Mercredi 16 Octobre

C'est dur pour moi. Voir le jour pointer le bout de son nez et me dire que je vais certainement passer la journée seule. Merlin, je ne veux plus être moi. Et en plus, le jour n'a pas de nez, cette expression est stupide. Aussi stupide que chaque Merlin de personne qui se plaît à m'insulter dans mon dos. Aussi stupide que chaque Merlin de personne qui me fixe avec curiosité alors que je mange mon petit-déjeuner seule. Je n'ai pas changé l'heure de mon réveil pour être toujours en décalé avec Roxanne et je le suis avec tous les autres. Je ne vois pas grand-chose qui pourrait venir me sortir de ma solitude. Solitude ? Qui a dit solitude ? Non, voyons cela comme de la tranquillité plutôt. Du repos bien mérité.

« Tu déprimes, Weasley ?

- Merci de t'en préoccuper, Emeline, dis-je en levant la tête vers la fille du ministre qui me juge clairement du regard.

- Non, je me satisfaisais de te voir abandonnée par tout le monde.

- Et toi, ça va ? Tu ne te sens pas un peu abandonnée ? Après tout, il me semble que Wilkes t'a bien laissée tomber, il y a quelques temps. Mais c'est bien de rester positif.

- Tu sais quoi, Weasley ? Ça ne m'étonne pas que personne ne t'aime. »

Je soupire en faisant semblant d'avoir vraiment été blessée par ce qu'elle vient de dire. Elle s'en va avec un sourire de contentement en faisant claquer ses talons sur le sol de la Grande Salle. Je continue à boire mon thé comme si de rien était mais j'ai le nez qui me pique, les larmes qui menacent de couler. Je ferme les yeux en respirant profondément. Je ne peux pas m'effondrer maintenant. Pas alors qu'il n'y a plus personne pour me soutenir. Je pose mon bol un peu brutalement sur la table et je remonte les escaliers quatre à quatre jusqu'à la tour de Gryffondor pour finir de me préparer.

En ressortant pour aller vers les serres de Botanique, j'ai le malheur de me retrouver juste quelques mètres derrière Lorcan Scamander qui a l'air de bien rire avec quelques autres élèves de Serdaigle, dont évidemment Coralie. J'espère qu'ils ne vont pas me faire le même coup que les Poufsouffle d'hier, sinon je ne vais pas résister longtemps à l'envie de prendre ma baguette et transformer tout le monde en Scroutts-à-pétards. Mais je dois virer paranoïaque parce qu'ils discutent juste du devoir de Botanique, ce qui est bien sûr hilarant. Je secoue la tête, terriblement fatiguée.

Le Professeur Londubat nous accueille dans sa serre avec un grand sourire et nous invite à mettre nos gants pour étudier les Nepenthes scelerata, une espèce dangereuse de plante carnivore. Je me débrouillais plutôt bien toute seule mais pourtant Neville est venu regarder par dessus mon épaule ce que je faisais. Je n'aime pas tellement ça alors je l'ai regardé en haussant un sourcil.

« C'est très bien, Molly, a-t-il commenté avec un sourire gentil.

- Merci, Professeur.

- Tu dois être pressée que le week-end arrive, j'imagine ?

- Pardon ? »

Je ne comprends pas pourquoi il me parle de ça, qu'est-ce qu'il y a ce week-end qui pourrait être bien ? En dehors de cette interruption de cours pour pouvoir faire tous les devoirs en retard, évidemment, je ne vois pas grand-chose. Mais je finis par hocher la tête frénétiquement en attendant qu'il aille voir quelqu'un d'autre.

Je n'ai qu'une hâte, aller en cours de Potion où je pourrais être entourée d'amis bienveillants. Comme la place vide d'Eugénie à côté de moi et quelqu'un qui n'est définitivement pas Lysander en face de moi. Je cligne plusieurs fois les yeux, je ne suis pas sûre de comprendre, peut-être qu'ils vont rapidement réapparaître. Je regarde tout autour de moi pour essayer de retrouver mes amis et soudain, je vois Lysander entrer. Je lui fais un signe pour qu'il vienne vers moi.

« Mollynette, tu as l'air totalement paniquée, qu'est-ce que qu'il se passe ?

- Pourquoi est-ce qu'il y a quelqu'un à ta place ? chuchoté-je en effet au bord de la panique

- Demande à Shanna.

- Shanna ? »

Je me tourne vivement vers cette Serdaigle aux yeux d'un bleu glaçant et au sourire satisfait. Je l'interroge du regard alors qu'elle essuie son plan de travail déjà nickel.

« Lysander me dérange et m'empêche de travailler, alors j'ai demandé à Roman de venir à sa place. Et moi, j'ai eu l'autorisation de Madame Griffith, ajoute-t-elle avec un haussement d'épaule.

- Et Eugénie, elle fait quoi ? demandé-je à Lysander en arrêtant d'écouter Shanna. Elle n'est jamais en retard.

- Elle a fait une mauvaise chute à l'entraînement hier, je crois. Elle doit certainement passer la matinée à l'infirmerie pour vérifier que tout va bien. »

C'est horrible, j'allais proposer à Lysander de prendre sa place aujourd'hui pour ne pas me retrouver seule avec une fille assez insupportable et un certain Roman de Poufsouffle, que je ne connais pas bien mais comme ces derniers temps sa maison n'a pas été très sympa avec moi, je me méfie.

Mais Shanna secoue la tête en disant que ça la dérangeait aussi que Lysander s'installe en face d'elle. J'allais lui répondre qu'on n'en avait pas grand-chose à faire de son avis quand le professeur Griffith s'est approchée en fronçant les sourcils. J'ai abandonné le combat avant qu'elle ne me fasse un reproche, ce serait vraiment le comble. Lysander fait une petite grimace en me tapotant l'épaule en signe de soutien et il va s'installer à une autre table. J'aurais pu tenter de changer aussi de place mais la Maître des Potions semble me surveiller du regard alors je me fais discrète.

Le cours commence enfin, je me lance dans la préparation de la potion sans vraiment faire attention à ce dont il s'agit, j'ai tout à fait autre chose en tête. Je vais chercher mes ingrédients sur l'étagère et les place à côté de mon chaudron. Je découpe attentivement mes feuilles d'Achillée sternutatoire avant de commencer à écraser les baies de gui. Tout se passait plutôt bien, j'avais réussi à extraire de mes pensées ma situation désastreuse. Mais on m'y a ramené au moment même où j'ai réalisé que j'avais oublié de prendre de la poudre de Pierre de Lune. Après un rapide coup d'œil au plan de table de Shanna, je remarque qu'elle vient juste de mettre tout ce qu'il lui restait dans son chaudron. Je grimace en me levant pour aller voir sur l'étagère du fond de la classe s'il en reste. Mais j'ai comme l'impression d'être un peu maudite. Il y a Lorcan qui a la main dessus. Il me jette un regard assez sombre et me dit sèchement, alors que je m'approche :

« C'est le dernier flacon.

- C'est ce que je vois, dis-je en soupirant.

- J'ai renversé sans faire exprès celui de Coralie et je lui ai passé le mien.

- Bien sûr. Prends-le. »

Il hausse les épaules et s'en va sans rien dire de plus. Génial. Qu'il aille retrouver Coralie. Après tout, il passe tout son temps avec elle, je ne sais même pas pourquoi je continue à m'en étonner à chaque fois. Je soupire en gardant les yeux fixés sur l'étagère à présent vide. Il va falloir que j'aille demander à Madame Griffith d'aller en chercher dans sa réserve, je vais perdre un temps fou et elle va critiquer mon manque d'organisation. Comme elle regarde attentivement le chaudron de Scott, je n'ai pas vraiment envie d'aller la déranger et m'approcher de lui. Ça fait beaucoup trop pour moi d'un coup. Je retourne à ma place pour continuer ma potion en attendant d'arriver au moment où je doit mettre la Pierre de Lune, histoire de ne pas prendre de retard.

Shanna m'observe me réinstaller avec son regard plein de jugement. Elle pince les lèvres avant de dire :

« Ta potion devrait être légèrement rosée, pas rouge vif.

- Celle de Roman à côté est violette, est-ce que tu lui dis quelque chose ?

- C'est parce qu'il est plus avancé que toi. »

Évidemment. Je lève les yeux au ciel, un peu énervée en remuant ma potion qui n'est pas, en effet, de la bonne couleur. Mais je suis trop fière pour le reconnaître à voix haute. Tout comme je suis sûrement trop fière pour dire que je ressens peut-être une certaine jalousie à propos du rapprochement de Lorcan et Coralie Catham. Comme je suis trop fière pour admettre que j'aurais pu être plus délicate avec Scott, que je comprends sa colère, celle de Dorian et dans un certain sens que j'aurais dû dire à Roxanne qu'elle avait raison d'être inquiète parce c'est réellement allé trop vite entre Scott et moi. Je ne me poserai plus jamais la question quant à savoir quel est mon péché capital. C'est l'orgueil. Je suis incapable d'avoir tort. C'est terrible.

Pourquoi je ne peux pas simplement pas être gourmande comme la plupart des gens. J'ai toujours besoin de tout maîtriser et tout est en train de m'échapper. Ça ne m'arrivait pas avant. Je ne comprends pas. Tout a commencé quand Scott est entré dans ma vie et Merlin, je regrette de l'avoir laisser y mettre le bazar. Je sais pourquoi je l'ai fait. Il m'a fait miroiter des informations sur ma mère qu'il n'a certainement jamais possédé. Et ça me met hors de moi.

« Molly ? Molly Weasley ! »

J'entends comme une voix assez lointaine qui m'appelle. Mais je n'arrive pas vraiment à la reconnaître. Elle est presque indistincte, entourée d'une sorte de flou. Comme si c'était une voix qui venait du passé. J'ai tout fait pour mieux l'entendre, pour me concentrer uniquement là-dessus mais elle paraît s'éloigner de plus en plus, ne devenir qu'un murmure au milieu d'un bourdonnement insupportable.

« Molly, ta potion fume ! »

Le brouillard qui envahit ma vision se dissipe l'espace de quelques secondes, j'aperçois des yeux bleus qui me fixent, horrifiés. Et mon regard dérive vers ma main qui tient toujours la cuillère en bois qui mélange la potion. C'est déjà trop tard quand je me rends compte que ce n'est pas un simple brouillard, qu'il sort de mon chaudron et qu'il est d'une couleur écarlate. On dirait du sang qui s'évapore. La vapeur entre dans mes poumons, tout semble se troubler encore plus. L'appel redevient soudainement bien plus fort et quand j'ai l'impression d'enfin saisir de quoi il s'agit, tout s'efface pour ne laisser place qu'à un brouillard rouge qui noircit de plus en plus.

Je me réveille en sursaut à l'Infirmerie. Par tous les Merlin du monde ! Qu'est-ce que je fais là ? J'ai terriblement mal à la tête. Il doit y avoir un lien quelque part. Madame Ewer surgit devant mes yeux, l'air un peu inquiète, elle me touche le front de ses doigts frais. Je frissonne alors qu'elle dit quelque chose que je n'entends pas bien. J'ai l'impression d'étouffer, d'être dans un univers de coton qui atténue tous mes sens et qui entre dans ma bouche quand je l'ouvre. J'ai de plus en plus de mal à respirer. Et j'essaye de faire un geste en direction de l'Infirmière qui s'éloigne pour préparer quelque chose un peu plus loin mais je n'arrive pas à formuler quelque chose. J'ai l'esprit si confus, du coton dans la bouche ou la langue totalement enflée, comment pourrais-je faire la différence ?

Je plisse les yeux pour essayer de bien voir Madame Ewer et tendre la main vers elle pour qu'elle m'aide. Mais j'ai beau tout tenter, elle ne se retourne pas vers moi, je ne vois que sa longue chevelure brune, ses belles boucles qui tombent dans son dos et sa silhouette fine. Merlin, depuis quand Madame Ewer est-elle aussi brune que ça ?

Sa silhouette se retourne enfin. Je bascule vers l'avant, sous le choc, et tombe du lit où j'avais été installée. J'ai l'impression de voir le sol s'approcher lentement de moi. Ça fait un grand bruit qui résonne dans la moindre partie de mon corps mais ça débloque soudainement ce qui encombrait mes poumons, je laisse échapper un long et douloureux cri. Parce que ce n'est pas Madame Ewer.

C'est Maman.

Et elle regarde le lit où je ne suis plus. J'ai beau hurler pour quelle baisse les yeux sur moi, elle ne me remarque pas, indifférente, immobile. J'ai beau pleurer, essayer de ramper vers elle, ses pieds qui sont juste à côté de moi, elle semblent toujours s'éloigner et jamais je ne les atteins.

Maman, regarde-moi ! Dis-moi que tout va bien, que tu existes encore, que tu ne vas pas encore disparaître. Donne-moi juste un signe de vie, un sourire, quelque chose.

Je fais un dernier effort pour parvenir à attraper sa cheville. Subitement, je sens une douleur aiguë dans le crâne. Et je sens ma tête tomber sur l'oreiller.

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