Chapitre 31
Dédicace à @judmirabel (sans qui vous auriez attendu une plombe avant d'avoir ce chapitre)
Quand ma meilleure amie se trouvait dans le coin, la vie semblait soudain se transformer en film.
Imaginez un peu son arrivée dans le hall des arrivées de l'aéroport sur les premières notes répétées en boucle de Jump des Pointer Sisters. Lunette de soleil, foulard sur les cheveux, veste en jean déchirée sur un chemisier blanc fait main, pantalon noir à carreau, chaussures hautes et lustrées, valise et sac à main. L'attirail parfait. La caméra balaye sa silhouette élancée, s'attardant sur son visage qui s'éclaire et, tout en massacrant le peu d'italien, qu'elle connaissait pour en avoir fait un mois au collège, elle me sautait dessus :
« Bellissima ! s'écria-t-elle, attirant sur elle les regards d'un groupe du quatrième âge. »
Ellipse. Route de campagne. Les Pointer Sisters viennent seulement de commencer à chanter. Un drone remonte la route en plan large. La mer, en bord gauche du cadre, la forêt verte en bord droit, mais plus vers le bas. Et là, se détachant du bitume humide, ma voiture. Cut. Et hop, plan moyen depuis les sièges arrière. Keira augmente le son, le foulard au vent, la fenêtre ouverte malgré la température polaire de ce mois de décembre. Les deux mains sur le volant, je secoue la tête en rythme.
Cut. Nous sommes à nouveau à l'extérieur de la voiture, la musique s'emballe, et, de la fenêtre avant passager, se dégage le bras de Keira qui, sans vergogne, imite toutes ces midinettes des plus grands classiques de la comédie de road-trip en s'époumonant. Et le drone – et ouais, paye ton budget, remontait lentement vers le ciel. Le titre, quelque chose d'un peu niais du genre : Amour à la plage, ou Maine Love Story, apparaissait en lettre blanche.
Ce qui était sûr, c'était que quand elle était là, c'était tout de suite un peu magique, un peu incroyable. Avec Keira, la vie était une fête.
Cut. Nous étions toujours dans la voiture, la musique s'était arrêtée et Keira remontait le fil de mes photos, prises depuis le début de l'année, m'interrogeant très sérieusement sur chaque tête nouvelle qui apparaissait.
« Et lui, c'est Seth ? me demanda-t-elle en pointant le visage de mon voisin sur une photo de groupe.
- Hm, acquiesçai-je en jetant un rapide coup d'œil pour ne pas quitter la route des yeux trop longtemps. »
Conduisez prudemment, les enfants.
« Il est mignon, poursuivit Keira. Signe astrologique ?
- Euh... je sais pas. Bélier ?
- Les meilleures personnes sont toujours nées en mars, commenta ma meilleure amie. Premier ou deuxième décan ?
- Qu'est-ce que j'en sais ? grognai-je. Et tu dis ça parce que tu es du vingt-neuf. Mais on sait tous que ce sont les Gémeaux, les meilleurs.
- Premier ou deuxième décan ? m'ignora-t-elle.
- Tu sais, c'est discriminatoire pour ceux qui sont du troisième...
- Ce sont presque des traîtres, ajouta-t-elle sans se démonter. Premier ou deu...
- Premier ! Il est du vingt-trois ! m'exclamai-je, à bout. »
Keira me fit un petit sourire victorieux puis tapota pour zoomer sur le visage de mon voisin.
« Groupe sanguin ? »
Oh putain !
OooO
Garer la voiture fut une autre paire de manche. D'ordinaire, notre place de parking était vide puisque nous partagions un véhicule pour deux. C'était sans compter la présence de la BM de Viktor – quand je disais que c'était un crâneur, et personne ne veut me croire, et une voiture encore inconnue du bataillon. Je dus donc procéder au créneau et je détestais les créneaux. Mais ça, c'était une autre histoire.
Une fois que j'eus fini de faire mon créneau, encouragée par ma meilleure amie et ses moqueries perfides, nous descendîmes de la voiture. Keira récupéra elle-même sa valise, prétextant qu'elle était une femme indépendante et se dirigea de son pas énergique vers la porte. Elle sonna, et, le temps que je la rejoigne, ma mère avait déjà ouvert.
« Sam ! s'exclama ma meilleure amie. Merci beaucoup de m'accueillir chez vous aussi longtemps.
- Pas de soucis, chérie, répondit ma génitrice. Tu sais bien que tu es toujours la bienvenue ! Mais entre, je t'en prie. On a du monde au salon, on montera ta valise chez Carly plus tard. »
Keira ne se fit pas plus prier et passa la porte. Quand je la suivis, ma mère m'arrêta en attrapant doucement mon bras.
« Ça allait sur la route ? me demanda-t-elle.
- Ouais, lui répondis-je en me dégageant de son étreinte. Viktor est à la maison ?
- Oui. On a invité les Potter pour le dîner.
- Okay. Besoin d'aide ?
- Non. Eva a ramené le repas.
- Okay. »
Je voulus aller saluer nos invités mais ma mère me retint encore une fois. Pampy choisit cet instant pour surgir de la cuisine et me sauter dans les bras. Tout en le serrant contre moi, je me retournais pour faire face à ma génitrice.
« Carly, je suis vraiment désolée, marmonna-t-elle en faisant référence à notre dispute.
- Moi aussi, je suis désolée, maman, répliquai-je, froidement. Vraiment désolée qu'on en soit arrivée là. »
J'estimais que je pouvais la planter là. Après tout, il lui restait toujours Viktor pour la consoler.
OooO
Sans surprise, Seth et Keira s'étaient tout de suite merveilleusement bien entendus. Un truc de béliers, m'avait expliqué Seth quand j'avais protesté parce qu'ils se liguaient contre moi. Ça avait beaucoup amusé le père de mon voisin, qui, heureusement, avait fait la conversation à Viktor toute la soirée, empêchant le petit ami de ma mère de m'adresser la parole.
A part ces petits détails, tout se passait drôlement bien. La soirée suivait son cours sans anicroches et je pouvais profiter de ma meilleure amie sans avoir à la regarder à travers un écran. Et ça, ça n'avait pas de prix.
« Tu sais, Carly, quand tu me regardes comme ça, j'ai l'impression de voir ma mère quand je ramène une excellente note en science... »
Keira était nulle en science. Sa mère devait probablement pleurer dès que sa fille dépassait la moyenne. Etais-je en train de pleurer ? Non. Mais j'avais les yeux brillants de bonheur.
Eurk. J'étais tellement niaise que ça me donnait envie de rendre les délicieux cannellonis d'Eva.
« Laisse, elle est mignonne avec cet air candide, se moqua Seth. »
Heureusement que je n'étais pas en train de boire. Keira me lança un regard appuyé et je me mis à rougir bêtement. Toutefois, c'était léger. Après tout, avec ce temps, on avait fait fonctionner le chauffage à plein gaz.
« Ouais, enfin jusqu'à ce qu'elle te morde. »
Merci Keira pour cette porte de sortie inespérée.
« Je ne mords pas, grognai-je. Je menace.
- Et après tu mords... insista ma meilleure amie. »
Seth se pencha vers elle et me lança un regard en coin. Puis, d'un geste qui m'était assez familier, il dissimula sa bouche derrière sa main, ce qui attira l'attention de Keira.
« Dis-moi, tu es au courant de ses plus terribles secrets ? lui demanda sournoisement mon voisin.
- Des plus inavouables aux plus croustillants, lui confia-t-elle en retour.
- Dis-moi tout. »
J'allais m'indigner mais Keira répliqua plus rapidement.
« Et à combien estimes-tu Carly et ses secrets ?
- Eh mais ! protestai-je, complètement outrée.
- Je ne sais pas... une boîte de cookie ? répondit mon voisin, l'air d'y avoir sérieusement réfléchi.
- Mais je vaux carrément plus cher que ça ! m'exclamai-je, sur le postérieur.
- Tu as raison, me concéda Seth, ce qui me fit rougir. Je monte les enchères...
- De combien ? s'enquit Keira.
- Une boîte de cookie et un café frappé offert par la maison quand tu viendras au café. »
Keira tapa dans la main de Seth.
« C'est un deal !
- Non c'est pas un deal ! rétorquais-je en ramassant l'assiette de ma meilleure amie pour la faire passer à Eva, qui nous regardait marchander, attendrie.
- Mais si, elle a tapé dans ma main ! se défendit Seth. Je veux tout savoir.
- Tout ? le tenta Keira, de son petit air innocent.
- Tout. »
Ces deux-là réunis allaient signer ma perte.
Adieu, monde cruel...
OooO
Keira passa un bras derrière son oreiller et s'appuya dessus pour se tourner vers moi.
« Carly...
- Hm ?
- Tu dors ? »
Je mis un temps à bouger, puis, usant du peu d'énergie qu'il me restait, je me tournais vers elle.
« Non. »
Keira hocha pensivement la tête.
« Dis-moi, ce Seth... il me plaît bien. »
Sur le coup, je ne pus m'empêcher de tilter. Qu'est-ce qu'elle sous-entendait par-là ?
« Je veux dire, avant lui, tu avais un crush sur un mec cool, mais là, il est hyper méga cool. »
Mon cœur, qui s'était emballé pour je ne savais quelle raison, se calma. J'en rougissais presque de honte.
« Je n'ai pas de crush sur Seth, marmonnai-je. Il est trop compliqué. Et puis, il a une histoire avec une fille de ma classe, je crois.
- Elena ? s'enquit Keira.
- Ouais. »
Keira se rallongea, et quand sa tête fut bien callée sur son oreiller, elle regarda le plafond avec peu de conviction.
« Tu vois comment je regarde ce magnifique mur blanc fraîchement repeint ? me demanda-t-elle.
- J'essaye d'imaginer que c'est avec passion ? proposai-je.
- Non. C'est sans conviction.
- Hein ?
- Avec autant de conviction que quand tu dis que tu n'as pas de crush sur Seth.
- Arrête de raconter n'importe quoi. »
Keira haussa les épaules mais ne put s'empêcher de rire. A mes oreilles, il sonnait comme les grelots sur le traîneau du père noël. C'était peut-être le plus beau son après le bruit des vagues sur les plages de galets.
« En tout cas, moi je crois que Seth en pince pour toi, annonça-t-elle sans la moindre hésitation. »
Hey !
Comme je dois aller en cours, je ferais la note d'auteure plus tard dans la journée hihi !
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