Samedi 2 Novembre

Il n'y a moyen d'être tranquille nulle part, c'est une constante à Poudlard. La bibliothèque ressemble à la Volière car un groupe de première année s'est installé en plein milieu et ça piaille comme pas possible. J'ai bien essayé de leur expliquer de se taire mais ils ont ricané bêtement et se sont mis à chanter une chanson du cru de James. J'en ai collé quelques uns en retenue à aller récurer des vieux chaudrons avec Madame Griffith. Ça les a fait un peu moins rire sur le coup. Mais rapidement ils se sont mis à protester et à être aussi insupportables qu'avant. J'ai lâché l'affaire, si un préfet plus patient que moi passe à la bibliothèque, peut-être arrivera-t-il à s'en débarrasser mais aujourd'hui, je ne peux pas.

Mais c'est justement devant la porte de la salle de bain des préfets, où j'espérais naïvement pouvoir me détendre, que j'ai croisé la préfète de Serpentard. Elle est gentille, Garance Froste, je n'ai rien contre elle mais j'ai toujours l'impression qu'elle va me faire la morale. Elle croise les bras, comme si elle m'attendait. Je la dévisage en grimaçant.

« Salut, Froste. Tu avais l'intention de prendre un bain ou je peux y aller ? »

Elle a un petit sourire en coin et hausse les épaules. Elle me dit, d'un ton un peu mystérieux :

« En fait, je me disais justement que ce serait intéressant de discuter un peu avec toi.

– Ah, tu as encore quelques difficultés à comprendre la métamorphose moléculaire ?

– J'ai arrêté la métamorphose, Merlin merci, dit-elle en souriant. Non, je veux te parler d'autre chose... Ça te dit de faire trempette avec moi ? »

Je fronce les sourcils. On dirait une proposition inconvenante mais je ne vois pas pourquoi je devrais me méfier de Garance plus que de quelqu'un d'autre, elle n'est pas du genre à essayer de me noyer dans le bain. Je hoche la tête, doucement et la laisse ouvrir le passage. J'enlève mes chaussures et je m'installe au bord du bassin, mettant juste mes pieds dans l'eau. Elle va ouvrir quelques robinets, un peu au hasard et s'assoit à côté de moi. Une douce odeur de jasmin se répand dans la pièce. Elle me regarde sérieusement et je n'arrive pas à anticiper vraiment de quoi elle a l'intention de me parler.

« Tu vas bien en ce moment ? demande-t-elle sans avoir l'air de vraiment s'en soucier.

– Je me porte comme je peux. Et toi, tu es sûre que tu vas bien ? J'ai entendu dire que tu avais dansé avec Scamander, je m'inquiète pour ta santé mentale. »

Elle ferme les yeux en se retenant de rire et hoche la tête en remettant une mèche de cheveux noirs derrière son oreille : 

« Oui, les ravages des quelques verres d'hydromel que Côme m'a fait boire, tu connais.

– Mieux que tu ne le crois, murmuré-je.

– Il m'a dit d'ailleurs hier que tu restais sa préférée mais qu'il ne voulait pas qu'il y ait de concurrence malsaine. Ou un truc dans le genre ... Entre nous, Weasley, Scamander est le cadet de nos soucis, non ?

– Mais laisse-le y croire un peu, c'est marrant et ça le rassure. C'est un garçon sensible. »

Elle hoche la tête en riant un peu. J'échange un regard amusé avec elle. C'est une fille sympa, Garance. C'est beaucoup moins pénible de parler avec elle qu'avec des personnes comme Emeline ou Brittany mais elle a toujours l'air d'avoir une idée en tête et de savoir déjà tout. En cela, elle a un petit côté énervant. Elle agite un peu ses pieds dans l'eau pour former des bulles avant de dire :

« Ce n'est pas exactement de ça dont je voulais te parler. En fait, il s'agit plus de Léon.

– C'est étonnant. »

Je lève les yeux au ciel en laissant échapper un petit rire sarcastique. Parler de Léon. Est-elle sûre de son coup ? Je pourrais aussi la noyer dans le bassin. Elle devrait faire attention à elle. Mais elle me regarde avec son petit sourire entendu. Bien sûr qu'elle sait.

« Viens-en au fait, Froste.

– Il s'est comporté comme un salaud, dit-elle un peu soudainement. Je te jure, Weasley, je lui aurais remonté les bretelles directement si j'avais été là.

– J'ai cru un instant que tu allais le défendre, fais-je un peu soulagée.

– Je peux comprendre qu'il s'inquiète pour Emeline, dit-elle. Mais bon sang, j'ai halluciné quand il m'a dit qu'il ne savait plus où il en était. Moi qui avait cru qu'en te fréquentant un peu, ça le rendrait plus malin ... »

Je souris, contente de m'être trouvée une alliée inattendue. Elle a l'air scandalisée et en même temps, elle ne peut pas se retenir de rire un peu. Elle n'a pas l'air de franchement adorer Emeline, ce que je peux largement comprendre.

« Il t'a tout raconté ?

– Pas vraiment, il a raconté des bribes et j'ai remis dans l'ordre. En même temps, ce n'est pas très dur à deviner. Rien qu'hier à la Bibliothèque, j'ai cru que tu allais lui cracher dessus et il était tellement gêné ...

– Les autres sont aussi au courant ? Je veux dire Côme, Marius et tout ?

– Merlin non, ne t'inquiète pas pour ça, fait-elle en riant. Ils sont sympas mais ils sont aveugles pour les trucs comme ça. Ils pensent que Léon est juste paniqué à cause Emeline, ce qu'il est certainement, mais ils ne s'imaginent pas que ... Enfin, ce genre de choses, ça les dépasse.

– Ça ne doit pas être simple de traîner tous les jours avec eux, dis-je en fronçant les sourcils.

– On s'y habitue. Et c'est toujours mieux que de traîner avec Emeline et Brittany. Je te jure, l'autre jour, j'ai cru que j'allais déplacer mon lit chez les mecs ou chez les filles de sixième année. »

J'ai de la compassion pour elle, j'ai presque hésité à l'inviter chez les Gryffondor mais il y a tout de même des limites. Elle tourne son regard vers moi, plissant les yeux, soudain un peu suspicieuse.

« Il y a quelque chose qui m'interroge, Weasley, que je ne comprends pas bien. »

Je suis presque sûre de savoir ce qu'elle va me demander et je ne sais pas bien la réponse. Elle ne me déçoit pas :

« Pourquoi tu l'as laissé faire ?

– Faire quoi ?

– Repartir avec Lovener. Il est évident que tu n'étais pas contre le fait qu'il t'embrasse. »

Je sens que je rougis fortement, j'ai aussi quelques battements de cœur qui résonnent un peu plus fort. Je hausse les épaules. Je n'ai pas l'impression que l'on m'a laissé le choix. J'aurais pu faire quoi ? Le retenir et qu'il n'aille pas sauver Emeline ? Je n'aurais pas pu et de toute façon, la vitesse à laquelle il a réagi ne m'a pas laissé le temps de faire quoi que ce soit. J'ai juste laissé les choses se faire et visiblement Léon voulait retourner avec elle. Je ne vais pas le forcer. Ce n'est pas comme si je tenais tant que ça à ce qu'il continue de m'embrasser, ça n'aurait pas beaucoup de sens. Dans le feu de l'action, je veux bien. On était très fatigué et je sais que l'hydromel n'est pas si fort que ça mais ça a bien dû jouer quelque part. Je ne peux pas répondre à Garance. Elle enlève ses pieds de l'eau et les sèche d'un coup de baguette. Elle me dit, avant de partir : 

« Et il est évident que Léon en avait très envie. »

Je ne la regarde pas, fixant juste les bulles éclater dans le bain. Elle s'en va, j'entends la porte se refermer. Merlin, j'ai comme des frissons qui me parcourent tout le corps. Ça ne va pas mieux. Même en sachant ça, c'est peut-être même pire. Il a fait un choix conscient malgré tout. Il n'y a rien que je puisse faire. Je déteste ça. J'ai l'impression d'avoir été effacée en quelques secondes sans avoir le droit à une explication.

Je me lève en soupirant. Je ne sais pas quoi faire avec tout ça. Ça m'énerve. Ça ne devrait même pas m'énerver tant que ça, c'est Léon. C'est juste ce Merlin de Léon Wilkes. J'essaye de remettre mes chaussures mais j'ai encore les pieds un peu mouillés et ils ne veulent plus rentrer dedans. J'ai beau m'énerver dessus et essayer de forcer, ça ne marche pas. J'envoie valser une chaussure à l'autre bout de la pièce, d'un coup de pied rageur.

« Merlin ! »

J'ai envie de crier pour de bon mais je me retiens en entendant un petit ricanement. Ça doit être Mimi Geignarde. Je ferais mieux de partir. Je récupère ma chaussure et me dépêche de sortir de là. La dernière fois que j'ai croisé Mimi, elle m'a parlé pendant deux heures de ses petits malheurs en me criant dessus et en pleurant encore plus fort quand j'essayais de m'éclipser discrètement. Maintenant je préfère largement fuir avant, même pieds nus dans les couloirs.

Je déambule quelques temps, espérant peut-être faire peur à des première année. Puis j'arrive pas loin du bureau de McGonagall et je m'assois par terre pour remettre mes chaussettes. J'adore marcher sur les tapis doux de Poudlard mais j'ai encore un peu de dignité. Minerva n'a certainement pas envie de m'avoir dans les pattes en ce moment mais j'ai besoin de la voir et de lui poser des questions. Qu'est-ce qu'il est arrivé exactement à Emeline ? Qui aurait pu faire ça ? Pourquoi ? Qu'est-ce que le Ministère veut imposer à Poudlard ? Discuter un peu avec elle de choses tout à fait banales en résumé.

J'allais entonner le mot de passe pour rentrer quand la statue d'aigle a fait un tour sur elle-même et j'ai alors entendu des voix inhabituelles. Je crois les reconnaître, ça me fait un petit peur, j'en ai les mains moites. Les voix descendent les escaliers et apparaissent juste devant moi deux hommes. L'un est imposant, vêtu d'un costume sombre et d'une barbe brune. L'autre est plus petit, a des yeux d'un bleu si clair qu'ils en deviennent effrayants et des cheveux châtains striés de quelques mèches blanches tirées en arrière. Ils s'arrêtent devant moi. Le Ministre m'observe de ses yeux perçants et sourit.

« Mademoiselle Weasley, je présume ? dit-il en révélant ses dents brillantes. Vous ressemblez à votre père. »

Il agite le doigt vers mes cheveux roux et bouclés comme ceux de Percy. Je frémis, n'osant rien dire, préférant le regarder avec méfiance. L'homme derrière lui, qui a la manie de toujours vérifier derrière son épaule si quelqu'un arrive et qui semble pouvoir réduire en bouillie n'importe qui avec une seule main, doit être Gawain Robards, le chef des Aurors. Vilnius Lovener adresse un signe de la main à l'homme large et il fait quelques pas avant de me dire, d'un ton qui semble poli mais que je ressens comme une agression :

« Moi qui avait déjà tant entendu parler de vous, c'est un plaisir de vous rencontrer. Nous nous reverrons certainement un jour, Mademoiselle. »

Je ne réponds toujours pas, soutenant juste son regard malgré la légère peur qui naît dans mon ventre. Ça ressemble presque à une menace, ça me hérisse les poils. Ils s'en vont, détachant enfin leurs yeux de moi. Merlin, je n'aime pas du tout ça. Les savoir entre les murs de Poudlard, me faire repérer de cette manière, voir ce sourire si désagréable et ces yeux trop bleus. Je secoue la tête avec dégoût. Cet homme a tellement fait de mal à notre famille. En battant mon père de manière déloyale, utilisant la disparition de Maman contre lui, le traînant dans la boue pour des faits passés et pardonnés. Et l'autre n'est pas mieux.

Après la guerre, ceux qui ont combattu pendant la Bataille de Poudlard ont pu accéder au rang d'Auror facilement. Tant que Kingsley Shacklebolt était là, il n'y a pas eu de problème, tout allait bien. Mais quand il est tombé malade, s'est affaibli et a voulu se retirer, ça a été un véritable carnage. Il y avait ma famille contre le reste du monde.

Robards, déjà chef des Aurors, voyait Harry Potter et ces jeunes Aurors compétents monter et a eu peur pour sa place. Il s'est allié à Lovener et a profité de la défaite de mon père pour créer une unité spéciale rendant hommage à leur rôle héroïque. Ils se sont tous retrouvés à faire des opérations médiatisées, pour que le Ministère prouve son utilité et sa puissance. Mais je l'ai bien vite compris, même si ce ne sont des choses qui ne sont que murmurées aux dîners de famille, c'était comme un piège qui s'est refermé sur eux. Réduits à faire de la propagande contre leur gré, les meilleurs Aurors étaient écartés des vrais enjeux. C'est pour ça que mon oncle Ron a fini par se retirer et a préféré soutenir George et sa boutique. Harry est resté par dépit, sûrement avec un peu d'espoir d'arranger les choses et par peur de ce qu'on pourrait dire de lui s'il partait des Aurors.

Je suis montée trouver McGonagall dans son bureau, persuadée qu'elle partage mes inquiétudes. Elle discute à voix basse avec quelques tableaux d'anciens directeurs. Je toussote pour annoncer ma présence. Elle affiche un pâle sourire en se retournant.

« Professeur, commencé-je d'une petite voix. Je viens de croiser Monsieur le Ministre. »

Elle hoche la tête en soupirant et je sens qu'elle est fatiguée, même si elle veut certainement ne pas le montrer. Elle m'invite à m'asseoir en face d'elle à son bureau et elle prend une petite boîte en dessous d'une petite pile de livres. Elle l'ouvre et me la tend.

« Servez-vous, Weasley. »

Ce sont des petits biscuits au gingembre. Je souris, un peu étonnée par ce geste et en prends un pour croquer dedans. Ils sont excellents. Elle en prend un elle aussi, le regard un peu perdu dans le vague.

« Une brigade d'Auror va être déployée à Poudlard, annonce-t-elle d'une voix distante.

– Le Ministère s'immisce dans les affaires de Poudlard, chuchoté-je pour moi avant de goûter à nouveau aux biscuits.

– Le Ministre en fait une affaire personnelle. Le conseil d'administration a voté favorablement. Ils veulent éliminer la menace ou fermer l'école. »

Elle parle sans me regarder, comme si je n'étais pas vraiment là, pas vraiment censée entendre ces informations. J'ouvre la bouche, inquiète, mais ne dis rien, pour ne pas la perturber. On ne sait jamais, elle peut dire d'autres choses intéressantes. Mais Minerva a l'air sombre et mange juste un autre biscuit.

Elle finit par me dire de m'en aller, elle a des affaires à régler. Je redescends les escaliers rapidement. Il faut que je trouve Roxanne, Victoire, James, n'importe qui qui pourrait comprendre le malaise provoqué par cette rencontre avec le Ministre. J'en ai encore des frissons.

C'est Rose que je croise au détour d'un couloir, elle discutait avec Kiran Thomas et une autre amie à elle, de Serdaigle. Elle m'arrête d'un geste et me regarde avec inquiétude.

« Lovener est ici, n'est-ce pas ? fait-elle avec une grimace de dégoût.

– Je l'ai croisé tout à l'heure, affirmé-je en hochant la tête, ce qui n'a pas l'air de lui faire plaisir. Des Aurors vont venir apparemment.

– Des Aurors ? Il s'imagine que la bande de bras cassé qu'il a décidé de promouvoir va réussir à nous protéger ? s'exclame-t-elle, scandalisée.

– McGonagall était dépitée, je ne l'avais jamais vu comme ça, dis-je en pinçant les lèvres avant de me tourner vers Kiran. Comment tu vas ? »

Elle hausse les épaules, l'air incertaine. Je hoche la tête, compréhensive.

« C'est un peu dur de savoir qu'il continue à y avoir des agressions sans explications, articule-t-elle d'une petite voix. Peut-être que des Aurors seront les bienvenus, non ? »

Rose soupire en croisant les bras, convaincue du contraire, comme moi. Je ne crois pas que les Aurors envoyés par le Ministère seront compétents et surtout, je ne suis absolument pas sûre qu'ils soient là pour protéger les élèves. Je sens encore le regard de Lovener et Robards sur moi. J'y vois tout le plaisir qu'ils prennent à s'insinuer dans les failles, comme ils savent si bien le faire. Ils vont s'infiltrer à Poudlard et ça n'annonce rien de bon. Rose doit le sentir aussi, elle tente d'expliquer à Kiran pourquoi les Aurors ne seront pas utiles. Elle ressemble tellement à sa mère quand elle fait ça, elle utilise le même langage, les mêmes manières. Ça me fait sourire un peu.

Mais je comprends Kiran, ils seront nombreux à réagir comme elle. C'est presque du bon sens d'ailleurs mais chaque décision de Lovener incite à la méfiance et celle-ci ne fait pas exception. Ils vont nous surveiller, je pourrais en mettre ma baguette au feu.

J'ai presque envie d'envoyer un hibou à Papa, ce que je n'ai pas fait depuis longtemps. Lucy garde la correspondance hebdomadaire avec lui, lui donnant de mes nouvelles mais je m'abstiens de lui écrire directement. Peut-être que je lui en veux toujours un peu, peut-être que je suis un peu dure avec lui. Il saura certainement rapidement les derniers événements. Je me promets de lui écrire dans la semaine, pour lui faire une sorte de petit bilan, qui ne le rassurera d'ailleurs peut-être pas.

**

Bonjour chers lecteurs, je me surprends moi-même par tant de régularité, ça n'était plus arrivé depuis longtemps (y a-t-il corrélation avec le fait que je ne travaille plus vraiment pour mes cours/concours ?) Peu importe, je profite de l'envie que j'ai d'écrire pour vous partager ce nouveau chapitre en espérant qu'il vous plaise. N'hésitez pas comme d'habitude à me dire ce que vous en pensez !

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