Mercredi 23 Octobre

Il y a quatre filles perchées sur le rebord des fenêtres du couloir de Métamorphose. Le soleil faible d'Octobre leur tape dans le dos. Elles regardent le monde d'en haut, avec un petit air moqueur. Et moi, je suis ravie de faire partie de ce petit groupe. Trois Gryffondor, dont deux Weasley, et une Serdaigle. Quelle sacrée équipe. Les meilleures que je connaisse, réunies pour échapper aux révisions pénibles qu'on devrait pourtant faire. Mais on mérite cette pause. Roxanne laisse échapper avec un sourire :

« C'est si bon d'être là, à rien faire d'autre que papoter, sans se prendre la tête continuellement.

– Au moins là, on nous fiche un peu la paix ! soupiré-je en repensant à tous ceux qui ont pour but dans la vie de m'énerver continuellement.

– C'est clair. Même si, honnêtement, Molly, il n'y a qu'à toi que ça arrive d'être coincée dans les toilettes par des Serpentard, fait remarquer Léna en souriant.

– Ce n'est pas de ma faute ! »

Mais toutes les trois, elles haussent des épaules, comme pour dire que ce n'était pas tout à fait vrai. Pourtant non, je pourrais le promettre sur la tête de ma sœur, je ne cherche pas les ennuis. Je m'en passerais bien. Je souris malgré tout, fataliste, parce que de toute façon, si je pouvais changer quelque chose, ça se saurait. Léna reprend, des étincelles de malice dans les yeux :

« Et tu n'as pas pensé à épingler Lovener pour tentative de duel et d'agression ?

– Pour qu'elle se plaigne ensuite pendant des semaines et des semaines. J'en ai assez qu'elle me dise que son père en entendra parler.

– Quelle plaie cette fille, soupire Eugénie en secouant la tête.

– Tu devrais la laisser parler dans le vide et l'enfermer une heure de retenue dans les cachots. Au moins, on ne l'entendrait plus, continue Léna en levant les yeux au ciel comme si elle cherchait vraiment la meilleure solution.

– Merlin, Léna ! s'exclame Roxanne. N'encourage pas Molly à avoir plus d'ennuis qu'elle n'en a déjà ... »

Je trouve ça drôle que ce soit Roxanne qui dise ça. De nous quatre, c'est tout de même la plus radicale. D'habitude, c'est elle qui encourage les autres à se venger et à persévérer dans le vice. Je hausse un sourcil amusé en l'observant du coin de l'œil. Elle tient peut-être juste à ce que je termine l'année en vie et pas expulsée. Comme c'est aimable de sa part. Léna tire légèrement la langue. Notre amie de Serdaigle lui pose une main sur l'épaule.

« Mais enfin, Léna, tu es sûre que tu vas bien ? demande-t-elle en riant. Tu es en train de casser le mythe, normalement, c'est toi la pacifique qui veut calmer tout le monde.

– Contre Lovener, c'est une action pour la paix et pour le bien commun, réplique Léna de son ton si innocent.

– Exactement ! »

Et je tape dans la main tendue de Léna qui hausse les épaules devant l'air fatigué de Roxanne. En quelques mots, Léna vient de légitimer mon envie de faire payer à Emeline son audace. Ma cousine ne pourra plus nous faire changer d'avis, elle a perdu. Elle pourrait encore discuter quelques temps de la facticité de nos arguments mais elle est consciente que ça ne servirait à rien. Elle secoue la tête en faisant une petite grimace. Je l'ai connue plus farouche. Peut-être qu'elle est devenue quelqu'un de raisonnable. Je ne sais pas vraiment si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Roxanne sur le droit chemin, ça sonne un peu faux.

« Que vois-je ? Les meilleures filles de Poudlard ainsi réunies pour le plus grand plaisir des yeux ?

– Vil flatteur, raille Roxanne. Que viens-tu faire dans notre couloir, Lysander ? »

Le Scamander en question se poste devant nous, un sourire aux lèvres et nous regarde avec surprise.

« C'est votre couloir ? Mince alors, je ne savais pas ! Et vous faites payer une taxe ou quelque chose comme ça ?

– Oh mais quelle excellente idée, Scamander, dis-je en applaudissant. Tu nous dois vingt mornilles pour chaque passage fait dans l'année dans notre couloir, on offre les passages des années précédentes.

– C'est cher payé ! s'écrie-t-il. Pour un couloir qui n'est même pas très propre. Allez, vous pourriez faire un prix d'ami.

– Tu prends trop la confiance, dit Eugénie en secouant la tête. Qu'est-ce qui te fait dire que tu es un ami ? »

Il la regarde, un peu étonné pendant quelques secondes avant de se reprendre, l'air plus fourbe qu'avant. Il s'approche de sa condisciple de Serdaigle et appuie un doigt sur son genou. Il plisse les yeux.

« Ne fais pas la maline, Lebeau. Alistair te cherchait tout à l'heure. Je pourrais très bien aller lui dire où tu es.

– Et tu crois que ça me fait peur ?

– Je ne sais pas mais moi, il m'inquiète un peu parfois, avoue-t-il en haussant les épaules.

– C'est censé être ton pote, non ? Et puis ce n'est qu'Alistair, pas un fou furieux ... »

On suit l'échange comme on regarderait des batteurs se renvoyer un cognard. Je ne comprends pas très bien ce qui est en train de se dérouler devant mes yeux. J'ai arrêté d'essayer de comprendre la relation qu'Eugénie entretenait avec Alistair McFarlan depuis un moment. Ce n'est pas que ça ne m'intéresse pas, c'est que je n'ai pas suffisamment de temps. Alors j'écoute attentivement pour rattraper les derniers wagons.

« Depuis l'année dernière, il a quand même viré bizarre, dit Léna en faisant la moue. Un peu comme toi, Scamander.

– Hé, vous êtes toutes en forme aujourd'hui ! Qu'est-ce que vous avez contre moi ?

– Il t'aura quand même fallu du temps pour revenir dans le droit chemin, déclaré-je avec un petit sourire mesquin.

– Oui, soupire-t-il. Il aura fallu que l'on vive une aventure extraordinaire toi et moi. »

Il pose une main délicate mais pleine de sous-entendus sur mon genou. Je grimace alors que que ça fronce les sourcils autour de moi. Roxanne s'apprête à faire un commentaire mais je la coupe en disant d'une voix forte et sans appel :

« Bas les pattes ! »

Et j'envoie un coup de pied dans sa direction pour qu'il recule un peu. Il s'éloigne de notre fenêtre, un sourire amusé aux lèvres, laissant échapper un clin d'œil auquel je réponds d'un soupir dégoûté. Roxanne me dévisage. J'ai un peu peur que du rouge me soit monté aux joues mais je fais comme si de rien n'était. Rien de nouveau sous le soleil, Lysander est toujours aussi lourd et ça se retourne contre moi. Il finit par dire :

« Bon, je vous laisse comploter toutes les quatre. Ne vous inquiétez pas pour votre couloir, je vous paierai en nature, dit-il en faisant à nouveau un clin d'œil qu'il croit drôle. Et je dirais à Alistair que tu es à la Volière, comme ça, le temps qu'il passera à te chercher, il ne t'emmerdera pas. Mais tu devrais peut-être lui parler.

– Ne te sens pas obligé de te mêler de mes affaires. »

Eugénie lui lance un regard particulièrement noir et il s'en va en faisant un petit signe de la main. La Serdaigle soupire et on se tourne toutes vers elle. Elle rougit légèrement en cherchant quelque chose à faire de ses mains. Roxanne cligne des yeux plusieurs fois avant de dire, à moitié offusquée :

« Comment se fait-il que Lysander Scamander sache des choses que visiblement on ne sait pas ?

– Il s'est passé quoi avec Alistair ? demandé-je plus calmement que Roxanne.

– Il s'est passé qu'il y a eu une petite soirée à Serdaigle, que j'étais fatiguée, qu'il m'a demandé au moins trois fois de danser avec lui, avec à chaque fois la même réponse et qu'il a persévéré ...

– Et alors ? Ça ne nous dit pas ce qu'il te veut maintenant, fait Léna en fronçant les sourcils.

– Je ne sais pas exactement ce qu'il veut ! se défend Eugénie en rougissant. Je ... Comme on s'est disputés, il avait l'air en colère, je lui ai peut-être dit des choses pas forcément gentilles. Je ne sais pas ce qu'il veut, je ne l'ai pas revu depuis.

– Peut-être qu'il veut s'excuser d'avoir été un gros lourd ? propose Léna sans y croire.

– Ou bien il veut te faire regretter ce que tu lui as dit, fait Roxanne pessimiste. Lysander a peut-être bien fait de l'éloigner un peu. Il n'est pas stable, ce gars. »

J'allais approuver tout en nuançant l'utilité agaçante de Lysander quand des éclats de voix retentirent à l'autre bout du couloir. Il y a du grabuge. Je fais semblant de ne pas avoir entendu, regardant par la fenêtre derrière moi avec intérêt. Mais Léna me donne un coup de coude comme pour me rappeler que c'est moi la Préfète-en-chef, donc que c'est à moi d'intervenir. Je soupire copieusement en sautant à terre. Roxanne me souhaite bonne chance en riant et Eugénie m'adresse un regard étrange. Je ne sais pas très bien ce qu'il se passe avec Alistair mais elle semble heureuse d'avoir l'occasion de couper court à la conversation.

Je me dirige lentement mais sûrement vers ce qui ressemble à une altercation violente, à la main et au poing. Que les élèves de Poudlard sont mal élevés, ils ne prennent même plus la peine de faire un duel à la baguette en bonne et due forme.

Quand je suis suffisamment proche pour reconnaître les protagonistes de la bagarre, je ne peux pas m'empêcher de me mordre la lèvre. Léon Wilkes semble infliger une correction en règle à Scott Reeve. Je reste immobile, spectatrice impuissante de ce combat affligeant. Qu'est-ce que Scott a encore fait ? Ne doit-il pas se tenir à carreau ? N'est-ce pas ce que McGonagall et mon père ont demandé ? En fait, c'est ce que j'imagine, il n'a rien voulu me dire et je n'ai pas eu l'occasion de lui poser davantage de questions. Il m'évite depuis le départ de Percy. C'est certainement pour mon bien.

Il faut que je me réveille, je ne peux pas laisser Léon lui asséner un nouveau coup de poing dans la mâchoire.

« Hé, les deux imbéciles de première classe ! Éloignez-vous calmement l'un de l'autre. Si vous me faites répéter, c'est direction McGonagall dans la minute. Si vous arrivez à être sage, je vous accompagne à l'Infirmerie et vous n'aurez que quelques points en moins, peut-être une retenue si vous crachez par terre les dents qu'il vous manque. »

Léon interrompt son geste, il a le poing en l'air, il respire fort. Scott regarde ce poing rouge de sang et de douleur, il a ce reste de terreur dans les yeux. La même chose que quand il me supplie de ne pas le quitter car il m'aime vraiment. Ils tournent la tête en même temps vers moi.

« Vous n'êtes pas beaux à voir. »

Les mains sur les hanches, je m'approche d'eux. Je dévisage Léon que je fais reculer d'un geste sec. J'observe Scott qui baisse les yeux, évitant à tout prix de croiser mon regard. Ridicules. Je veux qu'ils ressentent la honte monter en eux. On ne se bat pas en plein milieu d'un couloir. Je dis froidement à Scott :

« Tu ferais mieux d'aller rapidement voir Madame Ewer. Elle devrait pouvoir arranger ton visage ensanglanté.

– Tu vas vraiment le laisser repartir comme ça ? fait Léon en faisant un geste vers lui, pour qu'il ne lui échappe pas.

– Oui, dis-je sèchement en repoussant Léon et laissant Scott s'en aller. Qu'est-ce qui ne va pas avec toi, Wilkes ? Tu es Préfet-en-chef ! Il faut grandir un peu maintenant, arrêter de se comporter comme un Merlin d'attardé violent.

– Il le méritait, Merlin ! De quoi tu te mêles ? C'est lui le Merlin de type dangereux ! »

Je me fige, le regard fixé sur mon homologue. Merlin. Qu'est-ce qu'il raconte ? Est-ce qu'il est au courant ? Comment aurait-il pu l'être ? A cause de Côme qui a dû lui parler de sa sœur ? J'aurais dû faire plus attention à Selwyn, le prévenir peut-être que ça devait rester strictement entre nous.

«  Tu le savais, Molly, n'est-ce pas ? C'est toi qui lui a dit. Merlin, tu ne vaux pas mieux que lui. Tu peux toujours me faire la morale mais au fond, tu restes celle qui est responsable. »

Je plisse les yeux. J'ai peur de soudain ne plus comprendre. J'ai une boule dans la gorge. Responsable. Responsable de quoi ? J'entends presque les mots de mon père qui me résonnent dans les oreilles. C'est de ma faute si Astrid a été blessée, si elle n'a pas été arrêtée à temps. C'est de ma faute si Scott a profité de mon aveuglement, de ma position pour se protéger. J'ai peur de trembler.

« Tu ne nies pas, n'est-ce pas ? insiste Léon avec son air dégoûté. J'aurais dû m'en douter, Emeline avait raison finalement. Franchement, je n'ai pas de leçons à recevoir de toi, Weasley. »

Emeline ? En quoi est-elle liée à Scott ? Et soudain un détail me revient en mémoire. C'est elle qui m'a mise sur la piste de Scott. Au tout début de l'année, elle est venue me dire que quelqu'un avait des informations sur ma mère et c'est de là qu'a découlé ensuite toute l'histoire avec Scott. Par les chaussettes de Dumbledore ! Emeline pourrait très bien être mêlée aux Salvateurs. Je pose une main devant ma bouche.

« Qu'est-ce que t'as, Weasley ? Des remords ? Tu viens de comprendre que ton Merlin de petit-ami vient de ruiner ma vie et le moindre espoir de relation avec Emeline maintenant ? »

Il parle de sa relation avec Emeline, de ses problèmes de couple. Merlin, il ne sait rien de ce qui se trame en arrière plan. Je le fais taire d'un signe de la main. Il est temps que je réponde :

« D'accord, j'ai dû laisser échapper l'information à Scott, c'est certainement lui qui en a parlé à Emeline. Mais Emeline a décidé de concentrer sa frustration et sa colère sur moi, soit tranquille, ce n'est pas toi qui te fais coincer dans des toilettes en te faisant traiter de tous les noms et en te faisant menacer.

– Elle a fait ça ? »

Je le regarde de haut en bas en fronçant les sourcils.

« Bien sûr qu'elle a fait ça ! m'exclamé-je. Ne t'en fais pas, elle reviendra vers toi suffisamment vite, elle ne se lasse certainement pas de ton charme. Et tu pourras avoir ses faveurs autant que tu veux si tu ne retouches pas sa meilleure amie, je suppose.

– Je ne savais pas, lâche-t-il comme si ça suffisait à l'excuser lui et l'autre peste. Tu as l'air de t'en être bien sortie.

– Mieux que Scott, dis-je durement. Tu ferais mieux de garder tes distances avec lui. Je pense que je ferais un prix groupé pour les Serpentard, Emeline et toi, vous méritez une bonne retenue. J'hésite encore à demander à ce que vous soyez ensemble. Je ne sais pas si ce serait plus douloureux ou bien si ça ferait passer le temps trop rapidement. »

Il soupire en regardant le sol et s'en va alors que je passe une main sur mon front. Je vais devoir avoir une véritable discussion avec Scott cette fois. Parce que je pensais qu'en parler à Minerva arrangerait les choses mais le mystère semble toujours s'épaissir davantage. Si Emeline peut être mêlée à ça, alors n'importe qui pourrait l'être aussi. Peut-être même Léon. Il pourrait bien cacher son jeu.

Ou peut-être que je vire parano.

Tout le bénéfice de l'après-midi entre amies semble avoir disparu bien vite.


***

Restez attentifs, une surprise arrivera bientôt sur le Supplément à Molly II Weasley. Elle concernera un autre personnage, donnera un autre point de vue, aura une autre forme et ce n'est peut-être que la première d'une série. 

Bref, n'hésitez toujours pas à me donner votre avis sur l'histoire, donner des hypothèses et théories sur la suite, critiquer ... Ce que vous voulez, car à partir du moment où vous avez lu jusque là, vous me faites plaisir de toute manière ! Bisous

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