Vendredi 27 Septembre (3/3)
Cette question n'était pas prévue. Après avoir été comme déconnectée de ma conscience, j'ai compris que c'était la vengeance de Wilkes. Je vais le tuer. Je tourne vers lui des yeux plus noirs que le charbon et il me fait un petit haussement de sourcil insolent. J'essaye malgré tout de contenir ma colère sous une sorte de rictus déformé. Personne n'est dupe, tout le monde voit bien que je n'étais pas au courant et l'équipe de ma maison est même scandalisée. Je serre le poing. Ce serait une très mauvaise idée de le balancer dans la figure, ou ailleurs, de Wilkes mais honnêtement, l'envie se fait sentir. J'entends, comme dans un bruit de fond, Lily qui refuse de répondre et les Serpentard ricaner sans aucun problème. Je ferme les yeux alors qu'Emeline Lovener commence les hostilités en s'exclamant :
« Aucun, elle est insupportable, cette meuf ! »
J'avoue que ça me blesse un peu. Que Léon se permette de déballer ma vie privée devant tout Poudlard, que l'autre dinde m'insulte par dessus et que la moitié des personnes soient en train de rire. Qu'on arrête tout ! Mais je n'arrive pas à résister à répondre à l'offense. Je suis faite comme ça, il ne faut pas me chercher, sous peine de me trouver :
« Quel dommage, tu as tout faux ma jolie. Jolie, pardon, j'ai dit jolie ? »
Je pars dans un éclat de rire méchant. Prête comme s'il fallait se battre, je pose mes mains sur mes hanches. Léon s'amuse beaucoup, cette bouse de dragon. Je ne flanche pas quand les Poufsouffle se lancent dans la course avec un six qui m'étonne. Serdaigle propose deux et les Gryffondor se voient contraints de dire un nombre complètement aberrant pour me laisser un peu d'intégrité. Je croise soudain le regard de Lysander. Il hésite. Évidemment car il sait tout, il peut très bien deviner. Est-ce qu'il va lâcher le morceau, traître jusqu'au bout ? J'essaye de secouer discrètement la tête en le fixant pour qu'il ne dise surtout rien mais il lance tout de même une timide étincelle dans les airs. Si ce n'est pas deux, dit-il, c'est trois.
Mon cœur s'arrête, Léon me regarde avec un sourire goguenard qui me donne envie de lui tirer les cheveux pour ensuite écraser sa tête sous mon pied. Il se rapproche doucement de moi et demande d'une voix insupportablement mielleuse :
« Molly ? Qu'est-ce que tu en dis ? Trois, est-ce le juste nombre ? »
Je n'ai même pas besoin de répondre, mon visage tordu de colère semble afficher à tout le monde que c'est le cas. Léon me tapote l'épaule et s'écrie :
« Bravo Serdaigle pour cette bonne réponse ! »
Un pauvre mec applaudit dans l'assemblée, il est évident qu'il s'agit de Mike Douglas qui s'est mis debout sur une table et presque avec fierté, exhibe un sourire idiot. Du même côté, Brittany Norwich part dans un fou rire qui résonne dans mes oreilles comme le son de l'infamie. Je vois soudain un objet voler et atterrir sur sa tête, c'est James qui lui a envoyé pour la faire taire mais elle se met à crier à l'agression.
Pendant ce temps, je me sens fondre de l'intérieur, affreusement gênée et terriblement en colère. J'ai beau fusiller Léon du regard, il continue à sourire avec arrogance. Non, il rouvre la bouche. Je sais par instinct ce qu'il va faire et il ne faut surtout pas qu'il le fasse. Qu'il se la ferme, Merlin, s'il te plaît ! Pour une fois, entends mes supplications.
« Et Lysander, ton équipe gagne des points bonus sur tu donnes les trois bons noms. As-tu une idée, à tout hasard ? »
La panique naît dans mon cerveau. Tout va beaucoup trop loin. Je ne sais pas pourquoi Wilkes se sent obligé de m'enfoncer de cette manière. J'essaye de lui écraser le pied mais il m'évite en souriant toujours. Il ose même me glisser à l'oreille :
« Bah alors, Weasley, tu n'assumes pas ta vie dangereuse ? »
Je ne vais sincèrement pas réussir à me retenir de le tuer. Mon regard essaye en vain de le foudroyer mais il va falloir passer au niveau supérieur bientôt. Mais Lysander continue à hésiter. Non, il n'hésite pas, il réfléchit. Qu'il réfléchisse bien à comment il va pouvoir se sortir de cette soirée vivant. Car il y aura indéniablement des représailles massives. Merlin, tout le monde va savoir que j'ai embrassé Scott et Lysander. Ils vont se moquer de moi à un point difficilement envisageable et surtout, absolument pas désirable. Le rouge s'inscrit sur mon visage. Je croise les doigts, priant Merlin, Dumbledore, le Dieu moldu, Godric Gryffondor et tout ce qui me passe par la tête. Mon regard pourrait peut-être dissuader le Scamander d'ouvrir la bouche et de dire la vérité. Pitié, dis trois noms lambda. Kevin, Jean-Patrick et Jonathan. Des garçons gentils, inexistants et qui ne sont ni des fils de mangemort, ni des fous, ni des délinquants, ni quelqu'un de connu tout court.
« Alors, on va commencer par ... Scott Reeve. »
Après avoir ménagé son petit suspens et m'avoir permis d'espérer pendant quelques menues secondes, il détruit tout et se met lui-même dans une situation qu'il regrettera fort. Je m'efforce de rester impassible, malgré les regards insistants de Wilkes, malgré les ricanements du fond de la salle. Il ne faut pas que ça se sache, je serais contrainte de m'expliquer alors que j'étais dans une situation extrême qui ne m'a pas vraiment laissé le choix. Je n'ai pas envie que ça m'oblige à avouer un prétendu amour que j'ai pour Scott.
« Ensuite, continue Lysander d'une voix qui se veut mystérieuse, je propose Scamander ... »
Il signe son arrêt de mort. Définitivement. Là, avec un sourire qu'il croit malin, c'est comme s'il s'ouvrait les veines pour plonger sa plume dedans et signer le papier qui m'autorise à le tuer. Et il sourit toujours, ça me rend folle, se rend-il compte que je suis en train d'essayer de montrer à tout le monde que je suis dégoûtée par ce qu'il raconte en me prenant la bouche comme pour retenir un vomissement ?
« Lorcan Scamander, évidemment, » ajoute-t-il.
Merlin. Qu'est-ce qu'il raconte ? Je m'immobilise immédiatement en comprenant mon erreur. Lysander est en train de sauver les apparences alors que je suis désespérante à m'en vouloir après coup. Il sait parfaitement que je n'ai jamais embrassé son frère mais qui d'autre le sait ? Je le cherche des yeux, totalement paniquée. Mes émotions n'ont plus aucun sens. Je le vois, il se lève, comme pour sortir de la salle mais je vois aussi Fred qui le rattrape par le bras. Ils se disent des choses que j'aimerais bien entendre mais tout me semble confus. Léon s'enthousiasme et encourage Lysander à dire le dernier mot. J'ai envie de courir vers Lorcan, lui dire à quel point je m'excuse pour tout et combien je préférerais l'avoir embrassé, lui. Mon cœur bat à toute allure. Je me mords la lèvre pour ne laisser aucune larme honteuse passer.
J'ai l'impression que c'est pire que dans mes cauchemars. Je jette un regard désespéré au Scamander qui doit donner sa dernière réponse, le dernier nom. Il ne sourit plus vraiment, je ne sais pas s'il s'en veut ou s'il est très sérieux quant au choix de ce qu'il va dire.
« Et puis Léon Wilkes lui-même ! Je vois mal comment quelqu'un qui a toujours fantasmé sur le poste de préfet-en-chef aurait pu résister, justifie-t-il dans une tentative d'explication qui tourne court quand il voit que je ne rie vraiment pas. C'est ça, je propose Scott, Lorcan et Léon. »
Je ne sais pas comment il a pu savoir. Je lance un regard de dégoût à Léon, mimant presque la surprise alors qu'il me fait un clin d'œil. Je me force presque à rire pour évacuer le stress, l'horrible gêne et tenter de dissiper les doutes. Moi, avec lui, cette espèce de crétin sur patte ? Jamais, quelle idée farfelue ! Est-ce que je suis vraiment du genre à embrasser des gens que je n'aime pas ? Je devrais éviter de me poser de telles questions, ça remue tous mes organes à l'intérieur de mon corps.
Léon sourit à l'assemblée, il a réussi son coup bas, Lysander est entré dans son jeu avec facilité, sans hésitation. Ils me détruisent totalement. Lorcan a quitté la salle pour de bon et je ferais bien pareil. Mais Lysander a faux, il le sait très bien, alors je ne peux pas tous les laisser penser le contraire. Je soupire en annonçant :
« Quel dommage, Serdaigle a manqué de perspicacité sur cette question ... Ils gagneront sans leurs stupides points bonus. Merci à tous d'avoir participé ! La soirée s'est presque bien passée, félicitation à Serdaigle et maintenant, que tout le monde aille se coucher ...
– Voyons, Molly, tu nous dois une précision, qui sont ceux que tu as véritablement embrassé alors ? s'écrie Léon en m'empêchant de m'enfuir.
– Alors là, va crever, Wilkes, avec te questions stupides ! Je ne te dois rien et tu n'avais pas le droit de faire ça ! »
La colère me submerge, je ne peux plus garder longtemps le contrôle de mes émotions. Complètement oppressée par les regards, les rires, les murmures, toutes ces personnes qui me jugent, je recule vers la petite salle où on se préparait tout à l'heure. Je m'y réfugie pour éviter de craquer devant tout le monde, quitte à laisser Wilkes leur raconter ce qu'il veut. Qu'est-ce qu'il pourrait faire de pire ? Maintenant qu'il s'est permis d'étaler ma vie privée et de mettre dans la tête de tout le monde que j'avais embrassé au moins un de ceux qu'a proposé Lysander.
Dans la petite salle, je reconnais le portrait qui se trouve aussi dans un couloir du premier étage, ça me rassure finalement, je pourrais échapper à tous ceux qui se mettront à vouloir me chercher. Je m'approche de lui, je ne me sens vraiment pas très bien. Ce regard si déçu de Lorcan me reste ancré dans la tête. Quelle sombre idiote je fais ! Le portrait est un vieil homme qui a un chapeau rouge et un crapaud dans les mains, il me regarde avec curiosité.
« Vous n'allez pas bien, jeune fille ?
– Pas vraiment, non, j'aurais besoin d'emprunter votre passage secret, s'il vous plaît, lui demandé-je en reniflant légèrement.
– Normalement, je n'autorise le passage qu'à ceux qui ont un mot de passe mais vous m'avez l'air d'avoir besoin de moi. »
Avec un sourire bienveillant, le portrait s'ouvre sur un passage secret dans lequel je me glisse. Je le remercie en sortant de l'autre côté. Seule dans ce couloir, je m'assois par terre, la tête entre les mains. Je ne pleure pas, aucune larme ne me vient. Je suis envahie d'une rage froide mais c'est avant tout contre moi qu'elle est dirigée. Si je n'avais pas agi si bêtement, si j'avais un temps soit peu réfléchi, je n'en serais pas là. Merlin, j'aimerais revenir en arrière et tout effacer, me prévenir qu'on n'éteint pas un début d'attirance pour quelqu'un en embrassant d'autres personnes, surtout pas celles que l'on déteste. Je ne suis pas bonne en conseil de ce genre mais celui-là, je le retiendrai. Plus jamais ça. L'humiliation est un peu dure à avaler cette fois.
Alors que j'allais presque m'endormir dans ce couloir, j'entends des gloussements qui me font relever la tête. Merlin, c'est le diable en personne qui se pavane, les cheveux décoiffés par une diablesse, entendre Emeline Lovener, qui lui tient la main en le caressant avec envie. Qu'ils aillent dans une salle vide, ai-je pensé très fort, avant de regretter de l'avoir fait maintenant que mon cerveau m'envoie des images. Je fronce les sourcils en les voyant s'approcher de plus en plus. Léon a l'air si fier de lui, il me dégoûte profondément. En déposant un baiser sur le coin de la lèvre de l'autre blonde, il lui murmure quelque chose qui la fait ricaner encore plus fort. Elle s'en va en me lançant un regard dédaigneux alors qu'il reste, m'observant presque avec curiosité. Il s'approche de moi, je réagis presque violemment, sautant sur mes pieds et dégainant ma baguette pour l'empêcher de faire un pas de plus. Je fulmine :
« Je ne te conseille pas de m'adresser la parole encore un jour !
– Quoi, Molly ? Je n'ai pas le droit de savoir à qui tu as fait ça avant moi ? s'emporte-t-il en arrêtant de sourire. Dis-moi au moins combien sur les trois étaient bons !
– Qu'est-ce que ça changerait ? Dégage ! »
Rapidement, j'ai fait quelques pas en arrière, espérant le fuir et qu'il arrête de m'asséner des vérités que je n'ai pas envie de voir en face. Mais il m'a attrapé le bras pour m'attirer à lui. Non, Merlin, ça ne recommencera pas ! Je ne sais pas ce qui lui prend mais il peut toujours rêver. Tout ce que j'ai envie de faire alors que mon visage est près du sien, c'est de lui cracher dessus et j'hésite franchement à le faire mais je ne me sens pas dans une posture très favorable. Il s'approche de mon oreille en me tenant fermement :
« Dis-moi, qui a subi le même sort que moi ? Qui d'autre a souffert de te voir partir si rapidement ensuite comme si ça te donnait de l'urticaire ?
– Tu feras quoi de cette information ? Tu ne penses pas que tu en as assez fait pour aujourd'hui ? protesté-je.
– Tu parles de moi mais regarde-toi deux secondes. Tu es de loin la pire de nous deux. Mais si tu veux, ajoute-t-il en passant une main dans ma nuque entre mes cheveux, je peux essayer de me mettre à ta hauteur... Tu n'imagines même pas ce que je pourrais faire ... »
Il a les yeux plongés dans les miens. Je suis tout contre lui, ma baguette dans la main tenue fermement par sa poigne et je ne peux rien faire pour me défendre. Il continue à passer une main dans mes cheveux. Je suis terrorisée. J'ai une peur atroce qui me serre le ventre. Ma respiration devient incontrôlable. Je ne veux pas qu'il fasse quoi que ce soit, je veux qu'il me laisse tranquille. Il faut que je fasse quelque chose pour tout arrêter mais je ne peux que fermer les yeux pour ne plus voir son regard sombre. Je murmure, dans un souffle :
« Deux. Deux sur les trois ... Mais lâche-moi ... »
Je sens son étreinte se desserrer légèrement. Je rouvre les paupières, il me regarde avec des yeux durs, sa bouche semble tordue par la colère. Je retiens ma respiration, espérant qu'il va partir maintenant qu'il a eu ce qu'il voulait. Il appuie à nouveau ses doigts sur ma main, je grimace :
« Deux ... Moi et ..., chuchote-t-il en réfléchissant avant de hausser le ton, Scott, hein ? C'est ça ? Tu as embrassé ce salaud !
– Merlin, Wilkes, tu me fais mal ! Lâche-moi vraiment cette fois ou je te jure que ... »
Je ne finis pas ma phrase parce qu'il me repousse enfin. Je recule rapidement, me tenant douloureusement le poignet en le regardant donner un coup de pied dans le mur. Je sursaute. Ce serait une très mauvaise idée de rester là une seconde de plus. Je cours le plus vite possible loin de ce fou, si possible dans un endroit calme où je pourrais me remettre de mes émotions.
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