Vendredi 4 Octobre

Merlin, le ciel semble si bleu aujourd'hui, pas un seul nuage à l'horizon et me voilà coincée à nouveau entre les quatre murs d'une salle de classe. C'est dommage, on aurait pu faire un cours de sortilèges dehors. Mais ce n'est pas dans le programme, on est obligé de rester à l'intérieur à lancer des sorts de camouflage. Je ne suis pas mauvaise, même si Madame Hagel trouve que ma table laisse encore une petite trace brillante et n'est pas tout à fait invisible. Fidèle à moi-même, je soupire en râlant mais je continue à essayer d'améliorer mon sort. Une petite voix me sort de mon travail acharné, il s'agit d'une jeune fille de mon âge. Elle est à Serdaigle, je ne la connais pas vraiment mais elle s'entend bien avec Eugénie. Coralie Catham, de son nom, me demande avec un sourire gentil si je ne saurais pas par hasard où se trouve Lorcan Scamander. Je fronce les sourcils, pourquoi elle me pose la question à moi ? En plissant les yeux, je réponds :

« Aucune idée, pourquoi ça ?

- Je dois lui rendre un livre et je ne l'ai pas vu de la journée, dit-elle avec un petit air inquiet. Ce n'est pas son habitude de sécher les cours.

- Je ne sais pas. Peut-être qu'il a brusquement changé, ce sont des choses qui arrivent. En ce moment, je pense être dans les dernières personnes à qui il parlerait donc je ne peux pas t'aider. »

Elle me regarde fixement, comme si elle était étonnée ou qu'elle attendait quelque chose de moi. La salle du cours de Sortilèges s'est déjà presque vidée, je me lève pour ranger mes affaires dans mon sac. Coralie ne bouge pas vraiment, ses doigts s'entrecroisent avec nervosité. Je l'interroge du regard. Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Son cerveau a l'air d'avoir grillé en deux secondes mais soudain, elle ouvre la bouche, rougissante :

« Comment ça, tu ne parles plus avec lui ? »

Pardon ? Non seulement je ne comprends pas ce qu'elle me veut mais elle me semble étrange. J'agite ma baguette pour rattraper un bout de parchemin qui est tombé par terre, il atterrit directement dans mon sac. Les yeux de la jeune blonde sont fuyants, je hausse les épaules :

« On ne se parle plus, c'est tout. Ça arrive parfois, des amitiés se font et se défont. Tu es sûre que ça va ? Tu as l'air embêtée par quelque chose.

- Non, je suis juste surprise=e, vous étiez proche.

- Ouais, on l'était certainement. »

Je déglutis, peu capable de continuer cette discussion. Elle hoche la tête en comprenant que la conversation tournait court. Coralie s'éloigne avec un petit signe de la main pendant que je reste debout à côté de ma table, un peu hébétée. Je n'ai pas compris grand-chose.

« Molly, pourquoi tu es toujours à la traîne ? »

Roxanne passe la tête par la porte et me regarde avec de grands yeux qui signifient qu'elle en a marre de m'attendre. Je soupire en rectifiant pour moi-même que je ne suis pas toujours à la traîne, je le suis de temps en temps et je devrais presque avoir l'autorisation parfois de me reposer. Mais ma cousine n'en a que faire, elle me harangue pour que je marche plus vite.

« Vraiment, Molly, j'ai faim.

- Alors ne m'attends pas, soupiré-je. Si tu n'es pas contente, tu vas manger toute seule et je te rejoins.

- Ah, fait-elle en s'arrêtant, je vois, tu vas encore t'arrêter pendant une dizaine de minutes... Regarde, ton petit copain est là. »

Je fronce les sourcils avant de remarquer qu'elle parle de Scott et qu'en effet, je vais certainement devoir faire une petite pause. Roxanne lève les yeux au ciel et chuchote :

« Bien, je te laisse tranquille, je préfère aller me sustenter que d'assister à ça.

- C'est ça, va-t-en, tu es affreusement gênante. »

Elle m'envoie un baiser dans les airs et passe devant Scott en le dévisageant quelque peu. Je soupire en ouvrant les bras pour lui montrer que je ne peux rien y faire. Il m'observe l'approcher en souriant. Il a toujours ce sourire terriblement charmant. Je ne sais pas depuis quand je suis capable de dire quand quelque chose est charmant chez quelqu'un, sur quoi faut-il véritablement se baser ? Mes lèvres s'étirent doucement quand je me mets en face de lui. Je plisse les yeux :

« On aurait presque dit que tu m'attendais.

- Les gens vont se douter de quelque chose, tu penses ? demande-t-il malicieusement.

- Ce serait terrible, il faut que tu sois plus discret, Scott, réponds-je dans un sourire amusé.

- Que dirais-tu de ce soir ? Il fait beau, je pense qu'il faut profiter jusqu'à la fin des derniers jours ensoleillés.

- Scott Reeve, est-ce un rêve, une illusion ? Tu me proposes un rendez-vous ?

- Voir le coucher de soleil sur le lac est plus romantique qu'aller risquer sa vie dans une caverne. Je cherche certainement à me rattraper. »

Je sens mon cœur qui accélère un peu, mes joues qui s'empourprent un peu. J'inspire lentement avant de dire :

« Alors il faudra être très discrets.

- Compte sur moi. »

Il me fait un petit clin d'œil qui me fait rire. Je hoche la tête pour lui dire que j'étais d'accord, ça a l'air de lui faire très plaisir. Je continue mon chemin vers la Grande Salle, jetant un simple regard derrière moi pour le voir qui me regarde m'éloigner. Arrivée à la table, je m'assois en attrapant mes couverts pour me servir. J'évite le regard de Roxanne qui est insistant. Bien trop insistant. Elle tousse légèrement comme pour me faire remarquer quelque chose. À côté d'elle, Evan et Fred me fixent et de l'autre côté, James et Rose plissent les yeux. Je soupire bruyamment :

« Quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

- Rien, se défend Roxanne en continuant avec ses yeux rivés sur moi. Tu as juste investi dans un nouveau maquillage ces derniers temps, je me demandais d'où il venait.

- De quoi tu parles ? fais-je sidérée.

- Tu as régulièrement les joues comme rosies, on se demandait juste où tu avais acheté ce fard à joue si efficace, ajoute Fred un sourire en coin.

- Tu pourrais me le prêter pour le concert, surenchérit James fier de lui.

- Je ne sais pas de quoi vous parlez. »

Je ne peux pas me défendre contre eux. Implacables, ils savent déjà. Je ne peux pas les regarder, je garde les yeux baissés sur mon assiette. Il est impossible de leur cacher quoi que ce soit. Quelle affreuse bande de crétins, ça les fait rire alors que j'ai presque envie de pleurer. Roxanne pose une main affectueuse sur mon épaule et dit :

« Ne t'inquiète pas, on ne se moquera pas si tu nous dis que tout va devenir sérieux. »

Mais elle garde un sourire résolument amusé sur les lèvres qui me fait froncer les sourcils. Je soupire et mange quelque peu avant de me défendre plus amplement. James et Rose m'observent avec attention. Le moindre de mes faits et gestes risque d'être étudié à la loupe à présent. Finalement, je pose ma fourchette pour répondre à leurs regards appuyés.

« Alors, écoutez-moi bien, je ne prendrais pas la peine de répéter pour les lents d'esprits, commencé-je en jetant un coup d'œil appuyé à James qui s'en offusque en riant. Il se passe peut-être quelque chose avec Scott Reeve mais quoi que ce soit, ça ne vous regarde pas le moins du monde, donc vous serez gentils de rester à l'écart de toute cette histoire. Un, parce que vous me stressez, il ne s'est rien passé que vous êtes déjà à m'insupporter. Deux, parce que vous êtes embarrassants à longueur de journée. Trois, parce que j'aime bien vous faire croire qu'il se passe quelque chose avec lui alors que ce n'est certainement pas le cas.

- Il se passe donc bien quelque chose ! s'exclame Fred, victorieux.

- Ce n'est pas ce que j'ai dit, soupiré-je. Mais comme je ne répéterai pas, débrouillez-vous avec ça. »

Roxanne échange un regard entendu avec Rose qui sourit à n'en plus pouvoir. Ma rousse cousine hausse les épaules avec un petit air innocent et dit d'une voix qui se veut rassurante :

« Molly, on ne veut pas t'agresser. Seulement, il est rare de te voir dans une telle situation, on est content pour toi, peu importe qui tu aimes. »

Je ne peux m'empêcher de la foudroyer du regard. Je sais que ni elle, ni les autres, ne veulent être méchants mais j'ai la terrible impression de ne jamais avoir réellement pensé à si j'aime vraiment Scott. Je ressens depuis quelques jours une forme d'attirance, c'est certain, ou alors, j'accepte le fait qu'il puisse en avoir une pour moi. Je ne sais pas vraiment. Autant attendre ce soir pour être fixé.

L'après-midi passe avec une vitesse folle. Je me sens comme prise au piège par le temps qui se déroule inexorablement vers ce rendez-vous. Après le dîner, je remonte rapidement dans le dortoir, histoire de me recoiffer légèrement, être présentable. Pour dire la vérité, ce genre de situation ne m'est jamais arrivé. Un rendez-vous pour aller regarder le soleil se coucher. L'idée me paraît idiote en y repensant. Je n'arrive pas à voir à quel moment j'ai changé au point d'avoir trouvé que c'était une bonne idée. Est-ce que je dois me changer ? Non, rester naturelle, il n'y a que ça de vrai. Je soupire, un peu stressée, le cœur battant et je déglutis avec difficulté. Il faut que j'y aille, le soleil va bientôt se coucher.

Une certaine forme d'excitation m'envahit alors que je dévale les escaliers rapidement pour ne pas le faire attendre. Je ne sais même pas où le trouver. Arrivée dans le hall, j'observe tout autour de moi. Quelques élèves sortent encore de la Grande Salle, d'autres traînent près des marches et certains traversent juste l'entrée du château sans m'accorder aucun regard. Tant mieux, je préfère autant que personne ne remarque de trop près que je m'apprête à aller au bord du lac pour regarder le coucher du soleil en compagnie de Scott Reeve. Ce qui est une chose tout à fait normale et innocente. Pourquoi tout le monde en ferait une montagne ? Nous n'avons aucune autre intention que de passer un agréable moment d'amitié. Je ne peux m'empêcher de faire un rictus. C'est en toute amitié, évidemment, qui croirait le contraire ?

« Ah Molly, tu es là ! Je suis désolé, je t'ai fait attendre ? »

Je me retourne en un sursaut pour découvrir le Poufsouffle aux cheveux bruns qui s'approche de moi, un sourire accroché aux lèvres. Je secoue la tête gentiment en répondant que je venais d'arriver, il n'a pas à s'en faire. D'un signe de la main, il m'invite à avancer vers le parc. On marche dans un silence légèrement crispant en direction du lac. Il a l'air heureux d'être là, à côté de moi alors que je ne sais pas quoi dire, comment réagir. Je finis par lui demander presque timidement :

« Alors, tu as passé une bonne journée ?

- J'étais impatient qu'elle se termine, dit-il en me jetant un regard entendu qui me fait sourire nerveusement.

- Oui, les cours sont un peu pénibles parfois, acquiescé-je en sachant pertinemment que ce n'était pas la raison de son envie que le soleil se couche.

- Tu crois que les gens nous ont remarqué ? demande-t-il après quelques secondes de silence. Je préférerai que personne ne vienne trop nous déranger. »

Je lui lance un regard amusé mais je sens comme un reproche au fond de sa voix. Comme s'il pensait que je n'assumais pas de le fréquenter, parce qu'il n'est qu'un Poufsouffle, que personne ne le connaît vraiment et que j'ai l'air d'être tout l'inverse de lui.

On arrive enfin sur la rive du Lac Noir, le ciel commence à rougir de plus en plus. On s'installe par terre, adossés à un arbre et les pieds dans le sable. Je ferme les yeux pensivement avant de subtilement me rapprocher de lui. Je n'ai pas envie qu'il croie que je suis qu'une horrible personne. Une de celle qui ne s'intéresse qu'à son image et à son rang. Mon image souffre constamment des ragots sans que je ne fasse rien pour ça, c'est une fatalité qui vient de mon nom je pense. En tout cas, même si je ne sais pas où ce rendez-vous va nous mener, je n'ai pas envie qu'il mène Scott à penser ça de moi.

« Je suis désolé, tu sais, soupire-t-il un peu soudainement, pour ne t'avoir rien apporté sur ta mère et t'avoir emmenée dans cette caverne. J'aurais beaucoup aimé t'aider davantage mais aucune information ne filtre. Je m'en veux de t'avoir fait prendre des risques sans rien te donner en retour. »

Je le dévisage, mitigée entre un regain de colère en repensant à ce qu'il a effectivement fait depuis le début de l'année et l'envie profonde de lui pardonner. Il baisse les yeux, l'air réellement navré pour ça. Je hausse les épaules en dirigeant le regard vers l'horizon. Il y a de magnifiques reflets sur le lac ce soir. Peu de nuages masquent le soleil orangé.

« Je pense que je m'y attendais depuis le début, déclaré-je d'une voix calme. Tu as réussi ta mission pourtant. Regarde comme on est proche, l'objectif peut être considéré comme atteint, non ? »

Il affiche un sourire en me regardant du coin du l'œil. Je sens ses doigts frôler les miens. Ce contact doit forcément empourprer légèrement mes joues. Il me demande un peu soudainement, comme s'il se rendait compte de quelque chose :

« Tu n'as pas froid ? Tu n'as pas pris de veste. Attends, je vais te donner la mienne, je suis habitué à ...

- Scott, l'arrêté-je d'un geste. Tout va bien, ne t'inquiète pas pour moi.

- Tu as frissonné, dit-il préoccupé mais je décèle chez lui une trace de sourire. En général, les gens qui frissonnent ont froid.

- Ou alors, ce serait le symptôme de toute autre chose. »

Il me regarde droit dans les yeux. Je me mords la lèvre inférieure, je n'aurais pas dû dire ça. Je ne sais pas du tout ce que je voulais dire. Il ouvre la bouche comme pour tenter de dire quelque chose mais se ravise avec un rire silencieux. Je fronce les sourcils :

« Merlin, tu te moques ?

- Non, je crois juste que tu as froid. »

Il retire rapidement sa veste et la pose sur mes épaules. Je suis quasiment certaine que c'est un stratagème pour effleurer mes cheveux ou quelque chose dans le genre. Je soupire en acceptant l'étreinte et me blottissant dans ses bras qu'il garde autour de mes épaules. Bizarrement, sa veste ne m'empêche pas de frissonner.

On reste là, comme ça, l'un contre l'autre, à observer le soleil qui descend sur l'horizon. Alors que les derniers rayons coulent le long des flots, je ferme les yeux, bercée par Scott qui passe doucement la main dans ma chevelure rousse. Je n'ai plus complètement la notion du temps qui passe mais quand je rouvre les yeux, la nuit est déjà arrivée complètement et le Poufsouffle a la tête posée contre l'arbre et ronfle légèrement.

Je ne peux pas réprimer le sourire qu'impriment mes lèvres. C'est idiot, je me sens bien. Personne n'y croirait, même pas moi mais j'ai le sentiment profond que je suis heureuse, là, dans les bras de Scott Reeve. Lentement, pour ne pas le réveiller, je me redresse et passe mon doigt sur la courbe de sa mâchoire. Il arrive au bord de ses lèvres. Je sens qu'il est réveillé mais il n'ouvre pas les paupières, il attend peut-être quelque chose. Je laisse mon index se balader sur sa joue, comme une caresse. Il soupire discrètement, ce qui me fait rire. Il murmure :

« Tu ne devrais pas faire ça, je pourrais être tenté de te rendre la pareille.

- Qu'est-ce que tu attends ? chuchoté-je.

- Tu es sûre ? »

Je laisse un sourire sur mon visage et clos les yeux. Je sens sa main toucher quelque peu maladroitement ma pommette avant de descendre délicatement vers mon menton. Il suspend son geste une petite seconde avant que je ne perçoive un souffle sur ma bouche. J'essaye de maîtriser les battements de mon cœur. Heureusement qu'il fait nuit, il aurait pu voir le rouge écarlate partout sur ma figure. Il s'avance légèrement et m'embrasse tendrement.

J'ai l'impression d'avoir les nerfs à vifs et une pancarte sur la tête marquant ce que je ressens lorsque je le quitte dans le hall avec cette gêne toute particulière, comme si on avait fait quelque chose qu'on n'aurait pas dû et qui nécessite de rester secret. On s'est juste embrassé pourtant. Qu'y a-t-il de si grave ? Pourquoi ce sentiment terrible de culpabilité ? Je m'allonge sur mon lit, consciente que la curiosité de Roxanne ne me laissera que peu de temps de répit. On ne s'est presque pas parlé avec Scott, on a dormi et nos lèvres se sont rencontrées un peu par inadvertance. Je soupire longuement, enfilant mon pyjama. Soudain, je remarque que j'ai gardé sa veste sur moi. Un petit rire m'échappe. Il va falloir que je le revoie pour la lui rendre. C'est vraiment dommage.

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