Chapitre 27



Une éternité. Peut-être plus.

Au moins dix minutes. Dix minutes sous la pluie, c'était long. Dix minutes pour qu'il ouvre la porte, qu'il me jauge sans vraiment me regarder, qu'il marmonne quelque chose quand au règlement et la porte s'était claquée.

Dix minutes pendant lesquelles je faisais la statue, frigorifiée. Attendant qu'un visage amical apparaisse derrière la porte.

Dix minutes et quelques secondes suffirent à alourdir encore plus le poids qui s'installait confortablement sur mes épaules.

Quelle mouche avait piqué Finnigan ? Pourquoi avait-il été aussi sec, aussi froid et distant ? Aujourd'hui encore il avait l'air chaleureux en classe. Que s'était-il passé, d'un coup ?

Ça n'avait rien à voir avec moi. Ça ne pouvait pas encore avoir quelque chose avec moi. Je pensais que j'étais la cause de sa colère seulement parce que j'avais le moral dans les baskets. Mais, si ça se trouvait, il passait une mauvaise soirée. Il s'était peut-être disputé avec sa meilleure amie et ne lui parlait plus. Il venait peut-être de se faire menacer par un poulet ambulant et ça l'avait atteint plus que ça ne l'aurait dû.

Un bordel dans le genre.

Ce n'était pas moi.

Cette fois, ce n'était à cause de moi.

La terre entière ne pouvait pas me détester.

Je me détestais déjà assez pour eux.

OoOoO

Mon réveil ne sonna pas. Probablement parce que je l'avais éteint. Au fond, ce n'était pas bien grave. Ce n'était pas non plus comme si j'avais pu fermer l'œil de la nuit.

L'idée obsédante que Seth se soit jeté dans les bras d'Elena après que nous nous soyons disputés ne cessait de me hanter. Il savait bien qu'elle m'agaçait, qu'elle m'horripilait plus que tout. Est-ce que c'était ça, ma punition ? Est-ce qu'il cherchait à se venger parce que j'étais amie avec son pire ennemi ? Qu'est-ce qu'on foutait ?

On dirait des collégiens.

Après Seth, mon second problème tournait autour d'Elena. Je ne savais pas si cette fille était sérieuse, mais je l'imaginai bien terminer le travail qu'elle avait probablement déjà commencé avec Nora. Après tout, elle se cachait derrière la dispute avec Seth (oh tiens, coïncidence ? Je ne pense pas...), mais elle était bien capable d'être la source d'éventuels problèmes avec ma nouvelle amie aussi. Nora avait l'air suffisamment entichée de Leith pour m'en vouloir si elle apprenait que nous avions envisagé une relation dans son dos.

Et dans tout ce bordel, ma conscience égoïste me disait : « ils ne te doivent rien, tu ne leurs dois rien. », l'ange sur mon épaule me soufflait : « va répandre la paix et l'amour. » et Pamplemousse miaulait.

L'écran de mon téléphone s'éclaira. La photo de Keira s'afficha en grand et le vibreur s'affola.

Peu encline à répondre, je me décidai tout de même à décrocher au bout de la troisième vibration.

« Allô ? s'exclama Keira à l'autre bout.

- T'as l'air surprise ? répliquai-je un peu sèchement.

- C'est juste que je ne m'attendais pas à ce que tu répondes. »

Keira n'avait pas l'air alarmée par mon ton un peu sec et je fus soulagée qu'elle n'ait pas relevé. Me redressant dans mon lit, je m'appuyais contre le mur. De l'autre côté de la rue, Seth ouvrait ses volets.

« Je te dérange ? voulut s'assurer ma meilleure amie. Tu n'as pas cours ?

- Non, c'est bon, répondis-je. »

Seth resta un instant à sa fenêtre. Pouvait-il voir que je l'observai derrière mes rideaux ?

« Si, mais je ne vais pas y aller je crois, enchaînai-je.

- Tu es malade ? »

Non.

« Un peu, mentis-je.

- Ah mince ! Est-ce ça ira ?

- Je pense. »

Pampy sauta sur mes genoux et se blottit contre mon ventre. L'effet bouillote me donna un peu de réconfort et, pour le remercier de cette attention matinale, je passais ma main libre dans sa crinière rousse.

« Et toi, ça va ? demandai-je doucement.

- J'ai une super bonne nouvelle ! me répondit-elle.

- Dis-moi ?

- Mes parents m'offrent un voyage pour Noël !

- C'est super ! Tu vas où ?

- T'es sérieuse ? »

Je fronçais les sourcils.

« Je viens te voir pour Noël, patate ! s'exclama Keira. Enfin, techniquement, je devrais arriver le vingt-sept et je reste jusque nouvel an et du coup on a tout vu a...

- Mais c'est super ! m'exclamai-je. »

Bizarrement, ça me faisait chaud au cœur sans que je puisse vraiment me réjouir.

« Oui ! renchérit ma meilleure amie. Mais on en reparle très vite ! Tu dois être fatiguée, je vais te laisser te reposer ! »

Elle ne me laissa pas vraiment le temps de protester, se dépêcha de me dire qu'elle m'aimait et raccrocha.

« Bon, marmonnai-je. Tu as entendu, Pampy ? Keira va venir bientôt. »

Mon chat miaula, s'étira puis se blottit à nouveau contre moi.

« Oui, moi aussi, je suis contente, conclus-je. »

OoOoO

Holly avait appelé trois fois. Nora avait envahi mes messageries. Alex s'était essayé deux fois à un appel, James, une seule et unique. Si j'avais fait le compte, c'était parce que j'errais sans véritable but dans ma maison depuis ce matin, cherchant une occupation qui m'empêcherait de voir la vie en noire.

J'entendais déjà Josiane me dire que si j'étais aussi triste, je pourrais pardonner Seth. Mais je n'avais pas l'intention d'écouter mon cerveau, puisqu'Orgueil et Fierté étaient largement plus convaincants. Quand au comportement de Finnigan, il n'en restait pas moins que j'étais vexée. J'avais besoin de parler. Besoin d'exprimer quelque chose à quelqu'un et j'espérais que mon professeur serait une oreille sage et sensée. A la place, j'aurais très bien pu converser avec sa porte. En dix minutes, nous aurions largement eu le temps de faire connaissance...

Vers quinze heures, j'en étais à mon troisième pot de Ben & Jerry's. Depuis une heure, je m'époumonais sur certains des plus grands classiques de la comédie musicale, courant après Pampy pour qu'il m'aide à rejouer certaines scènes.

Comme mon chat était ingrat, je fus fort désemparée de devoir danser avec le porte manteau puis la télécommande.

Sur les dernières notes de Rain On My Parade, la sonnette de la porte d'entrée me coupa dans mon élan. Sur le coup, je m'étais effrayée. Un rapide coup d'œil par la fenêtre du salon où j'exprimais mon désir d'indépendance m'informa qu'un irréductible Alex tentait vainement de rentrer en contact avec moi.

Par je ne sais qu'elle preuve de faiblesse, je me décidai lui ouvrir la porte.

« T'as pas l'air malade, me fit-il remarquer alors que je me dévoilais à lui dans ma tenue la plus distinguée. »

Mais non, pas nue... Mais franchement, Josiane, ça te suffit pas les blagues nulles ? Faut qu'en plus tu te coules toute seule humoristiquement parlant ?

« Je suis très malade, le coupai-je.

- Ah ouais ? s'exclama-t-il en entrant dans ma maison. »

Je refermai la porte derrière lui.

L'ennemi a pénétré la maison, je répète, l'ennemi a pénétré la maison. Pampy à vous.

« Ouais, regarde... je tousse. »

Ma toux était tellement incroyable que ma crédibilité s'effondra en même temps que mon amour propre.

« C'est quoi cette musique ? ajouta-t-il en entrant dans mon salon. Tu donnes un concert à la rue ?

- On m'entends dans la rue ? m'enquis-je. »

Alexander ne me répondit pas. Je le suivais, méfiante. On aurait dit une enfant, mais à ce stade-là de mon moral, je m'en moquais pas mal.

« Tu n'as pas bu au moins ? s'inquiéta Alex.

- Mais non, gros bêta ! m'indignai-je. »

Alex se pencha vers moi et renifla vaguement l'air tout autour. Comme il ne repéra aucune vapeur d'alcool (ce qui, ma foi, ne m'étonnais pas plus que ça...), il posa ses mains sur mes épaules et me secoua.

« Mais, alors ? s'exclama-t-il. Qu'est-ce que tu fous ?

- Je m'exprime, Alex ! Je m'exprime ! »

Je me précipitai sur mon ordinateur et lançai le prochain morceau. Attrapant ma télécommande, je la tendais à mon ami qui sursauta, recula d'un pas puis me regarda sans comprendre.

« Chante ! lui ordonnai-je. Et chante mieux qu'Ewan McGregor ! »

Alex secoua la tête. Your Song du film Moulin Rouge était le plus beau morceau pas beau du monde. Clairement, en termes de reprise, il y avait mieux. Elton John était déjà un dieu vivant, Ewan Gregor était la définition de la perfection. Manque de bol, à deux, c'était un massacre. Fort heureusement, les violons ça faisait tout.

« Je ne vais pas chanter, Carly...

- Pff, tu es nul ! Je le fais à ta place alors. »

Je me tournai vers un public inconnu et, d'un large geste, ramenai la télécommande à moi.

« So excuse me forgetting, but this things I do... You see I forgotten... GREEN OR THEIR BLUE... SWEETEST EYES I'VE EVER SEEN!

- Mon dieu, s'exclama mon ami, désemparé. Elle nous fait une Bridget Jones. »

Alex se jeta avant moi sur mon ordinateur et coupa net Ewan McGregor dans son envolée lyrique. Dégoûtée qu'il ait pu couper la musique avant mon moment préférer, je me laissai tomber sur mon canapé.

« Même pas, d'abord, grognai-je. Dans Bridget Jones, elle chante en playback. Moi, je chante vraiment.

- Au plus grand malheur de mes oreilles. »

Si j'avais eu cinq ans, j'aurais probablement envoyé un coussin à la figure du garçon. Mais comme j'avais décidé que j'en avais quatre, je croisais les bras sur ma poitrine et faisais mine de bouder.

« T'es pas possible, Carly... grogna Alex avant de s'asseoir à côté de moi. Qu'est-ce que tu foutais aujourd'hui ?

- Ça se voit pas ? répondis-je sur le même ton. Je menais la meilleure des vies loin de tous mes soucis ! »

Alex secoua la tête, interloquée.

« Carly...

- Je déprime ! craquai-je. Je déprime, okay ?

- Bah voilà, c'était pas compliqué de le dire ? Il fallait vraiment que tu commences par massacrer Elton John pour t'en rendre compte ?

- Je le savais avant de gérer mon solo, okay ? »

Un sourire se logea sur les lèvres d'Alex.

« On s'inquiétait, soupira-t-il en me tapotant l'épaule. Tu répondais à personne.

- J'avais envie de parler à personne.

- A cause de Seth ? »

Mon silence me vendit avant que je ne puisse inventer une excuse.

« Tu sais, tu peux aller lui parler... me proposa Alex. Seth est encore plus mal que toi.

- Je m'en fous.

- Tu t'en fous ?

- Ouais. Je m'en fous mais alors complet.

- Du coup, tu déprimes toute seule parce que tu as appris que chaque miroir était le miroir du Risèd pour Georges ? »

Je m'attrapai les cheveux.

« Mais pourquoi tu dis ça ! m'exclamai-je, effondrée. Geooooorges...

- Arrête un peu ton cinéma, Carly. »

Je fis la moue. S'il voulait que je me comporte correctement, il n'avait qu'à pas me balancer ce genre d'horreur dans la figure alors que j'étais déjà au plus mal.

« Sincèrement pour S...

- Je sais ce que tu vas dire ! le coupai-je en pointant un geste accusateur vers lui. Seth s'en veut, ce n'était pas malin ce qu'il a fait, j'ai mes raisons d'être en colère, mais en même temps je devrais le pardonner. On n'est pas dans un film, Alexander !

- Mais, il faut comprendre que...

- Que quoi ? l'interrompis-je. Que, parce qu'il y a eu cette histoire dont tout le monde me parle, mais tout le monde dit : oula, Carly, tu sauras quand les intéressés auront décidé de t'en parler, je dois le pardonner ? Y a amendement, c'est ça ?

- Je comprends que tu sois en colère, Carly, mais c'est plus compliqué.

- Eh bien simplifions tout ça ! m'égosillai-je. Explique-moi pourquoi cette tarée d'Elena me menace si j'essaye de me réconcilier avec Seth, dis-moi pourquoi cet enfoiré est allé la voir elle pour se consoler au lieu de venir régler ses comptes directement avec moi !

- Attends, quoi ?

- Quoi, quoi ? »

Alex fronçait les sourcils. Il avait l'air sceptique. On aurait dit qu'il n'avait pas saisi tout ce que je lui avais dit, ce qui ma foi, était bizarre puisque je m'étais exprimée très clairement malgré le torrent de larme qui menaçait de couler si je baissais ma garde.

« Elena t'a menacée ? répéta-t-il bêtement.

- Bah oui, gros bêta, le repris-je sévèrement. Elle m'avait déjà dans le collimateur avant parce que je devais jouer la scène avec Seth. Et puis, elle est complètement convaincue que je me suis arrangée pour que Seth m'embrasse... oh putain ! On en parle de ce bai...

- On s'en fout ! me coupa Alexander. Qu'est-ce qu'elle a dit ?

- Elle a dit que si j'essayai de redevenir amie avec Seth, maintenant qu'il était à elle de nouveau, elle dirait à Nora qu'il s'était passé quelque chose entre Leith et moi.

- Ce qui est... ?

- Complètement faux, répliquai-je. Je te l'ai raconté, non ? »

Alex hocha la tête.

« Tu sais, Carly, tu devrais déjà essayer de parler avec Nora, me proposa Alex. Ce serait mieux qu'elle l'apprenne de toi et pas d'Elena.

- Cette garce... me permis-je d'ajouter. »

Puis le garçon se pencha vers moi et me jeta un regard très sérieux.

« Et ce serait bien que tu réfléchisses à ce qui se passe entre toi et Seth...

- Humpf, grognai-je. Et si j'ai pas envie ?

- T'en as vraiment pas envie ? Il te manque pas, Seth ? »

Si, il me manquait. Mais le tracas qu'il me causait était encore supérieur à tout le reste.

« Je verrais, finis-je par lâcher. Je verrais. »


Hey !


A part ça, la relecture avance vraiment bien. A partir de maintenant, vous n'aurez plus beaucoup de vieux chapitres remis à la sauce du jour parce qu'en relisant l'ancienne version, je me suis rendue compte que j'avais fait n'importe quoi ! Mais je suis plutôt contente de la réécriture ! Je vous réserve pleins de belles surprises et une histoire qui va tenir - ne serait-ce qu'un peu - la route ! Du coup, j'ai hâte de vous partager la suite !

N'hésitez pas à commenter, laisser une trace de votre en votant et à partager (ou à parler de) cette histoire autour de vous !

Et à très vite,

E.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top