Samedi 12 Octobre (3/3)
Je pose une main sur la sienne, pour tenter tant bien que mal de lui faire comprendre que quelque chose de va pas. Il ne fait que resserrer l'étreinte, j'ai l'impression d'avoir de plus en plus de mal à respirer. Soudain, mes doigts frôlent un bout de papier. Mon regard tombe sur ma veste qui est sur la table à côté de moi. Je tourne les yeux avec anxiété vers la main de Scott. J'aperçois ce qui ne peut être que la lettre d'Astrid. Mon souffle se coupe, c'est comme si tout devenait à la fois très clair et terrifiant. D'une voix froide et dure, je dis :
« Lâche-moi, Reeve. »
Il s'immobilise. Je n'arrive pas à savoir s'il a compris ou s'il est justement dans un flou total. Mais au fond, je m'en fiche un peu, une colère sourde m'envahit, ravageant tout sur son passage. J'attrape son poignet un peu férocement et le pousse sans ménagement pour pouvoir descendre de la table et me mettre à sa hauteur. Il n'a pas l'air de réagir alors je lui arrache la lettre d'Astrid des mains.
« Molly, bafouille-t-il, qu'est-ce que ... ?
– Merlin, ne va pas me dire que tu ne sais pas ce qu'il se passe. Tu n'es pas un idiot, Reeve, n'est-ce pas ? Tu n'es rien d'autre qu'un petit manipulateur. Tu m'embrasses pour détourner mon attention et récupérer ça, je me trompe ? »
Je lui montre la lettre, la preuve de sa trahison que j'ai essayé de protéger, que j'ai voulu garder près de moi pour qu'elle soit en sécurité, qu'elle n'aille pas nécessairement sur le bureau de McGonagall. Scott tente de faire un geste dans ma direction, je l'esquive et sors ma baguette d'un mouvement vif. Je la brandis en direction de sa poitrine pour qu'il recule de quelques pas.
« Molly, arrête, je ne comprends pas ce que tu dis, minaude-t-il. Tu avais cette lettre que t'avait donné Selwyn et j'ai cru que ... Je ne sais pas, je voulais savoir pourquoi tu me cachais de quoi vous parliez.
– Non, fais-je en agitant un peu ma baguette pour l'inquiéter. Mauvaise réponse. Tu sais parfaitement ce qu'il y a sur cette lettre. Tu veux juste plus qu'elle ne soit en ma possession. Et tu es fourbe au point de me servir encore tes excuses bidons d'amoureux transi.
– Mais tu sais très bien que je t'ai...
– Non, le coupé-je avec colère. Je vais te lire ce qu'il y a sur cette lettre et tu verras que je sais déjà que tu m'as menti. Tu avais promis de m'en parler et de ne pas les recontacter. C'est trop simple d'envoyer des jeunes élèves à ta place ! »
Avec rage et toujours en pointant ma baguette vers lui, je déplie la lettre et je commence à la lire. Ma voix est de plus en plus tremblante.
« Chers Salvateurs, tout se passe comme prévu. Notre garçon a enfin réussi sa mission, il ne peut pas prendre contact avec vous mais le plan est en marche. Je continue à le surveiller et à vérifier que tout se passe bien. »
Je m'arrête pour le dévisager d'un regard noir, empli de déception. Il recule d'un pas, hésitant à répondre quelque chose. J'aurais aimé qu'il me dise que ça n'a rien à voir, que ce ne sont que des élucubrations d'une jeune serpentard en manque d'amour qui invente tout ça mais je sais déjà que ce n'est pas vrai. Il ne pourra pas me faire croire ça une deuxième fois, il le sait. Je n'ai plus confiance en lui, je me sens profondément trahie. Écœurée, je lâche :
« C'est quoi la suite du plan ? Que tu m'embrigades ? Que tu m'aveugles complètement pendant que vous recrutez au château ? Que tu puisses faire ce que tu veux et attaquer ceux qui sont contre vos idées ? Mais Merlin ! Dis quelque chose ! »
Je sens les larmes me monter aux yeux, je ne vais pas résister à la tentation de lui jeter un sort s'il ne parle pas rapidement. Mais quand il ouvre le bouche, je sais déjà que ce qu'il me dira ne me satisfera pas du tout.
« Je t'aime Molly, je t'ai déjà dit qu'ils n'étaient rien pour moi, je n'ai pas eu le choix, c'est tout. Je ne savais même pas qu'Astrid Selwyn faisait partie du même ... Je n'en avais aucune idée, Molly, crois-moi.
– Ah vraiment ? Alors comment tu sais que c'est Astrid Selwyn qui a écrit cette lettre ? Je ne l'ai pas dit, Scott. Tu t'enfonces de plus en plus. Et tu sais très bien que je ne pourrais pas te récupérer. Je ne voulais pas aller en parler à McGonagall parce que Côme s'inquiète pour sa petite sœur et que je voulais te protéger mais je ne sais plus très bien ce qui me retient. »
Il hurle mon prénom alors que je le bouscule pour sortir de cette salle. En passant la porte, ma vision se brouille, je sens que je vais littéralement exploser. J'avais tellement confiance en lui, je m'étais tellement attachée, j'étais tellement aveuglée. Je ne sais même pas si j'ai réellement envie d'aller le dénoncer à Minerva, avouer notre sortie nocturne à Pré-au-lard, l'existence d'un groupe de mage noire qui commence à infiltrer Poudlard. Il me rattrape, empoigne mon bras pour m'arrêter en me suppliant d'un gémissement :
« Molly, non, Molly, tu ne peux pas me faire ça. Ça n'a pas compté pour toi tout ce qu'on a vécu ?
– Ne me touche pas ! »
J'ai crié. Un silence phénoménal s'est installé, tout le hall s'est retourné vers nous. Il a enlevé sa main de mon bras lentement alors que je recule d'un pas. Tout le monde retient son souffle, Scott, comme moi, comme tous les autres spectateurs. Son menton se met à trembler, il va se mettre à pleurer. Je le dévisage sans aucune pitié, aucune compassion dans le regard. Un dégoût pur et simple. Ce qu'il fait me révulse, de la manipulation de bout en bout, je ne peux plus me faire avoir.
« Tu ne peux pas me faire ça, Molly, murmure-t-il. Attends qu'on en discute avant ...
– Non, ça suffit, Reeve. Dégage de mon chemin.
– Est-ce que tu vas aller le ... ?
– Si tu m'approches encore une fois, je te jure que je n'y manquerais pas. »
Il déglutit et recule de quelques pas avant de s'enfuir. J'ai le cœur qui bat à toute vitesse, des pulsations dans tout mon corps et dans ma tête. Merlin, dans ma tête, ça me lance, comme si un Focifère s'était mis à y chanter depuis trop longtemps. Je me rends compte qu'une multitude de regards curieux sont tournés vers moi. Je ne prends pas la peine d'expliquer quoi que ce soit, je fonce tête baissée dans la Grande Salle où James chante encore.
C'est une chanson d'amour, je ne vois autour de moi plus que des couples qui dansent l'un contre l'autre. Une vague d'émotion me traverse et amène quelques gouttes salées au coin de mes yeux. Je ne sais pas très bien ce que je cherche, pourquoi je ne suis pas remontée directement dans le dortoir et allée pleurer dans mon oreiller. Au fond, je sais que je veux trouver les yeux réconfortants de Roxanne, de Fred, de quelqu'un qui pourra me tenir dans ses bras. Je me sens si seule. Roxanne est accrochée au cou d'Evan et Fred serre Effie contre lui. Si seule.
« Hé, Mollynette, tu voudrais bien m'accorder cette danse ? »
Je me tourne vers le Scamander qui a posé une main sur mon épaule. J'ai cru un instant que c'était Lorcan mais ce n'est que Lysander. Son frère doit certainement danser quelque part avec Coralie Catham. Lysander me sourit, un peu tristement et je me jette presque dans ses bras pour qu'il ne voie pas toutes les larmes que j'ai envie de laisser couler. Elles trempent sa chemise mais peu importe, il m'enserre de ses bras et caresse doucement mes cheveux. Il se balance au rythme de la musique et ne dit rien. Il ne me fait même pas remarquer que je renifle dans son cou, il reste silencieux et je l'en remercie. Bercée par la musique et la douceur de cette danse inespérée, je finis par me calmer enfin.
« Dans la nuit de tes yeux
Où nagent les étoiles
Nos draps comme des voiles
Naviguent dans les cieux. »
La musique s'arrête sur les derniers accords de Franck, à la guitare. Je relève mes yeux rouges vers ceux de Lysander qui paraissent inquiets. Il chuchote :
« J'imagine que tu ne veux pas en parler. »
Je secoue la tête. Non, je ne veux pas en parler. Je ne veux plus y penser. Les larmes sont encore si proches, mes nerfs sont à vif. Il acquiesce, compréhensif. Mais mes pensées ne peuvent s'empêcher de me faire visionner à nouveau tous les moments passés avec Scott, ces sensations incroyables qui me semblent toutes être des trahisons, des mensonges. J'ai bien failli tout lui donner. Je m'effondre à nouveau en quelques secondes. James recommence à hurler : « Mais Molly c'est la mort ». Et c'est certainement vrai. J'ai comme l'impression de ne plus être en vie. La moitié de la salle penche la tête pour essayer de m'apercevoir. Délicatement, Lysander écarte la foule pour me faire sortir, il chuchote :
« Viens, on ne respire pas ici. »
Mais je continues à entendre crier autour de moi les couplets de James :
« Et on chante tous en cœur
Mais Molly c'est la mort
Merlin plein de rancœur
Elle te brise le cœur
Dans tes yeux la terreur
Sans pitié elle instaure
Pire qu'un alligator. »
Mon cousin ne se rend pas compte que tout a été inversé. Que je verse plus de larmes qu'un crocodile et que c'est moi qui ait le cœur brisé. J'ai la tête qui tourne, les paroles de la chanson, les mots de la lettre et ceux de Scott s'entremêlent dans mon esprit. Je suis Lysander sans réfléchir mais quand je me rends compte qu'il ouvre la porte de la salle vide où j'étais juste avant avec Scott, je me demande s'il n'a pas fait exprès pour me faire souffrir encore plus.
Ma veste gît la table où j'étais assise pendant qu'il m'embrassait. Je reste à la porte, à revoir se dérouler la scène, sa main dans la poche de ma veste qui récupère la lettre, ses baisers n'étaient qu'une stratégie. Comme la débutante que je suis, je suis complètement tombée dans le panneau. Lentement, je m'avance dans la pièce sous les yeux de Lysander qui reste silencieux en fermant discrètement la porte. Mes doigts effleurent le tissu de ma veste, maudite veste. Merlin. Mon regard s'assombrit, tout s'est écroulé autour de moi. Quelles barrières me retiennent ?
Je jette ma pauvre veste par terre dans un geste vif et j'attrape la première chose que je trouve devant moi, une chaise, et je la lance à travers la salle. Elle s'éclate contre le mur. Je renverse d'un mouvement brusque et enragé la table qui valse et va tomber sur celle de derrière. Cet élan de violence ne me paraît pas suffisant, je dégaine ma baguette et la fait tourner dans les airs. Les meubles de la pièce s'envolent tous, s'entrechoquent, se brisent les uns contre les autres dans un tourbillon furieux. C'est le chaos pendant quelques secondes, tout est sens dessus dessous et les débris de table se mélangent avec ceux de mon cœur dans un tumulte impressionnant. Puis tout retombe violemment sur le sol.
Ce n'est plus que des ruines. Je tombe moi aussi à genoux, contemplant le désordre que j'ai créé à travers mes yeux embrumés de larmes. Je n'arrive plus à rien faire d'autre que sangloter. Je déteste ça. Merlin, je déteste Scott pour m'avoir donner l'espoir que tout soit vrai.
Lysander s'approche doucement de moi et pose une main bienveillante sur mon épaule, il frotte mon dos pour me consoler. Il ne dit toujours rien. Je finis par relever la tête et je soupire entre deux reniflements :
« Je suis fatiguée, Lysander.
– Je sais, chuchote-t-il. Je te ramènerai ton dortoir quand tu seras prête à sortir.
– Merci. »
Il hoche la tête, compréhensif. Alors que les palpitations de mon cœur deviennent enfin plus régulières et que mes esprits s'éclaircissent progressivement. Je souffle pour essayer d'arrêter de pleurer comme ça, j'ai l'air d'une idiote. Ce sale traître, lui, doit être en train de paniquer. Il n'en a certainement rien à faire de ce qu'il m'a fait, il flippe juste parce qu'il sait que je ne vais pas le laisser s'en sortir comme ça. J'espère qu'il a bien peur. Je me lève en séchant mes larmes dans la veste que j'ai ramassée. Lysander m'observe du coin de l'œil tout en levant sa baguette pour essayer de réparer les dégâts. Il lance une série de Reparo alors que j'essaye de me recoiffer pour être présentable.
« Je suis désolée, j'ai gâché ta fin de soirée, déclaré-je d'une voix encore un peu saccadée. Je suis pitoyable de toute façon.
– Ce n'est rien. Tu as le droit d'être en colère et d'être triste. Je ne sais pas ce qu'il t'a fait mais ça a l'air légitime.
– C'est un menteur et un manipulateur, dis-je d'une voix la plus froide possible. Je lui faisais confiance et il m'a trahie alors que ... »
Ma voix se brise, je secoue la tête. Je ne finis pas ma phrase mais Lysander doit comprendre parce qu'il hoche la tête et n'insiste pas. Il remet sagement la salle en ordre et répare les dégâts. Il n'attend qu'un signe de ma part pour ouvrir la porte et, comme un garde du corps, il m'accompagne à travers les couloirs jusqu'à la Tour de Gryffondor. La fête est finie. Mais le refrain continue à être murmuré dans les couloirs.
« Oh, Molly, c'est la mort.
Danse comme un Gryffondor
Qui n'a pas son accord
De bâbord à tribord
Vas-y bouge ton corps. »
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