Vendredi 1er Novembre
J'ai passé une nuit épouvantable, des petits cauchemars à répétition entrecoupés de longues minutes à réfléchir, à ne pas savoir quoi faire pour arrêter le flux de mes pensées, à me tourner et me retourner dans mon lit. Je me suis repassé tout le film de la soirée, incapable de voir comment on a pu faire pour en arriver là. Ni Scott, ni McGonagall, ni moi n'avons pu empêcher une nouvelle agression, tout aussi mystérieuse que les précédentes. Je revois Emeline Lovener dans sa petite robe rouge, repliée sur elle-même, apeurée, acculée. Elle dit ne pas avoir compris ce qu'il s'est passé, qui était là, qu'elle ne se souvient pas très bien de ce qu'elle faisait dans cette salle, dans ce couloir, loin de la fête.
Mais ce que je revois en boucle, c'est Wilkes qui se précipite vers elle, sans la moindre hésitation. Ça revient vite au galop, les bonnes vieilles habitudes. Je crois qu'ils sortent à nouveau ensemble. Enfin, au petit déjeuner, j'ai entendu une amie de Lucy, très au courant des derniers ragots, en parler. Elle a dit aussi que son père de ministre pourrait arriver dans le week-end pour prendre des mesures de sécurité plus importantes. Ça m'a coupé l'appétit dès le matin, cette histoire. Voir le Ministre de la Magie lui-même se déplacer à Poudlard, c'est pire que de voir Percy Weasley arriver sans prévenir.
J'ai tant de fois entendu ces histoires de mes oncles sur cette petite bonne femme en rose horrible du Ministère qui est arrivé à Poudlard. Une sombre époque, on n'en est peut-être pas encore là mais parfois les leçons du passé ne sont pas retenues. Ma tante Hermione dit toujours qu'il n'est jamais bon que le Ministère mette son nez dans les affaires de Poudlard. Pourtant, elle est bien placée au département de la Justice Magique. Mais Poudlard reste Poudlard.
Tout le monde a l'air un peu épuisé à la table des Gryffondor. Sauf peut-être James qui continue à chantonner son refrain en tartinant son bout de pain de marmelade. A côté de lui, Rose soupire en le foudroyant du regard.
« Merlin, Jamie, pas dès le matin ! Je l'ai eu toute la nuit dans la tête ta chanson, là, j'en peux plus.
– C'est parce que les chansons de Monsieur Potter sont des tubes, fait David, le partenaire de James, en prenant un air tout à fait sérieux. Ils sont fait pour rester dans les mémoires.
– Je crois bien que même Molly a dit à un moment que c'était de qualité, dit Fred en face de moi avec un large sourire.
– Ah, si Madame La Mort le dit alors ! »
James me regarde en posant sa main sur le cœur. Je fronce les sourcils. J'ai dit ça, moi ? Je ne me souviens pas. Je hausse les épaules. Mais je sens que mon cousin va encore partir dans un discours de remerciement interminable alors je dis en faisant la moue :
« Je pense que tout ce que j'ai dit ou fait à partir d'une certaine heure doit être oublié.
– D'ailleurs Molly, maintenant que tu en parles, intervient Roxanne, à quel moment tu t'es retrouvée trempée ? Tu as saccagé la robe de Victoire.
– Je ... »
Je les regarde tous et hausse à nouveau les épaules. C'est compliqué, une longue histoire, où l'hydromel a sûrement trop coulé et qui ressemble plus à un long cauchemar qu'à autre chose. J'ai du mal à me dire que c'était réel.
« Je ne sais plus vraiment, j'ai croisé le chemin de Peeves et ça s'est mal terminé. Tu diras à Victoire que je m'excuse pour sa robe et que je la laverai bien avant de lui rendre. Bon, je vais à la bibliothèque. »
Je me lève avant qu'ils ne posent plus de questions. James mange gloutonnement sa tartine et postillonne des miettes partout en me disant au revoir. Je laisse échapper un petit sourire. J'ai tout fait jusque là pour éviter de regarder dans la direction de la table des Serpentard mais mes yeux sont comme attirés par là. Je ne peux pas résister. Léon est là-bas, juste à côté d'Emeline qui boit son thé avec délicatesse. Est-ce qu'il me regardait du coin de l'oeil ? Est-ce qu'il vient juste de baisser la tête vers le fond de son bol parce que je le regarde ? Je ne sais pas. Je n'ai pas envie de le savoir. Ou peut-être que si mais je ne l'avouerai pas. Je veux juste retrouver le silence de la bibliothèque, travailler si j'y arrive. Il y a les Aspics à la fin de l'année, en juin. Ça semble loin, tant de choses peuvent se passer en si peu de temps. Mais si tous les profs répètent qu'il faut travailler dès maintenant, pourquoi ne pas les croire ?
Je pose mes affaires sur une petite table, pour que personne ne s'y invite et me dérange. Je suis pratiquement seule de toute façon, c'est un jour férié et tout le monde en profite pour dormir, se reposer, s'amuser, chanter dans les couloirs et aller au bord du lac tant qu'il ne pleut pas. Je passe une ou deux heures seule, avec mes livres d'Arithmancie et de Potions. De temps en temps, un petit groupe passe devant moi, sans s'arrêter, sans me regarder vraiment. Je parviens à rester concentrée, faisant de gros efforts pour ne pas laisser mon esprit divaguer.
Mais la petite bande de Serpentard passe la porte. Ils sont tous là, Garance, Côme, Brittany, Marius, Léon. Je l'aperçois par dessus mon livre, comme si mes sens étaient en alerte et se réveillaient dès qu'il arrivait. Je baisse rapidement les yeux à nouveau sur mon bouquin mais il m'a vu, ça ne fait aucun doute. Emeline n'est pas là, elle est sûrement quelque part avec Madame Griffith, son père ou McGonagall. Marius Burgoyne parle fort en pointant du doigt la table juste à côté de la mienne. Il est hors de question qu'ils s'installent là. Je les connais, même quand ils chuchotent, ça fait un boucan de dingue et leurs gloussements vont rapidement devenir intolérables. Et ils me regardent avec un sourire en coin. Je déteste ça.
Léon fait un geste vers moi alors que les autres posent leurs affaires à quelques mètres de moi. Je comprends qu'il risque de me parler, de vouloir s'expliquer, se justifier. Mais je ne veux pas qu'il m'explique. Je ne veux pas comprendre. Je ne veux pas de ses éventuelles excuses. D'ailleurs, il n'a pas à m'en faire. Il ne doit rien faire. Il n'y a rien à dire, aucun commentaire. Je n'ai pas envie de ressasser. Qu'il reste avec Emeline, ce sera certainement mieux pour lui. Ignore-moi, Léon Wilkes, fais comme si je n'existais pas. Mais il tend la main vers ma table.
Je ferme brusquement mon livre et le jette dans mon sac avec tous mes parchemins en vrac.
« Je peux prendre la chaise ? »
Sa voix reste en suspend, sa question sans réponse. J'entends juste Côme Selwyn commenter de loin :
« Elle a l'air de bonne humeur aujourd'hui, Weasley. »
Je pourrais leur crier d'aller se faire voir mais je lance juste un regard noir à Wilkes et je m'éloigne rapidement. De toute façon ma dissertation sur l'usage des poisons à faible dose dans la médecine magique n'avançait plus. Et je ne veux plus croiser le regard piteux de mon homologue. Ce qui serait bien, ce serait d'oublier véritablement la soirée d'hier. Oublier Emeline en larmes, oublier Scott qui se tortille, oublier l'hydromel et ses dégâts. Même oublier que Lorcan s'est retrouvé dans une salle vide avec Coralie. Ou plutôt que Lysander a su cela.
« Mollynette, oh jolie Mollynette ! »
Quand on parle du loup ... Je croise Lysander au détour d'un couloir, il a l'air toujours aussi jovial. Ainsi donc Lorcan n'a pas profité de la nuit pour le tuer. Il aurait pu lui faire un petit sort d'Amnésie. J'aurais dû lui conseiller ça hier mais je n'y ai pas pensé. C'est bien ça le problème, ne pas avoir pensé.
« Lysander Scamander, fais-je en soupirant. Comment vont tes pieds ?
– Pas super, figure-toi, puisque mon charmant frère a trouvé astucieux de faire tomber dessus son Syllabaire Lunerousse. »
Je grimace en souriant. Il a dû avoir mal. Il a dû le chercher un peu aussi.
« Et les tiens, ça va ? me demande-t-il en s'esclaffant.
– Mes pieds ? Oui, ils ont de l'entraînement depuis le temps alors ils ont plutôt bien récupéré.
– D'ailleurs, fait-il l'air de rien. Tu m'as un peu abandonné hier, tu as fait quoi ? »
Je fronce les sourcils en penchant la tête.
« Merlin, est-ce que j'avais signé un contrat ou quelque chose stipulant explicitement que je devais passer la soirée avec toi ?
– Non mais je crois bien que les consignes étaient de ne pas quitter la Grande Salle et qu'à un moment, tu n'y étais plus.
– Tu es décidément très observateur, Lysander. Je te félicite, dis-je en levant les yeux au ciel.
– Tu as raté mon moment de gloire en plus. »
Il a des petits yeux de chien battu. Il me fait un peu de la peine. Je prends un air faussement déçu :
« Comment ça ? Je n'ai pas pu te voir manger trente patacitrouilles d'affilée ? Tu ne peux pas savoir à quel point ça me chagrine... »
Il secoue la tête, s'arrête de marcher pour faire son petit effet et annonce fièrement :
« J'ai dansé avec Garance Froste. »
Je m'arrête aussi en le dévisageant quelques instants. Il a dansé avec Garance. Depuis quand il veut danser avec Garance ? Et pourquoi veut-il absolument me le dire ? Je devrais lui expliquer qu'il fait bien ce qu'il veut, c'est le principe d'être adulte et qu'il n'y a pas marqué confidente sur mon front. Mais ça me fait sourire quand même, rien que de l'imaginer avec elle.
« Et ses pieds vont bien ? »
J'ai un petit froncement de sourcil inquiet. Il met quelques secondes à comprendre que je me moque de lui et soupire.
« Je ne lui ai pas demandé, mais sache qu'elle danse mieux que toi parce qu'elle n'a pas fait souffrir davantage les miens.
– Eh bien, je ne savais pas qu'elle t'intéressait. Quelle nouvelle croustillante.
– Oh, Mollynette, tu es jalouse ? »
J'éclate de rire directement. Quelle drôle d'idée. Pourquoi je serais jalouse de Garance ? Moi aussi j'ai eu le droit à danser avec un certain Lysander Scamander, et franchement, ça ne rend pas ma vie plus merveilleuse. Peut-être qu'il pense qu'il a un super-pouvoir. Je devrais le prévenir un jour mais pas aujourd'hui, il a l'air trop fier de lui pour que je blesse son orgueil comme ça. Mieux vaut le laisser encore un peu dans l'illusion.
« Mais en soi, Froste serait un bon parti. Elle a de bonnes notes, elle est sérieuse, elle est préfète ... Bon, elle est à Serpentard mais ce n'est pas toi qui peut critiquer ça, n'est-ce pas ? »
Il rit en me faisant un petit clin d'oeil. J'ouvre de grands yeux en m'immobilisant. Qu'est-ce qu'il vient de dire ? Elle est à Serpentard et je ne peux pas le critiquer pour ça ? Qu'est-ce qu'il sous-entend exactement ? Je fais mine de ne pas avoir vraiment entendu, un poil perturbée mais tentant tout de même vaillamment de ne pas me laisser submerger par les battements de mon cœur paniqué.
« Non mais c'est vrai, tu as bien embrassé Wilkes, je peux faire ce que je veux avec Garance ! »
Je dois lui jeter un regard un peu trop effaré, ça le fait rire un peu nerveusement. Comment peut-il être au courant ? Pourquoi est-il toujours au courant de tout de ma vie privée ? Merlin mais ce n'est pas possible ! Il voit mon visage se décomposer et ajoute :
« Rassure-toi, on a juste dansé sur une chanson ! Ce n'est rien de grave, tu restes quand même ma partenaire préférée. Respire, Molly Weasley, ce n'est pas la peine d'aller lui casser la figure. »
Il me prend par les épaules comme pour me consoler alors que je n'ai pas bougé d'un poil. Il me secoue un peu. Ça le fait sourire mais je n'arrive pas à déterminer comment il a pu savoir pour ce baiser échangé dans un couloir sombre et sans témoin. Je tente un démenti en plissant les yeux :
« Qu'est-ce que tu racontes sur Wilkes ? Je ne l'ai pas embrassé ...
– Première nouvelle ! s'exclame-t-il instantanément en prenant un ton scandalisé. Alors tout ce que tu as raconté sur cette fameuse soirée du grand quiz que Léon t'a fait payé et tout ... Tout cela n'était que de la comédie pour alimenter les ragots ? Tu es une excellente actrice, Molly Weasley, vraiment ... Et quelle imagination pour avoir inventé tous ces rebondissements, j'en reste sans voix. »
Il accompagne même son discours de quelques applaudissement qui résonnent dans le couloir. Je soupire de soulagement. Il parle de l'autre fois. Tout va bien. Je lui fais signe de laisser tomber avec un petit sourire.
« Ah oui, j'avais sorti ça de ma mémoire, comme tous les autres rebondissements désastreux de mon existence. Tu disais donc que j'étais ta préférée ? J'en suis très touchée, Scamander. Je crois même que je suis un peu émue. Il faut que tu préviennes Froste avant qu'elle ne s'imagine des choses, ajouté-je avec un sourire amusé en baissant la voix.
– Tu as raison, je l'en avertirai. »
Il hoche la tête sérieusement avant de craquer et de se mettre à rire. Puis il regarde sa montre et grimace :
« J'avais l'intention d'aller à la bibliothèque pour bosser mais comme d'habitude, toi, vile Gryffondor, tu essayes de me saboter pour que je ne fasse pas de meilleure dissertation de potion que toi. Je te connais, Weasley, tu es si fourbe ! Tu veux venir avec moi pour effacer tes péchés ? »
Je considère la possibilité et me rappelle que Léon doit toujours y être. Comme je suis partie un peu rapidement tout à l'heure, je me vois mal revenir si vite, même avec Lysander. Je grimace et secoue la tête :
« Désolée, je viens d'y passer la matinée alors j'ai eu ma dose.
– Mais Molly, Lorcan m'a interdit de l'approcher, je vais me retrouver tout seul !
– Débrouille-toi ! Je crois bien que Garance y est, tu n'as qu'à en profiter pour lui demander d'être son partenaire de travail. »
Il soupire en gardant un petit sourire alors que je m'éloigne en le saluant d'un geste. Au moins, il a réussi à me rendre le sourire avec ses bêtises. Mais il m'a quand même fait une petite frayeur. Bon sang, j'ai vraiment cru qu'il savait et savourait doucement le plaisir de me voir me décomposer sur place. Si Lysander n'est pas au courant, il y a peu de chance que qui que ce soit puisse le savoir. En général, il est bien informé sur tout ce qui se murmure dans les couloirs. J'aime bien le fait que ce soit secret, pour une fois, que ce petit moment si étrange n'appartienne qu'à moi. Mais ça lui donne un aspect vaporeux, irréel. Il n'y a rien de concret, ça n'a rien changé. Si ça se trouve, ça n'est même pas arrivé.
Je pourrais en parler avec Roxanne mais elle est obsédée par le Quidditch. Ils ont un match contre les Serpentard la semaine prochaine et c'est un match qu'on ne peut pas se permettre de perdre. Je l'écoute faire un discours dans la salle commune avant de me lasser et de m'allonger sur le canapé de tout mon long. Lucy vient s'asseoir par terre, juste à côté de moi. Elle se met là pour me chuchoter à l'oreille :
« J'ai demandé à Tristan de danser avec moi, hier. »
Elle est un peu rouge et elle me regarde avec un petit air inquiet. Je me redresse et l'invite à se mettre à côté de moi. Allongées l'une à côté de l'autre, je passe une main dans ses cheveux plus raides que les miens. Elle les tient plus de maman, ils sont aussi plus foncés. Je lui demande en chuchotant :
« Et il a accepté ? »
Elle hoche la tête mais elle a des larmes qui scintillent dans les yeux. Elle se blottit contre moi. Je l'entends juste sangloter :
« Oui, mais je n'ai pas dansé avec lui. J'ai eu peur d'un coup et je suis partie. Alors qu'il avait dit oui. Je suis si bête, Molly, je sais pas pourquoi je suis partie.
– C'est pas grave, Lulu, ce n'est rien. »
Je continue à lui caresser doucement les cheveux. Elle mouille un peu mon chemisier mais je la laisse faire, je ne suis plus à ça près cette semaine. Je voudrais lui dire qu'elle a encore le temps, qu'elle apprendra avec l'expérience à oser plus et à ne plus avoir peur mais je sens que ces mots sonneront faux parce que je ne suis pas mieux qu'elle. J'ai juste appris à bien le cacher parfois. Je continue à lui chuchoter que ce n'est pas grave. Et je ne peux pas m'empêcher de penser à autre chose.
« Tu sais, Lucy, il a fallu de longs mois à Papa pour qu'il ose ne serait-ce qu'adresser la parole à Maman. Et la première fois qu'il l'a invitée au restaurant, il n'est pas venu, parce qu'il était en retard, trop stressé et qu'il manquait beaucoup de confiance en lui.
– Il a fait ça ? demande-t-elle en reniflant.
– Oui, et tu vois, ça n'était pas perdu pour autant. Il faut juste que tu prennes un peu de confiance en toi, comme Papa, et que tu ne te défiles pas. Ce n'est pas facile mais, après tu verras, vous rirez ensemble de ces premiers ratés. »
Elle hoche la tête, toujours posée sur ma poitrine. J'entends sa petite voix qui me brise le cœur :
« Elle me manque, Maman.
– Je sais, Lucy, elle me manque aussi beaucoup. »
Et je la serre fort contre moi pour qu'elle ne remarque pas mes petites larmes au bord des yeux.
***
Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien !
Alors j'ai une nouvelle à vous annoncer, suite à l'écriture de ce chapitre, je me suis lancée (littéralement) sur une nouvelle idée. Je suis en train de vous concocter, mes amis, une petite fanfiction sur la rencontre de Percy et d'Audrey et j'avance bien, j'ai déjà sept chapitres de prêts alors elle devrait sortir bientôt ! J'espère que vous aurez la curiosité d'aller y jeter un coup d'œil ^^
Sur ce, bisous et n'hésitez pas, comme d'habitude, à laisser un petit vote et un petit commentaire pour me dire ce que vous avez pensé de ce chapitre-là !
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