Dimanche 13 Octobre

Je me suis brûlée les ailes à vouloir aller trop vite, trop loin, sans réfléchir, sans rien voir venir. Non, ce n'est pas vrai, j'avais déjà eu des doutes. Mais une méfiance trop faible qui s'était éteinte d'un souffle sur mon cou. Je déteste ce sentiment d'avoir été bernée. Je déteste le fait que Roxanne eusse pu avoir raison. Je déteste cette lettre froissée qui se trouve encore dans ma poche. Je n'y ai plus touché. Comme si n'en voir rien qu'un coin pourrait à nouveau tout remettre en question. Je n'ai plus envie d'être manipulée. Je n'ai jamais été ce genre de personne. J'ai toujours tout voulu maîtriser. Saleté de Poufsouffle. Il ne s'en sortira pas comme ça.

« Il s'est passé quoi du coup hier soir, Molly ? Je ne t'ai même pas vu rentrer, dit Roxanne d'un ton détaché en me croisant dans la salle de bain.

- Rien, soupiré-je en essayant de ne pas croiser son regard.

- Quoi ? Tu t'es disputée avec Scott, c'est ça ? Tu sais, tu m'as dit que tu étais folle amoureuse de lui, ce n'est certainement qu'une mauvaise passe. »

Je la regarde de travers en n'ajoutant rien. Elle ne se rend pas compte que son ton sarcastique et son petit sourire satisfait peuvent être blessant. Elle hausse les épaules alors que je lui tourne le dos pour qu'elle ne remarque pas mon menton qui tremble. Je ne dois pas y penser. Surtout ne pas penser à cette colère qui ravage tout sur son passage, cette fois, il n'y a pas Lysander à côté pour réparer les dégâts. Je ferme les yeux en prenant une grande inspiration. Se calmer. Respirer.

Je sors du dortoir et la première chose que j'entends, c'est le refrain de James qui tout le monde semble fredonner. Ils adorent tous ce petit chant en l'honneur de ma cruauté. J'espère qu'ils se tiennent prêts parce que Molly la sentimentale, Molly l'amoureuse d'un Poufsouffle, Molly la tendre, tout ça c'est fini pour de bon. Molly la Préfète-en-chef intransigeante revient, il était temps.

Ne pas vaciller. Être forte, profiter de cette liberté nouvellement retrouvée. Je croise James qui tient un petit paquet de photos de lui et une plume, prêt à descendre jusqu'à la Grande Salle pour les distribuer. Je l'arrête d'un geste vif :

« Oh, Potter, tu penses vraiment qu'il va y avoir des gens pour vouloir ça ?

- Tu ne crois pas si bien dire, je suis devenu une vraie célébrité, surtout chez les Serpentard, étonnamment.

- Laisse-moi deviner, ils ont adorés la chanson me concernant ? Fais attention, je pourrais te réclamer des droits.

- Je peux te donner quelques autographes, ça se revend assez cher, dit-il fièrement en me tendant trois photos de lui en train de faire un clin d'œil en relevant ses lunettes.

- Non merci, j'ai déjà des photos de toi à la maison, où tu es bien moins à ton avantage. Je devrais pouvoir me faire un peu plus d'argent avec celles-là. »

Il esquisse un sourire et m'accompagne vers la Grande Salle. A mi-chemin, il quitte son ton d'artiste arrogant à succès pour me demander, presque timidement :

« Au fait, j'ai vu hier soir que tu dansais avec Lysander Scamander. Ça n'avait pas l'air d'aller très bien... Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Je ne peux pas m'empêcher de soupirer. J'ai l'impression de faire beaucoup d'efforts pour ne pas y penser et que tout le monde y va de sa petite remarque juste pour m'énerver. Mais le regard de James a l'air sincèrement inquiet. Je n'ai pas envie de lui répondre mais je dis tout de même, d'un ton que j'essaye détaché :

« Oui, j'ai rompu avec Scott. »

James s'arrête de surprise et me dévisage avec incompréhension. Je hausse un sourcil en attendant qu'il se mette à nouveau à marcher. Il secoue la tête, comme s'il se réveillait d'un mauvais rêve et demande de but en blanc :

« Pourquoi t'as fait ça ?

- C'est personnel. Tu viens ? J'ai faim. »

Mon cousin se remet en route, le regard toujours interrogateur alors que je tente de rester le plus calme possible, de garder un rythme cardiaque correct et de ne pas me laisser submerger à nouveau. James ne fait pas plus de commentaire. Il préfère fixer ses photos ridicules avec une petite moue coupable. C'est évident qu'il se retient de m'assommer sous un tas de questions. Qu'il continue à le faire, je ne suis pas encore prête. On s'assoit à la table des Gryffondor en saluant Jeanne qui mange ses tartines en lisant la Gazette du Sorcier. Elle lève la tête en nous voyant et fait un sourire gentil avant de s'intéresser à nouveau à son journal. James me lance un petit regard timide avant de dire :

« J'ai cru que tu n'allais pas bien à cause de ma chanson.

- Elle est très bien ta chanson, Jamie, soupiré-je en me servant un thé. Elle me met bien en valeur, dans une certaine mesure.

- Arrête de faire ça, dit-il en fronçant les sourcils. Tu fais comme si tu allais bien alors que clairement non et tu deviens ... Tu sais, un peu froide et méchante et tu donnes l'air de vouloir agresser un peu tout le monde. »

Je lève les yeux au ciel, quel portrait ravissant fait-il de moi ce matin. J'allais lui répondre que j'agissais comme je voulais et que s'il avait quelque chose à redire, je me ferais un plaisir de l'agresser mais Jeanne a soudain tendu son journal vers nous en s'exclamant :

« Regarde, James, c'est ce dont je te parlais hier. L'institut Saint-Justinien, je ne me souvenais plus du nom mais il y a un nouvel article. C'est un truc à faire peur à Godric Gryffondor.

- Qu'est-ce que c'est ? demandé-je en louchant sur le journal.

- Une école de sorcellerie privée, elle a ouvert cet été, évidemment dans la plus grande discrétion parce que ça ne se fait pas normalement de concurrencer Poudlard comme ça... »

Mes yeux parcourent l'article avec indignation. Comment se fait-il que je n'en entende parler que maintenant ? J'en découvre rapidement la raison.

« La directrice, Elizabeth Lovener, entend donner un souffle nouveau à l'éducation, en promettant un accompagnement très personnalisé pour que chaque élève puisse avoir un réel parcours professionnel d'exception, lit James à voix haute d'un air outré.

- C'est certainement parce qu'elle est la femme du ministre qu'elle a eu les autorisations, fait remarquer Jeanne en fronçant les sourcils. Je ne vois pas pourquoi elle dit que Poudlard est une école rétrograde et vieillotte qui n'assure plus les élèves d'un avenir glorieux.

- Poudlard est la meilleure école de magie au monde, comment peut-elle penser pouvoir la surpasser comme ça ? »

James, scandalisé, se replonge dans l'article alors que je lève les yeux pour essayer de repérer du regard Emeline, la fille adorée de cette famille de plus en plus détestable. Je ne la trouve pas à la table de Serpentard mais mon regard croise en revanche celui de Côme Selwyn qui discute avec Léon. Il m'adresse un signe de tête, comme pour me dire qu'il va falloir qu'on parle. Je sais. J'aurais presque voulu éviter pour ne pas avoir à en reparler mais je sais parfaitement qu'il faut qu'on en discute. Léon se retourne, en voyant que son ami est distrait par quelque chose, et me lance un regard interrogateur.

Je soupire en regardant à nouveau Jeanne qui a replié son journal et qui se demande avec James qui pourrait bien aller dans cette école privée plutôt qu'à Poudlard. Il se passe beaucoup de choses en même temps dans le monde des sorciers qui sont inquiétantes. Je repense rapidement à Scott et le regrette immédiatement, je me porterai beaucoup mieux sans son existence.

Les deux Serpentard se sont levés pendant que je commençais à manger une tartine. Ils s'approchent et honnêtement, j'aurais bien aimé qu'ils passent leur chemin mais il s'arrêtent juste devant moi. Léon affiche un petit sourire et déclare :

« Weasley, à nouveau célibataire, séduit le jeune Côme Selwyn et quitte son Poufsouffle qui avait pourtant beaucoup de ...

- Va te faire foutre, Wilkes. Tu racontes n'importe quoi, le coupé-je avant qu'il ne commence à raconter ma vie privée.

- Ne sois pas malpolie, Weasley, le règlement souffre à chaque fois que tu dis un mot de travers.

- C'est ça, soupiré-je. Si seulement ça pouvait te faire souffrir aussi, ça me ferait beaucoup de bien. Côme, tu viens ? On a à parler. Seuls. »

J'adresse un regard noir au Préfet-en-chef qui hausse les épaules un peu tristement en tapant sur l'épaule de son meilleur ami, comme pour lui souhaiter bonne chance. Je me lève rapidement en faisant signe à Selwyn de me suivre pendant que James plisse les yeux en ne comprenant pas ce qu'il se passe.

J'emmène Côme dans le Parc, là où personne ne traîne à cette heure-là du matin, alors qu'il commence à y faire bien froid.

« Alors, demande-t-il, tu penses quoi réellement de cette lettre ? Tu penses que c'est grave ? »

Je le regarde, un peu hésitante et je secoue la tête.

« Oui, ce n'est pas anodin. Je ne sais pas exactement de quoi il s'agit mais il semblerait qu'Astrid fasse partie d'un groupe qui fait de la magie noire. Tu saurais comment elle a pu rencontrer ce genre de personne ?

- Pas vraiment, ce n'est pas impossible qu'à Serpentard certaines personnes soient tentées par ça mais je ne vois pas qui. Cette année, il n'y a rien eu de ce genre, j'ai même plutôt l'impression que tout le monde s'est un peu calmé.

- Ce n'est qu'une impression, en effet, dis-je un peu amèrement en pensant à Scott. En tout cas, je te laisse décider si tu veux prévenir McGonagall. Je n'ai pas envie que tu aies des ennuis, mais Astrid prend des risques et j'ai peur qu'elle soit en danger, sans même le savoir peut-être. »

Il me regarde, un peu contrarié. Je comprends, ça aurait été Lucy, j'aurais préféré en parler avec elle plutôt que de la dénoncer aussi vite. Mais pour la protéger, je pense que Minerva est la mieux placée. Il soupire en se frottant le front d'une main.

« Ouais, je sais bien que c'est dangereux pour elle mais c'est difficile. Est-ce que tu penses que je peux essayer de lui en parler avant ? Pour tenter de comprendre, tu sais, pas la condamner tout de suite.

- D'accord, mais si jamais elle fait autre chose, préviens-moi. Et si c'est grave, je ne pourrais pas éviter d'aller voir McGonagall.

- Je comprends, Molly, ne t'inquiète pas. C'est ton rôle de Préfète-en-chef. »

J'acquiesce d'un signe de tête. En attendant, je garde la lettre et je peux faire chanter Scott pour qu'il me dise exactement tout ce que concerne cette organisation secrète et malveillante. Je ressens un assez fort besoin de vengeance, m'est d'avis qu'il devrait se méfier. Côme finit par me remercier et s'en va. Je rejoins la salle commune de Gryffondor rapidement avec le but de préparer un chantage bien comme il faut mais je croise Roxanne. Roxanne qui affiche un petit sourire moqueur déplaisant. Je lui demande, d'un ton peu aimable :

« Qu'est-ce que t'as, à sourire comme ça ?

- Doucement, Molly, je sais que tu as le cœur brisé mais tu n'es pas toute seule dans la vie. J'ai le droit d'être heureuse.

- Génial, je suis contente pour toi. »

Elle me bloque le passage, plissant les yeux pour mieux m'observer. Je souffle bruyamment pour lui montrer que je n'ai pas que ça à faire et qu'elle m'énerve. Mais elle ne peut pas s'empêcher de sourire. Sur la défensive, je hausse un sourcil en disant :

« Au fond, tu es contente que je ne sois plus avec Scott, c'est ça qui te met de si bonne humeur ?

- Merlin, tu veux savoir ? Je n'en ai rien à faire de tes histoires avec Scot-cot, il est aussi chiant que toi quand tu es avec lui. De toute façon, il va s'excuser pendant un long quart d'heure, vous allez échanger des miasmes et tu vas à nouveau être sur ton petit nuage et être niaise à longueur de journée.

- Merci pour ton soutien, Roxanne, ça fait toujours plaisir, soupiré-je en essayant de la pousser pour passer.

- Mais de rien, il n'y a que la vérité qui blesse.

- Alors dégage de mon chemin, maintenant, avant que je ne m'énerve vraiment. »

Elle m'a regardé dans les yeux. Elle ne s'excusera pas, elle le pense vraiment, et j'ai tellement envie de pleurer. Je peux pas perdre Roxanne, c'est mon rocher, je m'y accroche quand ça ne va pas. Pourquoi elle fait ça ? Elle ne sait même pas ce qu'il s'est passé. Elle n'en sait rien. Elle fait un pas de côté pour me laisser passer avec toujours un petit sourire en coin. Je fais exprès de cogner mon épaule contre la sienne pour la bousculer un peu. J'étais énervée avant mais là, une salle vide détruite ne suffirait pas. Je ne peux pas fondre en larmes comme ça, devant tout le monde. Parce que Molly, c'est la mort, elle ne peut pas être détruite. Quel mythe, j'aurais bien aimé qu'il soit vrai.

Il me faut quelqu'un sur qui passer vraiment mes nerfs. Et après quelques minutes de léthargie sur le canapé à chercher une stratégie, je décide qu'il serait plus fructueux de passer mes nerfs sur mon travail. Les Aspics ne vont pas attendre gentiment que je sois tout à fait heureuse. Je prends ma pile de parchemin à finir et file à bibliothèque. Mon regard se pose sur la table où on avait travaillé avec Scott les dernières fois. Je nous revois, fort amoureux et, en effet, bien niais. Je ferme les yeux et me dirige vers une table à l'exact opposé. Et là, je vois Lorcan qui travaille apparemment très sérieusement à côté de Coralie Catham qui lui lance des petits regards souriants. Personne ne veut me laisser tranquille à ce que je vois, je change d'avis et trouve une table là où je ne verrais ni ce traître de Scamander, ni des souvenirs mielleux périmés.

Une fois le devoir de métamorphose et celui d'Histoire de la Magie terminés et que j'ai bien avancé sur mes recherches pour les Potions, je me permets de relever la tête de mes livres et de me détendre quelques instants. Et je croise un regard que j'aurais préféré ne pas croiser. Mon cœur s'accélère, comme par réflexe, mes muscles se tendent, je sens la colère qui commence à bouillir dans mon estomac. Il ose se pointer dans la même pièce que moi, un petit regard de chien battu et sa moue d'excuses déplorables. Je soupire en essayant de me replonger dans mon travail pour ne pas avoir à l'affronter dans une bibliothèque et lui faire comprendre que je n'ai aucune envie qu'il vienne me parler. Mais ce serait trop simple, n'est-ce pas, qu'il s'en aille tout seul comme un grand ? Non, il ne comprend pas tout seul.

J'entends sa petite voix timide à côté de mon oreille et rien que ça, j'ai envie de vomir. Je le foudroie du regard en poussant ma chaise pour m'éloigner de lui.

« Molly, écoute-moi, je te promets que ce n'est pas ce que ce tu croies, jamais je n'aurais ... Je t'aime tellement Molly que ...

- Le ferme, dis-je brutalement d'une voix basse. Je n'ai pas envie de te reparler, ou sinon je l'aurais déjà fait. Je suis vraiment navrée de te faire foirer ta mission mais c'est définitivement trop tard. Allez, dégage ! »

Il me regarde avec ses yeux larmoyants, je n'ai aucune pitié. Je reprends ma plume et repose mon regard sur le livre de potion. Je sens pourtant sa présence si proche et je ne peux pas me permettre de lui montrer à quel point j'en suis affectée. Je n'arrive pas l'ignorer. Je me tourne à nouveau vers lui, contrariée, pour lui demander simplement :

« Qu'est-ce que tu ne comprends pas quand je te dis que c'est terminé ? C'est fini, toi et moi, plus jamais. Tu m'entends ? Si j'avais eu envie d'un mec qui me trahisse, j'en aurais pris un plus intéressant que toi. »

Je l'entends déglutir. Il recule de quelques pas, visiblement blessé et je le regarde faire demi-tour et partir en courant. Je croise le regard dur de Lorcan. Il secoue la tête, presque dégoûté alors que je baisse les yeux. J'ai l'impression d'entendre à nouveau ses paroles. « Garce froide et sans-pitié. » C'est tout moi. Scott était prévenu. Je préfère largement être une garce froide et sans-pitié plutôt qu'une idiote manipulée et naïve.

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