Chapitre 42
« J'arrive pas à le croire ! m'exclamai-je en m'installant à la table que James avait réservé au fond de la cafétéria pour notre habituel repas en tête à tête. Je suis sidérée.
- Choqué, déçu, souffla Alexander qui s'était encore une fois joint à nous.
- Même mon cul est sur le cul, conclut James en poussant son plateau sur la table. »
Nous échangeâmes un regard entendu avant d'entamer notre repas.
« Vous y croyez, vous ? hallucinai-je en mordant à pleine dent dans ma salade.
- Ah mais je l'ai pas vu venir, remarqua James.
- Même moi, il ne m'a rien dit ! s'exclama Alex, l'air visiblement vexé. On est quand même censé être meilleurs amis. »
Oh, Alex, si tu savais... Les pires trahisons viennent toujours de ceux que nous aimons le plus.
« Mais Elena... finit par grogner James. Elena !
- Devant moi ! poursuivis-je. Avec son petit sourire en coin de petit con fier de lui.
- Tout ça pour un exposé ! ajouta Alexander. »
Nous posâmes tous trois ce que nous étions en train de manger avec d'échanger un énième regard de déception.
« Elena, nous soupirâmes, défaits. »
Quoi ? Comment ça je ne vous tiens pas à la page ? Mais je vais de ce pas actualiser le logiciel et vous expliquer la situation ! Seth n'avait toujours pas de groupe pour l'exposé de littérature. Il s'avérait que Alex non plus, James ayant promis à une redoublante de l'aider pour ce devoir. Et plutôt que de faire l'exposé avec son ami – son meilleur ami, Seth s'était tourné tout sourire vers Elena. ELE-putain de -NA.
Oh, celui-là, il m'a échappé, Josiane.
« Mais quel mouche l'a piqué ? m'inquiétais-je. Il n'a pas dit qu'il en avait marre d'elle ?
- Il a dit ça ? demanda Alex. Je ne m'en souviens pas.
- Tu crois qu'il veut se la... proposa James à l'autre garçon. Comme au bon vieux temps ? »
L'idée que Seth puisse avoir une relation avec notre camarade me fit frissonner de dégoût. Comment pouvait-il me faire ça à moi ?
« Seth est un con, mais il a quand même un peu de dignité, soupira Alexander. Il a vraiment souffert quand elle l'a quitté pour Leith.
- Ouais, mais peut-être qu'il l'aime encore secrètement. »
Tient... ça aussi, ça me filait la nausée.
« Carly, tu es toute blanche ! remarqua soudain James.
- C'est parce que l'autre imbécile a parlé des sentiments de Seth que tu te mets à ressembler à un mort-vivant ?
- Mais ça vous regarde ? m'agaçais-je, donnant un coup de coude au premier et rabattant le clapet de l'autre avec une tape amicale sur le crâne. »
James haussa les épaules et Alex baissa les yeux sur sa pizza. Il l'avait choisi à la cafétéria et franchement, elle ne me donnait pas envie.
« N'empêche, grognai-je pour détourner le sujet, je crois qu'on peut pas laisser passer ça.
- Pourquoi ? demanda innocemment James.
- Parce que c'est de la haute trahison !
- C'est de la haute trahison parce que t'es jalouse, ma vieille, me répondit le brun. »
Je lui aurais fait bouffer son plateau avant de me rappeler que le petit scarabée ne répondait jamais par la violence. A la place, il se devait d'agir prudemment, penser plus sérieusement que son adversaire. Et pour ne pas perdre, je devais frapper de l'intérieur. Inspirant profondément, je cachais ma gêne en me tournant vers Alexander qui entamait tout juste sa pizza.
« C'est de la trahison parce que Seth, c'est le meilleur ami d'Alex ! m'exclamai-je. Et on abandonne pas son meilleur ami sur le bord de la route. »
Alex mit un temps à comprendre qu'il était concerné mais quand il le percuta, il se jeta tout entier dans mon piège.
« C'est vrai, ça ! répliqua-t-il, les yeux grands ouverts. Je suis méga-super outré !
- Tu vois, soulignais-je à James. C'est pour ça que le peuple demande la vengeance. »
Emballé comme il l'était, Alexander se leva, le poing vers le plafond.
« La vengeance ! répéta-t-il fort et solennellement. »
James me coula un regard peu convaincu. Il savait très bien que je manipulais l'innocent Alexander et que je profitais d'une situation de faiblesse pour détourner le regard de mes propres intentions.
Est-ce que j'étais jalouse ? J'aurais pu tuer Elena pour que Seth ne se mette pas avec elle. Et si j'étais furieuse contre mon voisin, je ne pouvais pas m'empêcher de me dire qu'il avait agi ainsi pour se venger, lui aussi. Et ça, ce n'était pas fair-play du tout parce que, jusqu'à présent, entre Nate et moi, il n'y avait jamais rien eu.
Ah. Josiane, tu as une remarque à faire ?
Quoi ? Comment ça, tu ne comprends pas que je me mêle du groupe d'exposé de Seth ?
Jalouse ? Non. Je ne supporte juste pas Elena et Seth le sait.
« Très bien, nous concéda finalement James, me coupant dans cette discussion interne. Et quand tu dis vengeance, à quoi tu penses ? »
Cette fois-ci, un large sourire éclaira mon visage.
« Il faut que ce soit le chant du cygne, chuchotais-je en me penchant vers mes deux complices. »
OoOoO
Nate inscrivit nos dernières remarques à propos d'un extrait sur le document que nous partagions pour l'exposé et baissa l'écran de son ordinateur. Nous poussâmes un soupir satisfait. Cela faisait un peu plus d'une heure que nous potassions notre sujet et je devais avouer que je n'en pouvais plus. Mais Nate était un partenaire de travail efficace et peu loquace, ce qui nous évitait de dériver sur le dernier épisode de notre série préféré ou que sais-je encore qui pouvait perturber le bon cours de notre travail de recherche.
« Je me demandais, souffla-t-il soudain en remuant sa cuillère dans son chocolat chaud.
- Oui ?
- Seth et Elena, ils sont de nouveaux en couple ? »
Dieu du ciel ! Il n'allait pas s'y mettre lui aussi ? Il était à peine dix-huit heures, nous étions installés dans un petit café du centre-ville et c'était au moins la sixième fois de la journée que j'entendais passer cette rumeur.
« Non, répondis-je un peu sèchement. Pourquoi tu dis ça ?
- Je ne sais pas... répliqua Nate, se méfiant prudemment de mon changement de ton. Je suppose que c'est parce qu'ils se sont mis ensemble pour l'exposé. Et que j'ai entendu ça à la cafétéria.
- Ah.
- La bibliothécaire en parlait aussi avec sa stagiaire, précisa le garçon.
- Oh.
- Dans les vestiaires, ça jasait pas mal aussi... Je crois que c'est Thomas qui est jaloux. Il voulait emmener Elena au bal de promo.
- Hm.
- Et puis, maintenant que j'y pense, Finnigan en parlait avec le chef d'orchestre, quand je suis sorti du lycée pour te rejoindre.
- Wow. »
Okay. Donc le lycée entier était au courant ? Et moi ? Enfin, je veux dire, si c'était le cas. Si ça se trouvait il ne se passait rien du tout entre eux... Parce que, bon, considérant que Seth et moi avions passés une nuit dans les bras de l'autre, j'estimais quand même qu'il aurait pu m'en parler. Et, bordel, ça m'agaçait vraiment.
Depuis quand est-ce que la vie sentimentale de Seth me foutait dans cet état ? J'étais partagée entre l'envie de crier sur Nate que je m'en foutais et l'envie de fondre en larmes devant tous les clients du restaurant. Et si c'était vrai ? Si Seth sortait vraiment avec Elena ? Est-ce que ça voulait dire que lui et moi, tout ce qui c'était passé entre nous, c'était de l'eau ? Du vent ?
Personne n'ouvre la grand-voile et ne glisse sous le vent de Carly Green comme ça ! Pas même Seth Potter.
« On dirait que tout le lycée aimerait qu'ils se remettent ensemble, fis-je remarquer, maussade.
- Je suppose... me répondit Nate, pensif. Après tout, ils étaient assez populaires quand ils sont sortis ensemble. Plus que quand Elena a quitté Seth pour fréquenter Leith. Mais bon, Seth avait vraiment Elena dans la peau à l'époque, ça m'étonnerait pas qu'il veuille quelque chose avec elle... On oublie jamais ceux qu'on a aimé... »
Et tout à coup, je m'étais mise à pleurer.
Nate eut l'air un peu décontenancé parce que c'était assez soudain. Mes mains s'étaient naturellement accrochées à la banquette sur laquelle j'étais assise tandis que j'écrasais mes lèvres pour ne pas sangloter. Presque aussi surprise que mon camarade de classe par mes larmes de crocodiles, je me sentis rougir de honte alors que je reniflais bruyamment.
« Wow, Carly ! Qu'est-ce qui t'arrives ? s'inquiéta le garçon en fouillant dans poche. »
Il en sortit un mouchoir brodé qu'il me tendit maladroitement. Comme je n'avais pas l'air de réagir, il se leva et tapota maladroitement mes joues pour essuyer les larmes qu'il parvenait à attraper. Il y en avait tellement que je ne voyais pas bien le garçon. Ma vue était brouillée et à force de me retenir, j'avais bizarrement mal à la gorge.
« J'ai dit quelque chose de mal ? me chuchota Nate, véritablement concerné.
- Non, marmonnai-je entre deux sanglots. Je sais pas ce qu'il me prend. »
C'étaient de vrais larmes. Pas le truc qui coule discrètement quand l'orteil rencontre le coin de la table. La vraie grosse larme de frustration, de colère et de tristesse.
« Attends, s'excusa Nate. »
Il disparut de mon champ de vision après m'avoir fourré son mouchoir dans les mains. Comme je me sentais idiote et que la moitié du café devait à présent me regarder de travers, je fis ce qui me paraissait être le plus naturel. Me cachant derrière mes cheveux, je me laissais fonde sur la banquette, retenant tant bien que mal mes sanglots. Peut-être que je finirais par ne faire plus qu'un avec mon siège ? Ce serait la fin de Carly, mais c'était toujours mieux que l'énième perte de ma dignité. La pauvre ne s'en remettrait pas, cette fois.
« Me revoilà ! me prévint Nate. »
Il déposa devant moi un chocolat viennois fumant. Un petit gâteau était enfoncé dans la chantilly. Nate poussa la boisson vers moi et me lança un doux regard.
« Je sais pas trop quoi faire, alors j'imite mon copain, me confia-t-il, presque désolé. »
Si j'avais été en pleine forme, je n'aurais pas laissé cette information tomber dans l'oreille d'un sourd. Mais j'avais la tête ailleurs et, aguichée par le fumet du chocolat, je cédais à la tentation de mordre dans le biscuit.
Manger, ça restait quand même le meilleur remède du monde.
« Je sais pas ce qui m'a pris, expliquai-je quand je fus enfin calmée. Tu parlais de Seth et Elena et d'un coup, bam, ça m'est tombée dessus... J'ai trop honte. »
Nate secoua la main, comme pour chasser les mauvaises ondes.
« Carly, je peux te poser une question ? me répondit-il, ignorant mes excuses indirectes.
- Oui ?
- Seth, ce n'est pas juste ton voisin ? s'enquiert le garçon. »
Je mis un temps à lui répondre. Nier aurait été idiot. Même moi, je m'en rendais compte. Mais avouer que j'avais des sentiments pour Seth, ça impliquait tellement de chose que je n'étais pas prête d'affronter. Je n'avais pas envie que notre relation change. Réfléchir à chacun de mes faits et gestes, scruter le moindre de ses mots pour y chercher la confirmation d'une réciprocité... Le voir chaque jour et me dire qu'il me plaît, qu'il n'est pas juste un ami pendant qu'il lance ses petits regards dragueurs aux donzelles qui l'entourent, l'entendre jacasser sur ses histoires, le voir s'épanouir avec quelqu'un d'autre – quelqu'un comme Elena... Tout ça, je n'avais aucune idée de comment le gérer.
Et au fond, quand j'y repensais, je n'arrêtais pas de me dire que c'était lui qui avait commencé. Seth m'avait embrassé. Deux fois. Il était venu chercher le réconfort de mon étreinte le soir de la tempête. Il s'inquiétait de mes sentiments et de mon état... Comment rester indifférente ? Comme résister à son sourire, ses blagues ou son regard lorsque ses yeux rencontrent l'océan ? Comment ne pouvais-je pas tomber amoureuse de lui ?
« Hmpf, répondis-je à Nate. »
J'avais envie de me remettre à pleurer.
« Je penses que tu devrais sincèrement te poser la question, souligna le garçon. Parce que si tu te mets dans cet état, c'est qu'il y a plus.
- C'est mal ? lui demandai-je, un peu dépitée. C'est mal d'avoir des sentiments ?
- C'est jamais mal, me rassura Nate. Mais il ne faut pas les garder, sinon, on explose. »
Il me lança un sourire timide.
« Moi, je suis là, si tu as besoin d'en parler. »
J'avais toujours envie de déverser une rivière de larmes. Mais au moins, je m'étais faite un nouvel ami. Et lui, il avait l'air de comprendre ce qui se passait dans les méandres de mon cerveau.
« Merci, Nate... soupirai-je. Mais je ne saurais pas par où commencer...
- Depuis le début ? me proposa-t-il, doucement. Je vais me recommander un chocolat et on s'y met, okay ?
- Okay. »
NB.
Ah Nate... Qu'est-ce qu'on ferait sans Nate et sa douce maladresse?
Bon, je n'ai pas relu le chapitre (exceptionnellement parce que j'ai un bouquin à finir pour la fac) mais j'y referais un tour prochainement pour enlever les grosses coquilles (si vous les voyez, ne passez pas à côté, signalez-les moi!). J'espère qu'il vous aura quand même plu et que vous serez au rendez-vous pour la suite ! :D
Bonne soirée et à très vite au fil des mots!
Elwyn.
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