Jeudi 14 Novembre
Fred et Roxanne me fixent avec inquiétude. Je n'ai pas raconté tout ce que Dorian m'avait dit mais j'avais été bien incapable de dissimuler à quel point ça m'avait chamboulée. Fred a demandé à Effie et Evan qui étaient avec lui à la bibliothèque. Ils ont tous vu Dorian à la table juste à côté de la leur. Ils n'ont aucun doute parce qu'Effie était allée lui demander s'il avait compris le phénomène de cristallisation en potion. Il n'avait pas fini son explication quand Fred avait quitté la Bibliothèque et m'avait croisé dans les couloirs.
Je suis à nouveau parcourue de frissons.
« On devrait peut-être essayer d'aller lui parler pour mettre les choses au clair, non ? proposa Roxanne avec une petite moue. Il n'y a pas de raison pour qu'il n'y ait pas d'explication rationnelle. »
Je secoue vigoureusement la tête. Je n'ai pas le moindre envie de croiser encore un Poufsouffle de ma vie. Ils ont vraiment un truc contre moi.
Ils savent ... Ils savent tout ...
J'entends encore sa voix glaçante pleine de ses menaces. Je n'arrive pas à comprendre. A qui est-ce que je peux faire confiance dans ce château ? La pourriture semble avancer à une vitesse affolante. Bientôt, elle sera partout, elle s'insinuera dans les moindres recoins, m'encerclant impitoyablement.
« Molly, commença Fred mal assuré, il faut que tu nous parles. Tu dois nous dire ce qui ne va pas, sinon, on ne pourra pas t'aider. »
Je soupire, les yeux rivés sur le tapis rouge de la salle commune. Je n'y arrive pas. Je ne saurais pas par où commencer à leur expliquer. Tout est déjà beaucoup trop compliqué. C'est trop tard pour en parler. Ils ne comprendraient pas.
Il va arriver de mauvaises choses ... De très mauvaises choses ...
Je déglutis. En leur en parlant, je risque de les mettre en danger eux aussi. Déjà que Léon ... Merlin, que vont-ils lui faire ? Mes mains se mettent à trembler. Roxanne pose une main douce sur mon épaule. Je sens qu'elle échange un regard inquiet avec Fred. Ils sont perdus. Ils ne savent pas quoi faire pour m'aider. Mais il n'y a plus rien à faire. Le mal est déjà fait. Je ne peux pas abandonner Léon. Je ne veux pas arrêter de le voir, de lui parler, de ... C'est mon seul allié. C'est le seul à être au courant de tout. C'est le seul à comprendre. Je ne peux pas le lâcher comme ça.
« Bon, Molly, tranche Roxanne, visiblement résignée. Viens, tu ne peux pas rester là toute la journée.
– Laisse-moi, s'il te plaît, murmuré-je.
– Il en est hors de question. Je ne te laisse pas seule, Molly Weasley, parce que tu as de toute évidence besoin d'aide. Lève-toi, on va faire un tour dehors. Ça te fera du bien de marcher un peu ! »
Je lève des yeux piteux vers ma cousine qui tente de me pousser pour me déloger du canapé. Sans volonté, je me redresse. Elle affiche un petit sourire soucieux.
« Allez, je te promets de te protéger. Il ne t'arrivera rien, d'accord ? »
J'esquisse une ombre de sourire. Elle a raison. Je ne peux pas me cacher comme ça, c'est ridicule. Mais j'ai une boule au ventre, craignant de croiser un regard inamical à chaque détour de couloir. Elle fouille dans la poche de sa robe pour en ressortir un gros paquet de dragées de Bertie Crochue. Elle me le tend avec le regard pétillant. J'attrape une petite dragée et la pose sur ma langue.
« Poulet grillé, marmonné-je avec une petite moue. Pas vraiment l'heure mais au moins ce n'est pas goût crotte-de-nez. »
Roxanne me claque un petit bisou sur la joue et s'accroche à mon bras pour m'entraîner vers la sortie. Je me laisse faire sans protester davantage. Elle fait beaucoup d'efforts pour me changer les idées. On parle un peu de Louis qui a l'air heureux en couple, de James qui semble étrange, de l'équipe de Quidditch qui continue à s'entraîner dur sans savoir si la saison pourra reprendre normalement.
« C'est super frustrant de se dire qu'on aurait sûrement gagné le match si quelqu'un n'avait pas jeté un sort sur Wilkes. Enfin, je comprends qu'on ait dû arrêter le match mais pourquoi on n'a pas arrêté le coupable ? C'est dingue quand même, Poudlard est censé être plus protégé avec des Aurors à l'intérieur et ils ne font strictement rien d'autre que se balader dans les couloirs avec leurs yeux inquisiteurs. »
J'esquisse un sourire sans joie. Elle ne pourrait pas avoir plus raison. J'attrape une nouvelle dragée et j'accueille avec plaisir un goût praliné sur ma langue. Roxanne se retourne soudain vers moi en plissant des yeux :
« D'ailleurs, en parlant de Wilkes, tu m'expliques pourquoi tout le monde raconte qu'il se passe quelque chose entre vous deux ? »
Je m'immobilise en plein milieu du couloir du cinquième étage dans lequel on se trouve et je laisse échapper un petit rire las. Elle est suspicieuse.
« C'est Selwyn qui m'a croisée alors que j'étais à l'infirmerie pour prévenir Léon que j'étais à nouveau Préfète-en-chef. Il s'est imaginé des trucs alors qu'il n'y avait pas franchement de quoi s'affoler. Mais c'est Selwyn, tu sais comment il est.
– Je le sais bien et c'est pour ça que j'ai aussi tendance à le croire, affirme-t-elle avec un sourire amusé. Et je te connais depuis que tu es sortie du ventre de ta mère, Molly Weasley. Est-ce que tu peux me donner une raison autre que « Parce que je tiens à lui » pour m'expliquer pourquoi tu étais la première en bas, avant même les autres joueurs, lorsqu'il est tombé ? Ce n'est pas anodin, ma jolie. Je dirais même que c'est un signe qui ne trompe pas ! »
J'ouvre la bouche pour répliquer mais je sais au fond de moi qu'elle a raison mais je n'ai aucune envie que quelqu'un s'en mêle, surtout pas maintenant. Ce n'est pas tout à fait le bon moment pour dire à tout le monde que j'apprécie Léon. Surtout pas si ça le met encore plus en danger. Je finis par soupirer :
« Mais qu'est-ce que ça change de savoir si je tiens à lui ou pas ? Je n'ai juste pas envie qu'il décède en tombant de son balai, ce n'est pas un crime ! Ça aurait été n'importe qui d'autre, j'y serais aussi allée, crois-moi. »
Elle agite ses cheveux bouclés, toujours un sourire accroché aux lèvres.
« Même Emeline ?
– Je ne l'ai jamais vue tenir sur un balai, rétorqué-je, mauvaise.
– C'est pas faux, confirme Roxanne en éclatant finalement de rire. Mais tu ne m'enlèveras pas de la tête qu'il se passe quelque chose que tu ne veux pas me dire ... »
Je hausse les épaules, faisant de mon mieux pour changer de sujet. Je pioche une nouvelle dragée avant de le regretter en sentant le goût terriblement fort du poivre noir emplir ma bouche. Après avoir toussé un bon moment sous le regard moqueur de Roxanne, je me remets en marche avec elle. On déambule sans but, juste pour se dégourdir un peu les jambes dans les couloirs. Peut-être par habitude, nos pas nous mènent non-loin de la Bibliothèque. On entend d'abord une sorte de brouhaha indistinct, puis on aperçoit, dans un couloir un attroupement qui ameute de plus en plus de curieux. Même la Bibliothécaire est sortie de son antre pour essayer d'imposer le calme en vain.
« Qu'est-ce qu'il se passe, ici ? »
Je n'ai pas le temps de répondre à la question de Roxanne que Peeves surgit au-dessus de nos têtes en criant à tue-tête :
« Une bagarre ! J'adore ça ! Une bagarre entre filles ! Mais oui, battez-vous ! Qu'il y ait un peu d'action dans ce château ! Vas-y, attrape-lui les cheveux ! »
J'échange un regard déjà fatigué avec Roxanne. Je sais que je dois intervenir. Je suis préfète-en-chef, c'est mon rôle. Mais j'ai un instant d'hésitation. Et si je faisais comme si je n'avais rien vu ? Ma cousine se met sur la pointe des pieds pour essayer de voir ce qu'il se passe exactement derrière la foule amassée. Elle me donne un coup de coude :
« C'est Lovener. J'ai l'impression qu'elle se bat avec Garance, souffle-t-elle avec étonnement.
– Avec Garance ? Merlin ... Tu peux aller chercher un professeur ? Je vais essayer de les séparer. »
Elle hoche la tête et s'éloigne rapidement dans le couloir. Je soupire. Garance Froste dans une bagarre ? On aura tout vu ! Il n'y aurait eu qu'Emeline, je n'y serais pas allée mais Garance n'est pas méchante. J'écarte de mon chemin les badauds qui encouragent les filles à en venir aux mains.
« Hé, laissez-moi passer ! crié-je à un groupe de troisième année en leur montrant mon insigne de préfète-en-chef. Vous voulez une retenue ? Tu fais quoi, toi ? »
Je m'arrête pour foudroyer du regard un petit Gryffondor qui semble prendre des paris. Excédée, je joue des coudes et pousse tout le monde. J'arrive enfin à voir plus clair dans la situation. Il n'y a pas uniquement Emeline et Garance mais c'est tout leur dortoir qui semble s'être réuni. Je cligne des yeux plusieurs fois pour essayer de comprendre mais la confusion règne autour de moi et Peeves hurle toujours des obscénités au dessus de nos têtes.
Garance a sa baguette dans la main et regarde Emeline avec des yeux noirs que je ne lui connaissais pas. À ses côtés, Brittany Norwich a l'air particulièrement énervée. Elle a les joues rouges et ses cheveux d'habitude si bien peignés sont défaits. Emeline est campée sur ses positions, le visage déformé par la colère. Derrière elle, Natacha Rosenthal brandit sa baguette en direction de Brittany.
J'ai dû rater quelque chose. Aux dernières nouvelles, Brittany était la meilleure amie d'Emeline. A-t-elle enfin compris que Léon l'avait trompée tout l'été ? Ce spectacle m'aurait presque fait rire si le regard assassin de la fille du ministre n'avait pas croisé le mien. Elle semble se liquéfier un instant avant de recommencer à bouillonner de plus belle. Prudente, je pose la main sur ma baguette et j'avance d'un pas pour essayer de me mettre entre les deux groupes.
« Weasley ! crache Emeline. Ça ne devrait même plus m'étonner de te voir débarquer maintenant... Tu veux qu'on continue ce qu'on avait commencé ? Rien ne me ferait plus plaisir que d'abîmer ton beau visage.
– La colère te va mal, Lovener. Tu devrais te calmer, tenté-je tout en sachant que ça n'avait pas grande chance de fonctionner.
– Me calmer ? Alors que vous passez votre temps à pourrir ma vie ? Vous croyez que j'ai envie de me calmer ? »
Je fronce les sourcils. Qu'est-ce que j'ai encore bien pu faire pour lui gâcher la vie ? Garance croise mon regard interrogateur et souffle :
« Elle est persuadée que je monte Léon contre elle. »
Je hausse un sourcil à peine étonné. Garance n'est pas une grande amie de Lovener mais il ne me semble pas que son avis ait beaucoup compté dans les décisions de Léon. Il est grand. Il sait se débrouiller seul. Emeline n'a pas l'air d'apprécier mon petit sourire ironique et elle lève sa baguette vers moi. Je réagis en saisissant la mienne immédiatement.
« Lâche ta baguette, Lovener.
– Tu n'as pas à me donner des ordres ! s'exclame-t-elle en me ciblant toujours.
– Si, tu es en train de déranger tout l'étage. J'ai même le devoir de te dire de te calmer, Emeline. Tu te souviens que je suis à nouveau Préfète-en-chef ? Je sais que ça n'arrange pas vraiment tes affaires mais tu devras faire avec.
– J'aurais dû te faire virer, crache-t-elle, venimeuse.
– Pourquoi tu cherches les ennuis, Lovener ? Retourne dans ta salle commune et arrête de m'agresser. Vos disputes ne concernent personne d'autre que vous alors veuillez cesser de les exposer à la vue de tout le monde.
– Parce que ça ne te concerne pas peut-être ? »
Elle éclate d'un rire presque fou. J'ouvre de grands yeux inquiets. Garance, à côté de moi, soupire et se tourne vers Brittany qui se recroqueville. Il va falloir tirer ça au clair.
« Tu dis que tu n'as rien à voir avec ça, Weasley. Mais bien sûr que si, tu as tout à voir avec ça ! Sans toi, rien de tout cela ne serait arrivé !
– Tu me sors toujours le même discours, Lovener. Mais ce n'est pas de ma faute si Léon ne t'aime plus. Je suis désolée, mais, en fait, ce n'est de la faute de personne. Mets-toi bien ça dans la tête ! Il n'y a pas de coupable et il fait ce qu'il veut. »
Elle hésite un instant, trouvant certainement que mon raisonnement avait un fond de vérité. Mais elle est incapable de s'arrêter en si bon chemin. Elle a besoin d'aller jusqu'au bout, de toucher la limite du doigt. La colère se reflète dans ses yeux. Elle ne baisse pas sa baguette mais la tourne plutôt vers Brittany. Cette dernière écarquille les yeux d'horreur et recule d'un pas. Je n'ai pas le temps de lancer un sort de défense que la fille du Ministre s'exclame :
« Pungo ! »
La maléfice cuisant atteint le visage de Brittany et elle crie de douleur. Merlin. Horrifiée, je riposte :
« Expelliarmus ! »
La baguette de Lovener s'envole et atterrit au milieu des badauds qui s'écartent, un peu effrayés. Je pensais que ça allait calmer Emeline mais c'était bien naïf de ma part. Natacha tente de stupéfixer Garance. Elle dévie le sort de justesse, il va frapper une armure qui s'effondre dans un grand fracas. Et alors que je regarde Natacha avec incompréhension, je me sens soudain projetée en arrière. Emeline, dans un élan de folie, a attrapé le bras de l'armure et l'a lancé violemment sur moi. Le fer cogne mon arcade sourcilière. La douleur me donne l'impression que mon crâne a explosé.
Ce n'est plus que confusion. Du sang coule dans mon œil et à travers le filet rouge, je vois Brittany souffrir, Garance jeter un sort à Lovener, se prendre un coup de Natacha. Peeves hurle son enthousiasme, les curieux s'éloignent de plus en plus. Je remets enfin la main sur ma baguette pour essayer de tout arrêter puisqu'il n'y a visiblement personne d'autre qui semble s'en préoccuper. Je me hisse sur mes jambes et je parviens à retrouver Emeline qui a le visage griffé et je pointe ma baguette vers elle. J'allais la sommer de reculer pour que tout le monde aille voir McGonagall dans son bureau quand j'ai vu son sourire. Son sourire mauvais et un grand silence. Un frisson m'a parcouru. Une voix beaucoup plus grave s'est exclamée :
« Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Weasley, lâchez cette baguette immédiatement ! »
Merlin. Je passe une main tremblante sur mon visage pour tenter d'essuyer le sang. Puis je me retourne vers l'Auror qui se tient derrière moi, baguette à la main. On va encore m'accuser d'avoir agressé Emeline. Un goût terriblement amer s'installe dans ma bouche. J'ai envie de cracher toute ma colère à sa figure mais je ne peux que regarder avec défiance l'homme au regard glaçant. Je jurerai voir un sourire malfaisant sur ses lèvres. Tous ceux qui nous entouraient se sont éloignés, par prudence, ne voulant pas être accusés de quoi que ce soit.
L'Auror me pousse d'un geste dur pour observer les quatre filles de Serpentard avec un fond de pitié dans les yeux. Puis il me fixe un instant avant de dire :
« Je crois que vous allez toutes devoir faire un tour dans le bureau du Professeur McGonagall. »
Il fait un signe de tête en direction du couloir qui y mène et attrape le bras de Brittany d'un geste sec pour qu'elle se relève plus rapidement.
« Allez, ne traînez pas. »
Je gémis en sentant mon front me lancer. Les Aurors font la police dans le château maintenant. Ça ne s'arrange pas. Je n'ai aucune envie de les suivre mais son regard me fait comprendre que je n'ai pas vraiment le choix. Garance s'approche de moi et soupire. Elle a l'air au bord des larmes. C'est si rare de sa part. Ça me fait un petit coup au cœur.
« Je suis désolée que tu ais eu à subir ça, Molly, souffle-t-elle.
– Il s'est passé quoi exactement ? demandé-je.
– Emeline est de plus en plus dingue, me glisse-t-elle à voix basse. Elle s'est énervée toute seule sur moi et Brittany a eu le malheur d'essayer de me défendre alors ça s'est retourné contre elle. C'est n'importe quoi. Je ne sais comment je vais supporter ça jusqu'à la fin de l'année. »
Je hoche la tête. Elle n'a pas eu vraiment de chance de tomber dans la même maison qu'Emeline la même année. Lovener est en train de perdre les pédales. Elle qui adore tout contrôler doit détester voir la situation avec Léon lui échapper. Elle avait déjà dû prévoir leur mariage et le prénom des enfants. Elle ne supporte pas de perdre tout ça et que son comportement de petit chef ne suffise pas à tout remettre dans le bon ordre.
Une fois devant le bureau de la directrice, l'Auror fait entrer toute les filles de Serpentard et au moment où j'allais moi aussi passer la porte, il m'arrête en posant une main musclé sur mon épaule.
« Je vous déconseille de trop faire de vagues, Miss Weasley, m'avertit-il avec un air sombre.
– C'est une menace ? ai-je demandé en haussant un sourcil, innocemment. Parce que dans ce cas, sans vouloir vous vexer, vous ne me faites pas peur. »
J'ai menti. J'avoue. Il me fait peur mais je ne le dirai jamais. Je me dégage de la poigne de l'homme glaçant pour aller rejoindre les autres dans la bureau de McGonagall. Elle fronce les sourcils en me voyant entrer, l'Auror sur mes talons.
« Bien, pouvez-vous m'expliquer ce qu'ils se passent, Mesdemoiselles ?
– Ces jeunes filles se battaient dans un couloir, répond l'homme, juste derrière moi.
– Elles se battaient, rectifié-je rapidement. Je suis intervenue pour les séparer, car c'est le rôle d'un préfet, et j'ai subi quelques préjudices. »
Minerva, dans sa grande sagesse, a hoché la tête, presque imperceptiblement et a demandé quelques éclaircissements sur la situation. J'ai haussé les épaules, ce ne sont pas mes affaires. Brittany a bégayé quelques mots, comme quoi Emeline leur avait sauté dessus sans raison. Cette dernière s'est défendue sans grands arguments et Natacha a voulu l'aider mais elle ne savait sûrement pas très bien ce qu'il s'était passé. Garance est restée silencieuse, à observer Lovener d'un regard noir.
McGonagall soupire enfin, certainement fatiguée d'entendre leurs piaillements. D'un geste de la main, elle les fait taire pour leur annoncer qu'elles auraient toutes les quatre une retenue à faire avec le Professeur Griffith dans les cachots. Elle retire cinquante points à Serpentard. Merci Merlin, elle ne m'inclue pas dans la sanction. Elle ne m'adresse d'ailleurs aucune parole, ni un regard. Elle demande simplement à l'Auror de nous accompagner à l'Infirmerie avant qu'on ne laisse des traces de sang sur le tapis.
L'Auror me surveille du coin de l'œil alors que je fais le chemin aux côtés de Garance. J'essaye de ne pas montrer mon inquiétude et le stress que provoque en moi son seul regard effrayant.
Madame Ewer, à l'Infirmerie, soupire en nous voyant arriver. Elle sépare Emeline de Brittany avant qu'elle ne recommence à s'énerver. Excédée, je reste dans un coin en attendant qu'elle vienne s'occuper de mon front.
De l'autre côté de la pièce, j'aperçois Léon. Il a dû être réveillé par cette agitation. Garance s'approche de lui et s'effondre sur la chaise à côté de son lit. Elle discute à voix basse avec son ami sous le regard terrible d'Emeline qui se retient certainement d'aller à nouveau lui casser la figure. A la place, elle fait quelques pas vers moi pendant que Natacha reçoit quelques soins.
« Alors, persifle-t-elle, tu ne vas pas le voir ?
– De quoi tu parles ? fais-je en levant les yeux au ciel.
– Celui que tu aimes et que tu veux me prendre est juste là. Avoue, Weasley, ça te démange.
– Tu devrais vraiment aller te faire soigner.
– Parce que je suis folle ? »
J'esquisse un petit sourire amusé en penchant la tête. Elle a vraiment l'air folle, en effet. Au final, je la plains presque. Elle est comme déboussolée, sûrement très seule et incapable d'ouvrir les yeux. Je lui dis, presque gentiment :
« Parce que tu saignes de la joue. Elle est toute griffée. »
Elle grogne, étouffant sa rage et sa frustration. Elle rejoint Natacha et Madame Ewer qui la fait asseoir sur un lit. J'ai lancé un petit regard à Léon et Garance. Il a l'air concentré sur ce qu'elle lui raconte. Je résiste à l'envie d'aller les voir pour ne pas donner une raison de plus à Emeline de me crier dessus. Et je n'ai pas envie de mettre Léon en danger encore plus. On m'a bien fait comprendre que je ne pouvais rien cacher. J'essaye de ne pas trop m'agiter sous le regard toujours aussi pesant de l'Auror qui se tient à côté de la porte, les bras croisés.
Madame Ewer vient enfin s'occuper de moi, une fois qu'elles sont toutes reparties. J'imagine qu'elles ne veulent plus rester dans la même pièce. Ça devrait être sympa cette nuit dans le dortoir des Serpentard. Même l'Auror est retourné dehors. L'Infirmière essuie le sang délicatement.
« Je me demande bien ce que vous faites pour vous retrouver dans de telles situations, souffle-t-elle en souriant aimablement.
– Croyez-moi, j'éviterais bien ... Mais certaines personnes ne peuvent s'empêcher de m'y impliquer. »
Je grimace un petit peu quand elle applique une solution piquante sur mon arcade sourcilière. Elle me regarde avec un fond d'inquiétude et me tend une poche de glace à mettre sur mon front pour éviter une bosse trop importante.
« Prenez soin de vous, Miss Weasley.
– Je fais de mon mieux.
– Je sais bien. »
Elle m'adresse un sourire gentil et s'éloigne pour voir un malade à l'autre bout de la pièce. Je prends une grande inspiration. J'ai du travail à finir mais aucune envie d'y aller. Le froid sur mon front m'engourdit tout entier, anesthésiant ma douleur et mon esprit.
« Molly ? »
Je lève les yeux vers la voix de Léon. Mon cœur sursaute. Il est redressé sur son lit et semble préoccupé. J'ai très envie d'aller m'asseoir à côté de lui mais une force inconnue me retient. J'hésite un instant, regardant attentivement toute la pièce. Mais mes yeux reviennent toujours sur lui. Qu'est-ce qu'il y a de mal à aller le voir, juste quelques instants ? Je ne peux pas décemment partir sans lui adresser un mot. Je finis par m'approcher de son lit silencieusement.
« Est-ce que ça va ? »
Je hausse les épaules.
« Emeline m'a attaquée sans raison, dis-je d'une voix sourde. Tu ne lui as peut-être pas dit suffisamment clairement que ce n'était pas de ma faute si tu ne l'aimes plus. »
Il a comme une petit étincelle dans le fond des yeux. Je ne peux pas m'empêcher de surveiller les environs nerveusement. Mais il me rappelle à lui.
« Tu en es sûre, de ça ? »
Mon cœur fait un bond. J'ai failli faire tomber la glace que je tiens sur front. Ma main est tellement moite que ça ne va pas tarder à fondre. Je vais en mettre partout. Il croise mon regard et je sais qu'il voit mon trouble. Comment ne pourrait-il pas le voir ? Tout le monde ne voit que ça depuis quelques jours.
« Tu crois que c'est de ma faute ?
– Je ne fais que poser la question. »
Il essaye de s'accrocher à mes yeux mais ils ne font que le fuir. De l'eau glacée me glisse le long de la tempe, comme une goutte de sueur.
« Qu'est-ce que tu préférerais ?
– De quoi tu parles ? »
Je fais semblant de ne pas comprendre sa question. J'ai très envie de me liquéfier comme la glace sur mon front, de disparaître dans une flaque d'eau. Il me demande si je préférerais qu'il m'aime ou non. J'ai compris. Mais rien dans mon corps ou mon esprit ne semble se connecter normalement. Il me demande si je l'aime. J'espère que la glace empêche mes joues de rougir trop fort. J'essaye tant bien que mal de rassembler mes émotions pour dire simplement :
« Je n'en sais rien. Je crois que je préférerais que tu me le dises au lieu de me poser la question. »
Il sourit légèrement. J'arrête de regarder son sourire pour me concentrer sur mes pieds où coulent des gouttes froides. Qu'il le dise avant que je ne me mette à ne plus pouvoir parler du tout tant mon rythme cardiaque s'accélère.
« Je te le dis. Ce n'est pas de ta faute. »
Je ferme les yeux, encaissant le choc comme un coup de poing dans le ventre. Je me sens tellement ridicule. Je ne devrais même pas être là. Pourquoi est-ce que j'ai cru que ce que je ressentais pouvait être réciproque ? Je frissonne. C'est peut-être le froid. Mon cerveau me hurle de partir, de ne pas rester une minute de plus auprès de lui. Le risque n'en vaut plus la chandelle. Mais il reprend :
« Ce n'est pas de ta faute. C'est totalement de la mienne. Emeline a tort. Tu ne m'a pas séduit. Tu n'as rien fait. »
Je relève lentement les yeux, un sourire amer barrant mon visage.
Est-ce qu'il est en train de dire qu'il doute de ce que je peux ressentir pour lui ? C'est un reproche dissimulé. Mais en même temps, qu'a-t-il fait de son côté à part sortir avec Emeline toutes les deux semaines ? Une petite larme se mêle aux gouttes gelées. Il a tout chamboulé dans ma vie ces dernières semaines, peut-être mêmes ces derniers mois et il ose dire que je n'ai rien fait.
Je revoie les images de la soirée d'Halloween qui défilent devant mes yeux. Ce baiser secret, la promesse d'une danse jamais réalisée, un petit espoir. Avant qu'il ne me laisse désespérément seule.
Je l'aide à chercher qui lui a fait du mal. Je brave les menaces. Je me bats avec Emeline. Je tiens tête aux Aurors. Mais je ne fais rien à ses yeux. Qu'est-ce que je peux faire de plus sans le pousser directement entre les griffes des Salvateurs ?
« Molly, murmure-t-il, je suis désolé pour Emeline. Je ne sais pas comment faire pour qu'elle se calme et qu'elle passe à autre chose.
– Peut-être qu'il faudrait que tu sois clair toi aussi, proposé-je d'une petite voix. Et que tu passes à véritablement à autre chose.
– Comment ? Tu connais une solution pour ça ? »
Je lui adresse enfin un petit sourire et je ne réponds rien. Il attend pourtant en me fixant de ses grands yeux gris. J'entends du bruit à l'extérieur de l'Infirmerie et soudain les mots de Dorian remontent à la surface. Ils savent. Ils savent déjà tout. Ils vont savoir ça aussi. Je secoue la tête.
« Je ne peux pas rester. Je dois y aller. »
Il affiche une petite moue déçue mais hoche la tête. Je me mords la lèvre inférieure pour me faire violence et je m'arrache à ses yeux gris. Je ne peux pas le mettre en danger aussi égoïstement. Je me dirige vers la porte de l'Infirmerie qui s'ouvre brusquement sur Roxanne. Je recule de quelques pas. Elle a l'air inquiète.
« Oh, Molly ! Elle t'a bien abîmée, dis donc ... Tu sais pourtant que tu n'es pas constituée pour te battre tous les jours.
– Je ne fais pas exprès, Roxanne.
– C'est ce que tu dis mais je te connais. Bientôt je vais t'embaucher comme batteuse dans l'équipe ! »
Je soupire en riant. Avant de sortir de l'Infirmerie, je me retourne une dernière fois vers Léon. Il m'adresse un petit signe de la main. Il paraît triste de rester seul. Mais c'est sûrement pour le mieux.
***
Salut à vous !
Voilà un chapitre plus long que les derniers mais j'ai plus de scrupule maintenant à couper mes chapitres ... Je ne sais pas vraiment ce que vous préférez, n'hésitez pas à me le dire !
En tout cas, j'espère qu'il vous aura plu et que vous allez bien ! (moi je suis enfin en vacances, ça va me faire beaucoup de bien je pense ^^)
Merci d'être encore là <3
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