I Molière Savior
Quand le soleil tombe derrière les immeubles de Paris, et que les frissons nocturnes s'engouffrent dans les rues, c'est là que je me sens le mieux. J'aime voir les rues se vider de leurs passants, me sentir seule au monde. Même si cette impression ne dure qu'un instant. C'est pourquoi j'ai pris l'habitude - peut-être mauvaise mais qu'importe ! - de me promener de nuit. Je sais que cela peut s'avérer dangereux ou pire mais... le plaisir l'emporte. Ce jour là, j'avais patiemment attendu la fin du crépuscule pour mener à bien mon fantasme noctambule, et étais sortie, comme d'habitude. Je ne pouvais pas savoir à ce moment là, pas prédire ce qui allait se passer. Mais le destin est malicieux, et nous emporte parfois au-delà des limites de notre imagination.
Tout ça a commencé dans le dix-huitième, dans une rue dont je ne connaissais rien. L'inconnu m'excitait plus qu'il ne m'effrayait. Je sentais le vent souffler au travers de mon manteau, et titiller chacun de mes nerfs épidermiques. La marche libérait mon esprit, fécondé comme jamais par mon imagination : je visitais à la fois toute ma ville, ma vie, et tous les scénarios qui germaient en continu dans ma tête. Oui, des histoires. Mes parents ont toujours dit que j'avais les qualités d'une écrivaine, mais rêver seule me suffit. Mes pensées défilaient paresseusement. Un fourmillement calme.
Je me retournai soudainement. J'avais entendu quelque chose. Une sorte de chuchotement, provenant de la ruelle ombreuse à ma droite. J'attendis, immobile, que mes yeux s'habituent à la faible luminosité. Rassurée, je constatai le vide qui me faisait face.
Soudain, une main inconnue me poussa dans le dos. Nullement préparée à une telle agression, je chancelai, pour retrouver mon équilibre quelques pas plus loin. Je me retournai en hâte : quatre jeunes hommes me transperçaient de leurs regards voraces. Je tentai de leur échapper, en vain : ils m'avaient coincée dans ce qui m'avait tout l'air d'une impasse. Pétrifiée, je décidai de faire face aux inconnus. Ils étaient armés de couteaux, et leur grande carrure transpirait une profonde violence ; je n'avais aucune chance de me défendre. Bigre ! Mais quelle idée avais-je eu de me promener de nuit ? J'avais le courage d'un chiot et l'audace d'un pigeon ! Mes pensées dévalaient en une avalanche affolante : comment me sortir de ce bourbier ? Le plus petit d'entre mes agresseurs ne me laissa pas le temps de la réflexion et beugla :
« File nous tout ce que t'as et on t'ouvrira pas comme une truie ! Du moins... si tu es gentille. »
C'est là que mon cerveau a lâché. Un malaise, c'est bien le moment ! Ma vision se troubla juste l'espace d'un instant, et mes tympans suivirent le mouvement. Je sentis le sol se dérober sous mes pieds. Je me suis dit : c'est foutu. Je m'apprêtais à ne plus jamais me réveiller quand je sentis une étrange haleine rance se porter à mes narines. Je ne sais pas ce qui me prit alors, mais je reconquis mes esprits presque aussitôt.
Je paniquai : mes pieds ne touchaient réellement plus le sol ! Non non non... je ne pouvais pas être morte ! Je m'aperçus alors que deux grandes mains froides me portaient. Ma cécité cessa, et j'écarquillai les yeux : l'homme qui me soutenait n'était pas des agresseurs. Beaucoup plus âgé (au moins la quarantaine) et musclé, il portait sur sa tête une impressionnante masse de cheveux bruns bouclés, qui lui retombaient jusqu'en dessous des épaules. Ses traits grossiers contrastaient avec son regard bienveillant. C'est bizarre... j'avais l'impression de l'avoir déjà vu quelque part.
Lentement, avec toutes les précautions du monde, l'homme me déposa à terre, se retourna vers les quatre autres, et fit craquer ses articulations comme le tonnerre qui gronde. Jamais un tel monticule de pensées ne s'était imposé dans ma tête dans le même temps. Qui était-ce ? Pourquoi me sauvait-t-il ? Les justiciers étaient-ils donc réels ? Mais le sentiment qui finit par s'imposer fut la joie à l'état brut.
J'apercevais mes agresseurs du coin de l'œil, au moins autant surpris que moi. Mais leur rage revint vite, et ils brandirent leurs lames aveugles vers le mystérieux inconnu. Celui-ci se jeta sans crier gare sur le premier malfrat venu, et d'une prise d'un art martial sauvage et brutal que je voyais pour la toute première fois, il lui fit lâcher son arme pour le rétamer d'un définitif coup de poing bien placé. Ni une, ni deux, un deuxième vole contre un mur avec un couinement porcin. Sans que le reste ait le temps de cogiter, « il » tournoie sur lui-même, et, d'un habile croche-patte, en étale encore un. Reste le plus petit, celui qui m'avait interpellée, qui tente de fuir. À ce moment précis, l'inconnu ne fit que lever sa main, et je crus entendre des murmures dans l'air nocturne ; il n'en fallut pas plus au dernier assaillant pour s'effondrer.
Je n'en croyais pas mes orbites : cet homme possédait réellement des... super pouvoirs ? Il a pu terrasser un homme à distance, et sans arme, bon dieu ! Non... je devais être en plein rêve, il n'y avait pas d'autre solution.
Toujours est-il que le mystérieux individu se retourna vers moi, adoptant une pose victorieuse. Je pus l'observer plus en détail : il était vêtu d'un pantalon en cuir noir, d'un marcel sombre portant l'inscription « Ride or Die », qui laissait dépasser deux bras musculeux, dont l'un était tatoué d'un sympathique « Castigat Ridendo Mores ». Le tout mesurait aux environs de deux mètres de haut, pour un de large (Dwayne Johnson passant pour un nabot à côté de lui).
Je pris la parole la première :
« Vous êtes un super-héros ?
- Euh... non. »
Les voilà. Les premiers mots avaient été échangés.
« Non, reprit l'homme aux longs cheveux bouclés. Juste un biker.
- Mais... pour cet homme que...
- Boh. La harangue de stupéfaction est très facile à mettre en œuvre.
- Alors, qui êtes vous ? »
L'inconnu prit la pose, faisant gonfler ses muscles saillants et s'endurcir son regard si doux. Et avec un petit sourire, il répondit :
« Appelle-moi... Molière. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top