N'y a-t-il pas plus mauvaise idée que de tomber amoureux ? Prenons l'exemple de ma chère petite sœur Lucy. Elle rêve depuis son premier jour à Poudlard de son futur mari et père de ses enfants, Tristan Claybrook. Elle en parle vraiment en ces termes, je n'invente rien. J'aurais beaucoup aimé pourtant mais les faits sont véridiques. J'ai informé Papa du problème cet été alors que j'avais ce moucheron de sœur qui me hurlait de ne pas le faire. Mais Percy Weasley est trop occupé pour discuter des amours de sa jeune fille. Père ingrat ou flemme compréhensible d'essayer de raisonner une fillette de treize ans sur ce garçon à qui elle n'a jamais vraiment parlé ? Je ne sais pas mais j'ai décidé que je ne pouvais pas la laisser pleurer plus longtemps sur mon canapé préféré. Après, il risque d'être moins doux.

La raison de sa peine ? Une Poufsouffle. On aura tout vu, aurait pu s'écrier un Serpentard mal avisé mais j'ai appris à me méfier des blaireaux. Hier, ils ont tout de même voulu tuer chaque personne s'approchant de leurs cuisines. Ils vont bientôt la privatiser si ça continue. Ont-ils des mouvements de revendications culinaires dans leur salle commune ? J'en discuterais un jour avec Dorian Smith, leur préfet, ça m'intrigue trop. Enfin, ce n'est pas tellement le sujet. Le sujet, c'est une prétendue rumeur comme quoi Tristan aurait des sentiments pour Maya, une jaune et noir. Lucy a embauché un détective privé pour espionner les faits et gestes de son amoureux. Je ne suis pas loin de la vérité, elles sont tout un groupe de Troisième année à surveiller en secret Tristan. Quand j'ai entendu ça, j'ai cru que j'allais hurler de rire. Elles sont si bien organisées, elles me font très peur honnêtement.

« C'est très simple, explique Estelle qui participe à l'action. Louise le surveille en Potion, en Métamorphose et en Histoire de la Magie. Moi, je prends le tour en Astronomie, Botanique et Sortilèges et Lucy le prend pendant les repas, les activités extérieures et les options.

– J'ai pris les mêmes que lui, renifle-t-elle dans mon canapé.

– Vous me désespérez par votre perversité. Vraiment, c'est grave. Je dirais même que c'est une atteinte à sa vie privée. Lucy, je ne suis pas fière de toi. »

Ma petite sœur, déjà dans un état déplorable se roule sur mon canapé, totalement irrécupérable. Ses lunettes se retrouvent sous son nez et ses cheveux châtains sont emmêlés à souhait. Elle est séduisante comme ça, c'est sûr, il va la remarquer et l'adorer. Elle geint :

« Mais tu ne peux pas comprendre... Je l'aime.

- A voir ton état, ce n'est pas de l'amour, c'est plus que de la passion, c'est de l'obsession malsaine, lui fais-je remarquer en secouant la tête et en lui tendant un mouchoir. Qu'est-ce qui te fait dire qu'il aime cette Maya ? »

C'est une de ses acolytes qui répond, l'air sombre :

« Les signes ne trompent pas. Ils se sont mis à côté dans la plupart des cours quand on est en cours avec les Poufsouffle.

– Et ils discutent beaucoup, surenchérit l'autre brune en faisant de grands yeux inquiets.

– Vous avez considéré la possibilité qu'ils soient amis ? » proposé-je sans grande conviction.

Les trois filles secouent la tête dans un même élan, l'air de dire que ce n'était vraiment pas le cas. Un peu vaincue, je hausse les épaules, je ne peux rien faire pour elles. Sauf que Lucy, de sa voix tremblante de femme au cœur brisé, me retient pour que je ne m'en aille pas faire des choses plus utiles :

« Molly, j'ai besoin de ton aide. Tu connais son frère, tu ne veux pas lui demander s'il sait quelque chose à propos des sentiments de Tristan, dit-elle en baissant la voix. Pour voir s'il peut confirmer quelque chose ...

– Tu penses vraiment que Victor sait quelque chose ? Je pense qu'il va juste me trouver bizarre ou pire, croire que j'ai un problème avec son frère.

– Peu importe, je suis sûre qu'il te trouve déjà bizarre. Allez, s'il te plaît, fais-le pour ta petite sœur qui souffre.»

Je hausse un sourcil amusé. C'est plutôt vrai, de toute façon ça fait un moment que ma crédibilité en a pris un coup. Elle se mordille la lèvre, priant Merlin pour que j'accepte. Ce que je fais, bien entendu, bon gré mal gré. Elle me regarde avec insistance me diriger vers Victor Claybrook. Je fronce les sourcils, est-elle véritablement persuadée d'être discrète ? Je devrais peut-être lui dire que c'est grillé d'avance ? Ne serait-ce que pour qu'elle apprenne de ses erreurs. Victor est à l'autre bout de la Salle Commune, je zigzague entre les tables et les canapés pour le retrouver. Il est en train de discuter avec Johanna et Effie. Je m'assois le plus naturellement possible à leur table. Les filles m'interrogent du regard. Mon intrusion est bizarre, je le reconnais. Je me penche vers eux, cultivant le mystère, ils m'observent avec un petit sourire. Effie est la petite amie de Fred, elle est déjà venue à la maison, elle est au courant de mon atypie mais peut-être que les autres gardent encore cette image de moi sage et normale. Johanna hausse un sourcil :

« Tu as l'intention de dire quelque chose ou tu voulais juste rester dans cette position ?

– Je voulais ménager un petit suspens, réponds-je en soupirant puis je me tourne vers Victor avec un sourire malicieux. C'est pas grave, ne m'en voulez pas les filles, ça ne va pas vous concerner.

– Franchement Molly, tu me fais peur, fait le garçon en question.

– Ne t'inquiète pas, en fait, ça ne te concerne pas non plus, ni moi mais en temps que grande sœur, et toi en temps que grand frère, nous devons avoir une discussion. Restez-là, dis-je en rattrapant la manche d'Effie qui allait s'éclipser pour nous laisser tranquille. Je n'en ai pas pour longtemps. C'est à propos de Tristan. »

Victor fronce les sourcils. Il a l'air inquiet quand même. Je fais un sourire amusé, pour m'empêcher de rire un peu fort, ce que Lucy me reprocherait. Il jette un coup d'œil derrière lui et voit ma petite sœur qui laisse passé sa tête par dessus le canapé. Au meilleur niveau de sa discrétion. Il me regarde avec amusement et hoche la tête :

« D'accord. Ta sœur à le béguin pour mon frère, c'est ça ? »

Je soupire, plissant les yeux. Jouer les entremetteuses n'est pas vraiment mon truc, je dis à voix basse :

« Honnêtement, je ne sais pas trop ce qu'elle lui trouve. »

J'éclate de rire en voyant la tête de mon ami se décomposer et je secoue la tête, trouvant la situation délicieuse. J'ajoute :

« C'est une blague. Il est mignon ton frère. Par contre, ma sœur est un peu l'antithèse de quelque chose de mignon. Je ne veux pas te faire peur mais elle est amoureuse de ton frère au point de l'espionner constamment et ces derniers jours elle a remarqué qu'il était très proche d'une certaine Maya. Elle est incroyablement jalouse et elle m'a envoyée vers toi pour te demander si tu en savais quelque chose. »

Je le regarde en battant des paupières, avec un sourire d'espoir. Johanna et Effie sont en train d'observer ma sœur et sont pliées de rire. Je les comprends tellement. Victor passe une main dans ses cheveux en réfléchissant tout à fait sérieusement à la question. Il finit par me regarder avec pitié :

« Je suis désolé, ça ne me dit rien. Peut-être qu'il en parlé et que je n'ai pas écouté.

– Ah, toi aussi tu fais ça ? m'exclamé-je en riant. Ne t'en fais pas, c'est loin d'être dramatique. Au pire, elle n'a qu'à aller le voir. Ce n'est pas à nous d'agir. Mais merci quand même, je vous laisse tranquille. »

Effie hoche la tête, se mordant la lèvre pour s'arrêter de rire et Victor me regarde avec des yeux amusés. Je me lève et me dirige vers ma petite sœur qui a l'air de souffrir encore plus. Elle va vraiment se rendre malade avec ses histoires. Soudain, une main m'attrape le bras. Surprise, je me retourne. C'est Rose, elle jette un coup d'œil à Lucy et secoue la tête.

« Molly, elle ne peut clairement pas rester comme ça. Tu viens avec moi si je vais voir Tristan pour lui demander directement ?

– Elle nous tuerait, lui fais-je remarquer.

– Mais non, elle n'a pas assez de force. »

Moi qui pensait être parfois méchante avec ma sœur, je découvre un égal. Rose me tire par la manche en direction de Tristan Claybrook, assis à l'autre bout de la salle. Je vois le visage de Lucy qui se décompose en comprenant. Elle enfonce sa tête dans un coussin. Elle pense se cacher mais à mon avis, elle en est d'autant plus ridicule. En nous voyant approcher, le petit Tristan ouvre de grands yeux affolés. Il dit, en levant les mains :

« Je n'ai rien fait.

– Il n'y a que les coupables qui disent ça. »

Je le regarde avec des yeux suspicieux. Il est étrange. Peut-être qu'il irait bien avec ma sœur finalement. Rose me donne un coup de coude pour que j'arrête avec mon regard foudroyant et prend la parole :

« On fait un sondage parmi les Troisième année pour un devoir de Divination et j'ai quelques questions à te poser.

– Euh ... D'accord. »

Je fronce les sourcils. Elle avait un plan, elle est merveilleuse cette petite Rose. J'esquisse un sourire fier avant de reprendre mon sérieux et de sortir un parchemin pour prendre des notes pendant que Rose commence :

« Est-ce que tu crois à l'alignement des planètes ?

– Comment ça ? Je ne... J'en sais rien, répond-il.

– Vénus, Mars et Neptune étaient alignés la semaine dernière, ça veut dire que quelque chose a peut-être changé. Est-ce que ces derniers temps tu ressens une attirance particulière pour quelqu'un ?

– Je ... Je ne comprends pas la question. »

J'ai l'impression que nous sommes en train de le questionner pour la police, il est si mal à l'aise. Pour détendre l'atmosphère et trancher avec le sérieux de ma cousine, je fais :

« En gros, tu es tombé amoureux ces derniers temps ? Ne t'inquiète pas, le sondage est anonyme. Le Professeur De Vinan veut juste montrer que les planètes peuvent avoir de réels effets sur nos comportements.

– D'accord. Alors, je suis désolé pour Madame De Vinan mais il n'y a eu aucun changement ces derniers temps.

– Merci beaucoup, Tristan, » dit Rose en rangeant sa plume.

On se retourne d'un même mouvement, le laissant un peu perplexe. Rose m'adresse un petit sourire satisfait et se dirige vers Lucy et ses amies. En jetant un ultime regard à Tristan, je m'éloigne aussi. Il a l'air de se poser un nombre incalculable de questions. Ça me fait rire, quand j'arrive au canapé où Lucy est vautrée, je lui ébouriffe les cheveux et je lui demande avec un sourire :

« Et toi ? Tu crois à l'alignement des planètes ? »

Elle fronce les sourcils et se relève légèrement. Elle regarde Rose avec espoir et d'une voix tremblante :

« Il a dit quoi ?

– Qu'il n'y a eu aucun changement dans sa vie amoureuse récemment, répond la rousse de Quatrième année.

– Oh, ça veut dire qu'il l'aimait depuis plus longtemps alors ? »

Lucy retombe sur le canapé, les larmes aux yeux. Fatiguée par son petit manège, je prends le coussin qu'elle a laissé tomber et je le frappe avec. Merlin, il faut qu'elle arrête, sérieusement. Elle reste sur le canapé à geindre pendant que je pars vers d'autres horizons. Son comportement me dépasse, je n'arrive vraiment pas à la comprendre. Et surtout, je prie pour ne jamais lui ressembler.