Samedi 19 Octobre (1/3)
Je me lève de très bonne heure et de pas très bonne humeur. Je ne sais pas quand Papa est censé arriver et ça m'angoisse. Je ressors de ma malle une jolie petite jupe noire, sage, et un chemisier rose pâle qui avait dû appartenir à Victoire dans une autre vie. J'ai même accroché un petit nœud noir dans mes cheveux. Ça me donne des allures de petite fille modèle, je sais que papa aime bien et il faut mettre toutes mes chances de mon côté. Je suis prête à l'accueillir. En arrivant vers la Grande Salle, je croise les frères Scamander, ils ont l'air de se disputer. Ça m'a tout l'air d'être quotidien ces derniers temps. Je passe sans m'arrêter. La dernière chose dont j'ai besoin en ce moment, c'est de créer de nouveaux problèmes.
Quelques minutes plus tard, alors que je remue mes céréales dans mon bol sans réussir pour autant à les faire parvenir jusqu'à ma bouche, Lysander s'assoit à côté de moi, visiblement énervé. Je commente :
« C'est une bonne journée qui commence.
– Tu n'es pas au courant de la nouvelle ? »
Je n'ose pas lui répondre. De toute façon, il va finir par le dire tout seul. Je hausse juste les épaules, le laissant déverser sa colère :
« Monsieur Lorcan sort avec Coralie Catham.
– Et ça t'étonne ? dis-je en souriant à moitié. Il y avait des signes avant coureur quand même...
– Il n'est même pas venu m'en parler avant, s'offusque le Serdaigle en attrapant une tartine pour y mettre de la marmelade dessus d'un geste brusque. Je n'aime pas ça, on ne discute plus, on ne fait que s'engueuler à chaque fois qu'on se parle.
– Je suis désolée pour ça. »
Il tourne ses yeux vers moi et fronce les sourcils en secouant la tête. La bouche pleine de marmelade, il dit :
« Ce n'est pas de ta faute, tu sais, si Lorcan est un idiot. D'ailleurs, tu es prête pour la venue de ton père ? »
Je baisse les yeux vers mon bol, perplexe. Suis-je prête ? Je n'en sais rien. Est-ce que Percy est prêt à entendre que sa fille est sortie avec un futur mage noir ? Je ne sais pas non plus. Je fais un petit sourire crispé.
« On verra bien. Je ne sais même pas à quelle heure il doit venir.
– Il n'y a pas de raison pour que ça ne se passe pas bien. Tu lui as dit pour Scott et toi ?
– Certainement pas. Mais je ne sais pas s'il faut que je le fasse maintenant...
– En parlant du loup, voilà Scott qui arrive ... qui s'approche même et a l'air de vouloir te parler ... Tu veux qu'on s'en aille ? »
Je pivote rapidement pour voir Scott se précipiter en effet vers moi. Je fais une petite grimace en laissant tomber mon bol pour me lever, déterminée.
« Reste-là, je m'en occupe. »
Lysander me regarde m'éloigner pour rejoindre Scott qui me prend le bras. Je sais que le Scamander me surveille du coin de l'œil, je pose ma main sur les doigts de Scott pour qu'il les enlève immédiatement de ma peau.
« Qu'est-ce que tu veux ?
– J'ai une proposition à te faire. C'est très important. »
Il a l'air particulièrement préoccupé et pressé et regarde sans cesse par dessus son épaule. Je ne sais pas vraiment quoi en penser. Mon regard croise celui de Lysander qui nous fixe. Je lui adresse un léger hochement de tête avant de pousser mon ex-petit-ami devant moi pour qu'on aille autre part pour discuter à l'abri des oreilles indiscrètes. Je le suis jusqu'au parc malgré le froid qui s'insinue sous ma jupe.
« Dépêche-toi de m'expliquer, avant que ma patience ne se fasse la malle.
– J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit hier. Je sais que tu penses bien faire mais on ne peut pas faire ça comme ça.
– Bah voyons, comme c'est étonnant. Si ta proposition est que je revienne sur mes paroles et que je ne dise rien à personne, tu dois savoir que c'est perdu d'avance.
– Je veux bien que tu en parles à McGonagall et à ton père. Mais ... »
Je ne peux pas m'empêcher de laisser échapper un petit rire méprisant. Le « je veux bien mais » me semble si incongru. Je soupire :
« Tu n'as pas de condition à y mettre. Regarde-toi, Scott, tu es en tort depuis le début, tu vas en payer les conséquences. Un point c'est tout.
– Tu sais que si ton père apprend ce qu'il s'est passé, que tu étais au courant pour moi, que tu as fait une petite escapade avec moi la nuit, que, malgré tout, tu ne lui as jamais dit avant, il va être terriblement en colère contre toi.
– Jusque là tu ne m'apprends rien.
– Mais il risque d'être encore plus en colère contre moi, s'écrie-t-il, moi qui ait entraîné sa fille dans une telle galère.
– Ce sera bien fait pour toi, déclaré-je sans pitié.
– Si tu le dis à ton père, non seulement les Salvateurs me le feront regretter mais, lui, il me tuera. »
Je le regarde avec un petit sourire. C'est peut-être en effet ce qui se passera. Mais je ne vois pas d'autres solutions. Il me prend par les épaules comme pour me secouer.
« Tu ne peux pas les laisser faire du mal à toute ma famille, je sais que tu me détestes et que ça te fait plaisir de me voir souffrir mais des innocents sont en danger. Si j'accepte de tout dire à ton père, il me faut une protection, quelque chose comme ça.
– Tu lui demanderas toi-même, il arrive bientôt, lui fais-je remarquer froidement.
– Non, il faut que tu me protèges. Molly, si c'est toi qui me présente à ton père comme quelqu'un d'honnête, quelqu'un qui cherche à se repentir et ... Et quelqu'un auquel tu tiens, il sera plus clément. Il ne voudra pas te blesser en me blessant et pourra me protéger. Est-ce que tu comprends ? »
Je le regarde, ses yeux sont rivés sur les miens. J'y décèle un désespoir incroyable, il tente tout, il n'a plus de limite, prend n'importe quel risque pour s'en sortir. Est-ce que je comprends ce qu'il essaye de me dire ? J'ai l'impression, oui, j'ai l'impression de comprendre ce qu'il veut et ça me révolte.
« Je savais que tu étais perfide, mais à ce point ...
– Molly, chuchote-t-il en s'approchant de moi, réfléchis. Si tu acceptes de ressortir avec moi juste pour ce week-end, tu ne sauves pas seulement ma vie mais celle de plein d'autres personnes.
– C'est du chantage, murmuré-je, complètement outrée. Tu n'as pas le droit de me faire ça.
– Tu sais que c'est la meilleure solution. Après ça, je pourrais m'échapper des griffes des Salvateurs, tout s'arrêtera. C'est bien ce que tu souhaites, n'est-ce pas ? Que ce qu'il s'est passé pour Astrid ne se reproduise pas. Je pourrais informer ton père sur ce qu'il se passe à l'intérieur du groupe. Je suis un atout que tu ne peux pas laisser passer. »
Je déglutis. J'ai beau savoir qu'il continue à me manipuler, je ne peux pas m'empêcher de laisser ses arguments se creuser un chemin dans mon esprit. Mes yeux brillent de colère contre lui, parce qu'il n'arrête pas de me faire souffrir. Je dis d'une voix sourde :
« Et si tu sors à nouveau avec moi, tu pourras finir ta mission, ils seront contents. Je ne veux surtout pas leur faciliter la tâche.
– Que ... ? Ce n'est pas de cela qu'il est question. Il est question d'en finir avec eux. Je t'aime Molly, tu le sais, je n'ai jamais cessé. Tout ce que je veux, c'est te protéger. En avouant tout à ton père, on pourra se protéger tous les deux.
– M'obliger à sortir avec toi contre ma volonté, ce n'est pas ce que j'appelle me protéger ! m'écrie-je en reculant d'un pas vif. Laisse-moi y réfléchir, je ne sais pas ce que ... Si on ressort ensemble, personne ne trouvera ça cohérent, pas après ce qu'il s'est passé. Je ne suis même pas sûre de bien jouer le jeu. »
Je le regarde avec douleur. Même si on suit son plan, ça ne marchera peut-être pas. Je n'ai aucune envie de sentir à nouveau ses lèvres sur les miennes, le semblant d'amour que je pensais avoir pour lui s'est envolé avec la colère. Il hoche la tête, déçu. Je ne sais plus quoi dire, ni même quoi penser. Papa va arriver d'une minute à l'autre et je me retrouve à devoir faire un choix cornélien. En vérité, ce qu'il me propose n'est pas si idiot, ça pourrait marcher. Papa serait certainement plus compréhensif si je lui explique que Scott est un ami, ou plus. Je pourrais dire que je l'ai quitté en découvrant ce qu'il me cachait et que, tous les deux, on regrette de n'avoir rien dit plus tôt. Mais d'un autre côté, je n'ose même pas imaginer la réaction de Roxanne, de Léon ou encore de Lysander. Ils vont se demander à quoi je joue. Scott interrompt mes pensées en disant :
« Faisons comme si rien ne nous avait jamais séparé. Essaye de retrouver cette flamme qui illuminait tes yeux.
– C'est trop tard. Tu as tout brisé en anéantissant la confiance que j'avais en toi. Je ne peux pas faire ça. Ce ne serait pas convaincant et ça te nuirait plus qu'autre chose. »
J'ai les larmes aux bords des yeux, je n'arrive pas à prendre une décision. J'ai beau regarder Scott qui me fait face, tenter d'y voir pourquoi j'étais tombée amoureuse de lui, je n'y retrouve qu'un arrière goût désagréable d'amertume. Il s'approche de moi doucement et pose une main sur ma joue. Ce contact me fait frémir. Je ferme les yeux, il passe ses doigts sous ma paupière pour essuyer une petite larme qui s'y était échappée. Je revois Astrid sur son lit d'Infirmerie, Maman dans mes rêves emprisonnée, cette soirée dans la grotte. Je ne peux pas les laisser continuer. Je rouvre les yeux, Scott est toujours là, si près de moi.
« Je ne te laisserai pas tomber, murmure-t-il. Molly, tu peux me faire confiance, j'ai retenu la leçon. Essayons au moins ce week-end. S'il te plaît. »
Complètement perdue, j'attrape sa main qui frôle encore ma joue et je la serre fortement. S'il se sert à nouveau de moi, je lui ferais regretter un million de fois plus fort. Si j'accepte, il faudra que ça vaille vraiment le coup, que ce que je risque de perdre soit infiniment moins important que ce qu'on y gagnera. Gardant sa main dans la mienne, je déclare :
« Rentrons au château, Percy est peut-être déjà arrivé. »
Il ne dit rien, me suit en silence, conscient d'être sur un fil, de pouvoir tomber en disgrâce à tout moment. Une fois à l'intérieur, je parcours le hall des yeux, mon père n'a pas l'air d'être là. Tant mieux, j'ai un peu peur de ce qu'il peut se passer s'il me voit avec Scott en arrivant.
« Weasley, qu'est-ce que tu fais à tenir la main de ce Blaireau ? »
Je lâche la main de Scott en esquissant un mouvement de recul, puis je me tourne vers celui qui vient de parler. Mike Douglas. Quel petit crétin. Je le dévisage avec mépris et ne prends même pas la peine de lui répondre, préférant chuchoter à Scott :
« Si c'est ça toute la journée, je te préviens, ma patience aura des limites.
– Tu es quelqu'un d'incroyable, on va y arriver, crois-moi, dit-il au creux de mon oreille et son souffle effleure mes cheveux.
– Il y a intérêt. »
Je foudroie du regard l'insupportable élève de première année blond qui fait semblant de tomber dans les pommes tant il est choqué. Il est ridicule. Je plisse les yeux en échangeant un regard avec Scott. Il murmure en remettant droit mon nœud dans les cheveux :
« Détends-toi, tout va bien se passer. Et souris aussi, tu es bien plus belle avec un sourire. »
Je ne peux m'empêcher d'étirer un peu mes lèvres. Mais en me sentant légèrement rougir, en sentant soudain mon cœur s'accélérer un peu trop, j'ai soudain un peu peur. Peur que tout recommence, de retomber une nouvelle fois. Il faut que je reste sur mes gardes. Et Papa qui n'arrive pas ... Qu'est-ce que je fais ? Je ne peux pas rester toute la journée à l'attendre dans le Hall, c'est stupide, j'ai tous mes cours à rattraper. Je soupire en disant :
« Tu pourrais me passer les cours que j'ai raté ? Si on doit attendre Percy, autant le faire utilement, plutôt que rester plantés là à angoisser.
– Bien sûr, je vais les chercher. On se rejoint devant la Bibliothèque ?
– Oui, merci. »
Ses yeux s'accrochent aux miens pendant quelques secondes avant qu'il n'effleure mes lèvres et s'en aille d'un pas rapide. Je soupire, libérant quelque peu la tension qui s'était accumulée en moi. Merlin, qu'est-ce que je suis encore en train de faire ?
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