Chapitre 39


Alex était revenu en cours la semaine suivante. Holly n'était revenue que le mercredi. Ce jour-là, nous fûmes quatre à les observer du coin de l'œil. James remarqua qu'Alex avait salué l'amérindienne. Nora nota qu'Holly ne lui répondait que par onomatopée, Seth comprit que le garçon culpabilisait encore quand il se mit à tenir toutes les portes qui séparaient Holly de ses objectifs et moi, j'en conclus que l'amérindienne détestait ce traitement de faveur.

L'autre nouvelle, c'était que Finnigan serait absent pour la semaine. Ça, ç'aurait été le pied s'il n'avait pas laissé à Sissy, la secrétaire scolaire, une liste d'auteur anglais sur lesquels nous devions préparer un nouvel exposé en binôme. Nous étions donc tous convoqués en salle de littérature pour remplir la fiche d'inscription.

C'était à peu près à ce moment de l'histoire que mon chemin croisait à nouveau celui de Nate. A force de faire attention à lui, j'avais remarqué que son casier se trouvait près du mien. Si nous nous contentions de nous sourire, aujourd'hui était un nouveau jour et je fus surprise de le trouver derrière ma porte quand j'eus fini de ranger mes affaires.Et ça, c'était toujours mieux qu'une Elena.

« Salut, s'exclama-t-il en remontant ses lunettes sur son nez.

- Salut, Nate, soufflai-je. Ça va ? »

Que de banalités, Carly Green. Je te connaissais plus prolixe. Dire que j'étais choquée et déçue était un euphémisme.

« Moi ça va, souffla-t-il. Mais toi ? C'est fini, la journée caca ?

- Oui, souris-je, agréablement surprise. Fini, fini. C'est gentil de demander. »

Nate acquiesça, comme pour me signaler que c'était normal. Il se décala ensuite et m'invita d'un signe de tête à rejoindre la salle de littérature.

« Au fait, tu as un partenaire pour l'exposé de littérature ? lui demandai-je, curieuse de savoir avec qui il s'entendait bien, en dehors de ses coéquipiers.

- Non, pas encore, me répondit-il. Mais j'avais déjà repéré le sujet quand Finnigan nous en avait parlé.

- Oh ? Et tu voulais travailler sur quoi ?

- J'hésite entre Caroll et les écrits imaginaires ou Dickens et la réalité sociale. Après, tu le connais, c'est assez libre. On peut choisir le corpus, tant qu'on est dans les clous. »

J'acquiesçai.

« Et toi ? me demanda-t-il, curieux.

- Non plus. Holly et Nora vont sûrement travailler ensemble.

- Et avec Seth Potter ?

- Seth Potter ? déglutis-je, me souvenant trop bien comment s'était terminé notre dernier exposé. Je sais pas trop. J'suis pas sûre qu'on veuille le même sujet. »

C'était un mensonge. Seth était passionné par Dickens. Depuis que nous avions commencé à l'étudier, il n'arrêtait pas de m'en parler. Mais je ne voulais définitivement pas me lancer dans un nouveau devoir qui impliquait que Seth et moi, nous soyons seuls dans la même pièce plus d'une demi-heure. Dieu sait ce qui pourrait nous arriver ?

« Bon, si tu ne sais toujours pas, on peut le faire ensemble ? proposai-je tout à coup. »

Mais à quoi je jouais ?

« Ensemble ? »

Nate parut surpris, mais semblait considérer la question.

« Oui, confirmais-je. Je veux bien bosser sur Caroll ou Dickens.

- Bah, je veux pas m'imposer, souffla-t-il, tout gêné. On se connaît pas trop, et tu voudras sûrement bosser avec un ami.

- On peut toujours devenir ami. »

Je pris son téléphone de ses mains (il pianotait quelque chose depuis dix minutes) et me connectait à son Facebook. Une petite recherche rapide et je trouvais mon profil. D'un simple geste, je m'ajoutai à sa liste d'amis.

« Voilà, dis-je. Maintenant, on peut faire l'exposé ensemble. »

Nate eut un petit rire surpris, mais agréablement touché et il reprit son téléphone.

« D'accord, Carly Green. Serrons-nous les coudes pour cet énième exposé de littérature. »

OoOoO

« C'est lui qui boude, aujourd'hui ? me demanda Leith en revenant au bar derrière lequel je préparais mes commandes.

- On dirait, répondis-je sans grande conviction.

- Qu'est-ce que tu lui as fait ? »

Sous son air innocent, Leith me jetait un regard pleins de sous-entendus.

« Tu l'as mordu quand il s'est penché pour te voler un baiser ? se moqua le garçon. »

Si seulement il savait...

« Tu m'ennuies, lui fis-je remarquer. Tu m'ennuies beaucoup. »

Leith éclata de rire et se décala sur le côté pour laisser passer Seth. Ce dernier se retrouva près de moi en moins de temps qu'il ne fallait pour l'écrire (je suis vraiment très drôle, quand je m'y mets). Il me bouscula pour atteindre le robinet du fût de cidre et m'adressa un sourire aimable.

« Vive l'ambiance, s'amusa Leith en nous jetant un regard narquois. Tout va bien, Potter ?

- Fous-moi la paix, Thorne, grogna ce dernier en retour. J'suis en colère, ça se voit pas ?

- T'es en colère pourquoi ? »

Seth me jeta un regard noir et termina de préparer sa commande. Quand il eut coupé le robinet de cidre, il se pencha vers Leith et sans essayer de cacher son ressenti, il ajouta :

« Elle a choisi un autre binôme d'exposé, lâcha-t-il.

- Mon dieu, non ! se moqua Leith.

- Mon dieu, Seth ! intervins-je. Tu es encore là-dessus ?

- Pourquoi, je devrais être sur autre chose ?

- Bah je sais pas... j'ai quand même balancé de l'acide dans ta préparation en chimie.

- C'était toi ? s'exclama-t-il, surpris. »

Eh oui, mon garçon. Qui voulais-tu que ce soit ? Il n'y a que moi pour avoir des idées de génie pareilles.

« Vu comment Alex est morose en ce moment, ça ne risque pas d'être lui, soulignais-je.

- Mais t'es encore pire que ce que je pensais ! minauda mon voisin. En plus de me trahir lâchement, tu me poignardes dans le dos. »

Il se tourna vers Leith, attrapa son plateau et le souleva d'un geste rageur.

« Tu crois que j'ai mérité ça, moi ? s'exclama-t-il avant de rejoindre la table qu'il devait servir. »

Leith le regarda s'éloigner pendant que je marmonnais quelque chose dans ma barbe. J'étais vexée qu'il ne m'ait pas immédiatement identifiée pour l'acide en chimie. C'était un coup de maître, une main de génie experte. Et c'est comme ça qu'il me le rendait ? En me vexant ? Mais quel ami indigne !

« T'es avec qui pour l'exposé de littérature ? me demanda mon collègue, curieux.

- Avec Nate.

- Nate DeWinter ?

- Oui, tu le connais ?

- Non, mais c'est un bon joueur du club de baseball. Tu savais qu'il avait marqué le point pour nous qualifier au championnat ?

- Oui, je l'ai lu dans un article du journal du lycée. »

Ce qui me faisait accessoirement penser que je devais écrire l'article de Pampy pour la dernière édition du mois de janvier. Ça me laissait une petite semaine. Ça va, comme dirait l'élève dont la dissertation est à rendre pour dans une heure. Ça va.

« Pas étonnant que Seth soit jaloux, par contre, précisa Leith.

- Faut que t'arrêtes d'imaginer qu'il se passe des trucs entre nous, grognai-je. »

Si je pouvais le dire sans rougir, c'était que j'étais profondément convaincante.

« Moi je dis ça, je ne dis rien, mais il gueule juste parce que tu as choisi de faire ton exposé avec un autre garçon. Et ce n'est pas n'importe qui.

- Tu vas me dire qu'ils se détestent aussi, lui et Nate ? soupirai-je d'ores et déjà fatiguée.

- Ah non, j'suis même pas sûr qu'ils se soient déjà parlé.

- Alors c'est quoi le soucis ?

- S'il ne connaît pas Nate, Seth va se méfier. Il ne sait pas du tout ses intentions. »

Théorie du complot. Je vous le dis ! C'est une putain de théorie du complot.

Bon, Josiane, on fait un truc pour ce filtre à gros-mots où tu t'arranges pour que je sois démonétisée ?

« Seth est très jaloux, précisa Leith. Surtout quand il est amoureux. »

Ma main dérapa et je lâchais le verre que je tenais en main. Il explosa à mes pieds et un silence tomba sur la salle.

Bon dieu, Leith, on ne dit pas ce genre de chose sans préparation !

OoOoO

Jack passa un dernier coup de chiffon sur son plan de travail et se tourna vers moi.

« Laisse le reste, Carly, m'ordonna-t-il doucement. Je le ferais après le repas.

- Vous êtes sûr ?

- Sûr, sûr. »

J'arrêtais de gratter le plat à tarte et le déposais sur le rebord de l'évier pour qu'il continue de tremper. Seth était parti il y a une heure, il avait une urgence. La nuit était tombée et depuis la cuisine, je pouvais entendre la tempête gronder sur la mer. D'après Jack, elle arriverait sur nous dans une heure.

« Quel temps, se plaignit-il. Quel sale temps.

- C'est le cas de le dire.

- Tu es à vélo, aujourd'hui ? s'inquiéta mon patron alors qu'il me raccompagnait vers la salle principale du café.

- Non. Je suis à pied. Je pensais rentrer plus tôt. Mais j'ai échangé mon service avec Seth, à cause de son urgence. »

Nous pénétrâmes dans la grande pièce. Dehors, il fait nuit noire. Par soucis de sécurité, la ville coupait toujours l'électricité publique en cas de tempête. Leith était assis à une table, il s'était attelé aux comptes. A l'horizon, un éclair zébra le ciel.

« Tu ne veux pas rester manger, me proposa Jack. J'aime pas trop l'idée que tu rentres maintenant. Je pourrais te raccompagner après le repas.

- C'est gentil, mais je ne voudrais pas déranger, répliquai-je. Et puis, j'ai pas mal de devoirs à faire.

- J'insiste, me coupa presque mon patron. J'ai des restes de quiches et personne n'a pris de financier aujourd'hui. On ne va pas les laisser sécher cette nuit, si ? »

Si on me prenait par les sentiments aussi... Evidemment que j'allais dire oui si la fameuse quiche de Jack et les financiers de Leith étaient en jeu.

« Je vais appeler ma mère, soupirai-je.

- Super, s'exclama mon patron. Emett ne devrait pas tarder à arriver, nous passerons vite à table. »

Mesdames et messieurs, voici un tutoriel pour se retrouver dans une situation compliquée. Première étape : faites n'importe quoi. Deuxième étape : ayez un karma négatif. Dernière étape : appelez-vous Carly Green. Avec ça, je vous le garantis, votre vie ne sera plus jamais la même.

Comme j'étais coincée, maintenant que j'avais dit oui, je composais le numéro de ma mère pour la prévenir. Le temps qu'elle décroche, la clochette de la porte avait sonné en même temps qu'une bourrasque de vent s'engouffra dans le pièce. Une affiche tomba par terre et Jack se jeta dessus alors que mon professeur de littérature se dépêchait de fermer la porte derrière lui.

« Salut, Emett, lança Leith en levant ses yeux des feuilles de compte.

- Salut mon grand, lui répondit mon professeur.

- Copain ! s'exclama Jack en se dirigeant à grande enjambée vers son meilleur ami. »

Ma mère ne fut pas difficile à convaincre. Mon absence lui permettait de passer la soirée avec son Viktor chéri. Si seulement elle savait dans quelle situation j'étais. Comment pouvait-elle savoir, mon professeur ne m'avait même pas envoyé de billet de colle. Une fois que Sam paraissait rassurée à l'idée que sa fille ne rentre pas immédiatement un soir de tempête, je raccrochais.

« Carly se joint à nous ce soir, expliquait Jack à mon professeur. Je ne pouvais pas la laisser rentrer seule avec ce temps. »

Emett hocha la tête et se tourna lentement vers moi. Nos regards se croisèrent. Pendant un instant, je fus légèrement perturbée par le vert de ses pupilles, presque aussi vert que les miennes, puis je baissais les yeux. Il ne devait probablement pas avoir oublié.

« Salut, Carly. »

Ce n'était clairement pas ce à quoi je m'attendais. Sans trop comprendre, je le vis s'avancer et il me tendit sa main pour que je la serre. Surprise, mais pas mécontente de faire enfin face à une attitude agréable, j'acceptai sa proposition et le saluais.

« Monsieur Finnigan, murmurai-je timidement. Vous allez bien ?

- Tu peux te détendre, m'expliqua-t-il maladroitement. On est pas au lycée. Ici, c'est Emett. Et ça va, merci. »

Il se décala pour me laisser passer et je m'empressais de m'asseoir à côté de Leith. Et voilà que cette journée devenait drôlement bizarre.

Nous nous mîmes à table une petite demi-heure plus tard. La tempête était arrivée sur la côte et maintenant, il pleuvait des sceaux. Vers le milieu du repas, les lumières se sont brusquement éteintes. Leith partit chercher des bougies et Emett les alluma avec un briquet.

« Vous fumez ? hallucinai-je. Je ne pensais pas !

- Non, je ne fume pas, Carly, se moqua-t-il alors que Jack levait les yeux au ciel, comme s'il savait quelque chose que j'ignorais.

- Vous fumiez, alors ? j'insistais.

- Pas que de la cigarette ! s'empressa d'ajouter Leith. »

Jack et Emett se tournèrent vers lui, partagés entre la surprise et l'indignation. Leur têtes étaient amusantes à voir à la flamme des bougies.

« Pardon, s'excusa Leith sans être vraiment sincère. La prochaine fois, je le dirais à son oreille, comme ça vous pourrez garder votre dignité.

- Si tu étais mon fils, grogna Emett en le montrant du doigt.

- Mais c'est pas ton fils et c'est moi qui vais lui mettre la raclée du siècle ! »

Je ne pus me retenir de rire.

« C'est bon, moi je sais garder les secrets, les rassurai-je. J'étais juste curieuse parce que vous avez un joli briquet.

- Ah ça ? »

Mon professeur joua un instant avec la petite boîte, l'air pensif. Elle n'était pas bien grande, tenant tout juste dans sa main. La lumière des bougies se reflétait sur le revêtement métallique et le logo avait été gratté pour être remplacé par des initiales que le temps avait peu à peu effacées.

« C'est précieux ? demandai-je, dévorée par la curiosité. »

Emett le rangea prestement dans sa poche, l'air gêné par ma question.

« Plutôt, oui, me fit-il tout de même remarquer. »

Jack allait embrayer la conversation quand mon téléphone se mit à sonner. La photo de ma mère s'afficha sur l'écran et je décrochais rapidement.

« Carly, est-ce que tu peux rentrer ? me pressa-t-elle.

- Je peux, oui. Tout de suite ?

- Tout de suite, tout de suite ! »

Je lançais un petit regard intrigué à Leith.

« Tout va bien, maman ? m'inquiétais-je.

- Oui, mais j'ai besoin d'aide à la maison. Je t'expliquerai quand tu arriveras. »

Elle raccrocha.

« Tout va bien ? s'inquiéta Jack.

- Apparemment, il y a un soucis à la maison, soupirai-je. Il faut que je rentre. Est-ce que vous pouvez me ramener ? »

Emett se leva avant Jack et attrapa sa veste.

« Laisse, Jack, tu dois encore fermer le café, précisa-t-il. Viens Carly, je te ramène chez toi.

- Euh... okay... »

J'eus à peine le temps de saluer Leith que nous étions déjà dehors sous la pluie battante.

Si on m'avait dit ce matin qu'Emett Finnigan se dévouerait pour me rendre service après la misère que je venais de lui mettre, je vous aurai ri au nez.

Manque de bol, je n'avais pas du tout envie de rire...

NB.

Coucou tout le monde  ! Si vous saviez comme j'aime la musique qui se trouve en tête de chapitre... mais ce n'est pas vraiment de ça dont je suis venue parler aujourd'hui ! Puisque mesdames et messieurs, sous vos yeux ébahis, le chapitre 39 de Moi, Mon Portable et l'Idiot d'en Face ! :D

J'espère qu'il vous a plu, moi je le trouve sympa ! Seth fait la tête, Leith lâche des bombes sans s'en rendre compte, Finnigan est back in the house et j'ai enfin pu écrire un petit moment sympathique avec Jack, ce qui m'avait manqué ! Aussi, habituez-vous à Nate parce que vous le reverrez (il est pas loin de détrôner Alexander et James de mes personnages masculins secondaires préférés). D'ailleurs, ça m'intéresse ! Avez-vous des personnages préférés? Pourquoi eux ? ;) Et vos pronostics pour la suite ?

Enfin, je vous fais des bisous ! A très vite au fil des mots!

E.

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