

- Ce sont les plus difficiles que tu as pris...

- Oui car je suis l'adulte, le flic et responsable de toi.

J'ouvre la bouche puis la referme. Il n'a pas tort mais... je ne sais pas quelle est le nom de cette émotion, juste que j'ai envie de répliquer fortement mon désaccord. Je suis majeur dans certains états et pays ! Je suis même père maintenant ! Je grommele dans ma barbe inexistante tout en prenant le matériel dont j'ai besoin.

- Attend Alec. Mieux vaut se reposer avant et on commencera demain.

- Pourquoi retarder alors que plus on commence tôt, plus vite ce sera terminé.

- Ou plus vite nous serons morts.

La voix dure de Jace a claqué et je sursaute et recule vivement. Ses yeux s'écarquillent immédiatement.

- Désolé Alec, je ne voulais pas te faire peur. Excuse-moi... si j'ai parlé si durement c'est pour que tu comprennes que ce que l'on va faire est très risqué. On part déjà avec un plan plus que bancal, inutile de s'ajouter des difficultés pour quelques heures de repos refusées.

Mon cœur ralentit petit à petit et je hoche simplement de la tête. Sans un mot je me dirige vers la seconde pièce du logement qui est une chambre avec un lit qui semble en piteux état et m'y affale dessus. Mes pensées partent dans tous les sens, ma frayeur en entendant la voix implacable de Jace - vais-je réussir un jour à ne plus sursauter ou être effrayé ?-, à cette femme qui s'est mariée et a eu un enfant avec un tel monstre - depuis toutes ces années n'a t-elle aucune idée de qui est son mari ?-, à cet enfant qui vit avec - est-il déjà corrompu ?-. Toutes ces questions tourbillonnent en moi jusqu'à ce que mes yeux se ferment d'épuisement tout en ayant une pensée pour Magnus et Max, qui sont loin de moi...

Oui. Oui je sais. J'ai mis très très longtemps à sortir ce chapitre. Sachez que l'envie est toujours là, juste le manque de temps.

J'espère que ce chapitre doux-amer vous aura plu car le suivant avec Alec sera vraiment ranplanplan (même si je ferais une petite ellipse)... puisque on fera que de la surveillance.

Celui de Magnus sera un peu plus palpitant :) nous serons encore en décalé (environ deux semaines d'écart dans le prochain) qui sera vite retrouvé dans celui d'Alec.

Avez-vous des avis sur la femme d'Aldertee ? Sait-elle quelque chose ? Leur fils ?

Merci de continuer à me lire ❤️

J'espère à très bientôt~

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