Dimanche 29 Septembre
Plus de quartier. Plus la moindre chance à la moindre personne d'entrer dans ma vie comme si la porte était grande ouverte et de laisser derrière son passage les ruines de mon existence. Si un obstacle se présente, il sera détruit sans hésitation. Dans l'hypothèse où j'arriverais à la perfection, c'est-à-dire, aujourd'hui, à l'absence de sentiment. Voilà à quoi ça sert de faire des erreurs, à se concentrer sur le travail et uniquement sur le travail. La bibliothèque devient ma meilleure amie et les livres sont mes compagnons de route vers les ASPIC.
« Euh ... Molly, je te dérange ? »
Qui ose m'adresser la parole que je le frappe avec mon livre de métamorphose ? C'est à peu près aussi dangereux qu'un marteau, les gens devraient se méfier. Je découvre Garance qui me regarde avec un air préoccupé et elle est accompagnée d'une très jeune Poufsouffle qui ouvre de grands yeux impressionnés. Je fronce les sourcils. Garance a beau ne pas être détestable, j'ai un peu de mal à voir comment elle pourrait ne pas me déranger. D'autant plus que rien que sa présence ici annonce certainement celle d'autres Serpentard, notamment son Merlin d'ami qui n'a pas hésité une seule seconde à être méchant avec moi. Elle s'appuie sur la table et fait un petit sourire :
« Déborah a du mal à faire son devoir de métamorphose. J'ai vu que tu en faisais justement et comme j'aimerais discuter avec toi, je me suis dit qu'on pouvait faire d'une pierre, deux coups.
– Si tu veux discuter avec moi d'un certain idiot au cerveau ravagé, ce n'est pas la peine. En revanche, Déborah, continué-je en adressant un sourire bienveillant à l'élève de Deuxième année, je veux bien t'aider. »
Garance esquisse un sourire et tire une chaise pour la petite Poufsouffle et s'installe en face de moi. J'ai l'impression qu'elle n'a pas compris que je ne voulais pas discuter avec elle. La dénommée Déborah s'assoit timidement et ouvre son livre de métamorphose pour chercher la bonne page. La brune de Serpentard en profite pour me rappeler :
« Je t'avais prévenu de ne pas trop le faire souffrir et tu ne m'as pas écoutée.
– Pardon ? explosé-je presque en entendant ses mots. Est-ce que tu insinues que c'est de ma faute si Léon est un débile complet ?
– Ce n'est pas ce que j'ai dit, soupire-t-elle sans me convaincre pour autant. Écoute, il n'a pas bien agi, c'est le moins qu'on puisse dire, mais il n'a pas du tout apprécié la manière dont ... »
Elle hésite, retenant presque son souffle. Je lui lance un regard particulièrement noir alors que la jeune fille continue à sortir ses affaires en se faisant petite, elle doit avoir l'impression d'être de trop. Garance reprend :
« Je ne comprends pas pourquoi tu as fait ça, en fait. Sois un peu claire de temps en temps, avec toi-même d'abord et puis avec les autres.
– Je ne peux pas l'expliquer, d'accord ? Déborah, c'est quoi ton problème ? La transformation du scarabée en bouton ?
– Oui, c'est ça, dit-elle d'une petite voix. Merci beaucoup.
– En tout cas, persiste Garance, je lui ai dit que son comportement n'était pas du tout légitime. Est-ce qu'il s'est excusé, hier ? »
Je soupire en levant les yeux au ciel puis essaye de me concentrer sur le devoir de notre jeune camarade. Garance sort ses affaires de ce qui semble être de la Botanique mais continue à me regarder. Je ne peux pas m'empêcher de laisser échapper un nouveau soupir et lui réponds enfin :
« Non, il ne s'est pas excusé. Et honnêtement, il peut le faire s'il veut mais ça ne changera strictement rien. On ne pourra pas s'entendre sur certaines choses, tu le sais très bien. Il veut constamment se mêler de mes affaires. Pour la métamorphose, Déborah, tu dois être vraiment concentrée sur l'objet, c'est la clé. Il faut que tu penses à la fois au scarabée, comment il est constitué, de quelle couleur il est, combien il a de pattes ... Et à la fois au bouton, sa forme, sa matière ... Une fois que tout est très clair dans ta tête, tu dois dire la formule avec précision. Dans la métamorphose, tout est affaire de précision.
– D'accord, chuchote-t-elle en prenant son scarabée.
– Je crois qu'il essayait de faire des efforts pour que tout se passe bien avec toi, dit Garance avec l'air triste.
– Apparemment, ça n'a pas fonctionné, constaté-je d'un ton dur. Franchement, me menacer, me faire un coup pareil et ensuite presque m'agresser, je ne trouve pas que ça ressemble à des efforts.
– Moi non plus, commente Déborah.
– Tu vois, j'ai raison. »
Garance secoue la tête et abandonne. Elle plonge presque la tête dans son livre sur les Plantes dangereuses et en faisant ça, elle me laisse voir la table derrière elle. Installé là, Lorcan me fixe du regard. Je fronce les sourcils. Il baisse les yeux quand il remarque que je l'ai surpris. La dernière fois que je l'ai vu, il s'en allait presque en courant de la Grande Salle, il avait ce regard blessé et il semblait me détester plus que tout. Je me concentre sur le travail de Déborah mais rien ne lui a échappé, c'est une jeune fille sûrement très intelligente. Je jette un nouveau coup d'œil en direction du Serdaigle, il range visiblement ses affaires, certainement dérangé par ma présence ou quelque chose comme ça. C'est douloureux, j'essaye d'oublier son existence mais il ne part pas aussi directement que je ne le pensais, il s'arrête à notre table, silencieusement. Je hausse un sourcil interrogateur et Garance essaye de rester discrète en ne disant rien. Il dit rapidement :
« Mo', ça te dit qu'on parle un peu ? »
Je regarde Déborah et son scarabée, elle a l'air d'avoir des étincelles dans les yeux et elle chuchote :
« Vas-y, je me débrouillerai toute seule. »
Je n'ai plus d'excuse pour refuser. Lentement, je me lève et rassemble mes affaires dans mon sac. Il se mordille la lèvre, presque avec anxiété. Je laisse les deux filles à la table et lui emboîte le pas quand il sort de la bibliothèque. On marche jusqu'à un coin tranquille, sur un banc, sous le cloître d'une petite cour. Il ne me regarde pas pendant un instant, alors qu'on est tous les deux assis l'un à côté de l'autre et que des gouttes de pluie commencent à tomber. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il va me dire, je ne peux que me triturer les mains en attendant qu'il se décide à parler.
« Tu as du succès cette année, finit-il par dire.
– Ça ne me rend pas service, constaté-je avec dépit en comprenant qu'il allait recommencer.
– Léon et Scott alors ? Lysander est un abruti mais il sait envoyer des signaux. J'aurais préféré que tu m'en parles plutôt que sans arrêt apprendre tout par les autres. »
Il a l'air attristé, moi aussi. La pluie coule juste devant nos yeux et ça ne fait qu'accentuer la mélancolie de la situation. Mais au fond de moi, je sens que j'en ai assez de tout ça. Je dis avec honnêteté :
« Lorcan, écoute, tu n'avais pas l'air très disposé à en entendre parler. Et je n'ai même pas eu le temps d'en discuter avec qui que ce soit, tout s'est passé beaucoup trop vite et ...
– Mais Lysander savait, remarque-t-il avec amertume. Quand même, j'ai du mal à m'y faire, tu as embrassé deux garçons que tu ... Enfin, tu ne les fréquentes même pas ! »
Je me mords la lèvre, il me fait la morale, je ne supporte pas vraiment. Merlin, je suis consciente d'avoir fait des erreurs mais il n'est pas bien placé pour me dire ce que j'aurais dû faire. Je m'indigne un peu :
« Oh, ça va ! Tu ne vas pas me faire la leçon non plus. Je suis grande, je n'ai pas besoin de toi pour me dire ce que je ne fais pas bien. Si tu voulais juste me dire que tu étais déçu, bien, c'est fait, ce n'est pas la peine d'en rajouter ...
– Mais ça me fait mal ! Molly, tu es plus proche de Lysander que de moi en ce moment. Et puis tu t'amuses à collectionner les garçons alors que ... T'as changé, tu n'aurais jamais fait ça avant. »
Il doit voir dans mon regard une étincelle de colère parce qu'il arrête de parler. Je n'ai rien demandé à personne. Merlin, il doit avoir l'impression que j'ai changé mais je sais que ce n'est pas tant moi que mes sentiments. Il s'est éloigné de moi. Avant même qu'il apprenne ce qu'il s'était passé. Je pense qu'il n'a pas conscience que aucun de ceux que j'ai embrassé ne m'intéresse vraiment. Il doit croire que je ne l'aimais pas assez, ça me fait l'effet d'un coup de poignard dans l'abdomen. Je l'aimais suffisamment pour faire n'importe quoi. Mais c'est trop tard, il faut qu'il se mette ça dans la tête. J'ai passé six années à essayer de comprendre ce qu'il se passait entre nous, et j'en étais heureuse, mais c'est terminé. Il est insupportable à croire que je ne pense jamais à lui. Parce que c'est faux et parce que je refuse de passer ma vie à mordre les doigts de ne pas avoir réussi à passer à autre chose.
« D'ailleurs, ajoute-t-il, tu ne les aimes pas, pourquoi tu les embrasses ? Tu essayes de me prouver que tu es passée à autre chose, c'est ça ? Tu apprécies le fait d'être convoitée et tu en joues contre moi. Je ne suis pas idiot, Molly.
– Bien sûr que si ! Tu es un véritable imbécile quand tu t'y mets ! Arrête, ai-je crié pour l'empêcher de parler, tu crois vraiment que j'adore me faire ridiculiser devant tout le monde ? Tu crois vraiment que voir la sale tronche de ton frère qui balance des dossiers sur moi est hilarant ? Tu trouves ça drôle ? Tu n'es pas le seul, maintenant, tous les élèves de Poudlard murmurent dans les couloirs quand je m'approche. Haha, qu'est-ce qu'on se marre ! »
Il me regarde avec des yeux humides et presque effrayé alors que je me suis levée pour lui dire ça. Je voulais être calme à la base, discuter tranquillement avec lui, pourquoi pas qu'il me console mais il a cette manie désagréable de ne pas voir que je vais mal et de se concentrer uniquement sur sa propre douleur. J'ai la gorge serrée. Il se lève, un peu tremblant et tente un geste vers moi que j'évite en reculant. Je lâche :
« J'ai peut-être changé Lorcan, mais soit tu m'acceptes comme ça, soit on arrête tout. »
J'ai attendu sa réponse. Elle n'est pas arrivée. Avec un hochement de tête, je tourne les talons, le cœur battant et les larmes aux yeux. Je l'entends soupirer. Il doit essayer de me rattraper. Sa voix retentit jusqu'à moi :
« Molly ! Je ne veux pas te perdre ... Tu sais très bien que j'ai parlé sans réfléchir ...
– Non ! hurlé-je en me retournant pour lui faire face. Tu le pensais. Tu penses que je suis devenue une fille facile, qui se jette à présent dans les bras du premier venu. Avoue-le, c'est exactement ce que tu penses.
– Non, je te jure que je ne voulais pas dire ...
– Mais ne me dis pas que tu ne le penses pas. Au fond, Lorcan, je sais que tu es jaloux, en colère contre moi. Tu as le droit de l'être mais ne t'avise plus jamais de recommencer à t'imaginer de telles choses. »
Je l'observe baisser les yeux, il a honte. Tant mieux, qu'il comprenne à quel point ça peut être blessant. Je souffle avec rage et reprends ma route. Une fois que je sais qu'il ne me suit pas, je me mets à courir jusqu'à la salle commune que je traverse à la vitesse d'un éclair pour aller me réfugier dans le dortoir. Il me semble que j'ai refermé la porte qu'il y avait entre Lorcan et moi.
Roxanne me rejoint quelques minutes plus tard, j'ai déjà trempé mon oreiller de larmes salées. Elle pose une main sur mon épaule et soupire. Je me redresse pour mieux me blottir contre elle, murmurant :
« Je me suis encore disputée avec Lorcan. Ça n'arrivait jamais avant ... Roxanne, qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
– Tu es tout ce qu'il y a de plus normal. Une adolescente qui cherche des repères. J'imagine qu'il se sentait trahi.
– Il trouve que j'ai changé et que je prends plaisir à le torturer.
– Il est jaloux.
– D'un crétin impulsif et d'un Poufsouffle harceleur ?
– Mais eux, tu les as embrassé et pas lui. »
Je lève les yeux vers elle, elle me fait un sourire tendre en jouant avec mes cheveux. Je soupire. Elle a raison. Je finis par dire :
« Parce que je pensais qu'il n'y avait pas de danger à embrasser ceux que l'on n'aime pas. »
Elle me donne une petite tape sur la tête en levant les yeux au ciel. Je sais, je suis stupide.
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