Samedi 19 Octobre (3/3)

« Alors, Scott, dis-moi, quel projet as-tu pour la suite ? Tu as une idée de ce que tu voudrais faire après avoir quitté Poudlard ? »

Scott est plutôt à l'aise face aux questions de Percy. Il ne panique pas, reste calme, ne fait pas d'allusion à sa condition de membre d'un groupuscule occulte. Ça doit être facile pour lui, ce n'est qu'un mensonge de plus.

« Je n'ai pas encore une idée très précise. J'hésite encore, j'aimerais faire quelque chose au contact des hommes, où je puisse me sentir utile. Mais ce seront surtout les résultats des Aspics qui pourront déterminer ce que je pourrais faire.

– Tu as l'air d'être travailleur, mon garçon, tu devrais y arriver. »

Percy a vraiment l'air d'apprécier Scott. Je croise les doigts pour qu'il le fasse encore longtemps. Et puis les regards se tournent vers moi. J'esquisse un sourire pâle. Il va certainement me poser aussi la question. Je me raidis un peu. Il adore cette question, moi pas. Et ça ne rate pas.

« Et toi, Molly, tu as pris le temps pour réfléchir à ce que tu voudrais faire l'année prochaine ? Je suis sûr que tu pourrais facilement entrer dans un bon département au Ministère. J'ai discuté avec quelques uns de tes professeurs et ils étaient très enthousiastes.

– Je ne sais pas si rédiger des rapports sur les fonds de chaudron est mon rêve, murmuré-je avant me rattraper en souriant. J'ai encore un peu de mal à me projeter, je ne sais pas encore. »

Percy n'a pas l'air d'avoir entendu ma remarque un peu désagréable. Il continue à me parler de son ambition pour moi :

« Il ne faut pas que tu traînes trop, Molly. L'année passera rapidement et si tu veux demander des stages ou un poste au Ministère, il ne faudra pas t'y prendre trop tard. Tu as tout à fait les capacités pour qu'ils t'acceptent mais tu ne seras pas toute seule à vouloir les quelques places qu'il y a. »

J'affiche un sourire poli mais je n'arrive pas à être aussi enthousiaste que lui à l'idée de travailler au Ministère. Il ne voit pas le peu d'attention que j'accorde à ses paroles. J'échange un regard avec James qui comprend facilement mon énervement qui pointe le bout de son nez. Il a l'air de sincèrement compatir. Mais Percy ne s'arrête pas. Le Ministère, c'est sa passion. Et même avoir échoué à avoir le poste le plus haut placé ne lui enlève pas sa passion pour l'institution, c'est plutôt impressionnant. Mais je n'ai aucune envie de travailler sous les ordres de Monsieur Vilnius Lovener, le père d'Emeline, que je prends un certain plaisir à mépriser. Un peu par provocation et pour l'arrêter, je lâche :

« En fait, il y a bien quelque chose qui m'intéresserait... Tu sais quand il faut commencer à envoyer les dossiers pour la formation d'Auror ? »

Je fixe les yeux de mon père. Ils sont écarquillés à l'idée que je puisse m'engager dans quelque chose d'aussi dangereux. Et il arrête net de me parler du Ministère, préférant soudain s'intéresser aux projets de James. J'esquisse un sourire satisfait. Il ne m'encouragera jamais à être Auror, c'est bien trop risqué à ses yeux. Je ne sais pas si c'est ce que j'ai réellement envie de faire mais j'aime bien l'idée de me battre contre des criminels et de faire gentiment peur à mon père.

Le repas se finit dans une ambiance un peu étrange, presque lourde. J'ai l'impression d'être la seule à la sentir mais je me sens aussi particulièrement mal à l'aise que Scott soit là, avec nous. Peut-être que je suis simplement trop stressée par la présence de Percy. Je ne sais pas vraiment.

Tout le monde sort de table, s'éparpille et je regarde Scott dans les yeux, perdue. Papa m'annonce qu'il doit parler avec McGonagall. J'acquiesce distraitement. Il serre à nouveau la main de Scott qui sourit, très aimable, qui n'hésite pas à le flatter un peu, le remercier de sa gentillesse.

« Molly, ça ne va pas ? me demande le Poufsouffle en penchant la tête vers moi.

– Je pense que j'ai besoin de prendre l'air.

– D'accord, on n'a qu'à aller vers le lac ...

– Seule. »

Je coupe court à toute proposition de sa part pour me lever un peu brusquement et m'éloigner le plus possible. J'étouffe dans cette atmosphère trop chaleureuse de la Grande Salle, j'étouffe entre ces sourires feints et ces non-dits. Roxanne est une bombe à retardement, Papa risque de ne pas apprécier la fin de l'histoire et Scott est un danger dissimulé derrière une façade agréable. Je suis pire que les autres. J'ai l'impression d'avoir pactisé avec le diable. Merlin, il faut que je respire.

J'avance dans le doux froid du mois d'Octobre. Le vent fait battre mes cheveux et menace de faire s'envoler mon nœud. Je marche sans trop réfléchir vers la vieille cabane d'Hagrid. Il vit toujours là, à demi-géant, ne fait plus cours mais s'occupe toujours des animaux de le Forêt Interdite. Je ne m'intéresse pas tellement aux animaux dangereux et je ne l'ai pas vu depuis longtemps. Je ne suis pas une fidèle amie. Beaucoup moins que Lorcan. Il adorait aller boire le thé là-bas. Je l'accompagnais du temps où l'on faisait encore des choses ensemble.

Comme un coup de massue, je me rends compte soudain qu'il a trouvé quelqu'un d'autre avec qui partager de tels moments. Quel bonheur ça doit être pour lui. Partager des gâteaux rochers avec une jolie blonde. Quelqu'un d'intéressant et de doux. Il a dû retenir la leçon. Je me sens stupide. Coralie est une fille sympa, elle l'aime sûrement beaucoup, saura prendre soin de lui. Elle est intelligente, parle bien et a un sourire sincère. Mais je suis comme Lysander, je me sens un peu trahie. Par le temps. Tout a changé en si peu de temps. Je ne parle plus à Lorcan, j'ai un peu peur de me confronter à lui, je préfère discuter avec son frère. Celui qui était pourtant toujours le deuxième Scamander. Celui qui avait trahi devient honnête et l'autre s'éloigne de plus en plus.

Je m'arrête de marcher au beau milieu du chemin, prenant soudain conscience que Lorcan pourrait être dans la petite hutte pour présenter à Hagrid sa nouvelle petite-amie. Il y a de la fumée qui sort de la cheminée, des silhouettes qui se baladent à travers les carreaux. Croiser un regard comme le sien est la dernière chose qu'il me faudrait.

Je fais demi-tour, lassée par la vie. Fatalement, je me retrouve à nouveau dans le Hall, ce carrefour de Poudlard où tout le monde passe sans cesse. Tout le monde, même ceux qu'on ne veut pas voir.

« Hé Weasley ! A ce qui paraît tu ressors avec l'autre blaireau? »

Je plisse les yeux pour mieux observer le préfet-en-chef sauter sur l'occasion pour pouvoir me parler de ma vie privée. Je ne réponds pas à la provocation, si ce n'est par l'ombre d'un sourire. Je me défile un peu, commençant à marcher vers les escaliers avant qu'il ne se plante devant moi. Il se met à ma poursuite, disant d'une voix haute exprès :

« Je croyais que c'était la pire personne que tu connaissais pourtant. Il t'avait pas brisé, ou quelque chose comme ça ? »

Je préfère ne pas répondre, continuer ma route, ignorer les remarques désagréables. Mais au fond, on sait tous que c'est difficile de rester muet face à ça.

« Qu'est-ce qui a changé entre temps ? Il t'a dit qu'il t'aimait à en mourir ... Non, ce n'est pas vrai, il ne t'a quand même pas menacé de se suicider pour toi ? Je suis outré ! A moins que ce ne soit la soudaine venue de Papa Weasley qui ait tout remis en jeu ...

– Tu as fini ? »

Je m'arrête en haut des escaliers pour le regarder. Léon lève des yeux satisfaits vers moi, comme si sa seule volonté avait été de me faire réagir à tout prix. Je le dévisage, avec une pointe de colère. Il souriait et cesse brusquement pour me regarder avec un air grave.

« Tu ne veux pas qu'on en discute, propose-t-il, on a une salle pour ça il me semble.

– Il n'y a rien à dire. Je fais ce que je veux de ma vie. Point final. Les gens qui pensent être légitimes pour en discuter avec moi ont tendance à m'énerver.

– Je cherche juste à comprendre comment tu peux retourner avec quelqu'un qui t'a fait souffrir autant, dit-il avec l'air vraiment inquiet.

– J'étais en colère contre lui mais, quand on a pu s'expliquer calmement, je l'ai compris et je lui ai pardonné. Tu pourrais plutôt me féliciter pour ma capacité d'écoute et d'empathie. »

Il secoue la tête, peu convaincu. Je hausse les épaules. S'il ne veut pas me croire, c'est tant pis pour lui. Il me laisse prendre un peu d'avance et me rejoint, juste pour briser mes espoirs de solitude. Je vais finir par le frapper.

« Mais il avait fait des choses graves, non ? Sinon tu n'aurais pas fini dans cet état. Écoute, Weasley, pour ton bien, tu ferais peut-être mieux de faire attention. Ou sinon tu finiras comme la dernière fois, si ce n'est pire ...

– Merci de t'inquiéter pour moi mais je crois que je peux me débrouiller toute seule. Je t'assure, asséné-je en l'empêchant de dire autre chose. Maintenant, laisse-moi tranquille, il faut que j'aille voir mon père.

– Et ton père, il en pense quoi que tu sortes avec un mec qui t'a fait souffrir ? »

Je ne réponds pas, je ne me retourne même pas, continuant ma route vers le bureau de McGonagall. Le pire, c'est que je me dis exactement la même chose. Il m'a fait souffrir une fois, pourquoi pas deux.

J'arrive à point nommé devant le bureau de la directrice. Mon père et elle sont en train de discuter à la porte, soucieux. En me voyant apparaître, Percy soupire, l'air grave et m'invite à les rejoindre.

« Molly, Minerva m'a dit que tu avais été impliquée dans cette affaire Selwyn ? Cette jeune fille est dans un état terrifiant, je ne comprends pas comment des personnes peuvent être violentes à ce point.

– Vous aviez demandé à son frère s'il savait quelque chose, n'est-ce pas ? demande McGonagall en me regardant à travers ses petites lunettes carrées.

– Oui, c'est exact. Côme est plus sérieux depuis un certain temps, je me suis dit qu'il coopérerait volontiers, d'autant plus qu'il est assez protecteur envers sa petite sœur. Donc je lui ai posé quelques questions. Il m'a dit notamment qu'elle n'avait pas beaucoup d'amis à Poudlard et qu'il la soupçonnait d'être attirée par la magie noire. »

Je me suis interrompue. J'aurais pu parler de la lettre mais je ne le fais pas. Ne vaut-il pas mieux attendre que Scott parle ? Ou est-ce que je dois anticiper pour que ça ne paraisse pas suspect ? Minerva reprend la parole avant que je ne puisse continuer :

« Oui, ça ne m'étonnerait pas, les professeurs aussi ont remarqué son isolement, ainsi qu'une importante baisse dans les résultats. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Donc voilà, Percy, où nous en sommes, autrement dit, nous ne savons pas grand-chose, si ce n'est que des mages noirs semblent pouvoir s'attaquer à des élèves de Poudlard. »

Elle me jette un coup d'œil en croisant les bras. J'ai comme l'impression qu'elle attend que je révèle ce que je sais. Sauf qu'elle ne peut pas le savoir, n'est-ce pas ? Elle ne sait pas que je sais quelque chose d'autre. Mais c'est Minerva McGonagall, elle sait probablement tout. Je baisse un peu les yeux, légèrement stressée. Percy, toujours les sourcils aussi froncés, déclare :

« Tout cela est extrêmement préoccupant. Je vous en suis reconnaissant de m'avoir appelé. Demain, j'irai sur les lieux de l'attaque pour voir les alentours, peut-être discuter avec avec les habitants de Pré-au-lard, chercher quelque chose sur quoi nous appuyer.

– Je vous remercie d'être venu, Monsieur Weasley. Je n'aurais pas apprécié faire appel aux Aurors du Ministère par les temps qui courent. Molly, aviez-vous autre chose à nous dire ? »

Bouche-bée, je suis restée à les regarder fixement. Oui, j'ai définitivement quelque chose d'autre à vous annoncer mais le souvenir de Scott si apeuré, de ses mains tremblantes alors qu'il me suppliait de l'aider, tout ça m'empêche de parler des Salvateurs. Pas maintenant, demain, quand on aura décidé précisément ce qu'on a à dire. Astrid est dans un état désastreux notamment par notre faute, je ne peux pas jeter Scott dans la gueule du loup sans le prévenir, sans un plan clair et infaillible.

« Ces derniers jours ont été un peu compliqués, je n'ai pas pu finir mes recherches. Je pense que je pourrais vous faire part du résultat demain. »

Papa fronce les sourcils alors que Minerva hoche la tête gracieusement. Bafouillant une excuse, quelque chose à faire ailleurs, je m'éclipse. Il vaut mieux fuir avant de subir un interrogatoire de Papa, inquiet parce que sa fille pourrait être, d'une manière ou d'une autre, en danger. Certes, je le suis un peu mais si je trouve le moyen de faire évoluer la situation, les cartes pourraient être rapidement rebattues. Pour l'instant, les Salvateurs ont l'avantage de l'anonymat et du secret mais il suffirait de donner un coup de pied dans l'essaim pour en faire sortir toutes les abeilles. Scott n'avait pas tort. Il faut qu'il devienne notre atout, notre agent double.

C'est pendant je me préparais à aller me coucher que Roxanne est enfin venue vers moi. Le regard un peu méfiant et les bras croisés. Elle m'observe quelques secondes, attendant certainement que je lui explique de moi-même. Ce que je ne tarde pas plus à faire. Je m'assois sur mon lit, l'invitant à faire de même, et après un peu soupir, dit :

« Bon d'accord, j'imagine que tu ne comprends pas pourquoi je suis à nouveau avec Scott. Et honnêtement, c'est assez légitime, moi-même, j'ai trouvé ça un peu précipité ... Mais, écoute, il a su trouver les bons mots pour m'expliquer et, je ne pouvais pas ne pas lui pardonner.

– Merlin, mais quoi ? Ce qui m'intéresse, Molly, c'est que tu sois heureuse. J'ai compris la leçon, d'accord ? Si tu es mieux avec lui, même si ce n'est pas ce que tu avais l'air de penser hier, alors sois avec lui. L'important, c'est d'éviter le plus possible qu'il y ait une nouvelle chute. Alors je ferais de mon mieux pour te soutenir. »

Je regarde ma cousine qui, fière d'avoir retenu la leçon pour une fois, affiche un sourire beaucoup plus doux que d'habitude. Je la prends dans mes bras, la remerciant d'un chuchotement :

« Merci, Roxanne Weasley. J'avais si peur que tout recommence.

– Tu sais très bien que moi aussi, Molly Weasley Junior. Tu sais très bien que la pire des choses qui pourrait nous arriver est de nous séparer. »

Et, à la regarder dans les yeux, j'ai eu une envie soudaine de tout lui raconter. Pourquoi je suis retournée avec Scott, ce qu'il s'est vraiment passé, toute cette histoire de Salvateurs, de groupe de magie noire, Astrid Selwyn, mes espoirs présents. Et je ne dis rien, je ne fais que lui sourire, cette envie au bord des lèvres et quelques larmes qui reviennent au bord de mes yeux. Je me replonge entre ses bras avant qu'elle ne remarque mon mal être. J'ai juste besoin qu'elle soit là, une chaleur éternelle, auprès de moi, dans n'importe quelle situation. Et elle semble s'y résigner, pour une fois, et ne pose pas de question. Elle reste là, à réchauffer mon cœur à peine réparé.

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