Vendredi 27 Septembre (1/3)

Au petit matin, je me lève. Je n'ai pas envie de croiser qui que ce soit. Surtout pas Léon, surtout pas Scott. Je marche difficilement mais le peu de repos que j'ai eu a permis à ma cheville d'être moins douloureuse. Le choc de la nuit m'a comme anéantie. La tête dans mon bol, j'essaye de ne pas regarder autour de moi pour ne croiser le regard de personne. Ce soir, il y aura le quiz et Merlin, ça me donne mal à la tête. Fatiguée et avec l'envie de décéder chaque seconde un peu plus, je me traîne devant la classe de Métamorphose.

« Mollynette, tu as une tête horrible ce matin. On dirait que tu as fait la fiesta toute la nuit et que tu t'es pris un mur. »

Je n'ai pas envie de lui parler, ni de le voir et pourtant il est là. Toujours fidèle au poste quand il s'agit de m'enfoncer encore plus. Je marmonne :

« La ferme, Lysander.

– C'est tout ce que tu peux faire comme répartie ? Tu ne dois pas être dans un état normal.

– Je suis sérieuse, laisse-moi tranquille une bonne fois pour toute. »

Il fait un sourire amusé et je sens qu'il a une idée derrière la tête. Je n'ai pas la force d'insister, je choisis de l'ignorer mais c'est certainement contraire à ses principes de laisser tomber. Lui qui en a si peu, il ne peut pas avoir ceux qui m'arrangent, évidemment. Son sourire en dit long mais il ajoute :

« Il y a l'autre Poufsouffle qui te cherchait ce matin, Scott, je crois. Je me faisais la remarque d'ailleurs que tu te rapprochais de lui ces derniers temps. Je respecte ton désir de vouloir oublier mon frère mais tu aurais pu lui faire comprendre que tu ne l'aimais pas en allant trouver quelqu'un d'autre que lui quand même ... »

Mes yeux reflètent ma rage, je les tourne vers lui et je suis étonnée qu'il soit encore en vie après cela. Je le foudroie du regard, ce qui ne fait que lui arracher un sourire satisfait. En croisant les bras et en secouant légèrement la tête, il a continué :

« Ne me dis pas que tu as passé la nuit avec lui, Mollynette, ce n'est pas sérieux du tout. »

Je sens que mes joues s'empourprent. Il ne peut même pas imaginer à quel point ce qu'il dit est vrai et combien ça me rend nauséeuse. J'ai l'impression d'avoir fait l'erreur de ma vie. Je ne dois surtout pas parler, il risquerait de comprendre. J'essaye de clore les yeux pour fermer mon esprit et que des images de la nuit ne me reviennent pas sans arrêt sur la rétine. Il s'esclaffe,  trouvant décidément la situation hilarante :

« Merlin, Weasley, vous avez fait quoi ? commence-t-il en me scrutant du regard mesquinement. Ne me dis pas que tu l'as embrassé ? Vraiment ? Mais tu n'apprendras donc jamais de tes erreurs ? »

Je suis totalement figée, paniquant de l'intérieur et essayant le mieux possible de ne pas le montrer. Comment peut-il deviner de telles choses ? Ce n'est pas marqué sur mon front, j'espère. Merlin, mon front doit aussi rouge que le reste de ma tête. Je ne vais jamais plus pouvoir regarder quiconque dans les yeux. 

Lysander est tellement ignoble qu'il ne peut plus s'arrêter de rire. Je tremble de rage et de honte. Cependant, ce que je croyais être le niveau maximal de mon embarras est largement dépassé quand un toussotement se fait entendre derrière moi. Je me retourne, consciente d'être presque devenue écarlate, et je découvre avec surprise Scott qui voulait apparemment discuter avec moi.

Il n'a pas l'air d'être furieux, de m'en vouloir de l'avoir laissé seul dans ce couloir après l'avoir embrassé. Il me fait même un petit sourire. Le genre de chose qui fait instantanément rire aux éclats Lysander. Je ne sais pas comment faire pour tout arrêter. Les moqueries du Scamander, le regard plein d'espoir de Scott, mon mal de crâne. Je suis juste capable de secouer vivement la tête. S'il parle, tout le monde entendra ce qu'il a à me dire et c'est quelque chose que je ne pourrais pas supporter. Je me mords la lèvre inférieure en essayant de faire comprendre à Scott qu'il ne doit pas commencer maintenant. Les ricanements de Lysander résonnent dans mes oreilles, j'ai Léon dans mon champ de vision qui a l'air de mauvaise humeur, j'imagine que Lorcan doit être dans le coin aussi. Je ne peux juste pas. Sans dire un mot, je me précipite dans la salle de classe, soulagée que Monsieur Bloom soit enfin arrivé. Scott reste quelques instants dans le couloir avant d'entrer dans la salle.

Je me mets tout devant avec Effie, essayant de m'isoler le plus possible des autres. Elle ne me fait pas de remarque, trop occupée à relire ses notes de la dernière fois en jetant des petits coups d'œil au Professeur. J'ai la mauvaise impression que derrière moi, ça murmure beaucoup trop. Je me sens affreusement mal.

Mais dès le début du cours, je regrette ma place. Monsieur Bloom m'a en ligne de mire et doit immanquablement me voir quand je pique du nez. Effie n'a de cesse de me donner des petits coups de coude pour que je ne m'endorme pas véritablement. Elle me regarde avec des yeux qui reflètent toute son envie de me faire la morale tout en se retenant pour ne pas parler en même temps que le Professeur. Elle semble presque torturée par la situation. Je soupire en soutenant ma tête par une main. J'ai accumulé un épuisement phénoménal, je n'ai pas d'autres choix.

Le cours fini, je sors le plus rapidement possible. Il faut que j'aille me passer de l'eau sur le visage ou faire quelque chose pour pouvoir survivre au reste de la journée. En même temps, je pense que je suis en train de développer mon aptitude à éviter des personnes qui m'angoissent. J'espère que ça pourra durer toute la journée. Mais à midi, alors que j'avais réussi à me dépêcher pour manger tôt pour aller directement m'isoler à la bibliothèque, mes efforts volent en éclats.

Scott a réussi à me trouver. Il s'assoit à côté de moi, me dérangeant passablement dans la lecture d'une description très intéressante sur la manière de concocter les potions au VIIIe siècle. Personne ne s'y intéresse jamais assez. Le Poufsouffle et ses yeux perturbants que je ne veux plus regarder me fixent avec insistance, la tête appuyée sur ses deux mains. Je me vois obligée de lever les yeux timidement vers lui en posant mon livre, un sourire embarrassé aux lèvres. Je prends une grande inspiration pour lui demander avec bravoure et mais aussi une fausse-naïveté lâche :

« Tu voulais me parler de quelque chose en particulier ?

– Je suis vraiment désolé pour cette nuit. Pour tout ce qu'il s'est passé. C'était dangereux et complètement inconscient de ma part de t'avoir demandé de venir avec moi mais j'avais peur qu'il se passe ce qu'il s'est finalement ...

– C'est bon, respire, dis-je dans un sourire minimaliste. Je ne serais pas venue sur je n'avais pas une idée de ce qu'il s'y passerait. »

J'ai une phrase au bord des lèvres qui n'arrive pas à sortir. Je vois dans ses yeux qu'il veut profondément que je la dise mais elle est bloquée, indicible. Mes doigts ne peuvent s'empêcher de marteler nerveusement la couverture de mon livre. Il les regarde comme s'il était manifestement stressé par le bruit qu'ils faisaient. Je finis par taper une bonne fois pour toute sur mon livre en disant :

« Je m'excuse aussi pour cette nuit. Je n'aurais jamais dû ... Enfin, ce n'était pas cool de ma part de faire ça et je ne veux pas que tu penses ... »

Je me maudis moi-même, incapable de finir mes phrases, il peut les interpréter dans le sens qu'il veut maintenant. Je ne suis pas sûr qu'il sera proche de la vérité mais il vaut peut-être mieux pour lui qu'il pense que je l'aime, après tout. Au fond de moi, ça me hurle de cesser d'éviter le problème mais je deviens trop forte à ce jeu-là. Je rentre toutes mes affaires précipitamment dans mon sac en me levant. Il me faut de l'air. Je ne sais plus quoi lui dire, je ne sais pas ce qu'il attend de moi.

« Molly, je ... »

Il débute une phrase qui s'efface dans le néant. Je l'arrête d'un geste et je commence à reculer. Je le préviens avec la voix serrée :

« Ne dis rien. Je ne sais pas ce que je veux dire, d'accord ? Je préfère prendre le temps d'y réfléchir vraiment. »

Il hoche la tête mais il ne dit rien parce que je m'enfuis presque vers la sortie. Je me suis perdue entre mon plan et la réalité. J'avais prévu de lui faire payer son chantage et de le dénoncer sans pitié mais je ne vais plus pouvoir, je me suis faite attendrir. Impossible de revenir en arrière. Je ne peux pas tomber amoureuse de lui, je ne le suis d'ailleurs pas mais la manière dont il m'a regardée hier et cette intensité que j'ai ressentie m'avaient fait chavirer. Le cœur encore palpitant, je marche dans le couloir, droit devant moi. Je ne sais pas vraiment comme j'y arrive mais je me retrouve devant la petite salle attribuée aux préfets-en-chef. Je ne réfléchis pas longtemps, travailler sur la soirée de tout à l'heure me fera penser à autre chose et j'aimerais idéalement que tout se passe bien alors autant se pencher sur les derniers détails maintenant.

J'ai déjà toutes mes questions écrites sur des petites cartes dorées où des étoiles clignotent. Je les recompte une dernière fois, les triant attentivement par thème. J'allais commencer à étudier précisément la liste des participants quand la porte s'ouvre derrière moi. Je tourne la tête pour découvrir Léon. Je ne dis rien, me concentrant sur la liste où je vois quelques noms que je connais. Celui de Lily, de Léna, de Victor pour l'équipe de Gryffondor. Ceux moins sympathiques de Lysander, Emeline et Marius, un fidèle et pénible ami de Léon. Ce dernier prend une chaise pour s'asseoir à côté de moi. J'ai beau tout faire pour l'ignorer, il ne daigne pas partir. Je fronce finalement les sourcils et je lui jette un regard en coin. Il m'observe avec un calme inhabituel. J'aurais cru qu'il allait s'énerver très fort, ce qui m'aurait permis de le faire aussi et de lui envoyer un sort dans la figure dont il ne se serait pas remis de sitôt. Mais il n'a pas l'air de vouloir être offensif aujourd'hui.

Il lève simplement la main, doucement, pour venir effleurer du bout des doigts mon front abîmé par le mur de la caverne. Il soupire légèrement alors que je me suis tendue, ma main glissant avec méfiance vers ma baguette.

« Je devine déjà comment tu t'es fait ça, en remontant hier soir, tu es tombée dans les escaliers et ta tête a frappé contre une marche ?

– Comment as-tu deviné ? »

J'ai murmuré en serrant les dents, persuadée qu'il ne va pas en rester là mais il repose sa main sur la table. Il observe la liste des noms qui est posée devant moi et ne dit rien de plus. Ça m'angoisse, j'ai l'impression qu'il se retient de me faire la morale mais ce n'est pas normal. Je le regarde de travers alors qu'il prend des notes. À quoi joue-t-il ? Soudain, d'un ton détaché, il me demande :

« Au fait, c'était bien, hier soir avec Scott Reeve, votre sortie à Pré-au-lard ? »

Je m'étouffe avec ma propre salive, incapable de réagir autrement. Il me faut bien quelques minutes pour rassembler mes esprits. Évidemment, il m'a suivi. Mais jusqu'où nous a-t-il suivi ? Bon sang, Merlin de Merlin ! Je le fixe du regard, furieuse alors qu'il continue à faire comme si de rien n'était. Je tressaille, ne comprenant pas pourquoi il agit comme ça. Il finit tout de même par me lancer un petit regard amusé et il dit sèchement :

« Si tu racontes quoi que ce soit à Emeline ou Brittany, cette information se retrouvera directement sur le bureau de McGonagall et tu seras virée sans préavis. »

Mon cœur rate un battement, je me sens pâlir. D'accord, il me renvoie l'ascenseur. Je déglutis, essayant de rester impassible. Je hoche doucement la tête. Je comprends mieux d'un coup. Je commence à sortir ma plume pour écrire les quelques mots par lesquels j'ai l'intention de présenter le quiz mais j'appuie trop sur le bout et elle se tord légèrement. J'ai du mal à contrôler les légers tremblements dans ma main. Je sens Léon sourire juste à côté de moi, fier de lui. Il ose même me dire :

« J'espère que ça valait le coup, au moins. Que vous avez fait autre chose que vous balader main dans la main au clair de lune. Enfin, apparemment, vu tes éraflures et la manière dont tu rougis, vous avez fait autre chose ... »

Merlin de famille rousse qui m'a donnée des gènes qui me font rougir rapidement. Je serre si vivement ma plume dans ma main qu'elle se froisse totalement. Je pourrais presque la casser en deux. Wilkes est satisfait, il hausse un sourcil amusé dans ma direction et ajoute :

« J'espère que tu es en forme pour ce soir et que ce Poufsouffle ne t'a pas pris toute ton énergie ... »

Je n'arrive pas à lui répondre quoi que ce soit. Je reste figée, folle de rage, à essayer de me retenir de planter la pointe de ma plume dans son œil rieur. Il me tapote l'épaule en se levant et se penche lentement vers moi pour me chuchoter à l'oreille :

« Je t'avais prévenue de rester sage. »

Je me sens presque exploser et d'un coup, je me relève, jetant ma plume sur la table pour attraper ma baguette. Je le pousse jusqu'au mur en brandissant mon arme sous son nez. J'ai le regard noir et le cœur qui s'affole. Je suis bouillonnante, ma colère me submerge. Un sourire s'étire sur son visage. Une tension forte m'envahit. J'ai besoin de le frapper ou faire quelque chose pour que tout cela cesse. Il s'apprête à dire sûrement des mots qui me blesseront. Je n'ai pas envie de le laisser parler. Dans un geste fou, je me rapproche de lui, des flammes dans les yeux et le sentiment d'avoir abandonné toute raison.

« Qu'est-ce que tu fais, Weasley ?

– Je vis dangereusement. »

Ma voix est semblable à un souffle. Il perd son sourire et ouvre la bouche comme pour commenter quelque chose et c'est à ce moment-là que mon cerveau doit se déconnecter complètement. Je m'avance encore un peu. Et je l'embrasse. Furtivement, sans passion, sans rien, ni fioriture. Juste mes lèvres contre les siennes et il n'a pas le temps de s'en émouvoir ou se révolter. J'attrape mes deux feuilles qui traînent sur la table et la porte claque déjà derrière moi. 

Je le laisse seul et une larme de dégoût glisse sur ma joue. 

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