Samedi 5 Octobre

Il est encore tôt mais je n'ai plus envie de dormir. La soirée d'hier est encore imprimée sur ma rétine et je n'arrive pas à arrêter de penser à tout ce que ça implique. Des milliers de questions tournent dans ma tête. Est-ce que je dois prévenir Papa ? Non, c'est idiot. Est-ce qu'il faut le montrer au grand jour ? Est-ce qu'il faut faire une annonce ou quelque chose comme ça ? Est-ce que c'est normal, tout ce que je ressens ? Est-ce que ce tee-shirt n'est pas un peu trop serré ? Est-ce qu'il faut que je mange mon petit-déjeuner à la table des Poufsouffle ? Est-ce que ça y est, je suis en couple avec Scott Reeve ? Ma respiration s'accélère, cette idée me fait légèrement paniquer. Je ne connais pas les règles du monde du couple, j'ai toujours été une vraie célibataire. Qu'est-ce que je dois faire ? Manger. Faisons ça. Allons-y alors qu'il n'y a encore que peu de personnes dans la Grande Salle. J'enfile une jupe grise et ma chemise rouge Gryffondor.

« Salut, Molly ! Bien dormi ? »

J'ai cru une seconde que c'était lui mais ce n'était que Lysander qui allait lui aussi remplir son estomac de pudding. Je lui souris distraitement, presque déçue.

« On peut dire ça, réponds-je en me dirigeant vers la table des courageux et espérant qu'il n'ose pas me suivre mais il s'installe à côté de moi. Tu pourrais manger avec les Serdaigle, non ?

– Non, ça m'ennuie, tout le monde est trop gentil là-bas et je ne me sens pas tant que ça à ma place, dit-il avec un sourire mesquin. Alors qu'ici, avec toi, je suis dans mon élément.

– Je n'ai pas vu Lorcan en cours, hier, déclaré-je sans plus m'attarder sur sa pique. Coralie Catham avait même l'air de s'inquiéter pour lui. »

Il croise mon regard et comprend certainement la nuance. Il hausse les épaules et jette un coup d'œil à la table des Bleu et Bronze. Il hésite un peu avant de dire :

« Je n'ai pas vraiment essayé de lui parler mais Eugénie m'a dit qu'il lui avait dit qu'il ne se sentait pas très bien. Il a passé la nuit à l'infirmerie, je pense. Il n'a rien, je crois qu'il se cache.

– De toi ? demandé-je entre deux bouchées de tartine à la marmelade.

– Non, de toi. Tout le temps que tu passes avec ce jeune Poufsouffle est autant de temps qu'il passe à souffrir et ressasser. Si tu veux mon avis, il lui faut quelques jours encore pour digérer. Mais vu ta tête, j'ai l'impression que tu ne vas pas tarder à sortir avec lui. »

Je hausse les sourcils pour le dévisager. J'essaye de paraître tout à fait outrée mais une autre partie de moi ne peut s'empêcher de sourire. Mes joues rougissent un peu, je me réfugie dans la nourriture pour ne pas avoir à parler de Scott avec Lysander. Il éclate de rire et me donne un coup de coude.

« Tu n'es tellement pas discrète. C'était bien le coucher de soleil avec lui ? me questionne-t-il avec un rictus amusé.

– Je t'en prie, tu m'espionnes maintenant ? m'exclamé-je.

– Je vous ai vu revenir, hier soir, des bords du lac, avoue-t-il. Tu étais très mignonne avec ton air gêné et tes joues rouges. »

Je m'étouffe presque en le suppliant du regard de se taire. Il secoue la tête comme pour me dire que j'étais irrécupérable. Ce qui est certainement vrai.

« Weasley, fait une voix derrière moi, tu te souviens qu'on a une réunion pour cette merveilleuse soirée qu'on organise. »

Je me tourne vers mon homologue de Serpentard qui avait comme surgi derrière nous. Je suis presque soulagée de quitter le sujet de mes amours. J'acquiesce sèchement en disant :

« Oui, je sais bien. Mais il est encore tôt, on a tout notre temps.

– Je préférerai la faire maintenant, sauf si tu as quelque chose d'autre d'urgent.

– C'est vrai, autant le faire maintenant, ça fait moins mal quand on enlève rapidement le pansement sur la plaie.

– On y va alors ? »

Wilkes, impatient, tape nerveusement son pied par terre en regardant autour de lui. Je prends le temps de finir de boire mon jus de citrouille, avec une lenteur exagérée pour l'exaspérer. Je me lève finalement, jetant un regard entendu à Lysander, le priant de se taire à vie s'il veut la garder. Je suis Léon jusqu'à notre salle réservée pour les réunions où je m'installe sur le canapé alors qu'il me regarde fixement, assis au petit bureau.

« C'est ton idée nulle, c'est toi qui prend des notes, déclaré-je en croisant les bras et en allongeant mes jambes sur le sofa. Alors on commence par quoi ?

– Tu vas sortir avec ce Poufsouffle ? demande-t-il d'un ton détaché en plongeant sa plume dans l'encre.

– Oui. Tu es jaloux ? »

En entendant sa question je me suis presque demandée pourquoi je ne l'avais pas anticipée. J'ai répondu du tac au tac, sans trop réfléchir à la vérité. Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire avec Scott, tout ce que je sais, c'est que ça ne regarde certainement pas Léon Wilkes. Il hoche la tête, presque impressionné et embraye sur un autre sujet :

« Je pense qu'il faut qu'on mette des affiches pour informer tout le monde de la soirée et chercher des gens qui voudraient participer.

– Moi, je pense que tu ne poses pas la question innocemment. En quoi ça t'intéresse que je sorte avec Scott ?

– Donc on fait ça et on doit être précis aussi sur les horaires. McGonagall ne nous donnera pas jusqu'à très tard dans la soirée, on doit caler au moins le concert de ton cousin et prévoir des plages horaires bien délimitées.

– Tu es suspect à éviter le sujet, dis-je en ignorant ses paroles et en le fixant d'un regard noir. Tu as toujours l'intention de me dénoncer ? »

Il pose sa plume et me regarde en soupirant. Il a l'air particulièrement tendu et sérieux. C'est rare, c'est mon rôle normalement. Mais je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel en m'allongeant complètement sur le canapé. Il serre la mâchoire et reprend sa plume :

« Tu devrais te concentrer, tu es aussi impliquée que moi dans la gestion des activités.

– C'est ton idée. Tu n'as toujours pas répondu à mes questions, lui fais-je remarquer en claquant la langue sur mon palais.

– Je fais exprès pour t'exaspérer. Tu es autant responsable que moi de l'échec de la dernière fois. »

Je lui lance un regard foudroyant en m'écriant :

« Personne ne t'a demandé de te venger en public ! Tout allait très bien jusque là.

– Peu importe, ça ne t'empêche pas de travailler, constate-t-il d'une voix qu'il essaye de poser le plus possible.

– J'ai répondu à ta question, tu pourrais au moins faire pareil, ajouté-je en soupirant.

– Je ne te donnerais pas cette satisfaction. Tu es quelqu'un à qui on a toujours tout donné, il est peut-être temps que tu apprennes que la vie ne marche pas toujours comme ça.

– Tu ne connais rien de ma vie, Wilkes, je ne te permets pas de dire que j'ai une vie facile.

– Parce que tu provoques les ennuis, commente-t-il en continuant à noter des choses sur son parchemin.

– De ton absence de réponse, j'en déduis que tu es effectivement jaloux, ce que je ne comprends pas. Tu as déjà deux copines, il serait peut-être temps de t'arrêter là, tu ne crois pas ? »

Il laisse sa plume en suspend dans les airs et respire profondément. Il a dû faire des progrès en méditation et détente. Je souris mesquinement, je veux qu'il me réponde, il va bien finir par craquer. Je reprends, consciente d'aller vers les limites :

« Qu'est-ce qui t'a fait dire que je voulais sortir avec Scott ? Tu m'observes, toi aussi ? Tu as des espions qui me surveillent ? Pourquoi est-ce que tu fais ça ?

– Ferme-la, Weasley, tu es fatigante. Alors, la soirée commencera après le dîner, comme pour le quiz. On peut dire qu'à vingt heures, il faudrait que tout soit installé, les gens peuvent arriver au fur et à mesure, on aura mis une scène pour qu'ils puissent faire leur truc. McGonagall est contente, ça dure deux heures à tout casser et moi je remonte faire un after dans la salle commune de Serpentard.

– Tu ne m'invites pas cette fois-ci ? l'interrogé-je innocemment en me délectant de la situation.

– Non, tu risquerais de ramener ton Poufsouffle et ils sont fortement prohibés. »

J'esquisse un sourire amusé en formant avec mes lèvres le mot jaloux. Puis, je me redresse et m'assois pour mieux travailler. On organise comme on peut la soirée en nous donnant du travail à faire, les affiches, le collage, le recrutement. Tout ce que j'adore. J'embaucherai Lysander pour le faire à ma place. Alors que j'allais quitter la pièce, Léon m'arrête en disant :

« Je ne suis pas jaloux. Je suis presque content. Il a pas l'air d'être méchant, un peu idiot certainement mais j'ai le sentiment que vous allez vous faire souffrir mutuellement, dans un sens, ça me réjouit.

– Génial, quel bel esprit tu as.

– Tu m'inspires, murmure-t-il. Amuse-toi bien pendant que tu le peux encore.

– Des menaces en l'air, dis-je implacablement en ouvrant la porte.

– Tu oublies la dernière fois, à moins que ce n'était pas suffisamment réel pour toi ? »

Je ne réponds pas et claque la porte derrière moi. Vraiment, je crois que je vais devenir rapidement amie avec Léon Wilkes. Je soupire en riant à cette blague faite à moi-même. Je préfère me mettre à la recherche de Scott Reeve. Je ne saurais pas dire pourquoi je veux le voir. Pour discuter, peut-être un peu cette fois. En général, c'est lui qui me trouve, il doit être dans sa salle commune. Quelle chance alors de croiser le préfet de Poufsouffle. Je l'appelle :

« Hé, Dorian ! Tu vas comment ? »

Il se retourne vers moi avec un sourire et hausse les épaules comme pour dire que ça ne va pas mieux ni pire que d'habitude. Il me sort quelques banalités avant que je n'ose demander :

« Tu ne saurais pas où est Scott par hasard ? J'ai ... quelque chose à lui rendre, ajouté-je en remarquant que ça pouvait être suspect de le chercher sans raison.

– Je l'ai croisé il y a une dizaine de minutes dans le parc, il s'entraînait pour un sortilège je crois. »

Il me regarde suspicieusement, comme s'il avait une petite idée de pourquoi je voulais réellement le voir. Je le remercie en souriant et remonte rapidement dans mon dortoir pour récupérer la veste de Scott que je dois effectivement lui rendre. Je me dirige ensuite rapidement vers l'extérieur. Je ne sais pas pourquoi j'ai l'impression que tout le monde est déjà au courant de ce qu'il s'est passé hier soir. Pourtant, je n'ai pas le sentiment de gêne, de honte ou quelque chose de négatif comme la dernière fois. Je l'aperçois entre les arbres, il a l'air en effet de lancer quelques sorts. Il ne me voit pas arriver alors j'en profite pour m'approcher discrètement de lui pour le suspendre.

« Reeve, qu'est-ce que tu es allé raconter à tout le monde ? glissé-je dans son oreille en le faisant sursauter.

– Que ... ? Molly ! »

Je lui lance sa veste à la figure en riant et m'amuse à observer ses yeux ahuris. Il bafouille quelques mots alors que je laisse échapper un petit rire. Il me demande, presque inquiet :

« Comment ça ? Qu'est-ce que j'aurais raconté ? Je ne comprends pas ...

– Je blaguais, détends-toi, dis-je en souriant. Tu m'avais laissé ta veste alors que je n'avais même pas froid, je voulais juste te la rendre. Et en effet, il y a aussi plusieurs personnes qui soupçonnent quelque chose. »

J'ajoute qu'il ne doit pas s'en faire en m'installant au pied d'un arbre alors qu'il reste toujours debout, à me regarder, interloqué. Il soupire au bout d'un moment et s'assoit à côté de moi. Il chuchote :

« Je suis désolé, on a peut-être pas été suffisamment discret. Et en plus, je t'ai laissé une preuve.

– Ne t'en fais pas, j'ai dit à tout le monde que je voulais sortir avec toi. »

J'ai lâché ça en souriant, sans hésitation, sur le ton d'une banalité. Son regard reflète, je pense, son désarroi. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Est-ce qu'il n'y croit pas ? Est-ce qu'il espère avoir mal entendu ? Si ça se trouve, il ne m'aime pas du tout et ne fait ça que pour sa mission ou quelque chose comme ça. Il ne devait pas s'y attendre en tout cas pour avoir l'air de tomber de la tour d'Astronomie. Je fronce les sourcils, toujours les lèvres un peu étirées et je déclare d'une voix tranquille :

« Si ce n'est pas ce que tu veux, je vais tous leur annoncer que ce n'était qu'une mauvaise blague dans le but d'assouvir ma soif de revanche.

– Non ! s'écrie-t-il en posant une main sur mon bras. Je ne m'y attendais pas, c'est tout. Je pensais que tu voulais garder ça secret.

– Tu pensais que je pouvais avoir honte de toi ? Voyons Scott, ça m'arrive d'être bizarre mais ... »

Je sens soudainement ses lèvres se joindre aux miennes, m'empêchant de finir ma phrase. Il esquisse un sourire et soupire de soulagement. Les battements de mon cœur se font de plus en plus rapides, je pose une main sur son torse pour qu'il recule légèrement. Il a presque l'air aux anges, il écarte une mèche de mes cheveux derrière mes oreilles, comme pour mieux m'observer.

« Désolé, dit-il d'une voix basse en se mordant la lèvre, je t'ai coupé la parole.

– Je ne sais plus ce que je voulais dire de toute façon. »

Il plonge son regard dans mes yeux et pendant quelques minutes, ce qui paraissait une éternité, on s'est regardé en souriant. J'ai fini par dire, un peu embarrassée :

« Tu travaillais, je t'ai dérangé peut-être ?

– J'avais déjà du mal à me concentrer mais alors là, ça va être impossible de s'y remettre, reconnaît-il en secouant la tête.

– Tu veux que je t'aide ? »

On passe quelque temps tous les deux, je lui explique mieux le geste pour lancer le sortilège de Désillusion. Au bout de quelques longs essais, il parvient enfin à en lancer un correct.

« Tu vois, déclaré-je, ce n'était pas si compliqué que ça.

– Merci, dit-il en souriant, qu'est-ce que je ferais sans toi ? »

Je n'ai rien répondu, lui expliquant qu'il était l'heure d'aller manger et que mes cousins me poseraient certainement tout un tas de question auxquelles j'aurais bien du mal à répondre et qu'il valait mieux que j'y aille seule. Il a dit qu'il devait repasser dans sa salle commune de toute façon. On s'est laissé dans le hall, nous disant au revoir d'un sourire et d'un regard appuyé.

« Dis donc, Molly, tu vas pas nous faire croire que ce n'est pas ce qu'on croit, dit Roxanne en me voyant arriver près de la table des Gryffondor. Tu faisais quoi ?

– Je travaillais. Et je ne vais pas essayer de vous faire croire quoi que ce soit, vous en savez certainement plus que moi, non ? »

Un peu perdue, Lucy, ma petite sœur, demanda :

« Attends, c'est vrai ce qu'il se dit ? Tu aimes le Poufsouffle ? Mais tu ne me l'as pas présenté !

– Il a un nom, déjà et je fais ce que je veux, dis-je en haussant les épaules ce qui a tendance à la scandaliser.

– Scot-cot, laissa échapper Roxanne en riant. C'est une bonne nouvelle, au moins tu vas peut-être commencer à me comprendre quand j'ai envie de passer du temps avec Evan.

– Tu as toujours fait ce que tu voulais, en général, c'est toi qui vient me voir parce que tu trouves qu'on ne passe pas assez de temps ensemble, lui fais-je remarquer en souriant.

– Ah, s'exclama James, sans vouloir changer de sujet. J'ai préparé une petite demi-douzaine de chanson pour la petite fête. J'ai croisé Wilkes, il m'a dit que vous étiez en train d'organiser ça. »

Et la discussion a pu dériver tranquillement. Me laissant respirer un peu. C'était moins pire que ce à quoi je m'attendais. J'ai passé la fin de ma journée à travailler à la bibliothèque où Eugénie m'a rejoint. Je n'ai pas recroisé Scott mais c'est bien comme ça. J'ai l'impression que ça faisait longtemps que je n'avais pas eu une si bonne journée. Il faut savoir assumer ses choix et aujourd'hui, je ne sais pas comment j'aurais pu faire mieux.

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