Mercredi 9 Octobre (2/2)
Dans le Hall, j'aperçois Léon qui rumine, les bras croisés, le regard noir et certainement l'envie de me réduire en miette. Je lui adresse un petit sourire de provocation. Quand il nous voit, il secoue la tête, comme pour se résoudre à faire quelque chose qu'il déteste et il nous suit dans la Grande Salle mais attend qu'on se soit assis pour commencer. J'ai l'impression d'assister à un spectacle, ça me réjouit, j'ai le cœur qui s'accélère de satisfaction rien qu'à le voir s'approchFer.
« Weasley, Reeve, je crois que j'ai des excuses à vous présenter, marmonne-t-il.
– Plus fort, chuchoté-je en lui faisait un signe de la main.
– J'ai des excuses à vous présenter, reprend-il en haussant le ton. J'ai été impulsif et je n'ai pas réfléchi aux conséquences de mes actes. Donc, Scott je m'excuse de t'avoir un peu bousculé et Molly, je m'excuse d'avoir perdu mon sang-froid. »
Je le regarde avec un petit sourire. Il vient de surprendre tout le monde et le contentement de lui avoir fait peur à ce point m'envahit. Pourtant, il y a comme quelque chose qui cloche. Comme si c'était trop simple, que ce n'est pas tout à fait terminé. Je sens Scott qui se tend à côté de moi et ça me fait froncer les sourcils. Je lui lance un coup d'oeil, il fixe Léon. Je repère Minerva MgGonagall à la table des professeurs qui a haussé un sourcil étonné dans notre direction. Je me retourne vers le Serpentard, il est silencieux mais il y a dans ses yeux quelque chose d'inquiétant. Tout autour de nous, il y a des murmures surpris et des commentaires qui se font entendre. Bien sûr, personne ne s'attendait à ce que Wilkes s'excuse publiquement, c'est inattendu, presque déroutant. Quelques rires s'ajoutent au bruit de fond. Je vois mal comment Léon pourrait en rester là. Je déclare en espérant conclure :
« Merci Wilkes, ça aurait pu être plus sincère mais ça suffira pour aujourd'hui.
– Attendez, je n'ai pas fini. Si tu veux qu'on retrouve une ambiance saine de travail, Weasley, il faut aussi que tu t'excuses. »
J'ouvre de grands yeux stupéfaits en entendant ses mots. Il me fixe avec un petit sourire mesquin. Je n'ai pas envie de m'excuser pour quoi que ce soit mais au fond, sa demande me paraît plutôt légitime. Je l'ai menacé, je me suis régulièrement énervée sur lui, je le provoque dès que je peux et je n'hésite pas à l'insulter. S'excuser mettrait fin à cette guerre entre nous qui honnêtement ne sert à rien d'autre que nous défouler. Je croise les bras, calmement. J'ai conscience de faire attendre tout le monde mais je n'arrive pas à me décider sur les mots à employer. Scott me regarde du coin de l'oeil, un peu préoccupé par ma réaction et Léon, content, garde un petit sourire aux lèvres. En soupirant, je finis par me lever du banc pour me planter devant lui. Pense à McGonagall, Molly, oublie ta fierté deux secondes, Minerva sera heureuse que tu sois quelqu'un de mature. Je prends une inspiration pour déclarer enfin :
« Pardon. »
C'est bref mais la liste des choses pour lesquelles s'excuser me paraît longue, incertaine et ne concerne pas grand monde dans la salle. Wilkes retient un petit rire en voyant mon air un peu blasé. Il chuchote :
« Tu pourrais faire une phrase, dire que tu t'excuses pour être insupportable et d'une fourberie sans pareil.
– Tu veux pas non plus que je m'excuse pour t'avoir demander de t'excuser ? dis-je en levant les yeux au ciel.
– Tu pourrais t'excuser pour m'avoir embrassé et être partie avec Scott quelques jours après, par exemple, dit-il d'une voix suffisamment basse pour que je sois la seule à l'entendre et je sens que je m'empourpre à vue d'œil.
– C'est ça, désolée pour tout, conclus-je en reculant pour m'éloigner de lui. Est-ce que ça te va ? »
Il garde un sourire déplaisant et hoche la tête. Il n'insiste pas et va manger à sa table. Je regarde Scott, navrée et le reste de la salle qui est en ébullition. Cet épisode risque bien de faire le tour du château en deux temps trois mouvements. Mais ce qui me préoccupe le plus, c'est le regard vide de Scott. Il n'a pas l'air content, ni en colère. Il ne montre pas vraiment d'émotion et je ne sais plus quoi en penser. Je me rassois à côté de lui, en espérant une réaction à laquelle me raccrocher mais rien. Je commente pour essayer de détendre l'atmosphère :
« Bon, ça c'est fait. Au moins, on ne devrait plus avoir trop de problème avec lui pour un moment. »
Roxanne en face de moi réprime un rire, elle se moque moi, elle est insupportable. Je soupire en la foudroyant du regard.
« Quoi ? fait-elle. Tu devrais être contente, tu as réussi à faire s'incliner Wilkes.
– Je suis contente.
– Fais pas cette tête alors ! Je sais que c'est difficile pour toi de t'excuser mais c'est trop tard pour regretter. »
Je lève les yeux au ciel en commençant à manger. Scott n'a toujours rien dit et je ne peux pas m'empêcher de lui jeter des coups d'œil angoissés. Alors que je soupirais pour la énième fois, il me prend la main sous la table. Je ferme les yeux, souriant, je suis rassurée. Il ne me regarde pas mais je vois ses lèvres qui tremblent comme s'il avait du mal à ne pas sourire. Quel idiot, il ne faut pas me faire ça !
En sortant de table, il m'entraîne sous le péristyle qui encercle la cour de Métamorphose. Il me fait signe de ne pas poser de question mais une fois arrivés, je ne peux m'empêcher de demander avec un sourire léger :
« Qu'est-ce qu'on fait là ? Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Il regarde ses pieds, comme s'il était embarrassé. Il n'y a presque personne tout autour de nous, enfin seuls, il a les joues rougies quand il croise enfin mon regard. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il pense, quelles sont ses intentions. Je penche la tête sur le côté en haussant les sourcils pour lui montrer que j'attends sa réponse.
« Molly, je voulais que tu saches que je m'excuse moi aussi. Ce n'est pas le genre de situation à laquelle je suis habitué, je n'ai jamais été autant amoureux de quelqu'un. J'avoue que j'ai été jaloux de Léon mais je n'aurais jamais dû être désagréable avec toi. Je sais que j'ai fait des erreurs dès le début et j'ai toujours du mal à comprendre pourquoi tu es là avec moi. Alors que ... Il est bien plus musclé, impressionnant que moi ...
– Mais, commencé-je en éclatant presque de rire et en me rapprochant de lui doucement, tu n'as vraiment rien à lui envier. C'est quelqu'un de malfaisant, tu es tout le contraire, n'est-ce pas ? »
Ma voix reste en suspend et le silence qui s'ensuit est dévastateur. Il est temps de mon côté que j'avoue me méfier de lui et utiliser ce moment pour m'assurer de ses bonnes intentions. Je sens qu'il tressaille et je n'aime pas beaucoup ça. Je plisse les yeux, réitérant ma question :
« N'est-ce pas ? Scott, tu ne me caches rien ?
– Non ! réagit-il enfin. Non, je ne te cache rien du tout, de quoi tu parles ? Pourquoi tu me demandes ça ? »
Il prend ma main, comme par peur que je m'échappe mais j'ouvre la bouche sans savoir vraiment comment exprimer mes interrogations. Il grimace, des larmes presque au bord des yeux. Je ne veux rien remettre en question, Merlin, il a l'air si sincère, je soupire d'embarras. Voyant que je ne réponds pas, il ajoute :
« Qu'est-ce qu'il se passe ? Déjà ce matin tu avais l'air étrange ... C'est à cause de ce Selwyn ? Il t'a dit quelque chose de particulier ?
– Non, ça n'a rien à voir, dis-je précipitamment. C'est que j'en suis venu à repenser à cette nuit qu'on avait passé dans la grotte et à ce groupe qui ... Je rumine là-dessus depuis ce matin, j'ai l'impression de ne pas comprendre et ça me tue. Je n'ai pas voulu trop aborder à nouveau le sujet parce que j'ai l'impression que tu ne le veux pas mais ça m'inquiète. S'ils font de la magie noire et que tu es embrigadé là-dedans, je ... »
Mon souffle se coupe, il hoche la tête compréhensif et m'enlace sans prévenir. Il me serre contre lui, visiblement tourmenté. Je l'entends qui chuchote :
« Au fond, je me demandais quand est-ce que tu allais oser poser cette question. Tu ne peux pas savoir combien ça m'angoissait. Je ne veux pas que tu penses que je trempe dans la magie noire. Je ne suis pas quelqu'un comme ça, je n'ai pas eu le choix.
– Je sais, murmuré-je la tête contre son épaule.
– Viens, je vais t'expliquer. »
Il attrape ma main et regarde les alentours pour vérifier qu'il n'y a personne pour nous voir. Il ouvre une porte pour voir si la salle est vide et il m'adresse un sourire avant de me tirer à l'intérieur pour refermer soigneusement derrière. Il me regarde m'asseoir sur une table, les pieds dans le vide et il commence enfin à parler :
« Je ne sais pas vraiment par quoi commencer en fait ...
– Commence par me dire qui ils sont déjà, proposé-je, et comment tu les as rejoint.
– Ouais. C'était l'été dernier, je suis resté quelques semaines chez mes cousins et ce sont eux qui ... Enfin, ils m'ont emmené dans une de leur réunion, sans trop bien m'expliquer ce qu'ils faisaient.
– Et tu sais ce qu'ils font aujourd'hui ? C'est quoi le but de ce groupe ? »
Il me regarde avec des yeux de chien battu en se mordant la lèvre. Je sens qu'il ne va pas me dire qu'ils font des spectacles de danse devant les enfants malades à Sainte-Mangouste. Il hésite avant de dire :
« Je ne sais toujours pas très bien, ils ne m'ont pas tout dit bien sûr, ils ne me font pas encore tout à fait confiance. Je crois juste que ça a un rapport avec le débat actuel autour des relations avec les moldus. Ils les refusent je pense. Ils se font appeler les Salvateurs. Comme pour se libérer de l'influence moldue. Mon cousin m'a expliqué mais ils ne m'ont pas laissé le choix. Ils m'ont dit qu'une fois dedans, on ne pouvait plus en ressortir.
– Et depuis tu travailles pour eux ? Tu fais quoi exactement, de la surveillance ?
– Je ne fais pas grand-chose en fait. Ils voulaient que je me rapproche de toi, ce que j'ai fait et ... »
Sa voix se coince dans sa gorge, comme s'il se sentait affreusement coupable. Je le fixe d'un regard sombre. J'ai l'impression d'être enfermée entre de l'empathie et de la colère, d'être comprimée, de ne pas tout comprendre. Au fond, je m'attendais à ça mais, si ça confirme mes intuitions, il y a toujours des choses qui restent incroyablement floues. Il continue d'une voix un peu brisée par l'émotion en se rapprochant de moi :
« Je te jure Molly, je suis tombé amoureux de toi en faisant ma mission, je n'ai pas pu résister. Ils ne doivent même pas savoir que je sors avec toi. Je veux te protéger mais j'ai l'impression de ne pas y arriver. Je t'aime Molly, je ne veux pas que tu penses que tout ça est faux pour moi. C'est loin de n'être qu'une mission. »
Si je nageais dans la mer de l'incompréhension, ça y est, je me suis noyée. Je suis comme submergée par un vague d'émotion, son regard est sincère, il ne pourrait pas mentir en disant ça. Ou je ne veux pas croire qu'il le peut. Je saute de la table où j'étais perchée pour combler le vide qui nous séparait. Mes lèvres rencontrent les siennes dans un élan ardent et je l'embrasse comme on ne s'était jamais embrassé avant. Il passe une main dans mes cheveux pour me coller davantage à lui et j'oublie qu'on est dans une salle vide, qu'il fait partie d'une organisation malfaitrice, que j'avais des doutes quelques minutes avant. J'ai l'impression de tout oublier. Tout sauf lui, collé contre moi, qui m'embrasse si passionnément, au point où je peux à peine respirer.
Il a son front contre le mien, regarde mon âme avec ses yeux d'un charme fou. Je suis presque essoufflée ; lui aussi. On laisse les secondes passer, peut-être des minutes, à ne rien dire, à juste sourire. Puis je murmure :
« Promets-moi que tu feras tout pour ne jamais plus leur obéir, ne prends plus ce risque, ne te mêle plus de leurs affaires. Je ne veux plus continuer à douter de toi. S'ils te contactent, tu viens m'en parler et on réglera ça ensemble, d'accord ? Plus de secrets entre nous.
– Plus jamais, je t'aime trop pour les préférer à toi, chuchote-t-il d'un ton grave.
– Je t'aime. »
Je le laisse apprécier le silence après mes mots avant de poser doucement mes lèvres sur les siennes.
En entendant la sonnerie, on se voit obligés de sortir de ce cocon d'amour, de cette salle qui s'était emplie d'une chaleur incomparable. Il a l'air si triste en me voyant m'éloigner pour aller en cours de Sortilèges. J'ai le cœur qui bat à toute allure alors que je me retourne une dernière fois, les joues empourprées, pour échanger un dernier sourire avec lui.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top