Dimanche 20 Octobre (2/3)

La matinée s'enfuit comme un prisonnier d'Azkaban : douloureusement. Je guette le retour de Percy, le moment où il remontera dans le bureau de McGonagall et où je pourrais m'y introduire, dire ce que dois dire et observer les conséquences. Je suis plus angoissée qu'avant des examens de fin d'année. J'ai une légère goutte de sueur qui coule dans mon dos alors que je me dirige vers la Grande Salle pour le déjeuner. Scott est déjà installé à la table des Poufsouffle. Il m'adresse un sourire et me fait un signe pour que je l'y rejoigne. Je jette un rapide regard vers ma table habituelle, Roxanne est en train de papoter avec Léna et Effie, elles ne me voient pas aller à l'autre bout de la salle. Scott me fait une place à côté de lui et dit, un sourire aux lèvres :

« Tu vas bien ?

– Super, vraiment super, réponds-je avec une tentative de sourire. Et toi alors ?

– Génial, ça me fait plaisir de manger avec toi. »

Mais on sait tous les deux qu'on ne va pas bien. A l'autre bout de la table jaune et noire, le préfet Dorian Smith me dévisage, les sourcils froncés. Je me recroqueville un peu, angoissée et me trouvant peu à ma place au milieu des Poufsouffle. Scott essaye tant bien que mal de me mettre le plus à l'aise possible. Il tente de me faire rire mais je ne l'écoute qu'à peine. Je surveille la table des Gryffondor, de peur que Percy débarque sans prévenir.

« Molly, il faut qu'on arrive à se détendre ...

– Facile à dire. Je crois que j'ai oublié le sens du mot, dis-je d'une voix froide. Tu as quelque chose à proposer qui me fera oublier les prochaines heures ? »

Je regarde Scott d'un air las. Il a un sourire amusé aux lèvres, celui qu'on fait quand on a une idée stupide en tête. Je soupire en attendant qu'il explicite cette idée. Alors, il prend le plat de petits pois, s'en sert généreusement et attrape sa cuillère. N'avais-je pas dit stupide ? Je vois absolument où il veut en venir. Il met le petit pois dans la cuillère et cherche la cible idéale. Son regard se fixe sur la table de Serpentard et, plus précisément, sur Emeline Lovener. Rien ne me ferait plus plaisir que de la voir avec des petits pois verts dans ses cheveux blonds.

« Ce serait très illégal de ta part, Reeve, chuchoté-je en retenant un rire.

– Je suis un hors-la-loi en repentir. Ce sera mon dernier crime. Promis. Est-ce que ça t'irait comme divertissement ?

– Envoie le missile, je t'en prie. »

Je souris en le voyant reculer la cuillère pour soudain la relâcher, catapultant la petite sphère verte directement dans les cheveux de Lovener.

« Quel talent, sifflé-je en applaudissant discrètement. Tu m'avais donc caché ce don si précieux ...

– Et maintenant, regarde le résultat. »

Emeline avait dû sentir quelque chose lui frapper légèrement la tête. On l'a observée passer une main hésitante dans ses cheveux et faire tomber de cette manière le petit pois par terre. Ce n'est définitivement pas suffisant pour l'énerver. Scott, toujours armé de sa petite cuillère, attaque à nouveau. Le second petit pois s'écrase dans le cou de la pauvre fille du Ministre. Et alors, avec délice, on la voit s'exclamer :

«  Mais, arrêtez ! Quelqu'un m'agresse, là ! 

– Qu'est-ce que tu racontes, Emeline ? Il n'y a rien, soupire Garance juste à côté d'elle.

– Ah, mais Merlin, faites quelque chose ! »

Scott avait renvoyé le plus naturellement du monde un petit pois contre l'épaule de la Serpentard. Cette dernière promenait à présent son regard suspicieux et terriblement outré sur la salle toute entière mais il s'arrête surtout sur la table des Gryffondor, n'atteignant jamais à la table des Poufsouffle. Mais bien sûr, qui accuserait des Poufsouffle ? Les Gryffondor, quant à eux, sont curieux et l'observent avec amusement. Je laisse échapper un petit rire en croisant le regard de Scott qui est terriblement fier de lui. Emeline se lève, déterminée à savoir qui l'avait agressée si violemment. Elle pointe du doigt la table où Roxanne est assise en compagnie de la moitié de la famille, dont notamment un James Potter particulièrement moqueur.

« C'est vous ..., déclare notre victime d'une voix forte. Je sais que c'est vous ! »

James attrape vivement sa petite cuillère et la montre à la Serpentard en signe de défi, les yeux brillants et un sourire en coin.

« Tu penses qu'on est suffisamment mature pour savoir comment se servir correctement de ça ?

– Voyons James, l'arrête Roxanne d'un geste. Une cuillère, c'est super pratique. Tu savais que son utilisation principale était de mener des choses jusqu'à la bouche. Des desserts en général. Mais ça peut être aussi autre chose. »

Et Roxanne, tranquillement, attrape un petit pois et le place dans sa cuillère. Emeline les dévisage avec des yeux noirs. James observe attentivement les gestes de Roxanne et au moment où elle allait mettre la cuillère à sa bouche, il fait semblant de lui donner un coup de coude dans le bras. Ma géniale cousine en profite pour lancer le petit pois en direction des Serpentard.

« Oh, pardon ! s'écrie-t-elle alors que Brittany qui observait la scène en silence venait de recevoir le projectile en plein sur la joue. J'ai vraiment pas fait exprès !

– Mais ça va pas dans votre tête ! explose Emeline. Quel âge avez-vous ? »

Scott s'empêche de rire trop fort en serrant le poing contre sa bouche. Je ricane en silence. Nous sommes des enfants, Merlin, des enfants qui ne profitent pas suffisamment de leurs opportunités de s'amuser. Scott me tend la main, avec un sourire satisfait. Je tape dedans, amusée. D'accord, il m'a fait oublier nos problèmes pendant quelques instants. C'est assez impressionnant. On observe la scène, innocemment, comme si nous n'avions rien à voir là-dedans.

Un troisième année de Gryffondor en profite pour relancer l'offensive et vise la table des Serpentard. Côme Selwyn se lève aussi, certainement trop heureux d'avoir un prétexte pour participer et il cible les amis de ma maison. Je me mords la lèvre, hésitant entre la culpabilité d'avoir créé un conflit qui commence à dégénérer et le plaisir que ça me procure. Scott sort sa baguette et fait léviter quelques petits pois qu'il fait voler vers la table des Gryffondor avant de les envoyer vers les Serpentard, pour que personne ne se doute que ça vient des Poufsouffle. Ma voisine de table, une quatrième année noire et jaune, s'amuse beaucoup et nous regarde en hochant la tête, approuvant nos cibles. Roxanne me jette un regard furtif, elle se doute de notre culpabilité. Et il me semble avoir aperçu un petit clin d'œil dans notre direction.

J'étais contente de rester à l'abri chez les Blaireaux, à manger mes petits pois en paix et en pouffant mais alors que la guerre semblait être ouvertement déclarée à l'autre bout de la Grande Salle et que personne ne voulait réellement y mettre fin, mon regard croise celui de Léon Wilkes. Il a dû voir que je n'étais pas à la table des Gryffondor, il a dû trouver ça louche et son regard pesant sur moi ne me laisse pas de doute. Non seulement il sait que nous sommes les coupables, mais il semble plus en colère encore. Il secoue la tête. Je suis puérile en plus d'être certainement une idiote inconsciente dans son regard. Je hausse les épaules, négligemment. J'ai conscience que je n'arrange pas les choses. Mais une petite bataille Gryffondor contre Serpentard n'a jamais fait de mal.

Je me vois obligée de détourner le regard de celui furieux de mon homologue car Scott tire sur ma manche pour pouvoir me glisser à l'oreille :

« Regarde à la porte. »

Je suis son conseil et comprends pourquoi tout sourire s'est effacé de son visage. Il a pâli. Percy est juste sur le pas de la porte, en train de discuter, l'air particulièrement préoccupé, avec la directrice de Poudlard. Cette dernière, fatiguée d'entendre les cris des Serpentard vindicatifs et les rires des Gryffondor, finit par hausser le ton pour que tout le monde se calme.

« Que se passe-t-il ici ? s'exclame-t-elle par dessus ses lunettes. On ne vous a jamais appris à vous tenir correctement pendant le repas ? Que tout le monde ramasse ce qu'il a jeté et se remette à sa place ! Rapidement. »

Son ton est sec, elle n'a pas l'air d'humeur à rire. J'échange un regard un peu anxieux avec Scott. Ce n'est pas tellement bon signe pour nous.

Les Gryffondor et les Serpentard se rasseyent dans un murmure mécontent. Chacun est persuadé de sa victoire et s'en félicite à voix basse. Je soupire. Ce joyeux intermède aura été bien bref. Scott commence à triturer ses doigts. J'essaye d'intercepter le regard de Papa mais il ne regarde jamais dans ma direction et finalement, il n'entre même pas dans la Grande Salle, laissant McGonagall seule s'avancer vers la table des Professeurs.

Scott pose sa main sur la mienne. Il est tendu, il cherche certainement un soutien, mais je suis aussi crispée que lui. Mon regard balaye une nouvelle fois la Grande Salle. Léon est toujours en train de nous observer du coin du l'œil, méfiant. Scott serre ma main un peu plus fort. Le préfet-en-chef de Serpentard semble avoir quelque chose contre nous. Encore plus que d'habitude. Qu'est-ce qu'il peut bien s'imaginer ? Qu'on fomente le complot du siècle ? C'est fort probable maintenant que j'y pense. Non, ne pas penser à l'hypothèse que je puisse totalement être tombée dans un piège qui se refermera sans pitié sur moi à la minute où Papa saura. Je détache mon regard de Léon et continue d'observer anxieusement la salle. Et mes yeux croisent ceux de Lorcan Scamander. Des jours et des jours que l'on s'évite. Scamander, toi qui fut un si bon ami. Je croirai presque le voir sourire mais ça ne doit être qu'une ombre qui passe sur son visage. Il se tourne à nouveau vers sa bien-aimée. Alors que je me tourne vers le mien, au sourire bien plus crispé. Je chuchote :

« Il n'y a pas de raison pour que ça ne marche pas. Après tout, tu as bien réussi à me faire rire, n'est-ce pas ? Tout peut arriver.

– C'est gentil de ta part d'essayer de me rassurer ...

– C'est moi-même que je rassure, avoué-je dans un sourire las. Mais tant que Minerva n'aura pas fini de manger, on ne pourra rien faire.

– Tu as raison, attendons le dernier moment pour vraiment paniquer. Il faut que j'aille récupérer des choses dans ma salle commune, dit-il un peu soudainement en se levant. J'imagine que tu ne veux pas m'accompagner ?

– Du moment que tu n'en profites pas pour t'enfuir lâchement, ça ira. Je vais aller réfléchir à un discours cohérent. On se retrouve dans une demie-heure dans le couloir du bureau de McGonagall ?

– Parfait, mon amour. »

Son ton change naturellement, passant de l'angoisse à une tendresse souriante. Ses lèvres effleurent les miennes et il s'en va d'un pas rapide. Il semble si à l'aise dans la dissimulation, trop pour quelqu'un qui n'a de cesse de dire à quel point il est stressé et qui risque beaucoup. Ça m'interpelle l'espace de quelques instants. Il est double. Capable de stupidité pour se détendre et de devenir beaucoup plus grave en une seconde. Ma gorge se serre. Je n'ai pas confiance. J'ai peur, je crois.

Je quitte la table des Poufsouffle, où finalement, je ne me sens pas réellement à ma place et me mets à marcher dans les couloirs du premier étage, à la recherche de quelque chose pour m'occuper l'esprit avant le fameux rendez-vous. J'aurais bien besoin d'une distraction. Je m'accoude à une fenêtre pour regarder la nature silencieuse et immobile. Rien, pas même une biche qui passe la tête à travers les arbres de la Forêt Interdite, pas un élève assez fougueux pour faire une excursion dehors. 

J'entends des pas arriver dans ma direction. Je jette un coup d'œil, dans l'espoir que ce soit un compagnon d'aventure, quelqu'un de sympathique, qui compatirait avec moi. Mais n'enterrons pas le mangemort avant de l'avoir vaincu. C'est Lorcan sans Coralie qui passe dans ce couloir. Je voulais quelqu'un d'amusant avec qui je ne suis pas en conflit ouvert. C'était trop demander. Il me regarde fixement alors que je détourne les yeux, en faisant un petit sourire gêné. Je continue à observer par la fenêtre, pour essayer de ne pas le voir me juger de son regard sévère, pour ne pas le voir m'ignorer toujours aussi effrontément que d'habitude.

Mais je sens sa présence à côté de moi. Un frisson me parcourt. Il s'est arrêté. Je n'ose pas le regarder. Lorcan Scamander, s'il te plaît, tu ne vas certainement pas me faire un blague hilarante alors je n'ai pas besoin de toi. Je suis nostalgique de l'époque où on riait bien tous les deux, à tel point que j'arrivais à avoir des abdos rien qu'avec ça. Mais en ce moment, je n'ai plus d'abdos, ni de meilleur ami.

« Comment tu vas, Molly ? demande-t-il en faisant bondir mon cœur. Je t'ai vu en meilleure forme. »

Je ne m'y attendais pas. Qu'il me reproche de sortir avec Scott, qu'il me dise que je suis une garce froide et cruelle, qu'il soit acerbe, vicieux, peu importe. Je pouvais m'attendre à tout, sauf ça. Ça doit lui faire du bien de sortir avec Coralie Catham. Je ne peux pas m'empêcher de lâcher, amèrement :

« Tu t'es enfin débarrassé de ta copine ? 

– Et toi de Scott, visiblement. »

J'esquisse un sourire un peu méprisant mais il a gagné un point. Je sens son sourire, sans même avoir besoin de le regarder, je ne le connais que trop bien, il est fier de son petit effet. Je soupire avant de me retourner vers lui, pour lui faire face.

« C'est elle qui m'a envoyé te parler, dit-il d'un ton égal en haussant les épaules. Elle doit avoir peur des représailles, ou quelque chose comme ça.

– Je me disais bien. Ça ne te ressemblait pas de faire le premier pas. De quoi veut-elle qu'on parle ? De l'échec de notre relation ? Du fait que je suis une garce ? »

Il plante ses yeux dans les miens. Je suis sèche, peut-être trop, il tente de faire des efforts. Mais la dernière fois que j'ai essayé, il n'a fait que me poignarder dans le dos. Pourquoi ferais-je mieux ? Il hoche doucement la tête, compréhensif, et se tourne vers la fenêtre. Il ouvre la bouche, comme il le fait si souvent, pour dire quelque chose, puis il se ravise. Il fait toujours ça, incapable de se décider. Ça m'épuise déjà. Et il finit par se lancer :

« D'accord, je m'avoue vaincu. Je suis désolé, Molly. J'ai été abject.

– Oui.

– C'était une bonne chose que tu avances avec Scott, ça m'a fait prendre du recul. C'était ridicule. J'étais ridicule.

– Oui. Enfin ... Oui. »

Est-ce que Scott est une bonne chose ? Je ne saurais pas le dire avec conviction. C'est ça qui m'inquiète le plus. J'évacue le problème rapidement en parlant plutôt de lui :

« Je suis contente pour toi. Toi et Coralie. Vous êtes mignons.

– Elle est formidable, dit-il en souriant, un peu embarrassé. Scott doit être quelqu'un de bien aussi. »

Non. Pourquoi veut-il me parler absolument de Scott ? Je suis trop incertaine sur son cas, sa sincérité, le futur, la réaction de Papa. Lorcan intercepte mon hésitation. Il fronce les sourcils.

« Tout ne se passe pas bien avec lui ? demande-t-il étonné.

– Non. Enfin, si, tout se passe très bien, ne t'inquiète pas. C'est juste que ... Ne le prends pas mal, mais c'est assez embarrassant d'en parler avec toi.

– Certainement. »

Je retiens ma respiration. J'aurais aimé lui dire la vérité, pourquoi je n'ai pas vraiment envie d'en parler, pourquoi je suis encore avec lui, tout. Mais je finis par expirer silencieusement, tendue. Ça va être l'heure pour retrouver Scott. Il faut que je parte. J'esquisse un mouvement de recul en disant :

« Je dois y aller, Scott m'attend.

– Tu diras bonjour à ton père de ma part, fait-il pour toute réponse.

– Je n'y manquerais pas. Et pense à aller parler avec Lysander, aussi. Il en a autant besoin que toi, je pense.

– C'était sur ma liste. »

Je hoche la tête, satisfaite. C'est une bonne chose de faite. Et je m'éloigne pour de bon. Laissant Lorcan regarder pensivement par la fenêtre. C'était inespéré. Peut-être que tout peut ne pas se passer mal. Les gens peuvent pardonner, ou essayer très fort.

« Tu es prête ? me demande Scott en arrivant presque en même temps que moi dans le couloir qui mène droit à la porte des enfers.

– Je crois. »

Il me regarde avec détermination. C'est comme un sparadrap, il faut qu'on l'enlève le plus rapidement possible, la douleur intense ne sera rapidement plus qu'un souvenir. Je ne peux pas laisser la peur me dominer. J'ai peur de décevoir mon père et Minerva, de perdre mon poste de préfet-en-chef, de leur colère, pour Scott, qu'il soit expulsé à cause de moi. Scott se rapproche de moi, posant son front délicatement sur le mien. Je fais quelque chose d'inattendu, en passant mes bras autour de lui pour le sentir contre moi, partager mon angoisse. Il me serre dans ses bras. Je ne peux pas m'empêcher de chercher ses lèvres, pour y coller les miennes. Libérer la tension. Il m'embrasse tendrement et finit par me pousser légèrement vers le grand aigle aux ailes ouvertes. Je m'avance doucement, c'est l'heure de vérité.

**

Le suspens est insoutenable, vous me détestez peut-être de couper les journées comme ça, avec tant de fourberie, alors que vous vouliez savoir ce qu'il va se passer quand la vérité éclatera. Je veux pas vous teaser la suite mais vous en aurez pour votre patience, ce sera un peu plus long que la normale et ... 
Bon, je vous dis pas ce qu'il y a à l'intérieur mais ça va être pfiou c:

Je vous aime toujours autant de lire mes petits écrits <3

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