Chapitre 6
«Je pleure de l'intérieur pour que mes soucis se noient.» Damso.
Media-Hurt ~ Christina Aguilera
(Papa🙏🏻😔)
Aujourd'hui est un jour spécial pour moi, un jour qui a changé ma vie, qui a tout bouleversé. Nous sommes le 11 septembre. Ça fait six ans que mon père nous a quittes. Six malheureuses années. J'aimerais tellement pouvoir le prendre dans mes bras. J'aurais aimé qu'il me souhaite mon anniversaire hier. Malheureusement, seulement deux personnes me l'ont souhaité. Marie et Simon. J'aurais aimé lui dire que je l'aime et qu'il était mon exemple, j'aurais aimé qu'il reste toujours auprès de moi.
Je me sens extrêmement mal. Je n'ai pas envie de sortir de ma chambre aujourd'hui. Pourtant, j'ai cours. Eh oui, les cours ont repris. Et malheureusement, je suis forcé d'y aller.
Je me retire de sous mes draps et me lève, avec un petit mal de tête. Je vais dans la cuisine prendre mon petit déjeuner. Il n'y a que Marie qui est debout, pour l'instant. Il faut dire que je me suis levé une demi heure avant l'heure.
Je m'assois en face d'elle, toujours la tête dans le cul.
-Ça va ? me demande Marie gentiment.
Je secoue la tête. Je n'irai pas bien aujourd'hui, quoique vous puissiez faire.
-Qu'est-ce que tu as ?
-Il me manque.
Je prends une tranche de bain et la badigeone de Nutella. J'ai pas envie de parler. Surtout pas de ce sujet.
-Tu as le droit de ne pas aller en cours si tu veux..
-Non non on vient de recommencer je peux pas... Et je crois que j'ai besoin de voir du monde..
Ce n'est pas vrai, je n'ai pas envie de voir du monde, mais je n'ai pas envie qu'elle croit que je profite de la situation pour ne pas aller en cours. Je suis un élève à peu près sérieux je pense et je n'aime pas trop manquer des cours pour rien.
-Simon ne va pas au lycée et je pense que tu devrais rester avec lui. Il est la meilleure compagnie que tu puisses avoir aujourd'hui.
-Je sais pas je...
-Je ne veux pas que tu ailles en classes dans cet état, Matteo. Pas de discussion.
Je soupire et repose ma tartine. Elle est vraiment trop têtue.
-Tu vas insister jusqu'à ce que je cède, c'est ça ?
-Totalement. Tu me connais trop bien Matt.
-Je m'appelle Matteo.
Je soupire à nouveau avant de me lever. Je pars me changer, en silence pour pas réveiller les autres. C'est pas que je les respecte, c'est juste que vu que — malencontreusement — désactivé le réveil, eh bien ce serait ballot de les réveiller pour qu'ils soient à l'heure en cours. Vu que Marie part travailler, il n'y a aucune chance qu'ils se réveillent.
Une fois prêt, je vais directement au Jam&Roller. Il ouvre très tôt en général, vers sept heures. Et Simon y est dès l'ouverture, puisqu'il travaille.
Arrivé, j'entre dans le bâtiment qui est presque vide. Normal, vu qu'il y a cours. Je me dirige vers le bar où je vois Simon qui range des boissons. Lorsqu'il me voit, il pose tout ce qu'il a dans les mains et vient me prendre dans ses bras. Il est au courant que mon père est décédé, il est au courant que je suis en famille d'accueil mais il ne sait pas tout ce qu'il s'est passé. Mais je lui ai fait assez confiance pour lui parler — vaguement — du décès de mon père, ce qui est très difficile pour moi.
-Comment tu te sens ?
Je me décolle de lui et baisse la tête, un peu trop faible à mon goût.
-J'ai pas envie de parler de ça Simon..
-T'en fais pas je comprends.
Je lui fais un petit sourire pour le remercier. Il est toujours très compréhensif et ne pose pas trop de questions, lorsqu'on le lui demande. Il est très protecteur aussi. Chaque fois que je viens au Jam, il fait en sorte que l'on ne se moque pas de moi. Il fait en sorte que je me sente bien. Bon, il est vrai que j'ai repris un peu de confiance en moi — un peu — depuis que j'ai remis Luna à sa place.
La matinée se passe assez bien. Simon m'a fait rire quelques fois mais il l'a pas réussi à enlever le creux au fond de moi. Pas cette fois-ci.
-Je propose que l'on sorte patiner cet aprem ? me demande Simon alors que nous mangeons des sandwichs.
-Je suis désolé mais je suis pas encore apte pour.
En effet, j'ai encore mal au genou. Cela fait plusieurs jours que c'est arrivé, même plus d'une semaine, mais j'ai toujours mal. Marie a insisté pour que je pour m'emmener à l'hôpital et là-bas, ils m'ont dit que je devais juste me reposer et qu'il n'y avait rien de cassé ou fêlé. Pour mon dos, j'ai sûrement une scoliose.
-Tu as encore mal ?
-Ouais. Je pense qu'en ce moment je marche trop dessus mais d'ici une semaine ça sera passé.
-Fais doucement, ce serait con de te blesser encore plus.
-Ouais t'inquiète.
Il n'est qu'onze heures cinquante mais on mange déjà, parce qu'après certains lycéens vont venir manger ici et Simon va devoir servir. Bien sûr, je vais l'aider. Pedro et Nico ne travaillent pas aujourd'hui alors il est seul, avec Tamara.
-Alors on fait quoi ?
-Je sais pas. J'avais pensé...
Je m'arrête avant de finir ma phrase.
-Tu avais pensé ?
-Nan rien..
-Dis-moi.
Des personnes entrent dans le Roller en masse, me sauvant de cette situation. Malheureusement, Luna fait son apparition dans mon champ de vision. Ma journée — déjà pourrie — devient encore plus merdique. Elle s'approche de nous, un sourire hypocrite aux lèvres.
-Salut les garçons !
-On n'a pas besoin de toi, Luna. dis-je doucement.
-Tant pis, je compte pas partir.
-Luna, pars, s'il te plaît. dit Simon, essayant de garder son calme.
-Je croyais qu'on était amis Simon ! Tu remplaces notre amitié de plus de dix ans par une amitié de quelques semaines avec ce... cette chose ? dit-elle en me dévisageant.
Je me lève, énervé, et attrape son bras en le serrant le plus fort possible.
-Je t'ai dit de me laisser tranquille Luna. J'en ai marre que tu sois toujours là à nous péter les couilles. Vis ta petite vie de princesse et laisse nous tranquilles, merde !
Mon ton est froid, je n'ai pas envie de lui gueuler dessus. Je perds mon contrôle lorsqu'elle pouffe de rire.
-Matteo, tu ne me fais pas peur. Tu es juste... ridicule ! dit-elle en explosant de rire.
Elle se dégage de mon emprise et met ses mains sur mon torse, avant de me pousser pour me faire reculer. Comme je ne m'y attendais pas, je recule, comme elle l'a souhaité. Sans que je ne m'y attende, elle prend mon sac et en sort mon carnet. Le carnet.
-Non Luna pose ça! je m'affole, ne voulant pas qu'elle lise son contenu.
Elle l'œuvre et commence à lire à voix haute et bien fort:
- Je voudrais décrocher la lune,
Je voudrais même sauver la terre,
Mais avant tout,
Je voudrais parler à mon père, parler à mon père.
-Luna !
J'essaye de lui reprendre mais elle m'évite. Elle monte sur scène, tout le monde la regarde et moi, j'ai juste l'impression que je vais tomber dans les pommes.
-Tout doucement la vie s’avance
Evidemment…
Quelques soient les distances
C’est à toi que je pense
Mon père ce héros
Le moral à Zorro, récite-t-elle en rigolant à gorge déployée.
Je suis figé sur place. Tout le monde chuchote des trucs que je ne comprends pas. Sûrement des critiques.
-Ah celle-là aussi elle est bien ! Les fleurs ont soudain
le parfum de ta peur
et quand tu te souviens
s’agite le chagrin
tu en fait ta demeure
des remparts de riens
Quand comprendras-tu?
tu es bien ce qui te plaît. Luna rit encore plus. Matteo, tu ne serais pas notre Baudelaire Argentin ?
Je monte à mon tour sur la scène mais le temps que je n'y sois, elle est déjà dans les loges. J'essaye d'y aller, mais elle s'est enfermée. La panique me gagne. Qu'est-ce qu'elle va faire avec mon carnet ? Elle serait capable de tout. Il n'est pas en sécurité entre ses mains.
En plus, je comptais tout garder pour moi mais maintenant c'est trop tard. Enfin bon, elle n'a largement pas tout dévoilé. Il y a des centaines d'écrits dans ce carnet.
Je redescends de la scène, honteux. Quelques rires se font entendre. Je me suis une fois de plus fait dominer par cette fille. Simon vient vers moi et met sa main sur mon épaule.
-Ça va ?
Je secoue la tête.
-Elle est avec mon carnet, qu'est-ce qu'elle va faire ?
Je soupire. La porte de la loge s'ouvre enfin et Luna sort, mais sans mon carnet. Je me précipite dans la pièce. Mon cœur s'arrête de battre lorsque je le vois au sol, déchiré, dans une flaque d'eau. Ils n'en reste plus rien. On ne voit plus rien.
Six années détruites en quelques secondes. Elle vient de me détruire. Je l'étais déjà, mais là, elle a terminé le travail. Les morceaux de mon cœur sont éparpillés au sol tel que les morceaux de mon carnet. J'ai envie de tout arrêter. J'ai envie de partir, à ce moment là. Tous les remparts que j'ai à peu près réussi à fonder depuis le décès de mon père sont tombés, se sont effondrés. Elle a détruit le peu de bonheur qu'il me restait. Dans ce carnet, il n'y avait pas que mes écrits à moi, il y avait aussi ceux de mon père. Elle a détruit tout ce qu'il me restait de lui.
Je m'agenouille devant mon carnet, le fixant, les larmes aux yeux. C'est comme si j'avais perdu une seconde fois mon père, et cette fois-ci, je ne m'en remettrai sûrement pas.
-Ça va Matteo c'est qu'un carnet ! rigole Luna en me voyant si dépité.
Sans plus attendre, j'éclate en sanglots. Je me suis trop retenu, il faut que je sorte tout ce que j'ai au fond de moi. Elle vient de me détruire, de me briser. Je n'ai qu'une envie : la tuer.
Je me lève et sans me contrôler, ma main se plaque de façon violente sur sa joue. Elle recule d'un pas, l'air déconcertée. Elle ouvre sa bouche et met sa main sur sa joue. Mon pouls est beaucoup trop rapide, tout comme ma respiration. Je viens de la gifler. J'ai frappé une fille. J'ai fait ça. Je l'ai frappée putain.
Un garçon vient vers moi, l'air énervé.
-D'où tu frappes ma copine ?! Connard !
Il me pousse en je tombe, sur les restes de mon carnet — autrement dit, dans l'eau. Il me donne ensuite un coup de pied dans le ventre, et je le laisse faire. Qu'il me frappe, qu'il me tue, qu'il fasse ce qu'il veut de moi. Je m'étais promis de ne jamais frapper une fille, et je l'ai fait. Je suis un monstre.
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